Chapitre IV - Celui où mes amis ...

En quelque temps je finis par accepter ma vie à Barcelia. Bien que longtemps encore, j'ai espéré retourner à Firento. Mais avec les années, j'ai fini par apprécier ma vie dans la cité de mes ancêtres et l'accepter. Cependant, les débuts furent compliqués.

Je fus réveillé aux aurores pour mon premier jour. Moi qui pensais qu'un roi pouvait dormir quand il en avait envie, je fus déçu. Ce ne fut que le début de ma déconvenue. Pourtant quand on m'emmena prendre un bain j'étais très heureux. Cependant, cela n'avait rien à voir avec les bains publics de Firento. Déjà c'était plus propre. Toutefois, ce fut le seul avantage, puisque impossible de rester me prélasser puisque j'avais la compagnie des serviteurs. Pas dans le bain bien sûr et heureusement étant donné le malaise que j'éprouvais face au fait que des dames, des servantes certes mais du sexe opposé quand même, me voient nu, mais en plus de ça et le fait qu'elles m'enjoignent à m'activer, il fallait qu'elles me fassent la toilette, comme si je n'étais pas capable de le faire moi-même. J'eus beau protester, leur ordonner de me laisser, mais rien y fait. Et je sortis rouge de honte de la salle de bain. Malheureusement, ce ne fut pas le seul moment où je trouvais le personnel intrusif. Déjà, les responsables du ménage pouvaient arriver à n'importe quel moment, au milieu d'une leçon, d'une conversation avec Kaïa, ou d'une réunion avec Hélène. Mathias m'assura que je ne pouvais pas leur demander de quitter la pièce puisqu'ils faisaient leur travail, mais plutôt faire comme s'ils n'étaient pas là. Puis il y avait les gardes qui me suivaient tout le temps, partout, dans la salle de bain, dans la chambre quand j'allais me coucher. Et encore une fois je devais les ignorer. Comment pouvait-on ignorer cela ? Certes eux tous semblaient bien faire comme si je n'étais pas là et discutait de leurs problèmes de couple ou de famille à côtés de moi. Mais ils devaient être surhumains pour être aussi impassible. La palme revenait aux gardes qui se devaient d'être prêt et discret à chaque seconde. Et ils l'étaient vraiment, je n'entendais d'eux que des chuchotements, sauf quand ils intervenaient pour me déconseiller un moyen de locomotion ou un lieu. Et à quoi servaient qu'on me suive partout ? Ils pensaient vraiment qu'un fou surgirait pendant mon bain ? Et si je voulais un moment d'intimité avec ma bonne amie, j'étais obligé de faire cela en public ? Certes je ne fréquentais personne, mais cela pouvait bien être le cas un jour.

Mon principal amusement était alors de semer mon escorte et je dois avouer que j'étais doué, au grand dam de Paul qui s'en arrachait les cheveux. Ce dernier me détestait clairement pour tous ces ennuis. Et sans doute aussi à cause de son dévouement sans faille, qui relevait plus de l'admiration, qu'il vouait à ma tante. Il était clair qu'il considérait que les enfants de sa déesse étaient plus légitimes que ma sœur et moi, même s'il s'abstenait de tout commentaire, puisque ce n'était pas son rôle.

