Chapitre XI - ...commence à s'éclaircir
Le lendemain matin, alors que je profitais d'un moment seul avec Élodie pour échanger quelques baisers et mots doux, Éric pénétra chez moi, l'air parfaitement normal, jusqu'à qu'il nous dévisage avec effort.
- Qu'est-ce que tu fais là Éric ?
Du regard, je lui fis comprendre que ce n'était pas le moment de me déranger. Mais il se contenta de froncer les sourcils.
- Je suis un peu perdu.
- On peut t'aider ? interrogea Élodie.
Il avait l'air ivre. Ses propos me confirmèrent d'abord cette impression :
- Vous savez où j'habite ?
- Tu as bu ou tu te moques de nous ? demandais-je.
- Peut-être. Mes souvenirs sont assez flous.
- De quoi tu te souviens ?
- Je m'appelle Eric ! Toi c'est Élodie et toi Théophile ! Théophile tu as une sœur qui s'appelle Camille, qui sort avec un certain Mickaël. Ta tante est la grande reine Hélène.....
- Stop ! le coupais-je. Tu te souviens de Voroï ?
- Hein ?
- Des démons ?
- Non.
- Du monde extérieur ?
- Du quoi ?
- En l'interrogeant, on se rendit compte qu'il avait surtout des souvenirs des derniers jours, mais aucun ne remontant à plus d'un mois.
Il fut envoyé à l'infirmerie. On ignorait comment le soigner. Heureusement, en début d'après-midi la mémoire commençait à lui revenir par bribe.
- C'est bizarre tout cela, commentais-je alors que nous le visitions.
- Tu sais, j'ai vu des choses plus bizarres chez les démons, répondit Éric d'un air blasé.
- Tu ne t'en souviens même pas ! protestais-je.
- Certes, mais je suis certain que c'est le cas.
Nous nous sourîmes tous. Éric nous examina avant de demander d'un air plaintif :
- Nicolas ne viendra-t-il pas sur mon lit de mort ?
- Je l'ai appelé. Il t'a envoyé un paquet mais ne peut se déplacer.
- Il est en vacances ! protesta le malade.
- Il vient d'être grand frère ! Et sa mère prépare une campagne ! Il ne doit pas être tranquille, commenta Mickaël.
Je le fusillai du regard. Il s'était mêlé à notre conversation sans vraiment la comprendre. Car Nicolas et Éric avait des relations assez aléatoires. Ils s'appréciaient mais se jalousaient également. De plus, chacun se méfiait de l'autre.
- Et Romuald ? finit par demander le patient.
Nous baissâmes tous la tête mal à l'aise. Qui disait Romuald, disait Kaïa. Or, elle n'était plus l'amie de personne ici.
- Il est à Tins ! C'est loin ! prétextais-je.
- C'est mon meilleur ami ! s'emporta le malade.
- D'accord, grogna ma sœur.
Mais personne ne fit le moindre geste pour le prévenir. Mickaël se leva :
- Je vais l'appeler !
- Merci ! Tu es un vrai ami au moins ! déclara Éric en nous toisant tous du regard.
Assurément, il arriva une demi-heure plus tard, le bras autour des épaules de Kaïa, d'une démarche décontractée. Il ne la lâcha pas pour nous saluer. Elle se mit en retrait quand il s'installa au chevet d'Éric.
- Ça va ?
- Oui. Il faut plus que cela pour me tuer.
- Je suis content de te voir aussi Théophile ! Nous étions très inquiets pour toi quand nous avons entendu que tu étais plus là.
- Merci, lui-dis sans accorder un regard à Kaïa.
- Il va bien ! le rassura Éric. Il vit le grand amour comme tout le monde ici. Sauf moi qui suis seul et qui ait perdu la mémoire.
- Tout est revenu ?
- Non. Mais ça commence.
- Et comment c'est arrivé ?
- On attend les médecins.
Kaïa et Mickaël comprirent assez vite qu'ils étaient de trop puisqu'ils partirent faire un tour ensemble pour nous laisser entre nous. Romuald nous parla un peu de Tins, nous interrogea sur nos suspects, puis nous écouta raconter la vie dans le palais. Le guérisseur officiel vint avec Catherine Delarue, la chef des renseignements, ce qui me fit froncer les sourcils. Ce n'était pas bon signe.
- Vous avez avalé une drogue ! La même qu'on retrouve quotidiennement chez Élodie !
Ma petite amie frissonna, je lui pris la main. Les autres se regardèrent, alarmés.
- Pourquoi moi ? gémit mon ami.
- Justement, on va devoir découvrir si elle a été ingérée par erreur, au contact d'Élodie, ou si vous étiez visé.
