Chapitre XIV - ... leurs vies sans penser à moi

Quand Kaïa réapparut au salon, son frère était là, fixant sans dire un mot ses parents.

- Petter ! s'exclama-t-elle. Quand es-tu arrivé ?

- Quand tu étais occupée au communiqueur. Quelque chose d'urgent je suppose, dit-il avec un clin d'œil.

- Son petit ami sans doute ! soupira sa mère. Ils ne peuvent pas se quitter.

- C'est un bon garçon au moins ! défendit son père.

- Un bon garçon ! Il va falloir remédier à tout cela Kaïa !

Elle rit, pas ses parents. Inès se mordilla la lèvre gênée.

- Ne t'en fais pas, je compte le pervertir, lui susurra-t-elle.

- J'espère bien, où je vais devoir m'en charger poupette, poursuivit-il sur le même ton.

Son père toussota.

- On ne vous dérange pas j'espère ?

Inès rit discrètement.

- Au fait, on t'a présenté Inès ? Elle est géniale tu sais.

Son frère fit un sourire à cette dernière.

- Bien sûr, elle est la seule à m'avoir fait la conversation.

Il ignora royalement leurs parents, saisit la valise, signe du départ. Son père serra Kaïa très fort.

- Fait attention ma poucinette ! Ce n'est pas ta crapule de frère qui le fera.

Sa mère la serra à son tour dans ses bras. Et Kaïa se jeta dans ceux d'Inès.

- J'aurais voulu que tu viennes tu sais ?

Surtout pour la pousser dans les bras de son frère, mais cela elle n'avait pas besoin de le savoir. Sa mère croisa les bras et prit un air pincé. Son père regardait avec hésitation Petter.

- Ne fais pas trop de bêtise avec la petite !

- Si tu es si peu rassuré, pourquoi me la laisser ?

Ils ne répondirent rien.

- Allez ! Amusez-vous bien ! Et c'est toujours un plaisir de te voir ma crapule ! conclut son père.

Son frère ferma les yeux sans rien dire quelques secondes et mena Kaïa à son vaisseau. Il y rangea sa valise.

- Tu es prête ? Ola n'a pas rangé depuis des lustres et ça m'étonnerait qu'elle l'ait fait en mon absence, elle a une répétition.

- Parce qu'elle n'est même pas capable de cela !

Son frère sourit, comme à chaque fois qu'elle critiquait sa fiancée, mais ne répliqua rien.

Elle monta et s'attacha, il fit de même et ils décollèrent. Elle resta silencieuse jusqu'à que le vaisseau se stabilisa. C'était une manœuvre complexe et elle avait appris qu'il ne fallait jamais déranger un pilote que ce soit au décollage ou à l'atterrissage. Son frère alluma le radar, chargea le camouflage et attendit en volant en cercle autour de la citée. Elle admira la vue.

- Ça te plaît ? lui demanda son frère.

- C'est pas mal, commenta Kaïa.

Enfin ils reçurent le signal d'autorisation de passage. Ils pouvaient traverser la frontière sans souci. Son frère accélérera et partit tout droit. Kaïa comprenait qu'il apprécie cela autant. La montée d'adrénaline lui procurait une sensation de bienêtre. Son frère, pour s'amuser fit des loopings, avançait en zigzag. Comment décrire cela à quelqu'un qui n'ait jamais mis les pieds dans un vaisseau ? C'est sans doute ce qu'on doit ressentir dans des montagnes russes. Kaïa riait et criait d'amusement :

- C'est géant ! Tu m'apprendras un jour ?

- Si tu veux poupette.

Voyant qu'il avait repris une conduite plus stable, elle continua la conversation, mais sur un sujet plus intéressant :

- Tu sais pourquoi Kamélia est repartie chez elle il y a une quinzaine d'année avant de revenir ?

- Pas vraiment. J'ai entendu quelques bruits de couloirs à Haldar quand j'étais plus jeune.

Il sourit à cette pensée.

- À Haldar ? s'étonna-t-elle.

Elle aurait plus comptée sur les connaissances qu'il avait grâce à tous ses voyages.

- Exactement. Il paraîtrait que Kamélia est une grande amie de Maja Nilsson, la responsable des recherches scientifique d'Haldar.

Kaïa sourit amusé. Else Eriksson, l'ancienne petite amie de son frère, pas une inculte de dissidente comme l'actuelle, avait travaillé au laboratoire de recherche royale.

- Elle venait souvent ?

Après tout, c'était peut-être elle qui fournissait le sang. Et une scientifique, avec les souvenirs de Kamélia, avait pu recréer un philtre d'amour.

- Non. C'est plutôt Maja qui partait la voir.

- Et qu'est-ce qui se disait sur Kamélia ?

Son frère sourit avant de répondre. Il aimait faire ses petits effets. Elle attendit alors patiemment.

- De ce que j'ai entendu, Kamélia a fait beaucoup de recherches sur la magie, comment elle fonctionne, pourquoi elle n'agit pas sur certain, comment contourner cette interdiction. Je pense qu'elle est rentrée chez elle tester toutes ces découvertes là-haut. Seulement cela n'aurait pas plus aux fées, qui auraient enquêté et volé ses recherches avant de ramener Kamélia ici. Elle n'y retournerait plus de colères contre elles.

