Chapitre 5
- Vous ne voulez toujours pas me dire où nous allons ?
Farah avait du mal à réfléchir. Elle étouffait littéralement pressée contre le corps du cheikh. Les gardes restaient silencieux. Le vent du désert était chaud et plus lourd que lorsqu'elle s'était sauvée. Le cheikh avait-il raison au sujet de la tempête ?
- Vous n'avez pas confiance en ma parole ?
- Je ne vous connais pas votre altesse, osa-t-elle répondre ; Je ne peux guère vous donner ma confiance. D'ailleurs je n'ai confiance en personne.
Saïd resserra les rênes, le regard rivé sur l'horizon. Le parfum de la jeune femme était toujours intense. Il avait énormément de mal à se concentrer. Néanmoins il profita de cette petite ouverture pour interroger la jeune femme.
- Vous n'avez pas confiance en votre famille ? Demanda-t-il d'une voix grave.
- Comment pourrais-je leur faire confiance alors qu'il cherche à se débarrasser de moi ?
Elle marquait un point auquel Saïd resta silencieux. Comment pouvait-il lui faire comprendre que les enjeux de son oncle était purement stratégique ?
Un gain.
Saïd accéléra l'allure, conscient qu'il allait bientôt franchir les portes de son palais. Il sentit la jeune femme se crisper mais il l'ignora délibérément. Il se contenta de descendre de son cheval puis l'aida à descendre à son tour. Ses grands yeux noisettes reflétaient la peur. Comment lui en vouloir ?
Il prenait un risque considérable.
- Votre cheval sera sous bonne surveillance, déclara-t-il lorsqu'elle s'accrocha aux sangles.
- Pourquoi refusez-vous de me laisser partir en ville ?
- Je vous l'ai dit c'est trop dangereux, la tempête arrive, répéta Saïd en la prenant par le coude.
La jeune femme resta silencieuse, peu intéressé par les vestiges de son palais. Elle semblait en proie à une grande réflexion qui le fit sourire.
- Seriez-vous en train de songer à un plan ?
La jeune femme s'empressa de baisser les yeux.
- No...non...
- Vous m'avez l'air d'être une rebelle, commença-t-il en détachant le keffieh ; cependant lutter contre ma volonté me mettra en colère.
Ses lèvres nues se mirent à trembler.
- Je veux juste fuir, dit-elle en dévisageant le hall du palais ; Mon oncle finira par me retrouver et...
- Il ne peut désobéir, sous peine de punition, la coupa-t-il en posant sa main dans son dos ; Vous êtes en sécurité ici.
Farah n'avait pas confiance malgré la fermeté dans la voix du cheikh. Pour tromper son inquiétude elle observa le palais majestueux. Elle s'était toujours demandé à quoi pouvait ressembler les vestiges d'Elhazar. Farah devait l'admettre...Elle n'avait rien vu d'aussi magnifique.
En réalité Farah évitait soigneusement le regard du cheikh.
- Vous avez besoin d'un bain et de nouveau vêtement, décréta-t-il en claquant des doigts en direction d'une femme qui se hâtait dans leur direction.
Farah dévia son regard dans sa direction. Des les lueurs du soleil, il était d'une beauté intensément virile. Dans ses yeux, elle lut une lueur d'avertissement percer son ombrageux regard.
- Emmenez-là Isobel, ordonna-t-il sans d'autre instruction.
Les lèvres scellées, la peur palpitant dans son ventre Farah fut forcée de la suivre dans l'immense escalier.
Quand elle se retourna, le cheikh avait disparu.
Une myriade de question hantait son esprit.
Que voulait-il ? Pourquoi avait-il fait autant d'effort pour elle ?
Avait-il pour plan de la ramener au village ? Était-ce un piège ?
Ses jambes se dérobèrent.
- Venez jeune fille ! S'exclama la fameuse Isobel en refermant la porte.
Sa tête lui tournait. Malgré tout elle contempla la chambre avec un hoquet.
- Vous êtes dans un sale état, commenta-t-elle en secouant de la tête ; Vous avez de la chance que sa majesté vous ait retrouvé !
Farah se passa une main dans ses cheveux sales.
- Savez-vous le sort que me réserve le cheikh ?
Isobel fronça des sourcils interloquée.
- Quel sort ? Pourquoi voulez-vous qu'il vous réserve un sort ?
- J'ai déshonoré mon oncle, je me suis enfuie, murmura-t-elle en baissant les yeux ; Je sais ce que je risque si jamais le cheikh me ramène au village.
- Il n'en fera rien soyez sans crainte, assura Isobel en esquissant un sourire rassurant.
Farah voulait y croire mais restait sur ses gardes.
