Chapitre 4.
Cet homme la terrifie toujours. Qui est-il ? Elle en est certaine, il n'est pas le tueur qu'elle a vu sauter du toit. Elle tire les rideaux, trop peureuse d'ouvrir les fenêtres pour fermer les volets. Il faut qu'elle dorme. Son cerveau est fatigué d'être resté sur ses gardes toute la journée. Elle part se coucher toute habillée, une bouteille de Jack Daniels posée sur la table de nuit. Le réveil est mis pour 6h le lendemain. Il faut qu'elle dorme, tant pis s'il n'est que 17h.
SoJung remonte la couette jusqu'à ses yeux. C'est une habitude qu'elle a gardé depuis qu'elle a six ans. Elle veut voir le danger venir en espérant que la couette empêchera quiconque de lui nuire. Elle soupire. Quelque chose en elle la convainc que si cet homme en noir lui voulait du mal, il ne l'aurait pas laissé partir. Elle ne serait sûrement plus en vie dans ce cas. Elle soupire à nouveau. La jeune fille n'arrivera pas à dormir. Elle se tourne, saisit sa bouteille et boit trois gorgées au goulot. Tant pis si ça brûle. SoJung boira jusqu'à ce que le sommeil l'emporte. Demain sera un nouveau jour. Demain sera une nouvelle aventure.
Le Bell's en pleine nuit est un endroit miteux, rempli de mecs convaincus d'avoir la vie la plus merdique de cette ville. Situé à la sortie de la ville, au fond du Quartier Pourri, comme ils l'appellent ici, la petite enseigne se trouve dans une ruelle noire qui pourtant propre, dégage une forte odeur de poubelle. C'est ici, dans ce bar style Irish pub, que l'homme à la toile d'araignée entre. Toujours encapuchonné, il demande un whisky bien sec et part s'installer au fond de la salle. Il pose un billet pour le barman, et une poignée d'autres au bout de la table. Il attend sagement, respirant lentement par les narines, expirant par la bouche, profondément. Il faut qu'il se calme.
Il promène ses yeux sur la salle, pour passer le temps. Il espère voir quelqu'un en particulier, mais il n'est pas encore là. Alors il regarde encore. Il laisse ses yeux traîner sur la bimbo au bar, avec son dos nu et ses manières qui n'ont rien à faire là. Elle se laisse payer un verre de vodka, lui semble-t-il, et elle murmure des mots doux à l'oreille du barbu. Une table plus loin, près de l'endroit où sont collés au mur toutes les affiches de danse irlandaise, de boissons d'époques, de marques disparues de la circulation, il y a deux vieux hommes qui rient aux éclats, un rire gras, sali par les années à fumer des gauloises sans relâche.
Il va perdre son regard sur la tapisserie jaunie à l'entrée du bar quand le verre de whisky se pose à la place du billet. Il le prend sans un regard pour le barman et l'avale d'une traite. Il a encore cette fille en mémoire. Ca l'énerve. Il repense encore à sa chevelure décolorée, ses mèches roses, et son odeur de cerise. Il se demande encore s'il a bien fait de ne pas la tuer. Elle l'a vue. Il ne doit pas laisser de témoin, ce sont les ordres. Mais il a vu quelque chose dans ses yeux noirs qui l'a déstabilisé. Comme un éclat de vie soudain, comme si elle attendait ça depuis longtemps. Il est certain qu'elle ne parlera jamais de lui. Elle n'a pas vu son visage de toute façon. Elle ne pourra parler de lui à personne. L'homme à la toile a témoigné une certaine confiance à cette inconnue. Si elle le trahit, il le saura et la tuera. Il l'a tout de suite su. Cette femme est spéciale.
Un homme habillé d'un survêtement sale et troué passe enfin devant la table du jeune homme. Il prend le tas de billets et pose à la place un gros sac d'herbe. Il était temps. Il va pouvoir sortir devant le bar et fumer pour se calmer. Ce qu'il fit, d'ailleurs. Il ajuste sa capuche et longe les gens pour sortir. Il roule son joint lentement, minutieusement pour ne rien perdre. Il l'allume une fois la préparation finie et tire lentement. Il sent les volutes de fumée s'insinuer dans son corps, brûlant sa gorge, ses poumons, lui embrumant le cerveau. Il est de nouveau calme. Il n'a plus envie d'égorger le premier venu. Il ne reste rien dans sa tête, pas même les cheveux blonds et rose de la jeune fille.