- Papa dit qu'il faut avoir tout perdu pour quitter son monde.

- Kamélia n'avait sans doute rien là-bas. Les fées ne sont pas matérialistes. Et elles ne sont pas aussi sociales que nous. En ayant encore moins le sens de la famille que les vampires.

Les vampires avaient assez peu l'instinct maternel pourtant. En réalité peu de vampires se mariaient, encore moins avaient des enfants. Et à part Solveig et Nils, je n'ai jamais connu de vampire ayant eu plusieurs grossesses (pour une vampire) ou féconder plusieurs fois une vampire (pour un vampire).

- Kamélia est célibataire ?

Petter s'esclaffa.

- Selon les rumeurs, elle fréquenterait un certain Lucas Van der Vjer, gardien de la barrière à Firento. Mais c'est une fée Kaïa. Elle vivait déjà à Firento avant sa naissance à lui, a eu un nombre de prétendus amants ou fiancé incroyable si on en croit les revues de divertissements.

- Et Aradia, pour quelles raisons elle est venue ici ?

- Pour suivre Thibault. Et sans doute surveiller Kamélia.

- Petter, tu as déjà entendu parler des douze bagues des fées donné en cadeau à Camilo ?

Son frère avait étudié pendant un an l'histoire ancienne. Il avait fait un an ou un semestre dans tellement de matière que ses parents disaient que dans le principe il avait tout étudié mais que dans les faits il n'avait rien étudié. Ce dernier réfléchit un moment avant de répondre :

- Oui. Une a été donné à l'aigrie. Un cadeau des fées.

- Que sont-elles devenues ?

- Je crois qu'elles ont été enterré avec leurs porteuses.

- Tu sais qui c'étaient ?

- Évidemment ! Il y avait ses trois épouses : Nadia la guérisseuse, Lætitia l'aigrie et Charlène la jeune. Ses quatre filles : Gaëlle la plus jeune qui a été une véritable guerrière, Mégane qui a épousé Magnus Falk.

- Falk comme le fondateur d'Haldar ?

- Oui. Magnus est le fils de Lars. Sinon, il reste Floriane l'amie des lutins qui est toujours la protectrice de Zonviland et Monique qui a épousé Rémi Caan, le fondateur de Firento.

Kaïa compta. Cela faisait sept bagues.

- Il n'y a pas douze bagues ?

- Oui. C'est vrai. Il en a offert une à sa belle-fille, Christelle la douce. Et il en reste.... quatre.

Il réfléchit en remuant les lèvres. Elle espérait qu'il ferait quand même attention à la route.

- Ah oui ! Il y a ses deux maîtresses, mais c'était lesquelles ?

- Linnéa Lund, proposa Kaïa.

Elle était une vampire célèbre uniquement pour avoir été la plus longue concubine de Camilo.

- Justement je ne sais pas si c'est elle ou Axelle, sa première maîtresse. Je ne sais plus si Axelle était morte ou pas à ce moment-là. Dans tous les cas, c'est l'une d'elles. Et Umbria.

- Ça fait très féerique comme nom, commenta Kaïa.

- Il est possible que cela en soit une.

Il reste deux bagues.

- Ses deux filles illégitimes : Kamélie la fille d'Umbria et Elsa la fille d'Axelle, morte bien avant tout cela mais il a enterré la bague dans sa tombe. Voilà, on a les douze.

- Elles sont toutes mortes ?

- Oui. Et dans les tombeaux du palais royale de Barcelia à part tout ce qui n'est pas officielle évidemment.

Kaïa pensait à un moyen par lequel Kamélia les auraient eu. Puis elle nota quelque chose qui la gêna. Kamélie, Umbria c'était des noms de fées, de créatures qui n'avait pas une espérance de vie humaine. Et si Kamélia leur avaient pris. Puis quelque chose d'étrange naquit dans son esprit. Kamélia, Kamélie c'étaient deux prénoms presque identiques, à une lettre près. Certes les prénoms des fées se ressemblaient, certes elles étaient nombreuses du fait de leur longévité et on pouvait donc rencontrer deux fées ayant le même prénom. Mais là, ce n'était pas que le prénom. Il y avait cette bague. Et si Kamélie avait également eu accès à la bague de sa mère. Et si elle était dans leur monde à eux parce qu'elle en était originaire. Mais dans ce cas, pourquoi Firento et pas Barcelia ? Kaïa se sentait perdue.

- Et alors poupette tu vas m'expliquer d'où te viennes toutes ces questions et pourquoi tu es si perturbée ?

