Elle me nargue. Elle a mes clés et sait que je suis sans défense désormais. Elle m'humilie. Ça l'amuse... Qu'y a-t-il de si drôle ? Je suis projetée vers l'avant puis renvoyée vers l'arrière. Je ne suis qu'une poupée entre ses mains. Une poupée sur laquelle elle assouvit son envie de violence. Je hurle de douleur tandis qu'elle rit. Tout est silencieux autour. Je n'entends plus rien. Je ne vois plus rien. Juste une sensation de vertige, comme si je tombais encore et encore...

J'ouvre les yeux d'un seul coup, réveillée en sursaut par cette impression de chute libre. La lumière présente dans la pièce est éblouissante. Mes pupilles me brûlent et les larmes me montent aux yeux. Je plisse les paupières et prends quelques secondes pour m'habituer à la luminosité. Je regarde autour de moi, seulement je ne sais dire avec exactitude où je me trouve. La salle ressemble à une infirmerie, avec ses lits et son mobilier sommaire, cependant elle n'a rien à voir avec celle dans laquelle je me suis retrouvée aux GJIM après avoir affrontée Flare. Que s'est-il donc passé ? Si je fais confiance à ma mémoire, j'ai lamentablement échoué lors de l'épreuve aquatique. Où est-ce que je me trouve alors, si ce n'est pas l'infirmerie du stade ?

J'inspecte plus attentivement mon environnement. La carafe d'eau et le verre sur la table de chevet me donnent envie de boire. Je me rends compte à quel point ma gorge est sèche, signe que je n'ai pas bu depuis un moment. Ne pouvant pas les utiliser, j'examine le reste de la pièce mais commence à ressentir une sensation étrange et désagréable sur la totalité de mon corps. J'ai l'impression de cuire à petit feu comme si j'avais écopé d'un gros coup de soleil ou... des brûlures ? Quand j'y pense, ça ressemble vraiment aux effets que je subis quand je suis trop proche de la magie de Natsu.

En faisant un effort qui me paraît surhumain, je réussis à lever mes mains tremblantes et couvertes de bandages devant mon visage. Que s'était-il donc passé précisément ? Cette question tourne en boucle dans mon crâne alors que j'essaye de rassembler mes souvenirs flous. J'ai perdu contre Minerva, c'est un fait... L'écart de force était bien trop grand. Faible comme je suis, comment ai-je pu penser ne serait-ce qu'une seconde pouvoir lui tenir tête ? Sans mes esprits, je ne suis rien... Rien. Pourtant, je n'ai pas dû déclarer forfait. Si je l'avais fait, je ne serais pas dans cet état. Alors, quelle folie m'est passée par la tête ? Ai-je été stupide au point de vouloir me battre à mains nues ?

Malgré le cathéter gênant au creux de mon coude, j'arrive à repousser la couverture et jette un œil au reste de mon buste. Je devine aisément ce qui se cache en-dessous de la blouse d'hôpital que je porte... À quoi est-ce que je m'attendais au juste ? Il est à la même image que mes mains. Camouflé par des mètres de bandes protégeant mes blessures. Une larme s'échappe de mes yeux, puis une autre, imbibant les pansements recouvrant mon visage. Ce n'est que le résultat de ma médiocrité. Une incapable. Voilà ce que je suis. C'est une vérité cruelle et impitoyable...

Combien de temps est-ce que je reste ainsi à me morfondre ? Je n'en ai aucune idée. C'est un besoin naturel qui me sort de mon apitoiement. J'essaie de me lever mais mes jambes refusent le moindre petit mouvement. Alors que je persiste à vouloir bouger, j'entends la porte s'ouvrir. Je tourne la tête dans sa direction et tombe, soulagée, sur un visage familier. La jeune fille a l'air heureuse de me voir éveillée si j'en crois son large sourire.

- Lucy, comment te sens-tu ? me demande-t-elle une fois à mon chevet. Tu as mal quelque part ? N'hésite pas à me le dire, s'il te plaît, c'est important que je le sache.

- Wendy... je prononce difficilement.

