1.
J'étais à New York depuis maintenant un peu plus de deux ans. J'avais réussi à me faire engager sans réel problème au sein de Angley Corp. Faisant la rencontre par la même occasion d'un homme qui était devenu mon binôme dans le cadre du travail : Natan Herrero, une personnalité pétillante dans un corps qui faisait baver beaucoup de demoiselles. Mais Natan avait beau avoir un charme ravageur, cela ne m'empêchait pas d'avoir très souvent envie de l'étrangler. Notamment à cet instant précis, où je pouvais déceler son regard moqueur par-dessus la fine cloison séparant nos bureaux.
La raison de sa moquerie ? Mes grognements face à un combat que je semblais perdre. Un combat acharné que je ne pouvais pas gagner : mon ordinateur avait décidé de planter. Et j'étais coincé, royalement, ne pouvant user de mes talents sans me trahir. S'imposer tout un tas de handicap était réellement frustrant dans la vie de tous les jours. Et jouer l'idiote face à une machine était des plus rageants. Rajoutez à cela un collègue moqueur et vous comprenez pourquoi j'avais très envie de planter mon stylo dans son foutu crâne.
— Besoin d'aide belle demoiselle en détresse ?
Je ne résistais pas plus longtemps à l'envie de lui balancer mon agrafeuse, retenant de peu une salve d'insulte pour accompagner en beauté le vol plané de mon projectile. Cela le fit tellement rire qu'il reçut les grognements courroucés de nos autres collègues. Je croisais les bras sur mon buste, attendant patiemment qu'il ait finit de rire avant d'entamer la suite des hostilités.
— Il a encore planté. De la vraie merde en barre ce matériel. Je fais comment pour bosser avec ça, hein ? Alors tu sais quoi, pendant que monsieur se marre comme un abruti, moi je vais me prendre un café.
Il se redressa, un sourire moqueur toujours accroché aux lèvres, s'appuyant sur la cloison en me fixant de ce regard noisette aux nuances vertes si particulier.
— Quoi ?
J'arquais un sourcil, grognant ma question en me levant, ne lui laissant même pas l'occasion de répondre que je me dirigeais déjà vers la cafeteria de l'étage. Je l'entendis vaguement me suivre, préférant me plonger dans mes pensées. Les pannes incessantes de cet ordinateur me rendaient dingue et je prenais du retard dans mon dossier. On devait le rendre demain, et si je ne trouvais pas la solution, j'étais coincée. Et je détestais être coincée.
J'appuyais sur mon choix de boisson, grommelant en cherchant ma solution. La sensation désagréable d'être observée me fit tourner le regard, alors que j'étais appuyée contre la machine. Je rencontrais un regard de glace, semblant m'analyser. Son propriétaire n'était autre que Cole Reed, le chef informatique de cette entreprise, ami de longue date de ce cher Nat'. Un cerveau pour deux si vous vouliez mon avis. Et le cerveau était ce cher glaçon qui me fixait en écoutant son pote lui raconter je ne sais quoi. Son style vestimentaire m'avait toujours fait sourire, il arborait le costume réglementaire à son statut, mais je n'avais jamais vu sa cravate serrée. Par contre vous dire quel était le caractère de ce mec, je ne pouvais pas.
Raison très simple : Je me faisais un devoir de ne pas être sociable, détestant par-dessus tous les faux semblants liés à l'ambiance dans ce genre de boite.
J'étais tellement plongée dans mes pensées que j'oubliais que je fixais toujours le glaçon. C'est quand un sourire narquois commença à s'étirer sur ses lèvres que je m'en rendis compte, faisant claquer ma langue d'agacement. J'attrapais mon gobelet avant de tourner les talons, me dirigeant sans plus attendre vers mon bureau.
Tant pis si je me faisais griller, j'allais régler cela moi-même. L'incapable du service informatique semblait faire exprès de ne pas régler réellement le problème. Sans doute attendait-il que j'accepte son invitation pour prendre un verre ? Crétin finis. J'allais lui emplâtrer la tête dans le bureau à ce rythme-là oui.
