Chapitre 5 : Ce lien qui nous lie ne cassera pas
Propulsé dans les airs, John poussa le plus grand cri de frayeur que cette jungle n'ait jamais entendu !
Il allait mourir, écrasé contre cette femme nue, au milieu de la jungle ! Sous lui, une rivière, une falaise rocheuse, de gigantesques conifères touffus... Et ils plongeaient dedans !
La sauvage se rattrapa, à quelques mètres du sol, à une liane qui pendait et entraîna une nouvelle fois le jeune lord à travers une sombre forêt d'arbres géants dégarnis à l'atmosphère marécageuse. Enfin, ils se posèrent. Tarzane se retourna quelques instants pour vérifier que les léopards ne l'avaient pas suivi : son excellente vision lui permit de distinguer les féroces bêtes grogner sur le bord de la fin du fossé. Rassurée, elle se retourna : l'homme avait disparu.
- Ciel... Mais quelle est cette...
John tentait maladroitement de descendre de l'arbre. Il avait le tournis, la vue troublée, la gorge en feu, des larmes aux coins des yeux. Malgré l'humidité de l'endroit, il transpirait anormalement. Il n'avait plus qu'une chaussure, son costume était fichu. Par miracle, son chapeau était toujours en place, grâce à son cordon. Mais sa queue de cheval avait été défaite et ses boucles lui collaient au visage. John jeta un regard en bas : il ignorait si le tapis de feuilles qu'il voyait était le sol ou une accumulation entre deux branchages. Il allait le vérifier maintenant ! Hors de question de rester près de cette créature nudiste frappeuse de léopards ! Il fit un tout petit pas en avant... Mais glissa !
Il tomba en frôlant l'arbre, son entrejambe rencontra brutalement une branche. Suffocant, il se laissa s'écrouler sur une autre branche plus bas. Mais il y vit une famille de mygales grises et s'enfuit de nouveau ! Il dérapa et n'eut d'autre choix que de s'agripper à une liane, les jambes dans le vide. Ses muscles le tiraient atrocement et il sut qu'il n'allait pas tarder à lâcher.
- Comment cela pourrait être pire ? soupira-t-il, à deux doigts de pleurer.
Comme une réponse du ciel, quelques gouttes d'eau glacée vinrent s'écraser sur lui. D'autres suivirent et rapidement une pluie torrentielle s'abattit sur cette partie de la jungle. John soupira, désemparé. C'était beaucoup pour une première journée. Un peu trop pour ses nerfs. Il pensa à la bibliothèque de sa maison à Londres. Comme elle lui manquait ! Il essaya de se hisser, mais il n'avait aucune force dans les bras. Il eut vaguement envie de pleurer.
Puis il sentit que la pluie ne lui tombait plus dessus. Il leva la tête : la créature l'observait, accrochée à sa liane, à un mètre au-dessus de lui ! John hurla et lâcha prise. Les orteils de la sauvage le rattrapèrent à temps par le col de sa chemise et l'envoyèrent se réceptionner une grosse branche cachée, plus bas. Le jeune homme se recula jusqu'au tronc, apeuré, piégé. Il allait se faire dévorer, il en était sûr ! Il sursauta quand la sauvage atterrit devant lui, au moment où un coup de tonnerre retentit. Il détourna les yeux à cause de sa nudité et tendit ses mains devant lui :
- Pitié, ne me mangez pas !
Pendant quelques secondes, il n'osa plus bouger. Puis, quand il comprit que sa sauveuse n'allait pas l'attaquer, il se risqua à la regarder. Sa respiration se coupa.
Une main accrochée à la branche au-dessus d'elle, la créature était debout, penchée en arrière, la bouche ouverte pour boire l'eau de pluie. Puis elle se redressa, s'essuya le bas du visage d'un revers de la main et détailla, avec un petit sourire, l'étranger. John, les mains toujours tendues pour cacher les parties intimes de sa vue, n'arrivait plus à réfléchir. Cette personne était... Maintenant qu'il se sentait plus calme, il la trouvait... Jamais il n'avait vu pareille créature ! Elle avait les cheveux très longs, jusqu'aux genoux, hérissés, très emmêlés, châtains. Et un corps bâti comme une muse : grand, sec, fin, une taille marquée avec des abdominaux luisants, des hanches et des jambes longues et musclées comme les pattes d'une jument de compétition. Elle avait une séduisante série de grains de beauté de la forme d'un Y qui partait du haut de ses petits seins pâles tout ronds et qui descendait jusqu'au nombril, où se trouvait une vieille cicatrice de morsure. Ses épaules, ses clavicules, sa gorge luisaient. Elle avait une peau d'une teinte claire, un peu nettoyée par l'orage. Son corps était celui d'une grande athlète mais son visage... De forme carré, il semblait très enfantin à cause de ses joues qui arrondissaient sa mâchoire. Et ses yeux...
