Chapitre I : ... avec ma célèbre famille
La Grande Reine poussa un soupir. Elle semblait fatiguée et pour une fois faisait vraiment ses trente-neuf ans. Elle se tourna vers ma mère :
- Mon frère vous en a dit plus ?
- Non. Il ne m'a même jamais dit son vrai prénom.
- Mais quand vous vous êtes marié.... commença Aradia.
- On n'était pas marié. Il a toujours refusé, déclara amèrement ma mère.
Il y eut un léger malaise. Chez nous, avoir des enfants hors mariage est assez mal vue. Et ce n'est pas vraiment le genre de chose qu'on disait devant une fée. Elles étaient plus strictes que nous là-dessus. Et Barcelia, cité de Camilo le plus croyant des croyants ne devait pas avoir une famille régnante qui appréciait cela non plus.
- Peu importe. Vous faites partie de la famille maintenant ! concéda Thibault.
- Quoi ! Sous prétexte qu'une femme a fait des enfants à Émile, on la considère de la famille ! s'emporta Yves. Peut-être qu'elle l'a piégé et que c'est pour cela qu'il ne l'a pas épousé.
- Yves ! intervint Mathias en désignant ma mère d'un léger signe de tête.
Un nouveau silence gêné s'installa. J'en fus peiné pour ma mère. Comment pouvait-on dire cela d'elle ?
- Dites-moi Charlotte, comment tout cela est arrivé ? Comment avez-vous rencontré mon frère ? Pourquoi avez-vous eu des enfants s'il ne voulait pas se marier ?
Visiblement Hélène non plus n'avez pas bien accepté cela. Le visage fermé de la fée, nous montra qu'elle également.
- Eh bien, à l'époque, j'étais préparatrice en laboratoire et donc je transportais souvent des plantes. J'étais assez pressé ce jour-là et je lui ai foncé dedans et tout ce que j'avais dans les mains, s'est écrasé par terre ou sur lui.
Elle souriait avec un air rêveur. C'est la première fois, que je vis ma mère évoquer mon père avec autre chose que de l'agacement, ou de la colère, dans la voix.
- J'étais assez gênée, parce qu'il avait des vêtements plutôt couteux. Et en général, les personnes assez riches n'aiment pas qu'on les salisse.
Je riais avec ma sœur, me remémorant des souvenirs où ma magie défectueuse m'avait attiré des ennuis qui pouvait très bien servir d'exemple.
- Mais il s'est excusé et m'a aidé à tout reprendre. Il ne cessait de s'excuser. Il disait qu'il avait été maladroit, il était un peu perdu ici et ne m'avait pas vu arriver. Ce n'était pas difficile de deviner à son accent qu'il n'était pas d'ici.
- Il avait un accent de Barcelia ? interrogea Camille.
- Pas vraiment. Il parlait le latin d'une étrange manière. Je suppose qu'à force d'être chez les démons, il avait commencé à oublier comment on parlait notre langue. Quand il a vu à quel point j'étais chargé, il a proposé de m'aider avec tout cela. En échange, je devais le guider un peu dans le palais. J'ai accepté. Et il a commencé à tenter de me séduire, assez lourdement je dois avouer. Mais il était tellement mignon. J'avais eu le coup de foudre.
Elle eut un grand sourire et poussa un grand soupir. Yves leva les yeux au ciel.
- On s'est séparé, mais il est revenu une heure après, quand il a enfin vu l'état de sa chemise. Il m'a dit que je devais me faire pardonner pour cela ! Je lui ai proposé un dîner en tête à tête. Je veux dire qu'il m'avait donné assez de preuve que c'était ce qu'il voulait en quelques phrases. Mais il a eu une réaction étrange. Il a pris un air grave et m'a dit que c'était une mauvaise idée. Qu'il valait mieux oublier tout cela et il est parti.
- Quoi ? intervint ma sœur.
- Moi aussi j'étais assez surprise et je me sentais tellement bête. Il m'avait ridiculisé devant mes collègues. Je suis allé le trouver et je lui ai dit qu'il n'avait aucun droit de faire ça. Il s'est excusé, encore ! Il m'a dit alors qu'il avait bien envie de sortir avec moi, mais il ne se sentait pas prêt, il venait de sortir d'une relation difficile. Il est venu me trouver le lendemain, au travail, avec des fleurs, un énorme bouquet, et m'a demandé de venir dîner avec lui le soir même. J'ai accepté et il m'a emmené dans un restaurant assez... Haut de gamme.
- Vraiment ? Ça devait être magnifique, s'émerveilla ma sœur.