SoJung a fait beaucoup de cauchemars pendant la nuit. Elle a vu sans cesse cette toile d'araignée mortelle, tantôt prise dans ses filets, tantôt complice de la boucherie que s'apprêtait à accomplir sa propriétaire. Elle a vu tant de sang sur ses mains qu'à son réveil, en sursaut, son premier réflexe a été de regarder ses mains. Elles sont pâles, sèches, et elles tremblent. Mais pas une seule tâche de sang ne vient déranger leur beauté. Elle repense à la pluie de sang, celle qui lui est tombé sur le visage. La jeune fille est fatiguée, mais elle n'a pas raté son réveil. Elle fait une rapide toilette dans sa salle de bain mal rangée, attache ses cheveux et se maquille légèrement. Inutile que son nouveau patron se pose déjà des questions sur ce qu'elle fait de ses soirées. Elle enfile un jean qui traînait là, sans doute à mettre à laver, un t-shirt propre, blanc, simple, une paire de boots un peu usées par le temps, et sors de chez elle, les mains dans les poches de sa veste. Elle a entendu dire que mettre ses mains dans ses poches est peu féminin, mais SoJung s'en fiche. Elle n'a aucune pensée féminine. Elle est juste un être bizarre, avec des intérêts un peu bizarres, dans un corps de poupée.
Elle marche vite vers le bar, pressée de retourner dans un endroit chaud. On est à cette période de l'année où les vestes pour l'automne ne suffisent plus, et où les manteaux d'hiver sont encore trop chauds. Elle ne sait pas quoi choisir. Elle se dit alors qu'elle aimerait bien fumer une cigarette, mais elle a laissé son paquet chez elle, trop pressée de partir pour arriver en avance. De toute façon, le bar se profile dans la petite ruelle. L'enseigne à moitié éteinte clignote et devant la porte dont la vitrine est bien sale, HyeBum l'attend, clope en bouche.
- Pile à l'heure, lance-t-il d'une voix mal éveillée.
- Bonjour Oppa, lui répond-t-elle timidement. Son assurance de la veille s'est envolée. Ou peut-être qu'elle a voulu faire la grasse mâtiné. Cette pensée idiote fait sourire la jeune fille de plus belle.
Il ouvre la porte du bar et la laisse rentrer. Elle a encore plus envie d'une cigarette, mais elle se voit obligée de se retenir. SoJung a cette hantise de faire mauvais genre dès le premier jour.
- Viens poser ta veste ici, lance le patron depuis une pièce derrière le bar.
Elle s'avance, regarde le vieux bois du bar qui manque de vernis, et franchit la porte qui la sépare de son patron. C'est une petite pièce mal éclairée. Ca sent le bois sec et les bouteilles d'alcool qui prennent de l'âge. Elle a du mal à comprendre pourquoi ce bar ne tourne pas bien en ce moment. Ces bouteilles doivent valoir une fortune. Peut-être qu'il perdrait encore plus en popularité s'il augmentait les prix. Elle n'y connaît rien en gestion, elle ne peut pas savoir. Tout ce dont elle est certaine, c'est qu'elle se sent déjà bien ici. HyeBum lui indique le porte-manteau derrière la porte.
- Je te conseille de mettre le tablier au début, lui dit-il d'un ton paternel. Ce serait vraiment dommage que tu salisses tes vêtements et que tu sois quand même obligée de travailler avec.
Elle est reconnaissante de cette attention, puis note dans un coin de sa tête qu'il serait bien qu'elle prévoit un haut de rechange.
- En fait, se rappelle-t-elle, j'ai déjà travaillé dans un bar avant. Mais c'était dans un bar encore plus reculé qu'ici, moins connu. Il avait fermé trois semaines après mon arrivée, le patron avait déjà trop de dettes...
Il parut soulagé.
- Au moins tu t'adapteras vite ! En route !
Et la longue journée de SoJung commence. Il parle vite, fait de grands gestes, et sourit beaucoup. C'est à croire qu'il n'a pas eu d'employé et d'espoir de remonter financièrement depuis longtemps. La jeune fille s'applique à la tâche, prend des notes sur un petit carnet, promet d'apprendre ce qu'elle ne sait pas déjà. Elle veut être l'employée parfaite rapidement.
