Chapitre XII - ... me faisant fatalement prendre une terrible décision.


Petit souci technique aujourd'hui. Je m'en excuse. Voilà le bon chapitre.



Une autre boîte de chocolat arriva. Élodie la posa d'abord dans un coin. Mais après une énième journée difficile, elle ne put résister et se jeta sur la boîte. Entre l'oubli et la déprime, elle avait choisi l'oubli. Elle n'avait pas avalé toute la boîte, mais cela mit Éric hors de lui.

- On est plus à quelques jours près ! la défendis-je.

- Oui. Mais c'est stupide de manger alors que tu sais que c'est empoisonné.

- Mais ils sont tellement appétissants ! Et le chocolat m'aide à lâcher la pression ! explique-t-elle.

Car être ma petite amie lui demandait de l'engagement. On exigeait d'elle un comportement exemplaire, surveillant ses fréquentations, lui imposant ses tenues, la poussant à maigrir et ne lui donnant la permission de parler que de certains sujets avec ses proches. Et son amnésie régulière ne l'aidait pas. Elle se sentait tellement abattue par moment. Mon absence ne lui facilitait pas la tâche non plus. Heureusement, Kamélia était là, comme elle l'avait promis. La fée l'apaisait en lui décrivant son monde, un lieu de couleurs, où la nature gardait tous ses droits. Élodie avait eu la présence d'esprit, elle, d'interroger Kamélia sur la raison d'un tel soutien. La fée lui avait dit qu'elle tenait à moi bien sûr, mais que surtout il fallait bien quelqu'un qui se préoccupait d'elle, seule et abandonnée. Cela la poussait à apprécier encore plus notre amie.

Le jour de mon départ, je fus levé aux aurores. Hélène était de mauvaise humeur mais discutait des lois. Je tentais de rester éveillé. Au bout d'une heure et demie à peu près je craquais et demandais :

- Tu n'as jamais eu envie de prendre des vacances ?

J'aurais mieux fait de me taire. Elle s'emporta contre moi, contre le gouvernement, contre Thibault. Elle se plaignait d'être la seule à travailler, d'être l'unique à avoir l'intérêt de Barcelia comme objectif principal. Elle se lamenta sur le manque d'investissement de nous autres, qui étions censé travailler pour notre cité mais qui ne pensait qu'à notre plaisir. Elle déplorait que personne ne l'assiste convenablement dans une tâche qui ne lui avait jamais été destinée.

Finalement, elle renvoya tout le monde, exaspérée, avant de me rappeler pour me faire la morale. Yves arriva alors et me conseilla de partir. Il voulait calmer Hélène. Je lui laissais bien ce plaisir. Mais j'étais assez irrité d'avoir dû me lever pour rien. Je songeais que je pouvais rattraper ma journée en la passant avec Élodie, mais on m'apprit qu'elle aidait à la bibliothèque royale. Yves avait insisté pour qu'elle ne soit pas logé à ne rien faire et son goût pour la lecture l'avait fait apprécier du bibliothécaire. Je râlai devant la note qu'elle m'avait laissée. Décidément on s'était ligué pour me gâcher ma journée.

Je décidais donc de me promener dans le palais. Sauf qu'il fallut que mon chemin croisa celui de Célia, qui revenait d'une leçon de magie.

- Où tu vas ? me demanda-t-elle avec excitation.

- Quelque part, grognais-je en poursuivant mon chemin.

Mais elle me poursuivit.

- Allez ! Dis-moi où tu vas ! Sinon c'est que tu as quelque chose à cacher !

- Je n'ai rien à cacher ! Et qu'est-ce que ça peut te faire l'endroit où je me rends ? lançais-je en accélérant.

Elle suivit la cadence.

- Peut-être qu'on pourrait y aller tous les deux. J'ai un peu de temps libre.

- Et je n'ai pas envie de perdre le mien en ta compagnie.

- Alors je vais devoir être obligé de demander à Yves de te trouver une occupation. Peut-être même quelque chose que vous pourriez faire à deux.

Je détestais cette fille, son sourire malicieux me donnait des envies de meurtre, son regard conquérant plus encore.

- Je vais lire ! inventais-je.

- Ce n'est pas vrai ! Tu détestes ça !

- Eh bien j'ai changé d'avis !

- Ce n'est pas beau de dire des mensonges ! gronda-t-elle avec un sourire malicieux et secouant son doigt pour se la jouer autoritaire.

Je sentis ma bouche s'emplir de bulle. Célia s'esclaffa. Je crachai en la fusillant du regard. Mais cela ne partait pas. Ma magie n'eut pas de mal à chasser le sort de ma cousine, mais cela n'apaisa pas ma rage.

- Tu feras une mère affreuse !

- Tant mieux ! Je déteste les enfants ! Ca pleure tous le temps et c'est sale ! Oh moins ils ne pleureront pas pour rester avec leur nourrice !

- C'est horrible ce que tu dis !

- Oh je t'en prie ! Ne me dis pas que tu rêves d'être papa ?

- Un jour, dans un futur très très lointain oui bien sûr ! Quand je serais vieux et ennuyeux et que j'aurais rien d'autre à faire pour passer le temps.