- Oui, avoua ma mère avec un petit rire. On a passé une très bonne soirée et en quelques jours on est devenu inséparable. Pendant quelques mois, il fit tout pour m'aider. Puis je suis tombé enceinte.
- Il en était heureux ? interrogea Thibault.
- Non pas vraiment. Je ne m'attendais pas à ce qu'il saute au plafond. Mais qu'au moins il me dise un mot gentil. Pourtant il a juste dit qu'il avait besoin d'être seul. Il est revenu quelques heures plus tard. Il m'avait avoué qu'il venait de perdre sa fiancée quelques semaines plutôt, alors je n'ai rien dit.
- Il a dit qu'elle était morte ? intervint Hélène.
- Oui. Il avait même régulièrement des coups de cafards à cause de cela. Mais je comprenais. Surtout que la plupart du temps, c'est moi qui lui faisais en parler.
- A-t-il dit comment ? s'inquiéta la fée.
- Non. Juste qu'il a failli y perdre la vie et qu'il s'en sentait responsable. Bref, il m'a expliqué que fonder une famille, alors qu'il venait juste de commencer à accepter l'idée de fréquenter d'autre filles, ça faisait beaucoup pour lui. Mais il ferait avec. Il a acheté une maison. On s'y est installé. Malgré que toute ma famille me dise que c'était une mauvaise idée et que je devais me marier.
- D'où venait cet argent qu'il avait ? demanda Aradia.
- Je l'ignore. Il écrivait un peu. Mais cela ne lui rapportait pas grand-chose. Il refusait de me dire d'où venait toute sa richesse, comme il refusait de me dire son nom. Il était mystérieux. À l'époque je trouvais ça très séduisant. On n'avait pas vraiment réfléchi, vous savez. On était dans le feu de la passion. On ne se posait pas de question. Pour moi, il était mystérieux, bizarre, plus âgée, ça faisait tous son charme.
Elle fit une pause un peu émue.
- Aujourd'hui je regrette un peu. Mais le bon côté, c'est que tu es arrivé Théophile. Puis la passion s'est essoufflée et on s'est enfoncé dans la routine. Camille est arrivée et j'ai commencé à avoir peur. Ce n'était pas vraiment le bon moment, je savais que ton père et moi, on était au bord de la rupture, sans vous, il serait déjà parti depuis longtemps. On a commencé à faire chambre à part à ma deuxième grossesse, et les dernières semaines avant sa mort, j'ai appris qu'il voyait un notaire. Il est vrai que de mon côté, je commençais à sortir de nouveau avec des amies célibataires. Puis un jour Voroï est arrivé, on était en pleine dispute d'ailleurs. Je n'ai pas compris ce qui s'est passé. Voroï m'a endormie. Je me suis réveillé chez les sans-visages. Il m'a avoué que mon mari, qui était le Grand Roi Émile, est mort. Et il m'a interrogé régulièrement sur la pierre. Comme je ne savais rien il m'a rendue folle et ramener aux miens, en échange d'une rançon.
- Vous n'avez jamais eu de soupçons avant cela ? intervint Mathias.
- Non. Il faisait des choses bizarres, mais rien de mal.
- Comme quoi ? demanda la Grande Reine.
- Il s'intéressait énormément aux familles royales, mais il refusait par contre les invitations des hautes personnalités de Firento. Il restait assez discret, ne faisait jamais de magie, sous prétexte qu'elle était incontrôlable. Il avait des périodes où il était très affaibli. Et il partait souvent, je ne sais où. Je savais qu'il me cachait quelque chose, mais il disait que c'était pour me protéger. Je suppose désormais que les sans-visages étaient après lui.
- Il ne parlait pas de sa famille ? voulut savoir Thibault.
- Rarement. Il n'aimait pas parler de cela. Il m'a dit qu'il avait perdu ses parents alors qu'il était très jeune quand je lui ai demandé s'il comptait me les présenter un jour. Une fois, il m'a proposé de l'aide financièrement pour mon frère, en m'expliquant que son frère avait le même âge que lui, qu'il n'avait jamais vraiment fait quoi que ce soit pour lui et qu'il avait même était très dure avec, il le regrettait, parce qu'il l'aimait vraiment beaucoup et que sans lui, la vie de famille aurait été moins agréable.
Thibault serra la main de sa femme et baissa à nouveau la tête, ému.
- Et quand il a rencontré mon frère qui n'a pas vraiment été très amicale, j'ai voulu m'excuser. Mais il m'a dit, qu'il avait lui aussi une sœur magnifique, dont il avait détesté tous les petits amis et refusait de parler avec son beau-frère malgré que ce soit la meilleure chose qu'il soit arrivé à sa sœur.