Hélène consentit finalement à ce que les gardes restent à la porte de la pièce où j'étais, tout en passant jeter un coup d'œil régulier, ce qui fit râler le chef des gardes, persuadé qu'un terroriste se cacherait dans mon bain pour me tuer avec du savon, enfin c'est la seule solution que je voie. Elle me le consentit uniquement si j'arrêtais de les semer. J'eus beau lui expliquer que ce n'était pas ma faute s'ils n'étaient pas assez vifs et concentrés et qu'en plus cela les préparaient en cas d'agression et les entretenaient physiquement, ce qui ne faisait visiblement pas de mal à certains quand on voyait comment ils étaient boudinés dans leur uniforme. Si Thibault s'esclaffa, Hélène et Yves restèrent intransigeants. J'acceptai. Bien que pour les serviteurs, le problème demeurait. Ma tante refusa que je me lave et m'habille seul et elle me conseilla de simplement quitter la pièce un moment si les serviteurs faisant le nettoyage m'embêtaient. Malheureusement, j'avais l'impression que mes appartements étaient remplis de serviteurs à chaque instant de la journée, difficile à éviter donc. Ma sœur avait aussi ce problème et je fus ravi de pouvoir échanger sur le sujet avec quelqu'un, on s'amusait aussi à se raconter nos méthodes pour fuir les gardes, ou les transformer.

Je n'avais rien contre eux personnellement, je finis même par apprendre leurs noms au bout d'un moment et certains que ce soient les serviteurs où les gardes étaient parfois plus jeune que moi encore, d'où ma stupéfaction quand j'apprenais que certains étaient mariés et parents.

Après mon bain du premier jour, Camille, ma mère et moi furent reçus dans le bureau d'Hélène. Elle nous expliqua que pour l'instant on serait surtout spectateurs, mais qu'on se devait malgré tout de bien observer, que ce soit les réunions ou les audiences. Elle insista aussi pour qu'on ne se constitue pas notre cour personnel tant qu'elle ne nous jugerait pas incollable sur l'étiquette, ce qui enchanta ma sœur, mal à l'aise à l'idée de devoir s'entourer d'une bande de femme qui ne ferait que jacasser et lui feraient des sourires hypocrites. Elle nous rappela par contre que notre présence aux bals et autres réceptions officielles seraient obligatoire et qu'il serait plus que bienvenue qu'on participe régulièrement aux chasses royales.

- Pour l'instant, la cour ne vous connaît pas et je veux que ça reste le cas tant que vous n'y soyez pas prêt, que ce soit par votre comportement comme votre mental. Alors ils vous verront, puisqu'on ne peut l'empêcher, mais de manière à ce qu'ils ne puissent pas encore vous juger. La cour peut être cruelle, or elle ne doit pas se tourner contre les futurs souverains, nous expliqua ma tante.

Et pour nous préparer, on aurait un précepteur, ainsi que Mathias pour nous apprendre l'étiquette de Barcelia et des autres pays. Heureusement, on connaissait déjà pas mal de chose grâce à notre éducation de Firento et on n'avait pas de règles encore trop rigide au septième siècle, époque d'où nous venez la plupart des articles de notre code de conduite. On aurait bien d'autres cours aussi, où à part l'économie, supervisé par Mathias, qui devait durer jusque septembre, on serait séparé. Déjà Camille aurait des leçons de potions jusque janvier et moi aucune. Bien qu'à la place, Paul devait réussir à ce que je n'ai pas l'air ridicule avec une épée en main.

À part cela je devrais m'entraîner à la magie avec Yves ou Thibault jusque juillet, pendant que ma sœur ferait la même chose avec Hélène. Je serais par contre sous surveillance de ma tante autant de temps pour le droit, quand ma sœur aurait Aradia. Cette dernière s'occuperait de ma formation d'histoire, jusque mars alors que ma sœur devrait supporter cela jusque mai, mais avec Thibault.

- Je crois qu'il n'y a rien d'autre dont vous pourriez avoir besoin ici, conclut ma tante.

- Peut-être le cheval et la danse ? demanda ma mère.

- Bien sûr comment j'ai pu oublier cela. C'est presque le plus important. Vous savez monter à cheval ?

- Oui. Mais pas sûr qu'il accepte d'avancer, admis-je.

Ma sœur et moi étions plutôt misérables en équitation. Et je n'étais pas à l'aise avec ces animaux.

- Et vous Charlotte ?

- Je n'ai jamais aimé les chevaux.

