Chapitre 9



Farah se souvenait encore s'être levée de la chaise les jambes tremblantes et à présent, elle avait les yeux rivés sur son mari. À peine vingt-quatre heures venait de s'écouler depuis la cérémonie privée. Farah s'était imaginée des tonnes de scénarios plausibles et aucun d'entre eux ne s'était produit. Saïd s'était montré doux et à la fois volontairement distant. Selon la coutume, elle avait dû passer la nuit avec lui. Une nuit de noce qu'elle avait crains toute la journée. Mais à sa plus grande surprise, le cheikh lui avait offert son lit et avait prit le canapé. Au petit matin, il s'était contenté de lui embrasser le front et d'écarter les draps. Farah se rappelait être restée interdite, figée au bord du lit lorsqu'il avait fait couler son propre sang sur les draps immaculés. Il l'avait regardé en inclinant sa tête, un léger sourire en coin puis avait disparu dans la salle de bains. Farah l'avait remercié du bout des lèvres consciente qu'un autre homme ne se serait pas donné cette peine. Revenant au présent, Farah battit des cils, hantée par ce souvenir fraîchement récent avant qu'il n'y mette un terme.

- Le pays est à présent au courant de notre mariage.

Le coeur battant à la chamade Farah releva les yeux en même temps que sa tasse de thé qu'elle porta à ses lèvres.

- Comme suis-je accueillie ?

Il leva un sourcil vaguement intrigué.

- Comme l'épouse du cheikh, répondit-il en croisant ses mains sur la table ; Farah, il est temps pour vous d'apprendre à vous faire confiance. Vous êtes une enfant du pays.

- Difficile pour moi de voir les choses autrement, murmura-t-elle en déposant sa tasse de thé sur la table ; J'ai passé le plus clair de mon temps à faire en sorte d'être accepté par la tribu. Qui vous dis que le peuple m'aimera ?

- La presse n'a de cesse de vous faire des éloges depuis l'aube. Jeune fille de seize ans enlevée par Mustapha alors qu'elle travaillait dans un organisme humanitaire près de son village...inutile de plus de détail sur votre pour conquérir le coeur du peuple.

Farah baissa les yeux face au mécontentement qu'elle décela dans sa voix.

- La tribu a été entraînée par les folles accusations de votre oncle. Celles-ci finirons par cesser à mesure du temps.

Il se redressa sur sa chaise, le regard braqué sur elle.

- Si jamais l'un d'entre eux s'aventure à vous manquer de respect...

Farah frissonna, car il avait volontairement mis sa phrase en suspend, lui laissant libre cours à son imagination.

- Merci votre altesse, je...

- Vous êtes ma femme, je crois qu'il est temps de passer au tutoiement.

Farah acquiesça d'un léger mouvement de tête.

- Ne m'appelle plus ainsi maintenant, j'ai un prénom et je veux que tu l'utilises.

- Bien votre....Saïd, balbutia Farah en s'efforçant de maintenir son regard levé dans le sien.

Le cheikh pianota ses doigts sur la table l'air pensif.

- Pourquoi as-tu accepté de devenir ma femme ?

La question venait de tomber comme un couperet.

- Je ne comprends pas.

- Je t'ai donné le choix de partir, sans aucune contrainte de ma part. Alors pourquoi as-tu accepté ? Ce n'est pas l'argent qui t'intéresse habibti. Tu sembles désintéressée par le palais et tu as modestement choisie la robe la plus simple de la collection.

Farah déglutit péniblement avant de répondre.

- J'ai encore énormément de mal à croire à la liberté que tu m'as promis mais ce qui m'a poussé à accepter c'est l'idée que...ma cousine soit à la tête du pays. Nabila ne projette aucune importance au peuple ni même à l'histoire d'Elhazar.

- Et toi tu l'as connais ? S'enquit le cheikh vivement intéressé par ses révélations.

- Évidemment, murmura Farah en lissant nerveusement les plis de la nappe immaculée ; J'ai étudié tout les livres, toute l'histoire. L'importance de protéger les femmes depuis l'époque de votre père là où la guerre à fait rage. Il s'est battu auprès du roi pour sauvegarder le village Dawar. Plus de cent femmes y vivaient à cette époque.

- Les hommes n'ont jamais osé approcher ce village à exception de mon père et à présent il m'appartient.

- C'est là-bas qu'il a rencontré votre mère, osa-t-elle relever.

Un fier et lent sourire couvrit ses lèvres.

- Sais-tu ce qu'il s'est passé ?

- Oui, murmura-t-elle en soutenant son regard.

Le père du cheikh avait fait semblant d'être du côté de l'ennemi pour s'emparer de sa mère. Une histoire qui à l'époque avait passionné bien des foules. Farah sentit un frisson d'excitation se nicher dans sa nuque.

