Chapitre 3

SoJung a passé trois jours enfermée chez elle. Elle n'en est pas sortie une seule fois. Elle a mis son idée de trouver du travail de côté et elle est restée terrée chez elle sans oser sortir. Elle s'est contentée de manger son paquet de céréales et les deux boîtes de nouilles instantanées qui lui restaient. Mais maintenant, son frigo est vide et les placards seront bientôt dans le même état. Il faut qu'elle aille faire des courses. Avec quel argent, elle n'en sait rien. Le loyer tombe bientôt et elle va avoir du mal à payer soit l'un, soit l'autre. Elle enfile quand même sa veste en vieux cuir et ses Converses avant de sortir.

Elle dévale les escaliers. Dans le fond, SoJung est contente. Elle a besoin de se dégourdir les jambes et faire les courses est parfait pour ça. Mais elle sait qu'elle n'a pas d'argent alors elle va surtout flâner dans les rues imprégnées de l'odeur d'urine. Même si tout veut qu'on déteste ce quartier, SoJung s'y sent bien. Il est plein de gens bizarres et elle se fond parfaitement dans la masse. Personne ne sait qu'elle existe et c'est très bien comme ça. Elle allume une cigarette et penche la tête pour regarder les nuages passer. Un frisson la parcourt de haut en bas et elle reprend bien vite sa route sans relever la tête. Elle a eu peur. Que la pluie se mette à tomber sans que ça soit vraiment ça. Elle marche sans faire attention où elle va. Elle se contente de fumer, les mains dans ses poches, et d'avancer. Une voiture pile devant elle quand elle traverse la route alors que le feu est rouge.

Sans qu'elle sache vraiment comment c'est arrivé, SoJung termine sa route dans un cul de sac. Alors elle fait demi-tour. Elle ne peut pas passer par là. Elle n'a plus envie d'aller faire le tour des bars. Elle n'a pas envie d'aller postuler maintenant. Alors elle marche dans le sens inverse. Elle longe la grande rue, cigarette en bouche, main dans les proches de son jean troué. Son boyfriend lui va à merveille. Elle a dû faire une reprise en bas pour qu'il lui aille bien. Ce jean n'est pas à elle à la base. Mais la personne chez qui elle l'a volé fait à peu près la même taille qu'elle.

Elle sourit doucement. Aujourd'hui, le temps est doux. Le vent est si faible que la fumée de cigarette ne vient pas lui piquer les yeux. Elle s'apprête à traverser une petite rue en sens inverse, pour revenir vers le bureau de tabac abandonné quand une petite affichette collée à l'intérieur d'une vitrine attire son attention.

« Recherche barman/barmaid débutant ou avec expérience. Urgent. »

Elle ne réfléchit pas plus. Le mégot de cigarette qui s'éteint entre ses lèvres tombe sous la semelle de sa basket et elle rentre sans plus attendre. À l'intérieur, les gens terminent leur nuit. Ils ont l'air léthargiques, à peine réveillés. Un vieil homme au nez rouge lève les yeux vers elle. Il la regarde de haut en bas, sans expression. De tous les hommes dans ce bar, il a l'air d'être le plus fatigué. Physiquement et moralement, à en juger par la bouteille de vin rouge qu'il a presque entièrement bu.

L'homme derrière le bar a à peine l'air surpris de la voir ici. SoJung hésite un peu avant de venir s'asseoir sur une chaise haute en face du comptoir. Ses yeux fixent l'homme, qu'elle présume être le patron. Il a les cheveux qui blanchissent à vue d'oeil. Des ridules se creusent au coin de ses yeux. Il a le front creusé, les joues tombantes. Un double menton pousse doucement sous sa mâchoire. Il a l'air fatigué d'être seul. Et SoJung comprend pourquoi l'annonce précise l'urgence. Le patron ne demande qu'à pouvoir se reposer un peu.

- J'vous sers quoi ma p'tite dame ?

- J'en sais rien. J'ai pas spécialement soif en fait...

L'homme derrière le comptoir hausse un sourcil.

- Pourquoi vous êtes là alors ?

- Parce que j'ai besoin d'un travail et que vous avez besoin de quelqu'un sur qui vous reposer.