Évidemment, Éric fréquentant les mêmes lieux et les même gens que ma petite amie, cela ne nous permit pas de raccourcir la liste des suspects.
Quand Kaïa et Mickaël réapparurent, les joues rouges, un grand sourire au visage, bras-dessus bras-dessous, l'humeur s'assombrit plus encore. Ma sœur, par jalousie ou pour en mettre plein la vue à Kaïa, voir pour m'embêter, se jeta au cou de son petit ami et ils échangèrent un long baiser langoureux qui me mit en rogne et mit mal à l'aise tout le monde.
Romuald prit Kaïa par la main et la fit s'asseoir à ses côtés sans lâcher sa main. Quand ma sœur décolla ses lèvres de celle de son petit-ami, ce dernier semblait un peu trop heureux à mon goût. J'eus envie de mettre mon poing dans sa figure.
- Si vous vous asseyez les amoureux ! finit par dire Éric. Ce sera plus confortable pour faire vos affaires, vous verrez.
Ils pouffèrent ce qui m'agaça profondément. Et contrairement à Kaïa et Romuald qui était resté assez sobres, se contentant de quelques regards et de se tenir la main, ma sœur s'assit sur les genoux de son petit ami, se regardant toujours aussi mièvrement, se caressant le visage, échangeant baisers et murmures.
Romuald se racla la gorge et leur raconta :
- Éric a été empoisonné avec la même drogue qu'Élodie !
Kaïa jeta un regard de mépris à ma petite amie, pendant que ma sœur et Mickaël continuaient leurs amours.
- Tu te sens seul alors tu as voulu partager ton expérience avec un ami ? lâcha sournoisement la jolie vampire.
Le sourire de ma petite amie tomba.
- Élodie n'y ait pour rien ! la défendis-je.
- C'est ce que tu penses mais en as-tu la preuve ? insista mon ancienne amie.
Cette fois Camille et Mickaël nous regardait, certes toujours serré l'un contre l'autre, mais au moins ils ne roucoulaient plus.
- Voyons plutôt les choses autrement, intervint le petit ami de ma sœur. Qui aurait intérêt à effacer la mémoire d'Éric ?
- Les sans-visages ou les démons, répondit la princesse d'Haldar. Il les connaît bien.
- Et qu'ont-ils contre Élodie ? Rien, conclut ma sœur.
- On pensait aussi que vous n'aviez rien qui puisse les intéresser, me rappela celle qui avait partagé mes aventures. Élodie a tout oublié, ou du moins c'est ce qu'elle prétend. Comment être certain qu'elle n'a aucun lien avec eux ?
J'allais déclarer ma confiance en celle qui embellissait ma vie et avec qui je voulais passer le restant de mes jours quand cette dernière intervint :
- Laisse ! Elle a raison.
Le regard de Kaïa, plein de dédain, me donna la rage. Un silence pesant tomba, troublé encore une fois par Romuald qui semblait pensif.
- Les Sans-visages ne font pas cela ! Éric ne connaît pas leur secret comme Romuald ! Et Romuald va bien !
On ne pouvait que croire le garçon qui avait été élevé parmi mes ennemis. Je fixai Kaïa avec un sourire conquérant. Elle n'allait pas s'opposer à son petit ami. Pourtant, elle ouvrit encore la bouche.
- Après tout, on ignore comme elle fait pour l'avaler cette drogue. Et comme vous êtes tout le temps ensemble, vous devez avaler les mêmes choses. Je savais bien qu'elle était nocive.
- Mais Théophile et moi n'avons rien ! fit remarquer ma cadette.
- Vous faites partie de la famille royale ! Vous ne mangez pas avec eux non ? Et chaque aliment que vous avalez est surveillé.
On ne pouvait rien redire. Éric la fixa même avec attention.
- Tu penses que je l'ai avalé en mangeant ?
- Ce serait le moyen le plus discret. Mélangé avec quelque chose on ne remarque pas la drogue. Donc ce serait quelque chose que vous avez mangé seulement tous les deux. Et qu'elle mange régulièrement contrairement à toi.
- Ça réduit le champ des possibles, approuva Éric.
- Toute cette conversation donne faim à Romuald, déclara mon ami.
- Si on demandait quelques chocolats ? proposa ma petite amie.
Éric bondit avec excitation.
- Élodie ! Les chocolats de ta boîte il en en reste ?
- Non, j'ai craqué et tout mangé. Mais Kamélia m'en renvoi régulièrement. Pourquoi ?
- Parce que seul toi et moi on en a mangé et que Kamélia t'en a déjà envoyé avant.