En dépit de leur différence d'âge, les parents du cheikh s'étaient aimés jusqu'à la dernière seconde.

- Tu connais l'histoire du pays et celle-ci semble te tenir à cœur, déclara-t-il en la dévisageant ; A t'entendre la liberté à laquelle tu aspires semble moins importante à tes yeux que le pays, est-ce que je me trompe ?

Farah se pinça l'intérieur de la joue.

- Je veux la liberté mais cela ne m'empêche pas d'aimer mon pays, répondit-elle en prenant garde à ne pas le laisser croire qu'il avait en partie gagné ; Je suis née ici, Elhazar est mon pays.

- Alors voilà la raison qui t'a poussée à devenir ma femme, murmura-t-il en plissant ses yeux comme deux fentes impénétrables ; Parce que tu redoutais que la place soit offerte à Nabila.

- Elle se serait jeté sur cette offre comme une hyène, dit-elle sans masquer son dégoût ; Nabila se lasse vite des choses, mon oncle lui céder tellement de privilège qu'elle causera sa propre chute. Quand ce jour arrivera, il vaut mieux pour toi comme pour Elhazar que tu ne sois pas...

- Tu oublies que je suis un souverain, la coupa-t-il en levant un sourcil ; penses-tu sincèrement que j'aurais laissé cette femme anéantir tout ce que j'ai construit ?

Non bien-sûr que non reconnu Farah en inspirant imperceptiblement. Mais alors s'il disait vrai, pourquoi n'avoir pas pris le risque de l'épouser ?

- Alors pourquoi tu ne l'as pas épousé si elle faisait partie de tes projets avant ma fuite ?

Le cheikh arborait une mine sombre accompagné d'une lueur brulante au fond des yeux. Farah retint son souffle lorsqu'elle vit ses mâchoires tressauter légèrement.

- Parce que ce n'est pas elle que je voulais mais toi, Farah, avoua-t-il sans regrets ni honte.

Un frisson puissant vint courir le long de son échine. Ses joues s'enflammèrent et c'est au prix d'un effort surhumain qu'elle répondit :

- Pour quelle raison ? Qu'ai-je d'aussi spécial ? C'est à peine si tu me connais.

- J'ai assez de temps devant moi pour répondre à tes questions, répondit-il volontairement énigmatique ; Tu m'offres un an ne l'oublie pas Farah.

- Comment pourrais-je l'oublier ?

Aucun des deux ne se quittèrent du regard, et Farah profita d'être sa femme pour s'autoriser à l'étudier sans réprimande. Ses yeux sévères portaient une étrange douceur qu'elle avait pu entrevoir que deux fois depuis la veille, signe qu'il n'était pas habitué à faire preuve de délicatesse. Et pourtant, malgré la méfiance qu'elle portait à son égard, Farah n'oublierait jamais ce qu'il avait fait pour elle ce matin. D'ailleurs il était peut-être temps pour elle de le remercier, même si elle courait certains risques.

- Je veux te remercier pour ce matin, lança-t-elle d'une voix presque inaudible ; tu n'étais pas obligé de...

- Je t'ai affirmé que je ne te ferais aucun mal, je ne te forcerais pas à quoi que ce soit qui puisse te mettre mal à l'aise. Isobel est venue ce matin pour changer les draps, ainsi le personnel du palais sait que nous avons passé notre lune de miel. Tout le monde y gagne habibti.

Sauf lui, songea-t-elle en baissant brièvement le regard.

Elle n'avait peut-être pas d'expérience en matière d'hommes mais savait une chose.

Le plaisir charnel était presque indispensable à l'homme. Allait-il prendre une maîtresse pour assouvir ce qu'elle ne pouvait pas lui donner ? Allait-il finir par se lasser d'elle ?

Farah avait besoin d'amour et lui de quelqu'un à ses côtés pour la stabilité du pays. L'idée qu'il puisse la délaisser pour une autre lui donna une crampe à l'estomac. Elle se surprit même à rêver qu'il veuille bien lui offrir un peu de tendresse.

- Nous avons tout notre temps pour apprendre à nous connaître, accélérer les choses sera notre perte.

Farah quitta sa torpeur et réprima un sursaut en le découvrant juste à sa droite, les genoux légèrement pliés pour accéder à sa hauteur.

- Par pitié esquisse-moi au moins un sourire, ordonna-t-il d'une voix douce mais toujours surmonté de cette note grave.

Farah lui sourit sans se sentir obligée de le forcer. Il se rapprocha de ses lèvres mais les esquiva. Il lui embrassa le front avant de se relever, posant sa main sur sa joue avant de disparaître derrière sa chaise.

Farah pivota sur sa chaise intriguée avant d'apercevoir un homme se pencher à l'oreille du cheikh.

Farah resta figée sur sa chaise avant de rencontrer le regard de son mari.

Fort, intense et menaçant.

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