L'assurance dont fait preuve la jeune fille la surprend elle-même. D'habitude, elle est timide. Elle n'ose jamais parler à qui que ce soit. Mais cet endroit, même sombre car peu exposé à la lumière, est chaleureux. La musique jazzy en fond est à bas volume. Les hommes se parlent calmement. Ils sont peut-être saouls et épuisés mais elle sent qu'aucun d'entre eux ne pourrait dire un mot déplacé. Cet endroit la met en confiance.

- Vous avez pas une tête à être barmaid.

- J'ai pas non plus une tête à savoir faire des cocktails. Mais j'ai besoin de travailler. Et... j'ai besoin d'avoir une raison de sortir de chez moi... alors... j'me disais que vous pourriez me prendre...

- Vous savez, j'vais pas pouvoir vous payer aussi bien que vous l'imaginez. Ça tourne pas très bien ici en ce moment.

- J'ai jamais dit que je cherchais la fortune. J'veux juste pouvoir continuer à payer mon loyer, mes factures, et pouvoir manger à ma faim. J'demande pas à gagner une fortune. Juste à pouvoir vivre.

L'homme soupire. De soulagement ou de fatigue, elle ne sait pas. Mais elle est certaine que le patron va l'engager. Il a besoin d'elle et elle a besoin de lui. Il n'aura peut-être pas d'autre chance de trouver quelqu'un aussi motivé que SoJung.

- Si demain à 7h pétante t'es pas là, c'est mort. Je t'apprendrais les bases des cocktails, les différentes bières. Pour les tarifs, ça viendra. T'auras qu'à regarder la carte. Tu travailleras pas le matin. Uniquement le soir. Tu feras le service de 20h à 2h, du lundi au samedi.

- Merci Monsieur... c'est vraiment gentil...

- Song HyeBum.

- Merci HyeBum-shi...

- Oh j't'en prie jeune fille, oublie la politesse, t'es dans un bar miteux, pas dans une salle des fêtes.

- Merci Oppa.

HyeBum a un rire qui part en toux grasse. SoJung pense qu'il devrait arrêter la cigarette. Mais elle sourit. Au moins sa journée est loin d'être perdue.

- Tu bois rien du coup ?

- Non merci. J'étais venue à cause de l'annonce. Mais si je réussis mon premier jour demain, j'arroserai ça, promis.

Elle sourit, HyeBum sourit aussi. Elle sent qu'elle vient de tomber sur le meilleur patron de la planète et HyeBum sent qu'il va bien aimer sa nouvelle employée.

- Oh euh... avant de partir... je m'appelle Lee SoJung. Même si « jeune fille » me convient aussi.

- Allez jeune fille, envole-toi. T'as sûrement pas que ça à foutre de ta journée.

Si, en fait. Mais SoJung ne le dit pas. Elle sourit, le salue de la main comme une enfant, et quitte le bar en trottinant. Elle sourit sans savoir pourquoi. Elle allume une nouvelle cigarette et remet ses mains dans ses poches. Elle va retourner chez elle. Ou regarder les vitrines. Pour une fois, elle sait qu'elle va pouvoir avoir envie de s'acheter quelque chose. En faisant des économies, elle pourra s'acheter une paire de chaussures à talons. Ou un nouveau blouson. Elle ne sait pas encore.

Ses pas la mènent machinalement au bureau de tabac où elle était la dernière fois. Elle n'a pas osé y retourner depuis la fois où elle a découvert ce corps. Mais SoJung a besoin de cigarettes, alors elle retourne dans la rue, pas loin de chez elle. Le bureau de tabac est toujours autant saccagé, mais à en juger par le stock de tabac qui n'a pas diminué, elle est la seule qui ose encore s'aventurer ici. Elle n'a pas peur de faire une mauvaise rencontre. Plus maintenant, en tout cas.

Elle avance d'un pas mal assuré au milieu des débris de verre. Une fois rentré dans ce local, on se croirait dans un monde post-apocalyptique. Les zombies en moins. Elle récupère les paquets dont elle a besoin et en bourre les poches de sa veste. En faisant le tour pour trouver des briquets ou d'autres choses dont elle aurait besoin, elle tombe sur le tabac qu'elle fume, en paquet pour cigarettes roulées. Pourquoi pas, après tout. Elle s'en saisit et les mets à l'intérieur de son soutien-gorge, faute de place dans ses poches. Il lui faut des feuilles aussi. Il me faudra une sacoche pour la prochaine fois, se dit-elle.