Hélène sourit avec mélancolie.
- Il m'a dit aussi, quand j'étais enceinte, que son beau-père n'avait pas été là le jour de la naissance de son frère et qu'il avait dû soutenir sa mère. Mais je ne crois pas qu'il ait parlé une seule autre fois de sa famille.
Ceux qui avaient connu mon père hochaient la tête avec émotion. Moi, j'étais assez impressionné sur ce que j'avais découvert sur mon père. En une journée j'en avais appris plus sur lui qu'en treize ans.
- Dire qu'on mourrait d'inquiétude pour lui ! Il aurait au moins pu faire un signe ! s'emporta Yves.
Hélène joua avec le cœur d'un médaillon autour de son cou.
- Tu reconnais alors ? demanda Aradia.
- Je n'ai pas le choix. Trop de détails collent. Et certains pas toujours connu.
Hélène et lui se sourirent.
- Très bien. Les choses sont claires désormais, dit Hélène d'une voix cassée. Théophile et Camille devront être couronnés prochainement.
Je crois que je n'ai jamais eu un si gros coup de tensions. J'ai même eut un trou noir total. Quand je repris mes esprits, des exclamations indignées fusèrent de partout.
- Je n'ai que succéder à mon frère ! expliqua ma tante. Ce sont ses enfants, maintenant qu'on sait qu'ils existent, qui doivent gouverner.
Je sentis la panique en moi. Gouverner ? Un pays ? Barcelia surtout ? Je ne connaissais rien du pays. Juste quelques détails sur Camilo le Grand et que le peuple magique Wisigoth s'est installé ici. Je venais seulement de débuter l'économie en classe et je n'y comprenais rien.
- Ils ne sont pas légitimes ! s'emporta Aradia. Ils sont nés hors mariage !
- Et on ne va pas filer le trône à des inconnus ! ajouta Yves.
- Sylvain et Célia ont été préparé à cela depuis leur enfance Hélène, dit calmement Mathias, pourtant on n'aurait pas l'idée de les laisser gouverner seuls. Alors eux sont tout sauf prêts.
Hélène fit un geste d'apaisement.
- J'entends vos protestations, mais il est de notre devoir de recueillir les enfants de notre frère. Étant donné qu'il a vécu en ménage avec leur mère et qu'il est resté près d'elle pour eux, on peut légitimement penser que ce ne sont pas juste des bâtards, mais qu'Émile les considéraient bel et bien comme ses enfants légitimes et que sans doute les circonstances l'ont poussé à rester en concubinage.
Je songeais à la lettre de mon père. Il avait dit que son notaire possédait une lettre de sa main disant plus ou moins la même chose. Je ne savais que dire. N'importe qui aurait rêvé d'être le futur Grand Roi de Barcelia et n'avais-je pas moi-même eu cette envie en visitant Barcelia ? Mais c'était une telle responsabilité, un choix qui m'engageait pour le restant de ma vie et surtout me forçait à abandonner tout ce que j'avais déjà connu.
Yves me sauva en protestant :
- Enfin Hélène, le peuple....
- Le peuple a toujours suivi chaque décision des Carignan. Ils accepteront celle-ci aussi. Et je suis certain que Théophile et sa sœur seront très appréciés.
- Ni ma sœur, ni moi, on a fait de politique ! protestais-je.
- On sera là, Yves et moi, pour te guider.
- Et ma mère ? Je viens de la retrouver
- Elle s'installera ici aussi. Elle a été la compagne de mon frère et a porté ses enfants. Elle a sa place parmi nous.
Prends-ça Aradia ! Elle aurait pu rajouter. Cette dernière d'ailleurs en hoqueta d'indignation. Cela m'aurait amusé si je ne me sentais pas si désespéré.
- Notre vie est à Firento ! protesta ma sœur.
Ce n'est pas trop tôt. Je ne l'avais jamais vue se taire aussi longtemps.
- Dites-vous que ce n'est qu'un simple déménagement !
- Et si on refuse ? intervint ma mère calmement.
- Refuser ! Des gens tueraient pour cela ! se fâcha Yves.
Je pensais qu'il devait en faire partis. Mais je me contentai de le toiser.
- Vous n'avez pas le choix ! déclara la monarque. C'est votre devoir.
- Personne, à part vous, ne connaît notre existence, intercéda ma mère. On a qu'à faire comme si rien de tout cela n'avait eu lieu.