Elle semble comprendre mon problème quand je détourne les yeux pour fixer la carafe. Elle se dépêche de me remplir un verre et me le tiens après avoir ajouté une paille en m'ordonnant de boire lentement, ce que je fais. L'eau fraîche me fait un bien fou. Je me sens mieux une fois désaltérée mais un problème persiste...

-Où est-ce que je suis ? je lui demande finalement d'une voix enrouée.

- On est rentré à Magnolia... C'est le nouveau Hall de la guilde. Lucy, s'il te plaît, réponds à ma question.

- Je n'ai pas spécialement mal. J'ai surtout l'impression de peser une tonne et de cuire. Tu peux me dire pourquoi ?

- C'est normal que tu sois ankylosée, tu n'as pas beaucoup bougé ces derniers jours, m'explique t'elle en m'enlevant le cathéter. J'ai bien tenté les massages mais ça ne remplace pas l'activité physique. Tu devras suivre une rééducation pour retrouver ta motricité. Pour ce qui est de cuire... Tu as été ébouillantée à cause de la magie de Minerva...

- Ah. C'est donc pour ça... Une dernière chose, Wendy.

- Oui ? m'encourage t'elle.

Je détourne les yeux, gênée... Elle a beau être du même sexe que moi, avouer ce genre de chose, pour une personne qui a cherché son indépendance coûte que coûte, est humiliant. Du moins, c'est comme ça que je le ressens. Mais, quitte à me sentir ainsi...

- J'aimerais aller aux toilettes mais je n'arrive pas à me lever, j'avoue, mes joues prenant une teinte rouge pivoine.

- Oh ! s'exclame t'elle en comprenant mon embarras. Euh... J'ai fais ta toilette tout à l'heure et je t'ai enlevé la sonde. Je revenais justement pour la changer mais je vais chercher quelqu'un pour t'aider ! Je fais vite, promis ! dit-elle en ressortant de la pièce après avoir tiré un rideau pour me cacher à la vue des personnes susceptibles d'entrer.

Je n'ai eu à attendre que quelques minutes avant d'entendre la porte s'ouvrir à nouveau et deux personnes entrer. Les premiers pas sont légers mais les seconds semblent plus lourds... Comme ceux d'un enfant et d'un adulte.

- Wendy ? C'est toi ? je demande, incertaine. Tu as trouvé quelqu'un ?

- Tu n'as pas dis qu'elle était réveillée, répond une voix grave. Laisse-moi deviner. Si je dois la porter c'est parce qu'elle ne peut pas se lever ?

Je me fige. Un homme ! Elle a demandé à un homme. Je suis mortifiée. Elle aurait pu revenir avec Erza ou à la limite, Gray ou Natsu, ça aurait été logique vu qu'on est dans la même équipe, mais... Avec lui ? Dans quel monde ? Qu'est-ce qui lui est passé par la tête ? Est-ce que c'est vraiment lui d'abord ? Je dois en être sûre. Mais, si c'est lui...

- Luxus, c'est toi ? je demande d'une voix mal assurée

Je n'ai pas de réponse. Il écarte simplement le rideau et je me retrouve face au jeune homme blond et musclé. Il me surplombe de toute sa hauteur tandis que ses yeux scrutent attentivement chaque parcelle de mon être avant de plonger son regard dans le mien.

- Salut, petite fée. Bien dormi ?

* * *

Je suis allongé sur un canapé à l'étage de la guilde, les yeux clos, mes écouteurs sur les oreilles. Les bruits du bar me parviennent à cause, ou grâce, à mon ouïe de Chasseur de dragon de foudre. Malgré les cris, les rires et les bagarres, mes pensées ne font que dériver vers celle qu'on pourrait surnommée « la belle au bois dormant ». Pourquoi ? Ça m'arrive de plus en plus ces derniers temps. Je me rappelle les mauvais traitements qu'elle a subis... Ses jambes brûlées lors de son premier combat contre Flare, puis le reste de son corps face à Minerva quelques jours plus tard, lors de l'épreuve aquatique. Quand j'y repense, un tel acharnement... Ça me donne envie de vomir.