- Bon je demanderais à Thibault de vous donner des leçons pendant un mois. Il vous apprendra aussi à manier les faucons et les chiens. Ne vous inquiétez pas, justifia-t-elle devant nos têtes, la chasse est souvent plus un prétexte pour socialiser en-dehors du château qu'autre chose. On ramène rarement énormément de gibier. Que vous ne soyez pas des experts ne sera pas un problème. Sinon vous savez danser ?

- La Carole et l'estampie surtout. On se débrouille au menuet, expliqua ma sœur.

J'étais surtout un désastre au menuet et assez maladroit à la Carole et à l'estampie.

- Mon frère verra donc ça aussi, et surtout vous apprendra la Muiñeira, la danse traditionnelle de Barcelia. Vous jouez de la musique ?

- Je fais de la musette et mes professeurs sont très fier de moi ! se vanta Camille.

- J'ai déjà touché un peu de cymbales, lâchais-je.

- On va s'en contenter. et vous Charlotte ?

- J'ai fait du hautbois mais croyez-moi, vous n'aimeriez pas m'entendre jouer.

- Très bien ! Dernier détail vous pouvez aller partout dans le château, mais rien ne peut sortir de la salle du trésor, pas même la pierre des mers, c'est clair ?

- Oui, dis-je coupable.

- Alors tu l'a redéposera quand tu sortiras de ce bureau Théophile ! insista Hélène.

Ma mère et ma sœur me lancèrent un regard désabusé. La pierre riait dans ma tête.

- T'en fais pas mouton tu pourras toujours me rendre visite.

Je maugréais d'assentiment, mais je désobéirais bien souvent et emporterais en douce la pierre avec moi, au plus grand dam de ma tante et de son cousin alors que ça nous amusait bien tous les deux et discuter avec elle était ce qui m'arrivait de mieux ici.

- Concernant les archives, rien n'en sort non plus, ajouta Hélène. Et tout ce que vous pouvez y lire sur Camilo, les Carignan, les fées, les cités sont hautement confidentiel, vous ne pouvez en parlez qu'avec moi ou Aradia, Yves ou Sylvain dans le pire des cas. C'est bien clair ?

- D'accord.

- Quant à vous Charlotte, vous n'aurez pas autant de liberté je le crains. Les archives vous sont interdites, et si vous pouvez aller en salle du trésor, vous ne pourrez rien y toucher. Et vous vous devez de rester silencieuse sur ce que vous entendez.

Elle hocha la tête.

- Qu'est-ce qui se passe si on désobéit ? interrogea Camille.

Hélène eut un sourire glaçant.

- Des questions ?

- Vous allez choisir ma future femme ?

- Non ! Comment peux-tu...

- J'ai rencontré la fiancé de Sylvain hier. Il m'a dit que c'était un arrangement.

- C'est exact. Mais seulement parce qu'il l'avait exigé. J'ai été marié trois fois, alors je sais qu'un mariage arrangé ça peut être pratique et pas désagréable, mais se marier par amour c'est...

Elle eut un moment un air rêveur qui me mit mal à l'aise. Elle était censée être froide et impressionnante pas....Amoureuse ? Romantique ?

- Tout cela pour dire que vous choisirez la personne avec qui vous passerez le restant de vos jours. Mais il est évident que ce serait mieux que ce soit quelqu'un de respectable.

Je me demandais vaguement si Kaïa, qui était une princesse pour qui l'étiquette n'était qu'un truc agaçant était considéré comme respectable.

En tout cas, moi qui m'attendais à me tourner les pouces jusqu'à mon couronnement j'avais finalement un emploi du temps bien rempli. Même Nicolas, qui avait Korregam, quelqu'un de très exigeant comme professeur, et Véronique Clarkson la notaire royale qui regorgeait de tâches ingrates, comme érudite, avait plus de temps libre que moi.

