28. Point de vue Luz
Logan s'éloigna, revenant vers moi avec une bouteille de vodka, la posant sur la table après avoir versé un grand verre. Il me tendit le verre, et je le prix, le vidant aussi vite.
— Matriochka...
Je relevais le regard, croisant celui de Nino. Il s'approcha avant de poser un paquet de cigarette sur la table avec un briquet. Je me saisis d'une cigarette, me levant et m'éloignant pour l'allumer. Tirant dessus comme une bouffée d'oxygène nécessaire. Attrapant la main de Nino pour la serrer doucement. Il la serra à son tour, me souriant doucement avant de lâcher ma main et de s'éloigner un peu.
Logan se leva, discutant un peu avec Nino qui repartit aussi vite derrière. Je me reculais d'un pas alors que Logan s'approchait de moi, mes tremblements reprenant alors que je savais ce qu'il allait dire. Je le savais et la peur revenait de plus belle.
Je tentais de paraître impassible mais je savais bien que mon regard trahissait ma terreur grandissante. Ou peut être était-ce le tremblement de ma main qui portait la cigarette à mes lèvres ? Il s'arrêta devant moi, des gestes étonnement doux en me prenant contre lui. M'entourant de son aura protectrice et rassurante.
— Ça va aller princesse ?
— Me laisse pas reculer... Me laisse pas reculer. Jamais...
Il hocha doucement la tête, me caressant le visage avant de m'embrasser le front.
— Tu vas sûrement me haïr après cela alors...
— Tu as peur que je te haïsse ?
Il se figea dans ses mouvements, semblant réfléchir à mes mots.
— Oui. Mais je le ferais quand même car tu me l'as demandé.
Je souris doucement, l'enlaçant en fourrant mon visage dans son cou. Entendant des personnes marcher et un cri étouffé. Me crispant sur le corps de Logan alors que mes tremblements reprirent de plus belle.
— Dans le jardin. Tous sur vos gardes, que tous ceux qui ne sont pas du Santa Sangre dégagent de la maison. Nino, Manu, vous garderez le jardin. Le reste, vous connaissez votre boulot. Que personne ne nous dérange.
Deux mains se posèrent sur mes épaules, m'entourant finalement en me décollant de Logan et je tournais le regard pour trouver celui de Cole. Il glissa ses doigts sur ma nuque, collant son front contre le mien alors que je sentais qu'on passait à côté de moi.
Mon instinct me hurlait de me retourner, de regarder passer celui que j'allais tuer. Mais tout mon être se refusait à regarder et affronter la réalité de qui était la personne. Il le fallait pourtant, et je tournais le regard vers les hommes. Je fis un pas de côté, et les hommes se figèrent, comme une alarme mise en marche. Me laissant marcher jusqu'à eux, me laissant surtout remarquer que l'homme qu'il détenait avait un bâillon et un bandeau sur les yeux.
Je relevais le regard pour croiser celui de Nino, il donna un coup de genou dans le dos du détenu, l'écrasant durement sur le sol tout en le maintenant. Il semblait chercher quelque chose dans sa poche avant de finalement me tendre une lame repliée. Je lui fis signe de retourner le détenu, et ils le firent sans chercher à comprendre, le maintenant avec leurs pieds sur ses épaules. Je fus surprise de constater que je tremblais, fixant nerveusement ses mains. Je vis deux pieds se poser sans ménagement sur les poignets en question, et je relevais le regard, croisant le regard impénétrable de Natan. Il n'y avait aucune question dans son regard, aucun jugement. Il attendait, purement et simplement. Je pris une profonde inspiration, fermant les yeux avant de les ouvrir de nouveau, découpant d'un geste vif le haut du prisonnier.
Je lâchais la lame en faisant un bond en arrière, chutant lourdement sur le sol en fixant le torse. Rampant tout en reculant, le corps trahissant ce que m'inspirais cette vue : la plus intense des terreurs. Je retins un hurlement, clôturant de force mes lèvres avec mes mains. Reculant encore jusqu'à atteindre le mur alors qu'ils relevaient l'homme, s'éloignant dans la maison. Je les regardais s'éloigner, les mains crispées sur le sol. Me donnant l'impression que mes doigts pourraient s'enfoncer dedans. Pourtant quand je sentis que l'on me touchait, je me débattis aussi vite, laissant le cri s'échapper de mes lèvres alors que des images me revenaient en mémoires. On me força à regarder devant moi, à croiser un regard. Me forçant à fixer des lèvres qui bougeaient sans qu'aucun son ne me parvienne.
