Chapitre 6
Farah s'était réveillée dans un silence prenant. Elle eut d'abord du mal à reprendre conscience. Puis peu à peu elle se remémora les événements qui s'étaient déroulés plus tôt dans la journée. La gorge sèche elle sentit dans son dos nu quelque chose de froid et inconfortable. Toute sa taille était bandé dans un grand pansement et bizarrement elle avait l'impression de ne plus sentir le poids de la douleur. Une robe bleue en coton se trouvait au bord du lit. Farah s'en empara pour enfiler le tissu frais et agréable puis sauta du lit pour se saisir de la vue imprenable qu'elle avait le privilège d'admirer. Hélas son sourire retomba lorsqu'elle découvrit le paysage assombri et orangé. Le cheikh n'avait pas menti. Une tempête arrivait bel et bien par le nord et se dirigeait droit sur le palais.
Bien qu'elle se sentait en sécurité Farah ne put s'empêcher de se demander qui était le plus dangereux.
La tempête ou le cheikh ?
Sa voix grave lui avait fait une promesse. Comme hypnotisé par les échos solennels de sa voix Farah avait fini par rompre la lutte acharnée qu'elle menait depuis la veille. Alors elle avait fermé les yeux priant Allah que cette grâce ne soit pas un cadeau empoisonné.
Pour le savoir Farah décida de quitter la chambre.
Mais avant qu'elle n'ait eu le temps de se retourner, une silhouette se découpait déjà dans l'encadrement de la porte.
Farah rougit aussitôt.
Le cheikh ne portait plus ses vêtements de guerrier mais un pantalon et une chemise noire déboutonnée au col. Une fine toison virile se laissait entrevoir.
Une onde délicieuse se propageait déjà en elle. Farah se sentait absurde de ressentir de telles sensations.
Depuis qu'elle était en âge de comprendre ce que voulait dire la passion Farah s'était éloignée des hommes de son village, trop terrifiée que l'un d'entre eux veuille l'épouser. Elle ignorait tout des hommes. Mais elle savait cependant l'essentiel. Il fallait se tenir à distance.
Malgré tout, elle ne put s'empêcher de détourner les yeux du cheikh. Il fallait l'admettre, c'était un bel homme, un puissant souverain dont le profil inquiétant savait se jouer de ses pouvoirs.
- Avez-vous bien dormi ?
Farah agita la tête en guise de réponse puis elle noua ses mains près de son ventre, cherchant désespérément les bons mots pour s'excuser.
- Veuillez m'excuser votre altesse, j'ai été pour le moins...
Farah tortilla ses doigts, lèvres pincées.
- Têtue ? Lança-t-il en s'approchant.
Coincée près de la fenêtre Farah resta immobile.
- Je ne le suis pas d'habitude, expliqua-t-elle en essayant de réprimer ses respirations erratiques.
- Je n'en doute pas, répondit le cheikh en esquissant un faible sourire ; À l'avenir essayez de m'écouter, cela évitera tout désagrément.
Écouter ? Obéir plutôt ! Songea Farah en sachant pertinemment qu'il pesait le poids de ses mots pour ne pas l'effrayer.
- Comment se porte votre dos ? S'enquit le cheikh l'air sérieux.
- Beaucoup mieux ! Je sens à peine les douleurs.
- Alors si vous êtes en mesure de marcher, venez avec moi.
Ce n'était guère une invitation remarqua Farah en le suivant dans les tréfonds couloirs du palais.
Ils arrivèrent dans une salle à manger qui lui coupa le souffle. Par politesse elle retira ses chaussures pour traverser le tapis persans. Il contourna la grande table puis descendit cinq grandes marches.
Le souffle lui manqua quand elle découvrit une table ronde, plus petite, recouverte d'une nappe blanche.
Il lui tira la chaise, impatient.
- Vous devez probablement mourir de faim.
C'était le cas, songea-t-elle en observant les grandes fenêtres condamnées. Elle pouvait faiblement entendre la tempête faire rage dehors.
- Servez-vous avant que je le fasse moi-même.
Farah sentit son pouls s'affoler. Une étrange sensation l'obligea à baisser les yeux. Pour paraître calme, elle se concentra sur les plats disposés sur le plateau en argent.
- À présent, commença-t-il quand elle fut servi ; J'aimerais savoir pour quelle raison votre oncle vous a fouettez de la sorte ?
Farah ferma brièvement les yeux partagée entre lui dire la vérité ou mentir.
- Je veux la vérité et non un mensonge, précisa le cheikh d'une voix trop douce pour être sincère.
- J'ai couvert ma cousine, avoua-t-elle en relevant les yeux.
Autant lui dire la vérité, songea-t-elle en découpant sa pitas d'une main tremblante.
- Nabila Hakthar ? Et puis-je savoir les raisons ?
- Elle se trouvait avec un jeune homme derrière la maison, le premier jour du ramadan. Des femmes ont aperçut la scène. Elle m'a supplié de faire croire que c'était moi en échange d'une faible somme d'argent.