La jeune princesse avait une admiration et une confiance totale en son frère. Il était son héros, celui qui bravait les interdits, défiait l'autorité parentale, vivait sa vie comme il l'entendait sans se préoccuper de ce que son rang exigeait. Lui, il la comprenait. Il l'avait toujours soutenu. Il pouvait venir d'une cité lointaine juste parce qu'elle avait du chagrin. Il passait des heures au communiqueur à lui expliquer une leçon qu'elle ne comprenait pas. Il ratait une journée de travail pour l'emmener s'amuser quand elle lui avouait s'ennuyer. Il la soutenait quand ses parents la grondaient. Et il s'amusait de ses bêtises au lieu de l'en blâmer. Alors, elle n'hésita pas. Elle lui raconta tout, ses soupçons, ses découvertes, mon attitude, celle de Kamélia. Il écoutait attentivement. Quand elle eut fini il lui apprit :

- Les fées se sont toujours très intéressées au Carignan.

- Vraiment ?

- Oui. Et Camilo avait même un lien étrange, presque suspect avec elles. On n'a jamais trop su de quoi cela retournait. Sans doute d'une méfiance réciproque, tout en espérant un soutien au cas où les choses tourneraient mal. En tout cas, Camilo a négocié pas mal de choses concernant ses héritiers, avec les fées. Celles-ci ne s'opposent jamais au Carignan, les protègent de la moindre révolte. Il y a sans doute une explication.

Était-ce lui qui était à l'origine de tout cela ? Kaïa en tant qu'haldarienne connaissait surtout l'histoire de sa cité. Elle ne connaissait de Camilo que sa réputation et les bruits qui se chuchotaient dans les monarchies, mais rien de très concrets.

Au palais, ma mère exigea de voir Hélène. Elles discutèrent longuement, en privée. Puis ma mère sortit de bonne humeur. Elle rejoignit Gautier pour lui expliquer ce qu'elle avait obtenu. Il en fut ravi, pour nous bien sûr, soutins ma mère et se promit de prendre quelques vacances pour en profiter avec elle. Quand Camille rentra dans sa suite en compagnie de Mickaël, elle trouva un message de cette dernière la priant de la rejoindre. Elle s'y rendit et trouva notre mère qui arrosait des orchidées.

- Maman, qu'est-ce qu'il se passe ?

Elle eut un sourire énigmatique.

- J'ai eu une discussion avec Hélène.

- Maman !

- Bien j'ai expliqué à ta tante que tout cela n'était pas facile pour vous, qu'on avait besoin aussi de se retrouver tous les trois, que vous aviez une autre famille à Firento. Et que prendre quelques vacances vous feraient du bien.

- Cela m'étonnerait qu'en tant que Carignan on ait le droit d'en avoir, commenta-t-elle.

- Justement, Hélène veut bien que vous alliez un mois à Firento avec moi. Bien sûr, elle exigera de vous que vous représentiez Barcelia à quelques réceptions, auprès de l'ambassadrice. Et en août, vous partirez pour quelques voyages officieux.

- C'est génial ! s'exclama ma sœur. Qu'en pense Théophile ?

- Je n'en sais rien. Je lui ai laissé un message. Apparemment ta tante aussi espère mettre la main sur lui. Il doit encore s'être caché quelque part avec Élodie.

- J'espère qu'ils n'ont pas encore fui, commenta ma sœur.

Elle sortit et m'appela. Encore une fois, je ne répondis pas. Elle se décida à partir pour ma suite. Elle m'y attendrait s'il fallait.

De leur côté, Éric et Romuald avaient retourné tout le palais. Avec l'aide de Paul, ils avaient fouillé tous les bons de réceptions conservés qui était arrivé au palais ces derniers mois, fouillés tous ceux pour Élodie. Ils trouvèrent enfin un qui faisait référence à des produits de beauté.

- Je l'ai ! s'exclama Paul.

- Qu'est-ce que ça dit ? interrogea Éric qui ne parvenait pas à lire la caroline.

- Firento ! déclara Romuald.

- Et c'est dit qui est l'expéditeur ?

- Kamélia, révéla Paul.

Tous les trois échangèrent un regard sombre. Alors c'était bien elle. À ce moment le communiqueur d'Éric sonna.

- Kaïa ! annonça-t-il.

Ma sœur était arrivée dans ma suite, elle fouilla les pièces à ma recherche. Sur mon bureau elle aperçut une enveloppe avec son prénom dessus. Elle reconnut mon écriture. Son cœur rata un battement. Qu'avais-je pu encore faire ? Elle la saisit, l'ouvrit en tremblant.

Camille,

Ne t'inquiète pas de notre absence à Élodie et moi. On est parti au seul endroit où l'on pourra être tranquille, heureux et tous les deux : chez les fées !

Je reviendrai bientôt, promis.

Je t'aime.

Théophile.

- Cette fois il faut tout lui dire. On a assez de preuve contre Kamélia ! déclara Kaïa.

Éric approuva. Tout cela faisait vraiment trop de coïncidences pour que Kamélia soit innocente. Peut-être même était-elle apparentée au Carignan. Le savaient-ils ? Et Aradia ? Cela n'avait pas d'importance.

- Très bien. Romuald et moi on va le chercher et tout lui dire. On l'interrompra en plein conseil de guerre s'il faut. On te tient au courant.

- Merci les garçons ! 


Et voilà pour ce chapitre. N'hésitez pas à me faire part de vos avis et réactions. A lundi !

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