Le bar ouvre en fin d'après-midi. SoJung a eu droit à une boîte de pâtes toute faite pour midi, généreusement offerte par HyeBum. Elle est rassasiée et encore plus motivée, même si la fatigue se fait un peu ressentir. Elle n'a cessé de tourner à droite à gauche, pour nettoyer les tables, réécrire les menus et les cocktails sur les tableaux. Elle pense que demain, si elle a les mêmes horaires, elle pourra nettoyer les vitres et essayer de rajeunir le bar.
Les habitués arrivent moins de cinq minutes après l'ouverture. Ils commandent tous leur café en lançant des œillades à la nouvelle employée. Elle a l'air tout à fait charmante, mais n'a pas sa place ici, selon eux. Ce bar est trop miteux pour elle. SoJung a l'air trop mignonne et trop fragile pour ce genre d'endroit. Pourtant, même les gros rustres à l'air antipathique se radoucissent et lui parlent poliment. Son sourire les réchauffe, et leurs maux restent sur le pas de la porte. Même HyeBum, qui avait habitué ses clients à sa mauvaise humeur permanente depuis que son bar avait été cambriolé, semble être plus léger, plus enclin à rire.
Même si parfois SoJung fait déborder les tasses, qu'elle se trompe parfois sur l'addition, tout le monde s'en fiche. C'est son premier jour, elle a le droit à l'erreur. De toute façon, cette aura chaleureuse qui règne dans l'enseigne ne donne envie à personne d'être méchant avec elle. Pour l'encourager même, tous les clients qui viennent consommer lui laissent un pourboire. En comptant, SoJung se rend compte que grâce à eux, elle pourra faire les courses demain matin. Elle travaille d'arrache pied pour satisfaire tout le monde, pour s'améliorer. Elle croit même entendre HyeBum, discutant avec un habitué à la table du fond, alors qu'elle sert la table d'à côté, dire tout bas : "C'est la première fois que je vois quelqu'un d'aussi motivé à travailler dans mon boui-boui".
Quand la période creuse arrive, vers 19h, elle se permet de piquer une boîte de nouilles instantanées. Elle n'aura pas le temps d'utiliser la gazinière dans la pièce à l'arrière. Elle n'attend pas que ça refroidisse et engloutit une bouchée gargantuesque quand quelqu'un pousse à nouveau la porte du bar. Elle lève les yeux en souriant, prête à prendre la commande, quand elle croise le regard noir qu'elle ne connaît que trop bien. Les commissures de ses lèvres retombent, et son coeur ne bat plus comme il faut. Elle a peur, tout à coup, parce que cette journée avait réussi à lui faire oublier ce qu'elle avait enduré, toutes ces émotions fortes qu'elle avait vécu, et que tout revient d'un coup à cause de lui. L'inspecteur Shin s'assoit en face d'elle et ne la quitte pas des yeux. Tous les sièges du bar sont vides, il a pris bien soin de se mettre là où elle ne voulait pas le voir.
- Inspecteur, murmure-t-elle, incapable soudainement de parler plus fort.
- Mademoiselle Lee.
Sa voix est froide, si froide que SoJung a l'impression d'être nue dehors. En son for intérieur, elle sait que c'est mauvais. Il la hait tellement qu'il ne viendrait jamais lui annoncer une bonne nouvelle. Elle veut pleurer, transie par la peur. Il faut qu'elle se reprenne, vite, sinon il la pensera encore plus coupable. SoJung ferme les yeux, inspire doucement. Elle pense à Kim Taeyang, l'imagine en face de lui à la place de l'armoire à glace qui lui fait face. Quand elle les rouvre, elle est déterminée. Elle lui montrera qu'elle est innocente.
- Qu'est-ce que je vous sers ? demande-t-elle en souriant.
- Je ne bois pas en service, coupe-t-il.
Il essaye de la faire flancher, de lui faire avouer quelque chose qu'elle n'a pas fait. Seulement, ça ne marche pas.
- Je le sais, répond-elle d'un ton apaisé. Nous servons aussi des boissons soft. Un café donc ?
- Oui. Long, avec deux sucres.
Il a l'air de se radoucir un peu. SoJung esquisse un sourire alors qu'elle lui tourne le dos, s'attelant à le servir au plus vite. Elle n'aime pas faire attendre et le reste de ses nouilles est en train de refroidir.