Il persévéra pourtant, me caressant les joues. Gardant son regard tendre sans ciller. Me laissant plonger dedans et m'y accrocher. Me laissant lire le tourbillon l'animant, absorbant mes maux pour les faire siens. Et je m'accrochais à lui, inspirant de grandes goulées d'air comme après une apnée.
Et je compris les mots silencieux qu'il murmurait encore et encore, comme un son entêtant. M'offrant un sourire quand je me rendis compte que j'étais de nouveau calme. Desserrant lentement ma prise sur ses bras, remarquant en grimaçant la trace de mes ongles dans sa chair.
— Prête ma furie ?
— Non.
Je pris le paquet de cigarette que me tendais Cole, m'en allumant une et inspirant une longue bouffée. Laissant ma tête tomber sur mes genoux en soufflant ma fumée.
Deux mains se glissèrent sous mes aisselles, me relevant en une fois. Je croisais le regard déterminé de Logan, un éclair de douleur passant dans son regard alors qu'il me portait. Posant son visage contre mon crâne. Une caresse se fit ressentir sur mon visage avant que mes doigts n'enlacent ses doigts, rencontrant le regard de Cole.
Je restais silencieuse, fumant ma cigarette avant de hocher la tête, et Logan me repose à terre. Passant son bras autour de ma taille, regardant droit devant en nous entraînant avec lui.
Soyons purement et simplement honnête : je n'avais pas eu autant la peur au ventre depuis mes quinze ans. Depuis ce jour où j'avais échappée à l'homme qui m'avais retrouvé ce soir.
J'étais encore dans mes pensées quand on se stoppa, et je portais le regard devant moi. L'envie me prenant de reculer alors même qu'il était attaché à une croix en métal. Je devais vaincre cela. Je devais le vaincre lui. Et je ne craindrais plus rien en ce monde.
Mes Anges donnez moi de votre force. Papa. J'ai peur. Il est là de nouveau. Papa ce soir, je serais un dragon. Je tuerais celui qui m'a brisé.
Je m'avançais d'un pas, inspirant profondément, fumant ma cigarette alors que des bras m'encerclent
— Pardon princesse... Pardon...
Il m'embrassa dans le cou, et je fermais les yeux avant de hocher la tête. Lui donnant l'accord pour entamer le ballet de la mort. Pour me forcer à avancer, à affronter le monstre face à moi.
Ils ne savaient pas quel monstre il avait fait de moi. Ils ne savaient quasiment rien de moi. Ils ne savaient rien de la femme que j'étais.
— Dis son nom. Dis le nom de ce chien.
Je fume avant de sursauter, sa voix se faisant plus dur.
— DIS LE.
— Marc... Marc... Je sais pas son nom. Il serait mort depuis longtemps sinon...
Il me laissa reprendre une bouffée de cigarette alors que je vis la tête de Marc bouger dans tous les sens, il avait entendu ma voix. Il l'avait entendu et il se débattais à présent.
— Que t'as t-il fait ? Qu'as t-il fait à la femme que tu es pour être si fragile devant lui ? Je veux voir ta rage, je veux que cette putain de maison s'embrase sous ta colère ma princesse. Regarde le, regarde le s'exciter parce qu'il sait que tu es là. Regarde le, vas tu le laisser te dominer ? Vas tu le laisser faire de toi sa chose encore ?
Je vis un des hommes s'avancer, ôtant le bâillon de Marc, et sa voix résonna aussi vite alors que mes jambes tremblent.
— Mon joueeeett... Mon jouet tu es là. Je sens ta peur, tu pue la peur. Viens là ma petite chienne, viens ici que je te baise durement. ICI MON JOUET. AAANGIIEEEEEEEE... VIENS...À MES PIEDS !
Je secouais nerveusement la tête, tentant de reculer malgré la résistance de Logan.
— Ne le laisse pas te dominer. Tu n'es plus la femme là. Tu es tout sauf cette victime. Vas tu le laisser t'humilier ? Regarde le. Qui est le chien en laisse ici ? Repense. Repense à ce qu'il t'as fait. Repense à tes morts. Repenses à tes douleurs. Repenses à tes démons. Il est là. Montre lui que tu es un dragon.