Je regardais les paramètres réseaux quand une main se posa sur ma nuque. Je la saisis aussi vite avec violence, prêt à en foutre une à celui qui se permettait une telle familiarité. Je me retournais, sans lâcher le poignet, bien disposée à étaler l'étendu de ma gentillesse. Mais c'est le regard rieur de Natan que je croisais. Il s'écarta de quelques pas tout en riant alors que je lâchais ma prise, de surprise.
— Du calme ma petite furie, je t'amène de l'aide.
J'arquais un sourcil avant de dévisager Cole, le regardant de haut en bas alors que mon visage se faisait dédaigneux.
— Je ne crois pas non, s'il est aussi doué que l'autre crétin, je vais m'en passer. Marre des débutants du service informatique. J'irais plus vite par moi-même. Lâchais-je sur un ton glacial
J'eus à peine le temps de me remettre devant mon écran que je fus projetée avec ma chaise à quelques mètres de mon bureau. Je fixais, ahurie, les deux qui me regardaient avec amusement. Et le regard habituellement si inexpressif du glaçon avait pris une lueur que je ne connaissais que trop bien : celle du défi.
À priori, insinuer qu'il était un débutant lui avait donné l'envie de me prouver ses talents. Il attacha ses longs cheveux noirs en chignon avant de se mettre à pianoter sur mon ordinateur, le visage soudain très sérieux. Je l'observais malgré moi, détaillant ce visage qu'il offrait dans le cadre de son boulot. Je n'avais pas pu résister à enquêter un peu sur le personnage, professionnellement parlant. Et il était classé dans la catégorie petit génie de l'informatique. Cela expliquait sans aucun doute que du haut de ses vingt-neuf ans il soit le chef du secteur informatique depuis son embauche il y a quelques années. Son insociabilité était pourtant bien loin du cliché du chef...
— Mademoiselle Atzalé... Vous seriez parfaite avec un ruban autour de vous. J'adore les cadeaux de ce genre- là.
Je sursautais en me retournant, reculant en une seconde en croisant d'un peu trop près mon supérieur. Monsieur Baker Andrew... À peine quelques années de plus que nous, un requin aux dents longues sous ses allures séductrices. Ses yeux bleus me détaillaient sans la moindre gêne, et je me retenais de ne pas lui en foutre une pour lui rappeler les règles de bonne conduite dans le cadre d'une entreprise.
J'analysais la situation, comprenant qu'un des deux crétins avait réussi à me lancer pile devant la pire porte possible : la sienne. Mon comportement et mon silence ne s'expliquaient que par une chose : je cherchais une échappatoire tout en restant digne. Et cela s'avéra être mission impossible à cet instant précis.
Monsieur Baker ne se gênait pas pour reluquer mon corps pendant que je cherchais une excuse polie sur la raison de ma présence devant son bureau. Je ne pouvais clairement pas compter sur l'aide de ce cher Natan qui semblait prendre beaucoup de plaisir à me voir ainsi déstabilisée. Je n'aurais même pas été étonnée qu'il sorte son portable pour immortaliser l'instant... C'était franchement son genre.
— Eh bien je...
— C'est de ma faute Chef, la demoiselle devant vous refusait de l'aide, j'ai donc donné un peu d'air à Monsieur Reed pour qu'il puisse bosser sans qu'elle ne le morde.
Ce que j'admirais chez Natan c'était sa capacité à me sortir d'une situation tout en m'enfonçant plus profondément dans une autre, sans même s'en rendre compte. Je savais pertinemment qu'à cet instant précis le mec devant moi n'avait retenu qu'une seule information. Une seule.
— Vous mordez ? Railla-t-il
Et voilà... Qu'est-ce que je disais...
Je croisais mes jambes en arquant un sourcil, un sourire provocant s'étirant sur mes lèvres.
— Seulement dans l'action.
Oh eh, c'est pas moi qui ait commencé hein !
Un éclat s'alluma dans son regard et je ricanais avant de reporter mon regard vers Natan qui ne perdait pas une miette du spectacle. Je le connaissais assez pour savoir que me voir flirter avec le chef ne lui plaisait absolument pas... Orgueil de mec oblige... Enfin, orgueil de Natan Herrero surtout...
— Cela vous direz un restaurant afin de parler travail ?