On rejoignit la chambre d'Élodie, où l'on s'assit tous silencieusement, pris par nos pensées. Kamélia était-elle celle qui droguait Élodie ? Je ne savais qu'en penser. Car Kamélia m'en semblait capable et tout semblait l'accuser. Pourtant elle avait été si bonne pour Élodie et moi. Peut-être que cela la rendait plus coupable encore. Bien que je me rappelais parfaitement que la dernière fois que j'avais cru qu'elle s'en prenait à moi, je m'étais trompé. Je l'avais prise pour Voroï, alors qu'elle était venue me sauver de lui. Encore une fois je l'accusais faussement. Kamélia était certes mystérieuse, mais elle n'était pas malhonnête, ni même mauvaise. Elle était même d'une grande bonté, comme toutes les fées. Ces dernières ne pouvaient faire le mal. Elles étaient là pour nous guider dans le droit chemin, veillaient sur notre vie, notre destinée. Je n'aurais jamais dû douter de Kamélia la première fois. Je ne recommencerais pas.
- Il faut prévenir Kamélia ! dis-je.
- Surtout pas ! intervint Kaïa. Et si c'était elle ?
- Ce n'est pas elle ! déclarais-je sûr de moi. J'ai plus confiance en elle qu'en toi.
- Je pense de toute façon que la police de Barcelia l'interrogera.
On échangea des regards amusé. La police n'existait pas vraiment dans les cités, à part quelques-unes. Si on avait un objet de plainte, les audiences royales étaient là pour cela. Si un crime était commis, on pouvait se faire justice soit même dans la mesure de l'acceptable. Si on en connaissait pas le coupable, la mairie pouvait rapporter le crime au palais, qui enverrait quelques sergents royaux s'occupait de cela.
- C'est les sergents royaux, ou la milice anti-terrorisme qui s'en occuperont. Et ils n'oseront pas interroger une fée. Elles sont trop importantes, trop impressionnantes. En plus elle pourra facilement manipuler tout le monde, commenta Romuald.
- Elle respecte les lois ! s'insurgea Camille.
- Comme tous les autres politiques bien sûr, ironisa Kaïa.
Cela lui attira un sourire d'Éric. Mais Élodie intervint :
- Il y a des intermédiaires entre Kamélia et moi. Pourquoi ne sont-ils pas plus suspects qu'elle ?
- Ils le sont tous, approuva avec justesse Kaïa.
- Au moins Élodie tu sais ce que tu ne dois plus manger, conclut Éric.
- Quand la mémoire me reviendra, je pourrais sans doute aider à trouver le responsable.
Kaïa et Romuald partirent le jour même. La princesse sentait bien qu'ici, en-dehors de Mickaël et Éric, elle n'était pas très apprécié. Même Hélène et Yves n'aimait pas que je la fréquente. Ils auraient bien voulu pourtant que je fréquente plus de noble, mais Kaïa n'était pas de ceux avec qui ils espéraient me voir passer du temps.
Arriva le moment d'aller visiter les affaires de Céline. Thibault nous accompagna, et fit un joli discours à la mémoire de la défunte. La meilleure amie de Céline, Solange Godoy, fut là aussi. Elle se présenta à moi, me parlant de mon père.
Je découvris les innombrables présents qu'il avait donnés à sa douce. Il y avait des pierreries magnifiques, des robes merveilleuses, des livres. Il lui avait écrit des poèmes et des lettres pleines d'amour. Lire ces mots destiné à une autre femme me mis mal à l'aise. Camille prit les livres et les poèmes. Pour les robes, ni Camille, ni ma petite amie aurait pu rentrer dedans. Kaïa aurait pu mais même si on aurait été miraculeusement réconcilié, hors de question de les lui laisser. Ce n'était pas son style et elle aurait été capable de les teindre, découpés ou que sais-je encore. Les amies qui avaient encore une ligne parfaite se les arrachèrent donc. J'offris la plupart des bijoux à Élodie.
Sauf une bague. La pierre était étincelante, d'un rose délicat. Je la tendis à Élodie.
- Merci mais j'ai la même, me dit-elle.
Elle nous montra la réplique exacte de la bague à son doigt.
- Où l'as-tu eu ? questionna Éric soupçonneux.
- Un cadeau que j'ai reçu anonymement à mon arrivée. Elle est tellement belle que je ne l'ai jamais quitté. Et puis, elle m'a porté chance.
Ma petite amie me gratifia d'un sourire éblouissant.
- Je peux la prendre ? me demanda-t-il en fixant la réplique les sourcils froncés.
- Tu penses qu'elle ira bien avec ton teint ? plaisantais-je.
- Non mais ça peut bien me faire valoir quelques points auprès des filles.
- Tu n'en as pas vraiment besoin. Tu as déjà plein d'admiratrice !
- Justement grâce à ce genre de petit détail, me dit-il malicieusement.
Je la lui offris donc, mais je lui trouvais l'air mystérieux.
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