Elle ressort finalement, chargée comme jamais. Elle va se rediriger vers son appartement, au bout de la rue, mais une idée lui vient. Il se met à pleuvoir. Un frisson la parcourt tandis qu'elle lève la main devant elle pour vérifier que c'est bien de l'eau qui ruisselle sur sa peau. Quand elle a la confirmation qu'elle n'est pas à nouveau en train de se faire arroser de sang, elle décide de se laisser porter par son instinct. Elle se dirige à nouveau vers l'escalier de secours qu'elle a emprunté la dernière fois. Sa gorge se serre un peu alors que son coeur fait un bond. Le métal résonne sous ses pieds. Elle redoute ce qu'elle va trouver sur ce toit.

Elle arrive finalement en haut. Elle a redouté la dernière marche qui la conduirait sur le toit avant de se dire que de toute façon, c'était fait. Ça aurait été stupide de renoncer alors qu'elle est déjà arrivée. Le toit est désert. Il ne reste qu'une tâche de sang séché en train de se faire rincer par la pluie. SoJung rentre la tête dans les épaules, comme si ça pouvait empêcher la pluie de rentrer dans le col de sa veste. Elle regarde autour d'elle pour trouver un point de départ, une piste à suivre. Il n'y a aucune balise de la police scientifique, ce qui peut signifier deux choses. Soit la police n'a rien trouvé ici, soit elle l'a trouvé, l'a marqué, et a tout effacé. Si c'est le deuxième cas, il lui faudra soudoyer Kim Taeyang pour avoir ces informations. Et s'il est l'homme intègre qu'elle imagine, la tâche ne sera pas facile.

Et puis SoJung se rappelle soudainement. L'homme en pull gris est parti et a sauté du toit là où elle se trouve. Si elle trouve le moyen de descendre, elle trouvera peut-être quelque chose en bas. La seule question qui se pose à présent, c'est de savoir comment elle va descendre de là. Il n'y a ni escalier ni échelle, seulement un tas de poubelles par terre. À au moins dix mètres de haut. SoJung sait qu'elle n'est pas l'homme qu'elle poursuit encore. Mais elle veut savoir. Elle pourrait faire demi-tour et redescendre par les escaliers de secours, mais elle perdrait du temps. Du temps précieux, et des indices. En faisant comme le tueur, elle pourrait resituer les faits correctement. Mais SoJung n'est pas une tueuse. Elle a peur de sauter et de se faire mal.

Elle s'accroupit au bord de la corniche et regarde le tas de sacs poubelles. Elle imagine l'odeur qui va envahir ses narines si elle se jette dedans. Elle imagine aussi un indice miraculeux qui arriverait juste devant ses yeux si elle saute. Elle a envie de faire demi-tour, puis elle se dit qu'elle aurait fait tout ça pour rien. Et même si elle apprécie l'inspecteur Kim, elle n'ira jamais le soudoyer pour avoir ses informations. SoJung ferme les yeux, très fort. Le plus qu'elle peut. Elle veut ralentir les battements de son coeur, mais c'est difficile à faire. Tant pis, il faudra bien se lancer un jour. Elle se penche en avant et elle sent ses pieds quitter le toit.

Elle a l'impression que la chute est interminable, qu'elle va mourir pace que finalement, quand on est pas un meurtrier ou un cascadeur de cinéma, on ne prend pas le risque de sauter du haut d'un immeuble, même petit. Elle aurait bien aimé voir une dernière fois l'inspecteur Kim pour qu'il lui dise en souriant qu'elle a été courageuse d'essayer. La peur de mourir la tétanise tellement que SoJung est incapable d'ouvrir la bouche pour crier.

Un bruit de froissement et de récipients en plastique qui s'entrechoquent se fait entendre quand le dos de la jeune fille aplatit quelques sacs poubelles. Elle ouvre un oeil sans trop y croire, mais l'odeur qui lui prend au nez le lui confirme. Elle a réussi. La jeune fille étouffe un rire. Elle avait du mal à s'imaginer qu'elle apprécierait autant l'infâme puanteur des ordures, mais c'est le cas. Elle est encore assez vivante pour avoir la nausée. SoJung se relève difficilement. Un sac s'est ouvert après sa chute. Elle passe sa main dans ses cheveux et en retire une petite portion de crème dessert qui s'y est déposé. Elle sent mauvais mais ne s'en formalise pas.