- Alors pourquoi veut-il que je reste ici ? Le plus simple aurait été de m'emmener en ville.
Farah s'approcha d'elle, le regard suppliant.
Hélas, Isobel lui prit la main pour l'emmener dans une salle de bain orné de faïence captivantes.
- Vous devriez être honorée de recevoir une telle offrande de la part du cheikh, lança Isobel en l'aidant à se déshabiller.
Farah se pinça les lèvres.
La honte empourpra ses joues car Isobel avait raison. Sa rébellion contre le cheikh était irréfléchie et dangereuse.
Il l'avait probablement sauvée et elle se comportait comme une enfant.
Isobel ferma la porte de la salle de bains à double tour et l'aida à rentrer dans la baignoire.
C'est digne et forte qu'elle s'y plongea tout en ignorant le cri étouffé qu'Isobel venait de lâcher.
- Quelqu'un vous a-t-il soigné ? Demanda-t-elle d'une voix inquiète.
Farah se contenta se secouer de la tête, refoulant les larmes qui menaçaient de tomber.
- Qui vous a fait ça ?
Farah ouvrit la bouche mais la referma.
- Qui vous a fait ça ? Répéta Isobel d'une voix plus ferme.
- Mon oncle...
Farah réprima une grimace quand elle sentit l'eau tiède sur ses cicatrices. Pour couvrir Nabila en échange de quelques billets, Farah s'était vu obligé de mentir et de faire croire que c'était elle qui avait été vu en compagnie d'un jeune homme à l'aube du premier jour du ramadan.
Une faute impardonnable et qu'elle avait payé à sa place.
- Il faut les soigner avant que cela s'infecte si ce n'est déjà pas le cas.
Farah prit peur.
- Est-ce si horrible que ça ? Demanda Farah en essayant d'atteindre son dos avec sa main.
- N'y touchez pas ! Ordonna Isobel en s'activant pour la laver.
Après être sortit de la baignoire, Isobel lui ordonna de s'allonger sur le ventre et disparut, la laissant seule, la tête contre cet oreiller dont l'odeur suffit à l'apaiser.
Saïd se tenait derrière la porte quand celle-ci s'ouvrit à la volée.
Isobel sursauta avant de s'incliner.
- Laissez-moi deviner, elle s'est sauvé par le balcon ? Demanda-t-il d'une voix sombre.
Isobel secoua vigoureusement de la tête. Saïd tentait de maîtriser ses nerfs mis à rude épreuve. La jeune femme aussi belle que mystérieuse se méfiait de lui au point de remettre ses décisions en questions. Mais en réalité il savait que la jeune femme se rebellait par façade. Elle ressemblait plutôt à une pouliche effrayée dont le destin ne lui appartenait plus.
- Il nous faut un médecin votre altesse, au plus vite.
Saïd se tira de ses songes et se raidit.
- S'est-elle blessée ?
- Non mais son dos est blessé votre altesse et ses blessures ne datent pas d'hier.
Il n'en fallut pas plus pour Saïd. Il contourna Isobel pour rentrer dans la chambre. Plus les événements s'enchaînaient plus son agacement augmentait. Quand il aperçut la jeune femme recouverte d'un peignoir en coton il se contenta de réprimer les violences de ses désirs et n'eut aucun mal à les oublier lorsqu'il vit son dos...
Les cicatrices étaient boursouflées, rouge sang et elles n'avaient pas été traité en temps et en heure.
Une violente colère l'empêcha d'avancer plus près.
- Qui a fait ça ?
Elle savait qu'il se trouvait juste derrière elle car son dos était troublé par d'importantes secousses. Ses lois longtemps imposées étaient limpides et clairs.
Aucune violence n'était acceptée à Elhazar. Il était le seul détenteur des lois et des condamnations quelles que soient les crimes commis.
- C'est son oncle votre altesse.
- Allez chercher le médecin immédiatement.
Isobel s'exécuta.
Saïd en profita pour faire le tour du lit. Elle avait les yeux fermés, une larme glissa sur ses longs cils noirs. Harassée, épuisée, la jeune femme lui renvoyait presque la même image qui lui avait déchiré le cœur six ans plus tôt. L'adolescente n'avait pas tellement changé, songea-t-il en serrant les dents. Elle était simplement plus grande, encore plus désirable mais vulnérable. Aussi vulnérable qu'une rose en plein désert.
- Farah regardez-moi, demanda-t-il plus gentiment.
Elle ouvrit les yeux, le regardant à travers ses longs cils noirs.
- Je vous promets que vous ne retournerez plus jamais chez votre oncle.
Saïd enfonça ses poings sur le matelas pour se pencher.
- Plus jamais, répéta-t-il avant de la voir s'enfoncer dans un profond et douloureux sommeil.
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