Je me demandais, tout en lui lançant un regard charmeur, à combien de demoiselles de cette entreprise il avait fait le coup. J'en avait compté une trentaine... Mais j'avais bien dû en rater. Je fus étonnée que cela fonctionne encore, mais il paraîtrait que l'homme devant moi était un bon coup. C'était donc un lourdingue, mais qui savait baiser... Cela semblait rétablir la balance. Question de goût quoi. Personnellement croiser mon plan cul sur mon lieu de travail cela ne me disait absolument rien. Je soupirais doucement avant de me redresser, attrapant ma chaise du bout des doigts en souriant à mon supérieur.
— Nous serions ravis de déjeuner avec vous.
— Nous ?
— Eh bien oui, nous. Natan et moi. Vous savez bien que nous sommes un duo inséparable. Cela ne vous dérange pas n'est-ce pas ?
Je pouvais le voir se décomposer lentement intérieurement alors qu'il tentait de rester stoïque, lançant un regard peu amène à Natan qui s'était mis à ricaner.
— Bien sûr que non. Je vous laisse vous remettre au travail.
Je le regardais partir avant de m'avancer tranquillement vers mon bureau, lançant mon siège dans les jambes du glaçon. Il me lança un regard, semblant se demander ce que je lui voulais et je levais les yeux aux ciels tout en me dirigeant vers la cafétéria.
— S'il faut t'apprendre à quoi ça sert une chaise, je crains pour la survie de mon ordinateur....
— Connasse.
Je ricanais, fière de moi, allant déguster mon café afin de savourer ma victoire d'avoir pu lui arracher une phrase. Une insulte en plus. Ce luxe.
Oui je devais l'avouer, je prenais un malin plaisir à me faire détester de beaucoup de monde. Et mon passe- temps favoris était de lancer des piques. Cela me distrayait assez bien je devais l'admettre. Surtout avec ce mec-là.
Je sus que mon répit était terminé quand les deux arrivèrent dans la salle de pause, un air un peu trop confiant accroché sur le visage de Cole. Il alla se chercher un café avec Natan avant de venir s'appuyer sur ma table.
— Si j'arrive à lui clouer le bec, je gagne quoi Nat ?
J'arquais un sourcil alors qu'un sourire moqueur s'étirait sur mes lèvres. Mon collègue sembla réfléchir à sa prochaine connerie et je plissais les yeux face au temps qu'il prenait à répondre. Connaissant le personnage cela ne pouvait vouloir dire qu'une chose : il cherchait à formuler quelque chose pour que je n'arrive pas à y échapper.
— La présence de Mademoiselle la furie à ton prochain concert.
Bon alors déjà, je ne savais pas que le glaçon avait un groupe. Je m'attendais au pire vu le personnage. Ensuite le crétin face à moi croyait vraiment que j'allais céder ?
— Je vois pas l'intérêt. Je la vois déjà assez au boulot.
— On est, au moins, d'accord là-dessus. J'ai pas envie de perdre une soirée à m'ennuyer.
Natan murmura quelque chose à l'oreille de Cole, celui-ci le regarda en fronçant les sourcils avant de me regarder en penchant la tête.
— J'y crois absolument pas mais bon... J'accepte le deal.
— Cool que t'accepte, mais j'ai jamais accepté quoi que ce soit moi.
— Juste une grande gueule quoi. Mais t'as pas le choix. Nat te donnera la date de rendez-vous.
Il partit aussi vite, me laissant plantée là. L'envie de l'insulter de tous les noms me brûlait, mais j'étais consciente que c'était ce qu'il attendait avec impatience. Je me contentais donc de grogner avant de lever les yeux au ciel.
Je n'avais plus qu'à aller vérifier s'il avait fait son boulot avant de prendre ma décision. Je pris donc mon courage à deux mains, me dirigeant d'un pas rapide vers mon poste de travail. J'ignorais superbement le mec qui me collait aux fesses comme une mouche à sa vache fétiche, et me concentrais sur mon ordinateur. Mais j'avais beau chercher le détail qui allait me donner raison, l'enfoiré de glaçon avait travaillé sérieusement... Réglant en réalité la totalité des problèmes laissés par l'informaticien incompétent.
J'étais donc face à une réalité non négociable : j'étais redevable.
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Correction Septembre 2020
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