Il ne faut pas qu'elle perde de temps à présent. Ça l'étonnerait beaucoup mais quelqu'un aurait pu la voir. L'arrêter. Ou lui chercher des embrouilles. La seule chose que SoJung est capable de faire pour se défendre, c'est envoyer son genou dans les burnes de son agresseur avant de courir. Le plus loin possible. SoJung court vite et longtemps. Avec le dessin, c'est la seule chose utile qu'elle a appris, en étant petite. Elle se met à genoux devant les sacs poubelles et commence à les déplacer. Il n'y a rien que le tueur ait perdu ici. Elle se lève en titubant. Rien n'est perdu, peut-être qu'il y a quelque chose dans la benne à ordures.

SoJung a du mal à l'ouvrir. Pourtant quand elle y arrive, son visage s'illumine. Il y a quelque chose là. À première vue, tout le monde pourrait penser qu'il n'y a rien d'important dans ces déchets. Mais SoJung n'est pas une personne comme les autres, elle n'a pas le même rapport aux choses. Le petit porte-mine blanc qui trône là, fièrement, ne semblait pas avoir été abandonné ici par hasard. La jeune fille s'en saisit du bout des doigts et l'examine. Elle sourit en se rappelant que petite, avec le peu d'argent de poche qu'elle avait eu, elle en avait acheté un exactement pareil. Un porte-mine tout blanc. Elle avait cassé sans faire exprès la petite lamelle qui servait à l'accrocher à un document où à une poche. SoJung passe ses doigts sur l'objet et elle y sent les encoches qui empêchent le crayon de glisser entre les doigts. Cet objet est identique en tout point à celui qu'elle avait étant petite.

Elle aurait pu rester là indéfiniment mais un bruit se fait entendre dans la ruelle. Elle fourre sa trouvaille dans la poche de son sweatshirt et se tasse dans un coin, contre la grosse benne à ordures. Elle est une fois de plus trop curieuse. Un jour, elle mourra pour ça, elle le sent. Elle se met à quatre pattes pour laisser dépasser ses yeux de la benne. Peut-être que le tueur est là et qu'elle va le reconnaître. Un homme est projeté dans le tas de sacs poubelles nauséabond qui se trouve à deux mètres d'elle. SoJung se terre un peu plus contre la benne, mais l'homme à la barbe sale, aux yeux jaunis par l'abus d'alcool et aux lèvres gercées la voit. Elle a peur tout d'abord, mais son agresseur ne semble pas l'avoir encore remarqué. Elle se rassoit contre le mur et replie ses genoux contre sa poitrine, soudain peu sûre d'avoir envie d'assister à la suite des événements.

L'homme à la barbe geint, supplie sans jamais s'arrêter. Il l'entend mendier un pardon qu'il ne mérite visiblement pas, puisque son agresseur, à l'air massif, sa tête masquée par la grosse capuche noire de son gilet, sort une lame de couteau dont l'éclat lui fait penser à un éclair. La jeune fille apeurée ne sait pas si c'est l'odeur proche des ordures ou sa peur qui lui donne à ce point envie de vomir. De toute façon, sa bouche sèche et son coeur qui s'affole l'empêchent de se répandre. Ça serait pour elle la pire façon de se faire repérer, et accessoirement de mettre fin à ses jours. Il est évident pour elle que si l'homme en noir la voit, elle meurt. Jamais elle ne saura qui est l'homme qui a déversé son sang sur elle deux jours plus tôt, qui est l'auteur de cette boucherie.

« Je ne lui ferai plus jamais de mal ! Je le prom »

Un bruit étouffé lui parvint encore. L'homme en noir a plaqué sa main gantée sur la bouche de sa victime et appuie sa lame contre sa gorge. Ce bruit de chair déchirée et de sang qui jaillit se sa jugulaire arrache un haut-le-coeur à la jeune femme. Elle n'en peut plus, c'est trop. Faire des cauchemars ne l'inquiète pas. Elle veut juste rester en vie. Mais quelque chose lui dit que l'homme en noir ne l'entendra pas de cette oreille s'il la voit. Pourtant, quand le silence se fait à nouveau dans la ruelle, elle garde les yeux rivés sur lui. Sur sa grande capuche, sur la lame teintée de pourpre, sur son autre main qui tremble légèrement. Cet homme la fascine. Pourquoi, elle ne le sait pas. Peut-être parce qu'il est une pièce du puzzle qu'elle cherche à reconstituer. Peut-être pas. Peut-être qu'il pourrait simplement l'aider à mettre les pièces dans les bonnes encoches et reconstituer l'image.