— ANGIIEEE ICI... ICI OU JE VAIS TUER TON PETIT FRÈRE ENCORE... Comment se nomme celui là.... Léone ?
Le hurlement de douleur franchit mes lèvres, me pliant en deux sur les bras de Logan. Il me déchirait de l'intérieur à l'entente de ce prénom.
Léone. Mon bébé.
Je hurlais à m'en déchirer les cordes vocales, les images de sa mort me revenant comme si c'était hier. Et son rire à lui qui retentit. Et la haine qui me prend.
— Oh non... Je l'ai égorgé lui... Il reste Luc. J'ai manqué Luc. Je le tuerais. Ensuite je tuerais ces chiens qui ont souillé mon jouet. Puis je te baiserais comme une bonne chienne que tu es.
Logan lâcha prise, et je courus, me lançant avant d'abattre durement mes poings sur lui. Cognant encore et encore en hurlant de rage. Attrapée au bout d'un moment et tirée en arrière par une étreinte puissante. Hurlant de douleur, hurlant de rage.
Je vis Natan s'avancer, faisant rouler ses muscles. Je vis Logan défaire sa chemise avant de faire rouler ses muscles. Les deux se regardant avant de s'avancer vers Marc. Et on me fait reculer encore. Alors que je hurle, alors que je refuse de les laisser tuer pour moi. Je ne mérite pas cela.
Mais l'étreinte se renforce. Et je regarde impuissante les jumeaux Herrero se couvrir de sang. Se couvrir du sang de Marc. Natan finit par se tourner vers nous. S'avançant vers moi et me prenant contre lui. Cole déposant ses lèvres sur ma tempe.
— Plus jamais je ne veux entendre cela... Laisse moi venger cette douleur.
Et il s'en va, disparaissant de mon champ de vision, masqué par le corps de Natan. Les coups se stoppent quelques secondes et j'entends son rire. Son rire dément.
— Putain.... Tu es à Moi. Tu portes ma marque le prouvant.... Tu es à...
Un bruit de coup. Violent. Un craquement. Un autre bruit de coup. Suivis de beaucoup d'autre bruit de coups. Son hurlement de douleur. Enfin. Une musique rythmée par leurs coups. Le cœur de Natan cognant contre mes tempes. Ses lèvres sur mon front.
— Je dois te confesser quelques choses ma furie..
Un murmure. Une bulle. Son étreinte se renforçant alors que mes jambes flanchent face à tout ça.
— Je dois te confesser que nous serions tout trois prêts à le tuer sans le moindre remord. Je dois te confesser que chacun de nous tient trop à toi pour te laisser t'écrouler. Que tu es la seule femme en ce monde capable de me faire affronter la mort sans ciller. La seule en ce monde dont la douleur me rend fou de la même douleur. Tu es la seule en ce monde capable de capturer, en un regard, le coeur imprenable de mon jumeau. Je dois te confesser dans ce moment dur de ta vie, que je ferais tout pour ne jamais quitter ta vie. Je pourrais ouvrir mon corps juste pour te protéger. Je dois te confesser que je brûle de le tuer de mes mains. Mais ma furie... Mon amour... Mon dragon... C'est toi qui vas le faire n'est ce pas ?
Un de ses bras quitte mon corps avant que le deuxième ne suive. Il se recule d'un pas, remontant sa main à ma hauteur, tenant dans sa paume ma lame. Je m'en saisis, caressant mon insigne du pouce avant de me mettre à jouer avec la lame en un geste inconscient.
Depuis combien de temps mon corps n'a-t-il pas eu son quota de sang ? Depuis combien de temps ma soif de mort n'a-t-elle pas pris le dessus ? Depuis combien de temps La Femme au Dragon est tapie au fond de moi ? Attendant patiemment son heure ?
Je sentais mon corps brûler, je sentais mes muscles se tendre alors que je contournais les trois hommes. Relevant la tête, continuant de jouer avec la lame du bout des doigts avant de me stopper devant lui. Devant son corps ensanglanté. Croisant son regard hagard qui pourtant brille d'une folie de désir quand il m'aperçoit devant lui. Redressant difficilement la tête, ouvrant la bouche avant de se rendre compte qu'il ne peut plus parler. Et puis son regard change. La peur. La peur brute et violente s'empare de lui quand il se plonge véritablement dans mon regard.