- Et ignorer les enfants de mon frère ! Peut-être n'est-il plus, mais ses enfants sont là. Et notre devoir est de s'en occuper. Chez nous, depuis toujours, la famille a une grande importance. On ne laisse pas de côtés un seul des nôtres, même s'il semble ne pas être à sa place. On est soudé et on affronte tout ensemble. Je ne peux pas m'imaginer abandonner les enfants de mon propre frère maintenant qu'on les a trouvés. Vous faites partie de la famille. On doit rester unis. Je serais là. On sera tous là.
Je regardais ma mère, qui ne pouvait rien redire à cela. Ma sœur défiait ces nobles du regard.
- Il vous a bien abandonné lui ! répliqua-t-elle.
- Il n'avait sans doute pas le choix.
- On est une famille ! défendit Thibault. Votre place est avec nous. Et cela implique aussi que vous soyez couronné. Écoutez on n'abandonnera pas ! On est tous du même sang et c'est comme ça que ça marche avec nous.
- Tout ce qu'on a est à Firento ! expliqua ma sœur.
- Et qu'avez-vous là-haut que vous ne pouvez pas avoir ici ?
- Nos amis, notre famille, notre maison, notre école...
Camille s'enfonçait. Certes on avait Nicolas. Mais ni elle, ni moi n'avions plus d'autres amis à Firento. Quant à la famille, nous avions mon oncle Xavier. Mais nous avions aussi toujours rêvé de ne plus vivre avec lui et les aux autres membres de notre famille, ils ne nous pleureraient même pas si on était mort. Pour l'école, il n'y avait là-bas rien à regretter. Ni ma sœur, ni moi n'étions très populaire dans notre classe et n'étions pas réellement enthousiaste pour y aller.
- Vous pourriez avoir tous cela ici. Vos amis et votre famille seront les bienvenus, quand ils veulent. Ils pourraient même venir pour les vacances. Et puis vous aurez une autre famille et d'autres amis ici.
Je ne voyais pas quoi répondre à cela. Bien sur aucun ami ne pourrait remplacer Nicolas, et vivre sans Xavier serait bizarre. Mais Hélène disait vrai. Je pourrais les revoir. Et peut-être était-il temps de débuter une nouvelle vie.
- Rien ne peut remplacer ce qu'on y a ! s'exclama Camille.
- Si déjà vous veniez en juger par vous-même. Faisons une petite visite, invita ma tante !
Hélène nous fit faire le tour du château, nous montra nos futurs chambres. Elles étaient les unes à côtés des autres, avec chacun notre propre salon, notre propre salle de bain, notre propre bureau. Et évidement de nombreuses chambres d'amis étaient autour de nos appartements. Elle me guida à travers le palais, dans des pièces que je n'avais jamais fréquentées. Ensuite, elle nous fit monter sur les toits admirer la vue sur la cité et proclama :
- Tout cela est à vous !
- Je préfère mes amis, répondit sèchement ma sœur.
Elle nous reconduisit en bas. L'heure de souper approchant, elle nous invita à le partager avec sa famille. Nous ne pouvions pas vraiment refuser, nous la suivîmes donc dans une salle à manger qui n'était pas aussi grande que je ne m'y attendais, mais ayant malgré tout des proportions que je n'avais pas vu souvent. Hélène m'apprit que c'était leur salle à manger privée, pour les repas qu'ils prenaient en famille.
Effectivement, était déjà attablé Thibault, Aradia, Yves et Mathias, mais aussi cinq autres personnes.
L'un était placé aux côtés d'Yves. C'était un garçon au physique athlétique, qui devait avoir mon âge, aux cheveux blonds vénitiens implacablement coiffé, tombant sur ses épaules et recouvert d'un chapeau de feutre orné d'une longue plume blanche. Il avait un visage en pointe au teint de pêche, qu'il tourna vers nous pour nous examiner d'un air méprisant au fond de ses yeux bruns. À ces côtés, il y avait une jeune fille, peut-être un peu plus jeune, au teint de porcelaine et aux joues rondes. Son front haut était amplifié par ses longs cheveux blonds-roux maintenu en arrière par un bandeau. Ses lèvres roses et pleines se pinèrent à notre vue, pendant qu'un fin sourcil se levait. Ses yeux bleus glacés nous lancèrent un regard méprisant.
- Voici Sylvain, mon fils et Célia ma fille ! Désigna Hélène.
En face d'eux, aux côtés de Thibault et Aradia, se trouvait trois enfants aux visages poupins : un garçon aux cheveux noirs tout ébouriffés et aux yeux bleus électriques plein de gentillesse qui remuait sur son banc et deux filles, plus petites, devant avoir cinq ans, probablement jumelles, ayant en tout cas les mêmes boucles auburn, le même regard noisette reflétant une certaine timidité et la même taille à quelques pouces près.