Elle avait honte d'avoir accepté pour si peu.
- C'est un geste admirable mais absurde, déclara-t-il d'une voix dure ; Ce n'était pas à vous de payer pour cette faute impardonnable.
Elle aurait cru qu'il la jugerait mais il n'en fit rien. Il semblait plutôt en colère.
- En réalité, je crois que je dois vous remercier.
Surprise, Farah releva les yeux.
- Pour quelle raison votre majesté ?
L'homme au regard menaçant se recula contre le dossier de sa chaise, les yeux rivés aux siens.
- Elle était peut-être sur le point de devenir mon épouse.
Elle faillit s'étrangler.
Nabila ? Son épouse ?
- Vous êtes sérieux ? Bafouilla-t-elle en battant des cils.
Saïd se passa le pouce sur les lèvres.
- Je suis le souverain d'une partie du pays, il est temps pour moi de trouver la femme qui régnera à mes côtés. Votre cousine faisait partie des femmes que je devais rencontrer.
La jeune femme blêmit. Ses grands yeux se posèrent sur les siens et il y lut de l'incertitude.
- Si vous désirez faire de ma cousine votre femme je ne peux aller contre votre volonté votre altesse. Mon oncle en sera ravi et peut-être que...je serais libre.
La liberté, songea-t-il amèrement. Elle était en quête de la liberté et lui en proie à une folle envie de l'embrasser. Il dut faire preuve d'un lourd effort pour ne pas s'emparer de ses lèvres.
Il ne s'était pas trompé six ans auparavant. Farah espérait toucher une liberté qu'il refusait de lui offrir. Elle quitterait probablement le pays.
Pouvait-on à ce point désirer une femme ? De toutes les conquêtes qu'il avait eu dans sa vie jamais il ne s'était senti aussi irradié d'une féroce sensation.
- Je ne vais pas épouser cette femme.
- Et pourquoi ça ? S'enquit la jeune femme en fronça ses jolies sourcils noirs.
Cette fois-ci Saïd se pencha en avant.
- J'ai besoin d'une femme qui a des valeurs auxquelles je tiens. Pensez-vous sincèrement que je prendrais le risque insensé de prendre une femme capable de batifoler avec un homme en plein ramadan ? Bafouant notre religion tout en laissant une autre femme en payer le prix ?
- No...non bien-sûr que non je...
- Vous pensiez qu'en l'épousant votre oncle jouirait de son nouveau statu ainsi vous auriez été libre de partir n'est-ce pas ?
Frappé par son honnêteté, Saïd la dévisagea avec admiration. Pas un seul instant elle lui avait menti.
- Savez-vous pour quelle raison votre oncle veut vous marier ?
- Je vous l'ai déjà dit.
Saïd secoua lentement de la tête.
- Voilà des années que je m'interroge sur cette jeune fille au regard marron glacé. J'ai enfin enquêté sur vous Farah Fathima Hakthar.
Il marqua une pause dans laquelle il s'abreuva d'un peu de jus d'orange fraîchement pressé au petit matin.
- Votre oncle tente de vous faire payer le prix d'une trahison. Je suis navré pour votre père et je ne partage pas son point de vu. La reine D'Elhazar est une étrangère et ça ne l'a pas empêché de rendre notre roi heureux.
- Je suis tout à fait d'accord sur ce point là, murmura-t-elle visiblement touchée ; Mais pour quelle raison veut-il me marier ?
Saïd se leva, avisant les tremblements de celle-ci. Il fallait à tout prix qu'il cesse de la regarder.
- La dote que vous pourriez lui rapporter aura plus de valeur que celle de Nabila, c'est un fait.
Farah ignora la douleur que lui provoqua l'aveu du cheikh. Un sentiment amer lui noua la gorge.
- C'est une question d'argent, conclut-il froidement.
- Donc si je ne fui pas, j'y serait forcée, murmura-t-elle en se levant.
- Restez assise, ordonna-t-il d'une voix douce ; Personne vous y forcera pas sans mon accord.
Farah se sentait à la fois soulagée et méfiante. On avait rien sans rien. Le cheikh ne l'aiderait pas par pure bonté.
- Mais...Qu'est-ce que vous y gagnez ? Demanda-t-elle d'une voix hésitante ; Sauvez une pauvre villageoise en détresse. Je suis sûre que vous avez mieux à faire.
Le cheikh s'approcha d'elle puis vint se pencher vers elle, les mains sur la table.
- J'ai une proposition à vous faire Farah et vous êtes libre de la refuser sans aucune contrainte de ma part. Sans aucun chantage, je tiendrais ma parole de vous laissez partir.
- Laquelle ? Demanda-t-elle d'une voix pas plus haute qu'un murmure.
Les yeux ombrageux du cheikh se plongèrent alors dans les siens et il déclara ;
- Épousez-moi Farah...
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