La femme se mit à quatre pattes et s'approcha de John. Il tendit inutilement les bras devant lui et déglutit :
- Nom de... Reculez, non... Et rhabillez-vous ! N'approchez pas ! Attendez, vous... Arrêtez-vous !
Elle fixait sa bouche d'où sortait un langage qu'elle ne connaissait pas.
- Madame ! Prière de ne pas... Non, restez où vous êtes ! Je vous somme de...
Il replia ses jambes contre lui et tenta de reprendre ses esprits.
- Je... Vous... Qui êtes-vous ? articula-t-il péniblement. Est-ce que vous... Aïe !
Comme il agitait ses mains devant lui, il réveilla la douleur de la morsure du petit léopard. En tremblant, il ôta son gant ensanglanté.
- J'espère qu'il n'avait pas la rage... gémit-il.
Tarzane écarquilla les yeux et fixa sa main. Elle s'en saisit. Elle ne souriait plus.
- Doucement ! implora John, sans parvenir à se dégager.
Bien que persuadé qu'elle n'y connaissait absolument rien en quelconque forme de médecine, il la laissa tout de même examiner sa main. Elle la regardait comme une sorte de révélation et en caressa le creux avec son pouce. Ses doigts effleurèrent les siens. Puis elle colla sa propre paume contre la sienne. John sursauta à ce contact. Les doigts soigneusement posés sur les siens, elle semblait réaliser quelque chose et lançait un regard égaré au jeune lord. Celui-i se perdit dans ses yeux : ils étaient similaires aux siens, en un peu plus clairs. Se pourrait-il que cette femme soit...
- Mad-...Mademoiselle ?
Ils séparèrent leurs mains. Tarzane s'approcha encore plus près et s'accroupit, son visage à quelques centimètres du sien. John veilla bien à ne pas baisser le regard. Elle le regardait comme si elle n'avait jamais vu d'humain de sa vie. Et si... Oh mon... Je vois !
- Incroyable... souffla-t-il.
Il remarqua que les lèvres de cette femme bougeaient, tentant de reformer silencieusement le mot qu'il venait de prononcer. Tous les deux fascinés par leur ''découverte'', ils ne remarquèrent pas que la pluie s'était arrêtée.
- Vous n'êtes pas dangereuse, vous... Pardonnez-moi.
Il lui tendit les deux mains. Elle les lui prit. Il se leva et l'incita à faire de même.
- Je... Ciel, j'oubliais. Vous devez avoir froid. Prenez ça.
Il ôta sa veste et la lui tendit. Tarzane le regarda sans comprendre.
- Je... Puis-je ?
Il voulut la lui mettre sur les épaules mais elle ne se tourna pas. Il lui tendit la veste. Ingénue, elle l'imita. Il finit par lui faire enfiler la veste par devant. Elle renifla les manches, curieuse. Puis John enleva son chapeau et lui fit une révérence :
- Ma Lady, merci de m'avoir sauvé la vie aujourd'hui. Je suis John.
Elle le regarda intensément.
- John. répéta-t-il.
- Dja... Jaune..
- John.
- John ?
- Oui !
- John !
- Vous pouvez parler ! C'est merveilleux !
- John !
- Et vous, avez-vous un...
Une détonation le coupa brutalement ! Tarzane inspecta les environs d'un coup d'œil expert.
- Clayton... soupira John.
- Clayton ?
- Oui. Quoi ? Oui, c'est cela ! Clayton !
Un nouveau coup de feu se fit entendre.
- Clayton ! s'exclama Tarzane.
- Fantastique... Oh ! Il faut que vous rencontriez mon père ! Venez !
Il étira son bras le plus possible pour saisir une liane. Tarzane comprit ! Sans prévenir, elle lui mit un bras autour de la taille et attrapa la liane avec son pied. John commença à paniquer.
- Non, non, je voulais juste desCEENNDREE...
Son cri se perdit dans les airs où Tarzane l'entraîna encore !
Elle les emmena dans la forêt de bambous, là où elle l'avait rencontré... À peine déposé, John eut mal à la tête et s'éloigna de quelques pas pour vomir une bile transparente. Le voyant mal, Tarzane vint lui poser une main sur le dos.
- Le camp... Notre camp est... Tout près... bafouilla-t-il, l'estomac retourné.
Il l'invita à le suivre.
- John ? cria la voix d'Harold, au loin.
- C'est mon père !
Alors qu'il s'apprêtait à courir à sa rencontre, un cri bestial résonna dans les arbres ! John et Tarzane levèrent la tête et découvrirent une dizaine de singes perchés sur les arbres, qui les toisaient du regard. Des gorilles ! John n'en croyait pas ses yeux ! Enfin ! Il devait prévenir son père, mais il ne parvenait pas à articuler le moindre mot. Tarzane se mit devant lui et poussa des cris similaires à leur attention. Ceux-ci lui répondirent en grognant plus fort. La jeune femme montra les dents. Interloqué, John la détailla et comprit ! Elle les... Elle est des leurs ! Elle fait partie d'eux ! Les gorilles avaient vraiment l'air de mauvais poil. La splendeur de ces animaux égalait la peur que ressentait le jeune lord. Il assistait à une sorte de dispute entre gorilles ! Enfin, entre des gorilles et une humaine. Que se disaient-ils ? Tarzane se tourna vers lui, le regard désolé.