- Je suppose que vous n'êtes pas venu pour me faire une visite de courtoisie, suppose la jeune fille en posant la soucoupe sur le bar.
L'inspecteur la tire vers lui et manque de renverser son contenu.
- Nous avons identifié le corps.
La jeune fille tente de ne rien laisser paraître, mais ce que vient de lui dire YunCheol la terrifie. Elle a peur de le connaître. Elle a peur d'être une pièce du puzzle malgré elle.
- Kim YoungJae, marié, deux fils. Son bureau de tabac a été cambriolé il y a deux jours. C'est celui qui se trouve en bas de chez vous.
Oui, elle le sait. Elle le sait parce qu'elle avait l'habitude d'aller chez lui pour acheter ses cigarettes. Elle a déjà vu sa femme plusieurs fois, avec ses deux jumeaux. C'était un homme adorable, toujours souriant. Et maintenant, elle se servait dans ses réserves laissées à l'abandon, sans aucun scrupule. Mais mieux vaut qu'elle taise ce détail. Elle en parlera peut-être, mais pas à lui. C'est hors de question.
- Vous le connaissez ?
Elle ne sait pas quoi répondre. HyeBum la regarde du coin de l'oeil mais ne dit rien. Pour l'instant, ce ne sont pas ses affaires. Il lui demandera plus tard de quoi il s'agissait.
- Pas plus que ça, lâche-t-elle en haussant les épaules. Je venais seulement acheter mes cigarettes chez lui, c'est le buraliste le plus près de chez moi.
L'inspecteur tique. Il ne la croit pas une seule seconde, pourtant il ne relève pas ce qu'elle vient de dire.
- Vous savez s'il avait des ennuis ?
- Tout le monde en a, inspecteur Shin. C'est la magie de ce quartier.
- Je ne parle pas de soucis financiers, mademoiselle Lee.
Il la prend pour une idiote. Elle ne supporte pas ça, et en plus elle en a marre de se dégonfler à chaque fois qu'il prononce son nom. Elle veut finir de manger, rassurer on patron et retourner travailler. Elle soupire, se pince l'arête du nez. Elle veut arrêter d'être timide avec tout le monde. Arrêter d'être trop curieuse aussi, parce que visiblement, la scène d'il y a deux jours était celle de trop.
- Mademoiselle Lee, insiste YunCheol, si vous refusez de coopérer je peux toujours vous faire coffrer pour entrave au bon déroulement d'une enquête.
- Merde à la fin ! s'écrit-elle soudainement en abattant son petit poing sur le bar. Tous les visages se tournent vers elle, ébahis. Elle s'en fiche, la colère lui rougit les joues. YunCheol hausse un sourcil. Lui qui pensait que cette fille était juste stupide et influençable...
- C'est mon premier jour de travail, reprend SoJung. Je suis debout depuis six heures du matin et je me crève le cul depuis sept heures. Je commence à être fatiguée et vous venez me casser les pieds avec votre affaire en me regardant comme si j'étais la dégénérée qui a trucidé ce pauvre homme. Alors si vous voulez bien, vous finissez votre café en me parlant de la pluie et du beau temps, comme tout le monde le fait ici, et je passerai au commissariat demain matin pour répondre à vos satanées questions.
Le temps semble s'arrêter l'espace d'une minute. La jeune fille ne bouge pas d'un pouce, fulminante, HyeBum est bouche-bée, et les clients se tordent toujours le cou pour voir ce qui se passe au bar. Puis l'inspecteur Shin soupire longuement, bruyamment. Il repousse la tasse à café vide devant SoJung et croise les mains sur le bar.
- Vous n'allez pas me rendre la tâche facile, chère SoJung.
L'entendre prononcer son prénom de manière aussi appuyée lui hérisse les cheveux qu'elle a dans la nuque. Elle a une envie violente de lui mettre sa main dans la figure.
- Vous non plus. Quand vous comprendrez enfin que vous concentrez vos efforts à accuser la mauvaise personne depuis le début, votre enquête si précieuse avancera à pas de géants.
- Tiens donc.