Un vertige la prend soudain. L'adrénaline a trop coulé dans ses veines. Elle essaye de se laisser tomber en arrière le plus doucement possible pour ne pas faire de bruit, mais son pied heurte un sac à côté d'elle. Pourquoi ce fichu tas d'ordures ne contenait que des bouteilles en verre ? Elle ne cherche même pas à vérifier, elle sait déjà que l'homme en noir a les yeux braqués sur elle. Elle commence le décompte. À soixante, sa vie s'arrête. Elle le sent. Ceci est la dernière minute qui lui reste à vivre.

SoJung fait à peine attention à la main qui saisit le col de son sweat. Il la soulève d'une main, sans aucun effort. La peur qui lui malaxe les entrailles l'empêche de résister. Il la traîne vers l'entrée de la ruelle pour mieux voir son visage, la colle contre le mur, et lève lentement son couteau. La jeune femme sait que supplier ne sert à rien, mais son instinct de survie la pousse à essayer.

- Pardon... je ne voulais pas voir ça... je cherchais juste... peu importe en fait. Je ne dirais rien, je le jure.

Elle cherche le regard de l'homme, même si elle ne le croisera pas. Mais elle le sent la regarder. Il ne la quitte pas des yeux. Que peut-il penser d'elle à cet instant ? Qu'elle est la proie la plus misérable qu'il ait chassé depuis longtemps ? Qu'elle ne vaut pas la peine qu'il lui réponde ? Elle n'en sait rien. Elle n'a pas arrêté de compter.

Cinquante-six. Cinquante-sept. Cinquante-huit.

La pointe du couteau se presse un peu plus contre sa gorge. Elle ferme les yeux, serre les lèvres.

Cinquante-neuf. Soixante.

Soixante-et-un.

Elle ouvre les yeux. Il ne se passe rien. L'homme ne la tue pas.

- Pourquoi je ne meurs pas ?

Elle se maudit à l'instant même d'avoir posé cette question. Quelle idiote. Peut-être qu'il va le faire maintenant. Il va la tuer. Tout semble s'arrêter autour d'elle. Elle se sent vide. Dans le fond, sa vie ne mérite pas vraiment qu'elle se batte pour elle. Elle n'a pas vraiment été heureuse. Alors pourquoi vouloir vivre à ce point ? Elle baisse les yeux vers le bras qui la menace. Elle remarque alors quelque chose qu'elle ne devrait pas voir. Elle le sait, elle ne restera pas en vie si son agresseur remarque qu'elle l'a vu. Ce tatouage là, qui dépasse de son gant. C'est un morceau de toile d'araignée, proche du centre étant donné le rapprochement entre les fils. Elle aime bien mais ne doit pas le dire. La pression se relâche, contre toute attente. Il n'a pas vu qu'elle a vu. Tant mieux. Elle restera en vie une journée de plus finalement.

Il ne bouge pas et continue de la regarder. Pendant un instant elle hésite, elle ne sait pas trop quoi faire. Et puis elle court. C'est ça. Il faut qu'elle coure, qu'elle parte loin de lui, loin du cadavre qui va traîner là pendant des jours et que personne ne retrouvera. Elle arrive chez elle sans prendre conscience qu'elle n'a pas fait attention où elle allait. Ce sont ses pieds qui l'ont guidé ici, pas sa conscience. Elle monte jusque dans son appartement, claque la porte, ferme tous les verrous à double tour et vient même poser sa table à manger en travers de l'entrée. Quand tout est fait et qu'elle a enfin l'impression d'être en sécurité, elle se laisse tomber là, puante, couverte de sueur, la peur collant à la peau, au milieu de son appartement. Et elle pleure, espérant que les cauchemars ne viendront pas et que la peur s'en ira.


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Ayo ! Voilà le chapitre 3, en espérant qu'il vous plaise :)

La suite arrive dans... je sais pas en fait, avec les cours c'est pas très facile à gérer, mais les idées sont là, il faut juste que j'ai le temps de les écrire ^^

<3

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