- Je suis ravie de voir tout le bien que tu penses de ça ! Mais assez spéculer sur une situation aussi improbable qu'une femme qui puisse un jour accepter d'endurer une grossesse et sans doute même plus, juste pour toi. Alors je peux venir avec toi ? minauda-t-elle avec la bouche en cœur.

- Non ! Surtout pas pour que tu continues de m'embêter.

- Très bien. Dans ce cas je vais demander à ce qu'on fasse travailler ta chérie plus longtemps encore.

Je la haïssais. Comment pouvait-on être aussi irritant ?

- Dans ce cas viens !

Ne pouvant y échapper, je marchai avec elle. Mais je décidai rapidement d'aller chez ma sœur où je savais qu'elle ne me suivrait pas. Je n'hésitais pas longtemps. Célia voulut me recoiffer, se moqua de mon affection pour Élodie, me fit quelques blagues grivoises qui choqueraient ses parents s'ils savaient qu'elle les connaissait. Je tentais bien de me moquer en retour de sa vie amoureuse, mais mes tentatives récoltaient un regard de mépris de sa part. Il faut dire que j'étais plus ridicule qu'autre chose. Célia avait une vie amoureuse assez secrète néanmoins sans doute pas inexistante quand on voyait le nombre de ses soupirants. Mais en me voyant m'arrêter devant la porte de ma cadette, alors que je lui expliquais à quel point j'avais envie de voir ma petite sœur adorée, j'en suis venue, comme vous pouvez le voir, aux pires extrémités pour la faire partir je sais, sa grimace me soulagea. J'entrais sans faire attention à elle. Elle ne me suivit évidemment pas. Ce qui était mieux ainsi. Car Camille avait peut-être encore son cours d'économie à cette heure.

Malheureusement non. Je la trouvais allongé sur Mickaël, échangeant baisers, caresses et suçons, ce qui est clairement dégoûtant et dangereux pour ce dernier, si si je vous jure, des gens en sont morts.

Ils me firent l'honneur de s'asseoir, mais toujours pelotonnée dans les bras l'un de l'autre et continuant leurs regards enamourés, accompagnés de mots doux, suivi de caresses. Ils n'essayèrent même pas de me faire la conversation et moi je ne savais trop quoi leur dire. Et le fait qu'ils semblaient essayer de battre le record du plus long baiser n'aidait pas. Je n'eus pas à supporter cela longtemps. Ma sœur me fit clairement comprendre que je la gênais.

Je regagnais ma suite, mais sur le chemin un pauvre petit garçon se jeta sur moi pour me chatouiller. Je ne m'y attendais pas, je paniquais. Et comme d'habitude, avec la panique je relâchai ma magie, qui envoya voler le pauvre enfant à l'autre bout de la pièce. Je me sentis mal à l'aise. J'avais blessé un pauvre enfant et les gardes eurent du mal à me croire quand je leur racontais ce qui s'était passé. Paul les morigéna :

- Assez ! Et si c'était une tentative d'attentat déguisé ! Vous y avez pensé ? Ce pauvre enfant est peut-être ensorceler. Amenez-le à l'infirmerie qu'on l'examine !

Paul avait toujours tendance à dramatiser. Mais c'est sans doute grâce à lui et ses mesures de précautions que personne n'arrivait jamais à atteindre la famille royale. Néanmoins, inquiet pour ma protection, il m'ordonna d'être suivi par une troupe de garde plus nombreuse encore. Je choisis donc de retourner à ma suite où je voulus appeler Nicolas. Mais ce dernier m'expliqua qu'il n'avait pas vraiment de temps à m'accorder, s'apprêtant à partir à un match.

Je commençais à m'ennuyer, sauf que Mathias me fit appeler. Il avait appris que Camille et moi étions libres et avait avancé notre leçon d'économie. Qui dura, encore et encore. Il nous relâcha en retard pour le déjeuner.

Hélène et Yves n'étaient pas là, ce qui n'était guère surprenant, et même régulier. Thibault lui était parti à la chasse. Aradia et ma mère étaient donc les seules adultes, et elles discutaient de Gautier, à quel point il était génial, parfait, galant, sachant faire la vaisselle ou tout autre qualité ridicule et aussi peu agréables à mes oreilles. Les jumelles et Marc se chamaillaient pour des broutilles et ils furent tous les trois privées de dessert par leur mère, ma sœur envoyait des messages à Mickaël et Sylvain se moquait de moi. Il commença par mon allure, puis mes vêtements, mes mauvaises connaissances d'économie, et élargit sur d'autres sujets, Célia s'esclaffait, et moi, de plus en plus irrité, je regrettais qu'il ne fut pas à la chasse avec Thibault. Seulement sa petite amie, Lorraine, la douce et charmante Lorraine, devait venir aujourd'hui et il devait l'accueillir.

À la fin du repas, Paul m'avoua que l'enfant avait été bien ensorcelé, mais bien dans le but de me chatouiller et par un membre de la famille royale. Il avait eu des chocolats en récompense. Je n'eus pas besoin de réfléchir longtemps pour trouver la coupable.