Certes, dans le passé j'ai attaqué ma propre guilde. Celle qui réunit toutes les personnes avec qui j'ai grandi et passé ma vie. Ma famille... Tout ça par colère et cupidité. J'étais tellement idiot à cette époque, rempli de rancoeur envers mon grand-père et Maître. Je lui en voulais tellement de m'avoir séparé de mon père. Je n'avais que la vengeance en tête. Vengeance que j'ai dirigé non pas vers lui directement, mais vers tout ce qu'il avait bâti et protégé toute sa vie. Dire que j'avais demandé à Evergreen de transformer Blondie en statue, ainsi que les autres filles, sous prétexte d'en faire des otages, juste pour pouvoir être près d'elle et la toucher... Déjà, à cette époque, elle m'intriguait. Pourtant, je ne l'avais aperçue que quelques secondes avant cet événement.

Mon cœur se serre au souvenir des larmes qu'elle a versé après sa première défaite aux GJIM. Elle était étendue au milieu de l'arène après avoir été humiliée devant des milliers de personnes. Pourquoi est-ce que ça me fait si mal quand je repense à ses pleurs ?

Je soupire. Et dire qu'elle me hante même la nuit jusque dans mes rêves... Que m'arrive-t-il ?

Tout à coup, un grand silence remplace le vacarme incessant du rez-de-chaussée. Ce n'est qu'éphémère mais ça m'intrigue. Je me lève et vais m'accouder à la rambarde. Les membres se précipitent vers Wendy en se bousculant les uns les autres. Je réussis à isoler quelques paroles et comprends qu'elle cherche deux personnes pour déplacer la belle endormie.

- Wendy ! Laisse, je m'en charge ! je cris sur un ton sans appel, qui se veut froid et distant, par dessus le boucan.

La petite chasseuse me regarde, surprise. Je fais si peur que ça ? C'est vrai que je n'ai pas un visage très engageant et que je ne suis pas très sociable mais je m'améliore je trouve. J'ai bien réussi à coopérer avec une équipe autre que les Raijin durant les Jeux.

- Oh ! Euh... Merci, mais tu es sûr ? Ça ne te dérange pas ? me demande-t-elle avec quelques rougeurs sur les pommettes.

J'ai l'impression qu'elle cache quelque chose. D'habitude elle ne réagit pas comme ça sans raison. Ce n'est pas la première fois qu'elle demande de l'aide pour tenir Lucy quand il faut changer ses pansements. Après réflexion, c'est vrai qu'en général ce sont les filles qui s'en chargent. Bah... Elle doit sans doute vouloir changer ses draps. C'est vrai que ça fait déjà plus d'une semaine qu'on est rentré.

Je lui confirme une seconde fois que je vais l'aider et la suis jusqu'à l'infirmerie. Alors qu'elle ferme la porte derrière moi, je me dirige d'un pas nonchalant vers le seul lit occupé de la pièce lorsque le son d'une voix me stoppe net.

- Wendy ? C'est toi ? Tu as trouvé quelqu'un ?

Je me retourne vers Wendy en cachant le choc que je viens de subir. Je dois absolument contrôler mes émotions car la petite étant elle aussi une chasseuse, son ouïe peut égaler la mienne... Je dois donc conserver un rythme cardiaque normal et ne rien laisser paraître du trouble que je ressens.

- Tu n'as pas dis qu'elle était réveillée... je reproche à Wendy. Je suppose que si je dois la porter c'est qu'elle ne peut pas se lever ?

Je pousse un soupir. J'espère avoir l'air blasé mais, pour être honnête, je suis soulagé qu'elle soit réveillée... C'est normal, c'est une fée après tout. On est de la même guilde...

- Luxus, c'est toi ?

Sa voix est mal assurée, plus grave que d'ordinaire. Je continue d'avancer et écarte le rideau. Mes yeux sont instinctivement à la recherche de ses blessures mais celles-ci sont soigneusement pansées. Finalement, je plonge dans ses prunelles chocolatées et décide de l'embêter un peu.

- Salut, petite fée. Bien dormi ?

Alors ? Que pensez-vous du premier chapitre de cette nouvelle version ? N'hésitez pas à commenter vos passages préférés et me donner vos impressions !