Bien sûr j'avais beaucoup d'avantages. Des vêtements et bijoux magnifiques par exemple, même si porter uniquement des robes m'embêtait et que je rêvais d'un pantalon tous les matins au point de sauter de joie quand je devais monter à cheval. J'avais aussi le droit à des repas succulents et très lourds, moi qui n'était déjà pas maigre en arrivant à la cour, heureusement que je devais courir partout où j'aurais doublé mon tour de taille. De plus, tout le monde, ou presque, était gentil avec moi. Je demandais quelque chose et je l'avais. J'ai eu du mal à ce que cela ne monte pas à la tête. Et par moment, je crois bien que je suis devenu insupportable.

L'avantage de tous ces changements, c'est que je pus profiter pleinement de la vie avec ma mère et ma sœur, même si Gautier était souvent là. Pourtant, le petit ami de ma mère, il m'en coûtait de l'appeler comme cela sans grimacer, n'était pas un beau-père tyrannique. Il était assez gentil, loyal, patriote, et par moment ils nous faisaient rire, même si on le lui cachait bien, et par-dessus tout, il rendait ma mère heureuse. Et c'est cela qui le rendait si détestable. Malgré sa grande sympathie envers Camille et moi, on ne pouvait pas le supporter. Parce que, on aurait dû suffire au bonheur de notre mère, elle aurait dû pleurer notre père, pas le détester. J'aurais voulu que ma mère ait un souvenir si merveilleux de mon père qu'elle ne puisse trouver personne d'autre pour le remplacer. Camille et moi, aimions entendre parler de lui et en avions une très haute opinion. Et que notre mère puisse lui préférer quelqu'un nous échappait totalement. Je sais que c'est une réaction immature et égoïste. Et alors ? On venait de la retrouver ! Et devoir la partager avec un inconnu envers qui elle s'autorisait des marques de tendresse était une épreuve. Et avoir un beau-père a toujours été compliqué.

Heureusement, on avait également une nouvelle famille à connaître.

Thibault était celui qu'on préférait. Il désespérait toute la cour et se faisait constamment gronder par Hélène tant il était incroyablement maladroit et ne connaissait rien au protocole. Confondant les coutumes des différents peuples en pleine réception, se moquant de certains invités en publique et saluant tout le monde de manière trop familière en publique. Il riait souvent, de tout et de rien et adorait faire la fête et sortir à cheval aussi bien que voyager. Des loisirs acceptables, mais pas au détriment du reste. Mais pour mon oncle, une soirée sans fête était une soirée ennuyeuse et une journée sans monter à cheval ne valait pas la peine de se lever. Il disait aussi tout ce qui lui passait par la tête, qu'importe si c'était enfantin ou irrespectueux et que dix ou cents personnes en entendraient parler. Il avait aussi des réactions tout à fait immatures et n'en faisait qu'à sa tête. Cependant il était d'une compagnie plus qu'intéressante, lui qui était déjà allé chez les fées et qui était insensible à la magie.

Son épouse Aradia était fascinante. D'une grande beauté et d'une gentillesse extrême, sa connaissance du monde et sa sagesse, faisait qu'elle était très respectée. Elle semblait être un puits de savoir dont on ne voyait pas le fond. Sur chaque peuple, chaque sujet, elle connaissait une anecdote ignorée des autres. C'était également une femme d'une tolérance incroyable. Ce qui n'était pas si surprenant, vu son mari. Mais jamais, elle ne s'offusquait ou reprochait quoi que ce soit à quelqu'un, même si ses yeux d'or pouvaient vous faire sentir honteux d'une parole ou d'un acte.