- Et là ce sont les trois enfants de Thibault : Marc, Léa et Camila.
Si les trois enfants de Thibault et Aradia avaient clairement des traits rappelant leurs parents, ce n'était pas le cas de ceux d'Hélène, Célia avait sans doute les yeux de sa mère et le menton creusé de son père mais rien de plus. Quant à Sylvain, il avait le même teint de pêche que celle qui l'avait mise au monde, mais aucuns autres traits communs ne ressortaient. Mais tous affichaient clairement le croissant de Camilo sur leur tempe. C'était donc ma famille. Comment allait-il m'accueillir ? Je ne me souvenais que trop bien du mauvais accueil que nous avait offert ma grand-mère.
- Voici vos cousins : Théophile et Camille !
Les petits furent si chaleureux que je me sentis mal à l'aise. Marc bondit partout autour de nous, Camila pleura pour que ma sœur s'assoit à côté d'elle tandis que sa sœur n'osait pas s'approcher, intimidée. Sylvain par contre fut d'une froideur incroyable et Célia semblait perdue, elle jaugea sa mère avant de nous examiner. On s'installa mal à l'aise. Trop occupé à examiner l'argenterie, je ne suivis pas le début de la conversation qui semblait s'être bien emballé quand je relevais la tête.
- Notre passé est à Firento ! exposa ma mère.
- C'est le présent et l'avenir qu'il faut vivre. Et il pourrait se faire ici.
Nous nous regardâmes mal à l'aise. Des serviteurs arrivèrent avec des potages aux odeurs exquises qui m'ouvrirent l'appétit. Heureusement, j'étais bien élevé et je ne me servis pas tant qu'Hélène n'avait débuté le repas, après avoir récité son bénédicité.
- Mes enfants sont trop jeunes pour supporter un tel fardeau, finit par lâcher ma mère.
- Quoi ! De quoi parle-t-elle mère ? demanda Sylvain.
- Plus tard ! Quant à vous, laissez-moi y réfléchir !
On finit le repas en suivant les échanges entre les Carignan. Ils se comportaient presque comme une vraie famille. Après le souper, on fut conduit dans un petit salon où Hélène nous examina avant de s'éloigner pensivement avec Yves. Ils revinrent très vite vers nous. La grande Reine avait un sourire conquérant.
- Vous avez raison. J'ai été reine très jeune. Et c'était trop tôt. Si j'avais eu le choix, je ne l'aurais pas fait, nous expliqua-t-elle.
Je pensais que la partie était gagnée, pourtant je me demandais si je pourrais revenir de temps en temps malgré tout.
- Alors faisons un compromis. Quel âge as-tu Théophile ?
- Quatorze ans.
- Et toi Camille ?
- Douze ans.
- Dans deux ans vous serez majeur, tous les deux, pensa-t-elle à haute voix.
Elle réfléchit un moment avant de dire :
- Donc, disons que dans sept ans, vous serez couronnés. D'ici là, je veux que vous vous installiez à Barcelia. Où, on vous préparera à votre future fonction. Vous deviendrez princes héritiers.
Pendant que Sylvain se levait indigné, ma mère nous prit à l'écart.
- Je crains que nous n'ayons pas le choix.
Ma sœur allait protester, mais celle qui nous avez mis au monde lui coupa le sifflet, et au fond ce n'était pas plus mal.
- Tout ce qu'on peut faire c'est exiger quelque chose en retour.
On revint vers eux la tête basse. Ma vie toute entière allait changer. Ma gorge était serrée, mon cœur battait à tout rompre.
- Je veux que mes enfants ai la vie la plus normale possible, déclara ma mère.
- Très bien. On fera des efforts pour cela.
- Je veux pouvoir inviter mes amis quand j'en ai envie, ajoutais-je.
Au moins je pourrais voir Kaïa et Nicolas.
- Sans problème, ils seront invités dès que tu le veux, mais il faut juste nous prévenir avant.
- Moi je veux pouvoir retourner à Firento avant de venir ici, imposa ma sœur.
Hélène rit. C'était un petit rire très frais et agréable à entendre.
- C'était prévu. Je n'allais pas vous arracher brusquement à votre vie. Vous aurez une semaine. Pendant cette semaine, nous préparerons votre arrivée, en déménageant vos affaires et en faisant une annonce officielle. Profitez-en pour faire vos adieux. C'est d'accord ?
On ne put qu'accepter, mais nous ne sautâmes pas vraiment de joie.
- Alors allons tous à Firento ! conclut la Grande Reine.
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