Chapitre 39
Il était plus de deux heures du matin quand Farah sentit enfin le corps massif de Saïd s'allonger à ses côtés. Il lui avait demandé de ne pas se poser de questions. Hélas Farah ne parvenait pas à trouver le sommeil...
Dans les lueurs de la lune elle put apercevoir son visage. Bras derrière la nuque fixant le plafond, il semblait tourmenté. Assez pour qu'elle se redresse sur le coude pour s'approcher. Immédiatement son regard se souda au sien.
- Tu ne dors pas ? S'ensuit-il en levant le bras pour qu'elle puisse se nicher contre son épaule.
- Toi non plus, lui fit-elle remarquer ; où étais-tu passé ?
Il soupira, caressant son épaule machinalement.
- J'étais avec Isobel.
- Si tard ? Est-ce qu'elle va bien ?
Un long silence couvrit sa question.
- Elle va bien, c'est moi qui voulait la voir pour lui demander de veiller sur toi lors de mes absences.
Farah sentit son cœur s'arrêter un instant.
- Il n'y aura pas d'absence puisque tu vas nulle part, murmura-t-elle en espérant qu'il comprenne la porté de sa phrase.
Il la bascula sur le côté pour se retrouver pencher au-dessus de son visage.
- Je ne quitte pas le pays tu as ma parole, mais je vais devoir m'absenter pour certaines réunions.
Farah ne chercha pas à lui masquer sa déception.
- Certaines réunions ou pour les horribles choses que...
Il posa son pouce sur ses lèvres pour la faire taire puis d'une respiration bruyante vint effleurer son ventre rond.
- Je te dirais tout en temps et en heure Farah, s'il te plaît, ne complique pas les choses.
- Tu sais bien que j'adore compliqué les choses, murmura-t-elle en penchant la tête sur le côté, sourire aux lèvres.
- Oh que oui ! Affirma-t-il en posant ses lèvres avec dévotion sur les siennes.
Lorsqu'il s'écarta, Farah l'observa en silence parcourut d'un frisson agréable.
- Si tu me disais tout de suite les raisons de tes tourments nous pourrions alors nous rendormir l'un contre l'autre.
Saïd réprima un désir fulgurant devant la candeur de sa femme. Elle tentait d'obtenir la vérité avec tant de défiance qu'il en fut presque tenté de lui révéler la sombre promesse qu'il s'était fait à lui-même.
Pour elle...
- Ou alors nous pourrions simplement dormir, proposa-t-il à son tour.
- Tu n'as pas l'intention de me le dire n'est-ce pas ? Lança-t-elle déçue.
- Aucune chance que cela traverse mes lèvres pour le moment.
Il caressa sa joue avec son pouce puis déposa un chaste baiser sur ses lèvres.
- Essaye de dormir mon amour, demain sera sans doute une longue journée.
Farah inspira imperceptiblement. Saïd lui cachait quelque chose et elle espérait le découvrir bientôt. Saisie par la confiance qu'elle avait en lui Farah préféra fermer les yeux, convaincue qu'il avait une bonne raison de tenir ce secret.
Après une nuit extrêmement courte Farah se leva avant Saïd, très vite rattrapé par ce dernier.
- Madame, veuillez immédiatement vous rallonger.
Sous cet ordre qui n'en avait pas l'aspect Farah sourit et vint le rejoindre.
- Tu es comme les prédateurs dans le désert, on ne sait jamais quand tu es sur le point de faire ton apparition.
Il plaça ses deux paumes de mains sur ses joues.
- La guerre m'a appris à dormir que d'un seul œil.
Il l'embrassa avec passion puis se leva pour s'étirer. Saïd resta dos tourné à sa femme pour lui cacher l'expression de son visage. En effet, après une longue conversation avec Isobel il avait fini par la convaincre de dire la vérité à Farah. Aujourd'hui, à l'exception de la guerre qu'il avait connu jadis des années plus tôt, cette journée allait s'avérer la pire de toute sa vie. Sa femme allait devoir affronter son passé quant à lui...il avait pris la décision de se charger d'Adil. L'exiler à l'autre bout de la terre ou le tuer à main nue ?
Saïd n'avait pas encore choisi.
Quoi qu'il puisse arriver, Adil ne sera plus qu'un souvenir pour Farah, songea-t-il en se retournant pour glisser son regard dans le sien.
Chaque fois qu'il plongeait son regard dans ses yeux noisette Saïd ressentait tout son être vibrer. Mais aujourd'hui...c'est une colère indescriptible qu'il ressentait.
Pour dire vrai il avait beaucoup de mal à réaliser qu'Isobel soit la mère de Farah. Le pire fut d'apprendre que son père en personne l'avait aidé à dissimuler ce secret si pénible et douloureux.