Ils formaient un couple très amoureux. Ils sortaient souvent, s'offraient des cadeaux fabuleux et semblaient inséparables. Et en présence l'un de l'autre, ils ne cessaient de se regarder tendrement. Cela pouvait même être gênant par moment. Ils étaient également des parents formidables avec leur trois enfants que Thibault gâtait et divertissait pendant qu'Aradia les écoutaient et consolaient. Si Marc était très agité en sautant et courant partout dans le château, ses deux petites sœurs étaient plus calmes. Quoi que Camila soit turbulente aussi ainsi que malicieuse et capricieuse. Ses cris résonnaient souvent dans le palais, jamais trop longtemps car Thibault finissait par lui donner ce qu'elle voulait aux grands dam de tous, sauf d'Aradia qui ne disait rien mais vrillé son regard culpabilisateur sur son époux, qui en riait ce qui la faisait craquer. Heureusement, Léa était plus calme, douce et d'une timidité maladive. Dès qu'on lui adressait la parole elle courait se cacher dans les jupes de sa mère ou dans les bras de son père. Et quand sa sœur se mettait à hurler, elle courrait pleurer chez sa tante Hélène ou sa cousine Célia qui craquait devant son minois, comme tout le monde aux châteaux. Même moi j'avoue que j'étais incapable de ne pas trouver les jumelles adorables et si Camila ne criait pas, je ne pouvais pas leur refuser quoi que ce soit.

Mes autres cousins n'étaient pas d'une compagnie aussi agréable.

Célia était, tout le temps, très gentille. Trop même. Pour derrière vous lancer une pique criante de vérité, les plus douloureuses. Elle se révélait aussi trop maline, trop agaçante, elle était si parfaite, savait tout, voyait tout. Et surtout, en plus d'être somnambule, ce qui était gênant quand vous tombiez sur elle endormie alors que vous filiez en douce, elle se mêlait de tout. Elle pouvait me harceler pendant des heures pour que j'avoue juste un petit détail, ou que je fasse ce qu'elle voulait. Elle n'avait donc aucun mal à se faire suivre par tous les fils des nobliaux du coin. Et la concurrence de ma sœur était loin de lui plaire. Toutes deux se détestaient. Surtout que Célia était une vraie peste avec ma cadette, n'hésitant pas à faire preuve de méchanceté, quand avec moi elle était d'une grande douceur feinte pour obtenir ce qu'elle voulait ou pour me charrier.

Comme Sylvain et moi on se détestait, contrairement à sa sœur, il n'essayait pas d'entrer dans mes bonnes faveurs. Il me fusillait du regard à chaque fois qu'on se croisait, me ridiculisait devant tout le monde, pointait sans cesse mon incompétence. Et, évidemment, il nous prenait de haut Camille et moi.

Sa sœur prenait autant sa défense que Lorraine, sortant ses griffes dès qu'il fallait le défendre. J'avais déjà était confronté à de nombreuses relations frères/sœurs dans ma vie. Déjà j'en avais une moi-même avec qui je pouvais me chamailler, me disputer mais aussi m'amuser et me confier. J'avais pu voir aussi que ma mère et mon oncle étaient très proches, et se maternaient l'un l'autre, que Christophe ne cessait de se plaindre de ses sœurs mais les couvaient beaucoup, quant à Clément, il adorait sa sœur, et s'ils étaient assez complices, passant du temps ensemble et se racontaient beaucoup de choses, ils avaient chacun leur univers que l'autre respectait sans y avoir sa place. J'avais aussi compris qu'Hélène et mon père avaient été les meilleurs amis du monde, bien que celui-ci la couve trop et je ne retrouvais rien de cela entre elle et Thibault.

Ils semblaient s'ignorer quand ils ne se disputaient pas. Je trouvais ça triste au fond. Je savais que ce genre de chose arrivait, par exemple Nina était fâchée avec sa sœur, mais quand on vivait, travaillait ensemble et qu'on avait vu mourir tant de proches on devrait être plus proche que cela. Surtout que j''avais bien l'impression que Thibault ne demandait que cela. Il faisait des efforts incroyables pour sa sœur et combien de fois avait-il fixé Yves avec jalousie, quand Hélène et lui affichait une grande complicité.