YunCheol lui parle sur un ton condescendant qui lui rappelle ses parents. Sa mère, surtout, qui n'avait jamais désiré avoir de fille. Elle était tombée enceinte par accident et n'avait jamais pris la peine de faire un suivi de grossesse, espérant que le bébé disparaîtrait tout seul. Elle s'était consolée en croyant dur comme fer qu'elle aurait un garçon. Puis SoJung arriva, et ce fut le drame. Sa mère n'avait jamais aimé les filles. Elle avait une telle obsession pour les garçons qu'elle avait pris l'habitude, officiellement « pour se remonter le moral d'avoir un boulet pareil en guise d'enfant », d'inviter ses collègues masculins pour un goûter, chaque dimanche après-midi. Elle mettait sa plus belle robe, toujours cintrée autour de ses vergetures (encore une chose dont elle accusait SoJung), et ses plus beaux bijoux, tout ça pour servir un gâteau de sa confection avec un sourire faux. Elle se rappelle encore de sa voix criarde : « Les garçons, à table ! ». Et quand elle, petite fille intelligente mais mise à part à chaque fois, venait demander sa part, sa mère la regardait du haut de ses talons aiguilles, et lui disait cette fameuse phrase. « Tiens donc. » Et machinalement, elle servait la dernière part du dessert à son père, la gratifiant du sourire le plus méprisable du monde.
SoJung ferme les yeux pour chasser l'image de sa mère. Elle rouvre les yeux, les plante dans ceux de l'inspecteur.
- La seule chose dont vous pouvez m'accuser, inspecteur, c'est d'être trop curieuse. J'étais au mauvais endroit au mauvais moment, j'ai eu le visage aspergé de sang parce que YoungJae a été décapité puis pendu par les pieds au-dessus de sa propre enseigne. Qui aurait fui en courant sans vouloir savoir ce qui se passe ?
- Quelqu'un se sain d'esprit, je suppose, déclare-t-il, nullement atteint par ce qu'elle vient de lui dire.
C'est là que la vie du bar semble reprendre son cours. Les clients reviennent à leur boisson et HyeBum s'approche de SoJung. Il pose une main réconfortante sur son épaule.
- Retenez bien une chose monsieur l'inspecteur, tranche-t-il avant que la barmaid ait le temps d'en placer une, c'est que personne ne peut être sain d'esprit dans le Quartier Pourri. Maintenant, si vous le voulez bien, mon employée a terminé sa pause.
Sauvée par le gong, pense-t-elle. Sans son intervention, elle aurait vraiment pu dire des mots qui dépassaient sa pensée. YunCheol pose la monnaie pour payer la tasse de café, au centime près, et fait volte-face pour sortir du bar. Au moment où il va franchir la porte, SoJung le hèle.
- Comment vous saviez que j'étais ici ?
Le grand homme esquisse un petit sourire.
- Je ne le savais pas.
Elle semble réfléchir un instant, puis ses sourcils se froncent.
- Vous avez menti. Vous n'étiez pas en service.
Il ne dit rien, puis franchit la porte. SoJung reste fixée sur la silhouette qui s'éloigne et qui disparaît. Elle le déteste plus que tout. Cet homme la met hors d'elle, mais elle sait maintenant qu'elle peut lui tenir tête. Elle en est capable. Cette pensée ne la quitte pas de la soirée alors qu'elle termine son service dans le plus grand des calmes, recevant des paroles encourageantes de tout le monde.
Quand enfin elle peut repartir chez elle, en pleine nuit, elle court sans s'arrêter. Déjà parce qu'elle meurt de froid, parce que les rues du Quartier Pourri ne sont jamais sûres après dix-neuf heures et ensuite parce qu'elle a une idée. Une idée qu'elle ne veut surtout pas oublier. La jeune fille bornée qui a répondu à l'inspecteur Shin est la parfaite héroïne de polar. Elle la voit déjà, avec son carré court, châtain clair, ses petites pommettes roses, son air juvénile et son caractère féroce. Il faut qu'elle fasse cette BD. Elle sait que cette fois sera la bonne.
Elle claque la porte de son appartement, trébuche en enlevant ses chaussures. SoJung a encore sa veste sur le dos mais elle s'en fout. Elle allume enfin cette cigarette tant attendue et méritée en s'asseyant par terre, face à sa table basse. Ses planches vierges sont là où elle les a laissé. Elle prend son crayon fétiche, et dessine son avenir, sa chance.
Son histoire.
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Hello !
Voici enfin le chapitre 4 ! Je suis tellement contente de l'avoir fini, et il est encore mieux que je le pensais :3
J'espère que vous l'apprécierez autant que moi, bonne lecture :)
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