— Je te présente la femme au dragon marc... J'ai tuée bon nombre d'hommes en pensant au jour où je pourrais te crever de ma lame. J'ai torturé longuement en songeant aux douleurs que je pourrais t'infliger. Je te présente le monstre que tu a créé, c'est celui qui va te tuer. Murmurais-je d'un ton froid.
Il se débat, ma lame commençant à s'abattre sur lui, mes yeux se fermant alors que je laissais les souvenirs m'envahir. Alors que je laissais le passé s'emparer de moi. Laissant ma haine et ma douleur se répandre jusqu'au bout de ma lame. Entaillant encore et encore son corps. M'imprégnant encore et encore de ses hurlements de douleurs incessants. Et même quand le son se tait, mon bras ne fléchit pas. Et je rouvris les yeux pour observer son corps méconnaissable, continuant de le charcuter encore et encore. Sentant mon propre corps inondé de son sang. Soudain quelque chose se pose contre mon oreille, et je me fige à l'entente d'une voix.
— Nani... Ma déesse...
Je m'écroulais, saisissant le téléphone en me mettant à hurler de douleur. Me laissant totalement envahir par ce que j'ai moi-même provoquée. La laissant prendre possession de moi. Et je l'entendis, je l'entendis chanter doucement à mon oreille. Je pourrais sentir son étreinte réconfortante autour de moi. Je pourrais sentir la chaleur de son corps.
Mon ancre. Mon Ange.
— Il est mort ma déesse... Il est mort...
Ma voix se tait alors que je regarde le corps sans vie de Marc, fronçant les sourcils aux bruits derrière lui.
— Pourquoi j'entends le bruit d'un crâne qu'on écrase ?
— Parce que je viens d'écraser un crâne peut être ? Tes frères t'embrassent. Je t'embrasse. Je t'aime. On t'aime. On est là. On le sera toujours.
— Je vous aimes. Merci mon Ange.
— À bientôt ma déesse. Souris pour moi veux tu ? Montre moi ton sourire. N'oublie pas, même si tu ne me vois pas, je suis là.
Il raccrocha et je tendis le portable, souriant en regardant le cadavre avant de porter le regard sur l'homme à mes côtés. Il posa son regard sur moi avant de ranger son téléphone, se tournant finalement avant de partir.
Merci Nino.
J'entendis des pas et un paquet de cigarette se posa devant moi. Je m'allumais une cigarette, alors que quelqu'un se glissait derrière moi, m'encerclant de son corps alors que les deux autres se positionnaient de chaque côté, sur le sol. Regardant en silence le corps sans vie.
— T'es vraiment pas une femme à énerver toi...
Je ricanais en essuyant ma lame, lui tendant. Il s'en saisit, un sourire sur les lèvres. La rangeant dans sa poche en attrapant ma main, glissant ses doigts entre les miens alors que mon autre main se saisit de celle de Natan. Cole venant coller sa tête contre la mienne.
Je sentis Cole se décoller au bout de quelques minutes et je le regardais se redresser. Attrapant le bidon que Nino a apporté, avant de se diriger vers le corps, versant son contenu dessus avant de revenir vers moi. Posant un zippo devant moi avant de se redresser.
J'allumais la flamme, jetant le zippo sur le corps. Le voyant prendre feu aussi vite. Et j'admirais le travail des flammes léchant le corps inerte de Marc. Le dévorant avec appétit. Admirant la beauté du spectacle offert par le liquide très efficace du Santa Sangre. Et en admirant le spectacle de ce corps qui se consumait, je pris conscience de la pire chose possible pour moi. Je venais de tomber profondément amoureuse de ces trois là. Je venais de prendre conscience que plus jamais je ne pourrais voir ma vie sans eux. Juste parce qu'à l'un des pires moments de ma vie, ils avaient été là...
Un rire s'empara de mon corps alors que je me frottais le visage, complètement dépassée.
— Princesse ?
— Merde.. Je crois bien que je vous aime. Je crois bien que je vous aime bien trop.
Et il se mit à rire, réellement. M'offrant un sourire éclatant. Prenant ma main afin de poser doucement les lèvres dessus.
— Je crois bien être tombé princesse. Je suis tombé pour une femme arborant un dragon. Sauvage et invincible. Fragile et douce. Je suis complètement tombé pour toi.
Ouais... Et maintenant je fais quoi moi ?
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Correction Septembre 2020
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