Mais ce que je voulais dire, c'est que je n'avais jamais rien vu de tel que la relation que Célia et Sylvain entretenaient. Déjà ils semblaient ne jamais se disputer, au contraire ils étaient très fusionnels, je ne les ai jamais vu éloigné plus d'une journée par contre combien de fois je les avais vus se promener ensemble dans le château, côte à côte, parfois main dans la main ou bras dessus bras dessous. Enfin, à part ces moments où je les rencontrais ensemble et qu'ils pouvaient être tordus de rire ou affichaient un sourire plein de bonheur, jamais ils ne montraient la moindre émotion, Célia me faisait des sourires hypocrites ou tentateurs, Sylvain montrait son dégoût ou sa haine pour ma personne, mais rien qui puisse me montrer quelle émotion traversait leur esprit à ces moments.

Le pire c'est que pourtant eux se comprenaient. Sans dire un mot, sans se regarder, parfois sans être dans la même pièce ils savaient ce que l'autre pensait et ressentait. Si pour des jumelles c'était normal, pas à ce point-là non plus. Je voyais bien que Camila et Léa pouvait lire sur le visage de l'autre ce qu'elle pensait quand personne d'autre ne le pouvait, mais il fallait pour ça qu'elles se regardent et soient ensemble et jamais elles n'avaient une discussion ainsi. La manière dont Sylvain et Célia faisait ça était limite terrifiante. J'avais déjà vu ma sœur hausser le ton sur Célia au cours d'une soirée où Sylvain dansait à l'autre bout de la salle et le voir surgir quelques minutes plus tard. Car il y avait ça aussi. La manière dont ils se protégeaient l'un et l'autre, de tout et rien. Ils pouvaient vous tomber dessus pour une simple remarque sur la tenue de l'autre et Célia ne supportait pas que je critique son frère. Elle prenait alors sa défense m'expliquant et pardonnant de milles et une façon sa conduite. Et surtout il y avait la manière dont chacun infiltrait la vie de l'autre, choisissant des amis et des prétendants qui convenaient à l'autre, mais ne les trouvant jamais assez bien pour l'autre après les présentations passés. Je ne comprenais pas leur relation qui me dérangeait d'une certaine manière.

Le père de Célia, le prince consort, était celui que je côtoyais le moins. Il était pourtant, d'après ce qu'on disait, un politique très efficace. Il était un petit nobliau de Barcelia avant d'épouser la femme la plus courtisée au monde. C'était un homme affable et souriant. Hélène et lui, contrairement à Thibault et Aradia, n'était jamais pris en flagrant délit de tendresse. Je les voyais même rarement se parler. Mais il est vrai qu'Hélène était une femme très occupée.

Elle avait déjà était marié deux fois dans le passé. Son premier mari avait mystérieusement disparu et le second, le père de Sylvain, était mort au court d'un attentat. Je ne comprenais donc pas qu'il y ait eu des volontaires pour la place malgré la beauté de la promise et le poste avantageux que c'était.

La Grande Reine au moins était une femme vraiment très aimante. Envers son peuple et envers sa famille. Elle était aussi un guide et un chef pour l'un comme pour l'autre. Personne ne contestait sa légitimité ou ses ordres. Il lui arrivait de se montrer autoritaire, mais jamais trop. Et elle avait une grande connaissance de l'histoire de Barcelia et de notre arbre généalogique. Mais elle semblait si seule. La seule personne avec laquelle je l'avais vu être réellement complice c'était son cousin, Yves.

Ils avaient été élevés ensemble. Yves était donc comme un frère pour elle. De plus, Nils et lui étaient de bons amis. J'aurai donc dû l'apprécier. Mais je le détestais. Je n'aimais pas les regards qu'il jetait à ma mère, ni son dédain envers le peuple et les serviteurs. Je n'aimais pas sa façon de se pavaner dans le château, de changer de petite-amie sans regrets, et sa sévérité. Il était aussi encore plus autoritaire qu'Hélène et demandait beaucoup de ses hommes, trop peut-être.

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