Au fond de lui, Saïd l'avait remercié d'avoir écoute sa défunte mère. Sans le savoir, ses parents avaient sauvé le seul membre restant de la famille de sa femme.
Cette mère qu'elle cherchait désespérément.
- Que comptes-tu faire aujourd'hui ? Demanda-t-elle en se levant à son tour.
- Je dois me rendre à une réunion dans le nord d'Elhazar, je ne serai pas long.
Déçue elle esquissa une moue.
- Isobel restera avec toi, lâcha-t-il d'une voix douce mais qui cachait une lourde appréhension.
- Heureusement qu'elle est ici, lui dit-elle en lui souriant ; Elle est d'un grand soutien pour moi.
Saïd ferma les yeux brièvement.
Ce qu'il craignait le plus, c'était que Farah ne pardonne pas à Isobel de lui avoir menti pendant tout ce temps.
- Quand pars-tu ? Demanda-t-elle en venant le rejoindre les mains sur son ventre.
- Bientôt, en fin de matinée.
Farah tenta par tout les moyens d'obtenir un indice sur sa destination en vain. Elle savait au fond d'elle qu'il lui cachait quelque chose.
Un rapport avec son oncle ? Avec sa mère ?
Être dans cette ignorance constante finissait par la mettre en colère.
Heureusement, l'amour qu'elle ressentait pour Saïd était si grand qu'elle lui offrait son entière confiance.
- N'ai aucune crainte, je ne vais tuer personne, lança-t-il en prenant son visage en coupe.
Farah s'exhorta au calme avant de lui répondre.
- Alors pour quelle raison m'a tu dis ça hier soir ? Que tu allais faire des choses terribles ?
Immédiatement son visage se ferma. Une lueur énigmatique couvrit la beauté de ses yeux verts.
- Est-ce que tu me fais confiance Farah ?
Elle déglutit puis se mordit les lèvres. Il se jouait des mots pour gagner du temps...car si elle lui répondait oui, alors il utiliserait cette réponse pour garder le silence.
En d'autres termes il était sur le point de la piéger.
- Oui Saïd je te fais confiance...
- Alors tu devrais simplement plonger ton regard dans le mien et y lire la réponse.
Contre toute attente Farah rejeta sa tête en arrière, le souffle coupé, cherchant désespérément à comprendre le sens de sa réponse.
Alors elle plongea son regard dans le sien et eut l'impression d'y déceler une dangereuse et sombre promesse...comme si la vengeance hantait sa paire d'yeux vert. La bouche sèche, le cœur battant à la chamade elle accueillit son baiser désorientée.
- Je t'aime Farah, articula-t-il contre son front presque rageusement avant de disparaître.
À son départ, Farah fixa la porte fermée sans bouger. Le silence et la rage furent les souvenirs qu'elle garderait de lui jusqu'à son retour, songea-t-elle en s'entourant de ses bras.
Vingt minutes plus tard alors qu'elle déjeunait seule sur le balcon un bruit attira son attention. Elle se leva et aperçut les gardes dressés sur leur montures le visage totalement masqués. Farah agrippa la balustrade et se pencha pour dévisager les hommes de Saïd. Songeant d'abord à une simple balade dans les montagnes Farah sentit son ventre se nouer d'horreur lorsqu'elle aperçut Saïd sur son étalon noir, le même sur lequel il lui était apparu dans ce désert aride pour la sauver.
Elle voulut crier son nom mais sa gorge paraissait asséchée...
- Farah ? Pourquoi ne pas simplement t'installer pour finir ton déjeuné ?
- Sais-tu quelque chose sur sa destination ? La questionna-t-elle en regardant Saïd disparaître dans un tourbillon de sables.
- Je l'ignore, répondit Isobel en tirant la chaise.
Farah inspira imperceptiblement.
- C'est en rapport avec mon oncle, j'en suis persuadée, murmura-t-elle les yeux dans le vague.
- Peu nous importe ce qu'il adviendra Farah, cet homme ne mérite aucune clémence.
Interloquée par la fureur d'Isobel, elle redressa la tête pour rencontrer son regard mais ce dernier était plongé sur l'horizon.
- Isobel est-ce tout va bien ?
Elle sonda son regard au sien, le regard empli de larmes. Farah remarqua que son corps tremblait à répétition. Soudain elle posa sur la table une paire de chaussettes pour bébé avec un sourire tremblant aux lèvres.
Farah s'en empara pour l'admirer de plus près.
- C'est toi qui l'a fait ? S'enquit Farah en lui souriant convaincue que ses larmes provenaient de ce présent qu'elle lui offrait.
- Oui Farah, j'ai confectionné ces chaussette en 1997, peu avant ta naissance...
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