- Que se passe-t-il ? Vous parlez aux singes ? Vous...
Avant qu'il ne puisse finir sa phrase, la sauvage bondit sur un arbre qu'elle escalada tout de suite, pour rejoindre les animaux. Les gorilles partirent, Tarzane les suivit.
- Attendez ! Expliquez-moi ! Vous vivez ici ? Revenez !
John s'élança à leur poursuite. Il gardait la tête levée pour ne pas perdre la femme de vue, mais le soleil l'éblouit et elle disparut. John resta planta là, seul.
- John !
- Victoire, il est en vie !!
Harold débarqua à ce moment et se précipita vers son fils. Clayton et Quincy arrivèrent derrière, soulagés.
- Te perdre le premier jour ! Vraiment, fiston, je te croyais entraîné !
- Père, je...
- On s'est fait un sang d'encre !
- Nous avons perdu une journée de recherche pour vous chercher vous !
- Je...
- Regardez, il est blessé !
- Nom d'une pipe, dans quel état tu es ?!
- Oh, Père, il m'est arrivé... Il y avait ce petit animal, un léopard, mais un petit...
- Un léopard ? Diable, il faut éviter ces animaux-là !!
- John, tes vêtements...
- ... Et puis ensuite les grands, les adultes sont venus et j'ai couru, eux aussi, j'ai crié, ils allaient me dévorer ! Et ils ont pris ma botte !
Il exhiba son pied nu.
- Ta botte !?
- D'un coup de dent !
- Sacrebleu !
- J'ai sauté et j'ai volé et puis elle est arrivée, elle est venue du ciel...
- Qu'est-ce qu'il raconte ?
- Qui ?
- Cette... Femme !
- ... Quoi ?
- Ben voyons, voilà qu'il a vu une femme dans la jungle... soupira Clayton, en levant les yeux au ciel.
- Elle était... Une femme si... Comme je n'en avais jamais vu...
- John, tu es sûr que tout va bien ?!
- Elle était nue !
- Nue ?!
- Toute nue !
Les visages d'Harold et de Quincy rougirent.
- Et elle m'a collé à elle, je n'ai rien pu faire !
- Par ma moustache, John, surveille ce que tu dis !!
- Vous avez consommé quelque chose ?
- Non, oui, si, elle était... J'ai eu peur mais elle était douce et avait des yeux... Oh, ses yeux ! Elle m'a sauvé et ramené, et les gorilles...
- Les gorilles ?!
- Tu as vu des gorilles ??
Clayton le saisit par les épaules pour le forcer à le regarder dans les yeux.
- Où sont-ils ??
- Partis...
- Partis où ?
- Avec elle...
- Qui ça, ''elle'' ?
- La dame-singe !
- Bonté divine...
- John, mon cher, vous êtes vous bien hydraté ? Avez-vous reçu un coup sur la tête ?
- Où sont les gorilles ?? De quel côté sont-ils allés ?
Harold prit son fils sous le bras et l'éloigna du chasseur. Il épousseta sa chemise.
- Tu as du t'assommer et rêver, viens, rentrons...
- Mais je n'invente rien !
- Assez d'émotions pour aujourd'hui...
John refusa de se laisser guider, encore tout atterré par ce qu'il venait de vivre.
- Non, il faut la retrouver !
- John, ça suffit !
- Mademoiselle !! appela-t-il. Montrez-vous !!
- John, calmez-vous !
- Tenez, respirez ça !
- Non, je l'ai vu, elle doit...
Quincy lui mit une fiole sous le nez qu'il respira malgré lui. Puis il tomba dans les pommes.
De retour dans leurs fourrés, la grande famille des gorilles s'était réunie pour faire le point sur la situation : des humains avaient débarqué dans la jungle.
Danger ? Tada assura que oui : il faut toujours se méfier de ce qui marche sur deux pattes. Tytan proposa de les ignorer mais de ne pas se laisser faire ! Tabernink de les combattre et de les faire fuir : ils n'étaient pas la bienvenue chez eux ! Tuki avait vu le mystérieux engin bruyant tuer un oiseau !
En une soirée, une règle fut imposée par Kerchak : personne ne s'approchera des nouveaux venus !
Tarzane avait gardé le silence... Pour réserver son avis à sa mère. Elle n'obéirait pas à Kerchak, car elle jugeait cette nouvelle espèce aussi inoffensive que la leur !
Puis elle lui reprocha de ne lui avoir jamais dit que d'autres pouvaient lui ressembler...
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