Je me précipitai chez elle. Célia se reposait sur un divan.

- C'est toi qui as fait ça ! accusais-je.

Elle sourit.

- Tu semblais en avoir besoin aujourd'hui. Et tu aurais dû voir ta tête quand ce petit s'est jeté sur toi.

- Tu sais que je l'ai blessé ?

- Ce n'est pas de ma faute si tu es nerveux. Tu devrais te détendre.

- Et comment je pourrais avec toi qui traînes autour de moi tous le temps ? Tu es la fille la plus détestable que je connaisse.

- Ta sœur est bien plus horrible que moi.

- Pas du tout ! Tu n'es qu'une peste ! Tellement que tu n'as aucuns amis ! Et ceux qui te disent le contraire sont des menteurs ! Alors que ma sœur en a des vrais. Et sans avoir besoin de leur tendre mille pièges pour qu'ils acceptent de la voir.

C'était méchant, vexant. Surtout qu'au fond Célia se sentait bien seule. Elle me dévisagea avec rage. Je partis avant qu'elle ne me mit dehors. J'étais trop en colère pour me sentir coupable.

Je fis un tour dans l'espoir de me calmer. Sans résultat. Et en rentrant à ma chambre cela ne s'arrangea pas. Il y avait des bricoleurs, certains murs étaient détruits.

- Qu'est-ce que vous faites ?

- La Grande Reine a ordonné de faire des travaux.

- Quoi ?

On me tendit la fameuse ordonnance, qui exigeait que ma chambre devienne jaune et décoré par des petits cœurs roses. L'écriture n'était pas celle d'Hélène, bien que cela soit son sceau. Je n'eus aucun mal à reconnaître l'écriture de Sylvain. Il avait vengé sa sœur. Et moi je me sentais épuisé. Je ne voulais qu'avoir un peu de repos, partir loin de tout cela, me réfugier dans les bras d'Élodie.

- Pssst ! soufflais-je à Élodie après l'avoir trouvé dans la réserve de la bibliothèque.

Elle se retourna, enchantée, me sauta au cou et on s'embrassa longuement. Je continuais de la serrer contre moi. J'eus l'impression à son contact que tous mes problèmes s'envolaient. Elle s'éloigna avec agitation en me racontant sa journée :

- Comme je suis contente de te voir ! Ils n'ont pas arrêté de me faire courir partout. Et ils veulent me faire perdre du poids à tout prix ! Ils ont demandé à ce qu'on arrête de m'offrir des gourmandises et que j'arrête de grignoter. Et en plus je dois organiser une réception, ce qui devra me faire travailler même les nuits. Je vais craquer. Théophile il faut que je m'éloigne de tout cela.

Elle était paniquée et je la compris très bien. Je la serrais de nouveau contre moi et elle se calma.

- Moi aussi je partirais bien, soufflais-je.

Je lui racontais mon horrible journée. Elle tenta de me consoler. Mais je ne me sentais bien qu'avec elle et je savais qu'on n'allait pas tarder à nous séparer.

- Si on les laissait et qu'on partait, lui suggérais-je.

J'en avais envie plus que jamais. Je ne me sentais plus capable de rester ici. Ma sœur et ma mère avait refait leur vie, elles étaient heureuses. Mais moi, mes uniques joies étaient ces moments passés avec Élodie et ce n'était pas ici que je pourrais en profiter.

- Ta tante sera encore plus en colère, me dit mon amie de cœur.

- Et alors ? On ne sera plus là !

Je souris malicieusement. Elle semblait également amusée.

- Elle viendra nous retrouver.

- Pas si on va chez les fées.

Je sus que j'avais gagné. Cela Élodie n'était pas capable de refuser. Elle en rêvait plus que jamais.

Prendre la pierre qui m'accueillit d'un silence vexé, laisser un mot, toujours en compagnie d'Élodie, sa petite main dans la mienne, nous amusa. Mais la pierre finit par prendre la parole, pour ne cesser de m'implorer de ne pas faire ça, que c'était dangereux. Je l'ignorai cordialement, euphorique et emplit d'amour. Aller discrètement à Firento se fit sans problème. Je n'eus aucune difficulté à retrouver le bureau de Kamélia. Cette dernière, bien que surprise de notre visite, nous accueillit avec bonne humeur. Je ne lui laissai pas l'occasion de parler et annonçai :

- On veut aller chez les fées !

- Théophile ! soupira-t-elle. Je ne peux pas.

- Kamélia, je vous en prie ! C'est insupportable là-bas !

- Vous nous avez dit que l'amour était le plus important ! rappela Élodie. Aidez-nous à profiter du nôtre.

- J'ai la pierre ! J'irai donc sans votre aide s'il le faut.

- « Et moi je ne t'y amènerais pas ! » râla la pierre.

Peu importe, elle était obligée de m'obéir.

La fée nous examina avec hésitation. Puis elle soupira. Et après avoir baissé le regard accepta :

- Très bien ! Je vais vous aider à y aller.

Et je fus plongé dans le noir.


La semaine prochaine on verra un retour de Kaïa au premier plan.

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