Chapitre 37


Citation de Stendhal :

Un roman est comme un archet, la caisse du violon qui rend les sons, c'est l'âme du lecteur.




Saïd n'attendrait pas le lendemain et encore moins l'aube. Non.

Il s'engagea dans ses appartements et la trouva endormie sur le ventre, le teint presque livide. Il écarta ses mains pour détendre le flux de tensions qui l'habitait avant d'envisager de la réveiller. Délicatement il s'installa au bord du lit puis se pencha pour déposer un premier baiser sur sa tempe. Ses yeux marrons glacés s'ouvrirent sur l'instant.

Désorientée elle redressa la tête puis nicha son visage dans le creux de l'oreiller.

- Est-ce que nous sommes le matin ?

- Non, il est près de minuit mon amour mais nous devons partir.

Farah rouvrit les yeux avec difficulté. Elle se sentait trop épuisée pour ressentir de l'inquiétude. Depuis plus d'une semaine, elle avait l'impression que son corps ne suivait plus. Son ventre grandement naissant était la seule chose positive qu'elle retenait depuis ces derniers jours.

- Pourquoi ? Demanda-t-elle en se frottant les yeux.

Bien qu'elle s'était interdit de paniquer, Farah constata avec crainte que le regard de Saïd était fermé mais pas suffisamment pour lui dissimuler la lueur d'inquiétude qu'elle pouvait lire dans ses yeux.

- Le médecin vient de m'appeler, elle désire te revoir immédiatement.

Cette fois-ci réveillée, Farah se redressa tandis qu'il s'activait autour d'elle, l'air pressé.

- Il...il y a un soucis avec le bébé ? S'enquit-elle d'une voix chargée d'angoisses.

Il cessa de marcher, arrimant son regard dans le sien.

- Elle m'a affirmé que non...

- Mais alors...

Il la souleva après l'avoir couverte d'un plaid épais. Déboussolée, Farah observa silencieusement la garde royale s'activer autour d'elle.

- Je suis navré de faire ça maintenant, le médecin m'a affirmé que cela pouvait attendre demain matin mais je ne peux pas.

- Inutile de t'en vouloir, s'empressa-t-elle de dire en jetant un coup d'œil rapide vers la fenêtre pour observer la nuit noire ; Je veux savoir ce qu'il se passe.

Saïd planta un baiser sur sa joue. Pendant six ans, il s'était presque convaincu d'être un monstre égoïste de désirer Farah, de vouloir l'arracher à sa famille. Aujourd'hui, il ne ressentait aucune culpabilité, aucun remords, aucun regret.

À partir de maintenant, il se promit de tenir sa promesse.

La protéger.

- Est-ce que tu crois que cela à un rapport avec la prise de sang.

Arraché de sa sombre torpeur Saïd acquiesça.

- Oui c'est le cas, répondit-il en caressant son épaule ; Apparemment ton taux d'HCG est trop élevé, elle désire vérifier quelque chose.

Farah fronça des sourcils avant d'esquisser un sourire.

- Tu vois ! Je t'avais bien dit que j'étais en pleine tempête hormones.

En disant cela, Farah espérait apaiser la façade très mystérieuse de son mari.

- Effectivement habibti, tu avais raison, chuchota-t-il en lui souriant.

Hélas ce sourire n'était que façade.

- Nous sommes arrivés votre Altesse.

Farah reprit son sérieux et protesta pouvoir marcher toute seule mais il fit mine de ne pas l'entendre.

Le docteur Alya les accueillit avec un grand sourire.

Rassurée quant aux raisons qui l'avait poussé à les faire venir, Farah resserra sa prise autour du cou de Saïd qui lui, arborait une façade infranchissable.

- Alors ? Quel est le problème avec ses hormones ? Demanda-t-il sans attendre qu'ils atteignent le bureau.

- Vous voulez bien vous allonger s'il vous plaît.

Farah obtempéra sans attendre.

- Votre analyse est parfaite mais j'ai remarqué un taux élevé de HCG, expliqua-t-elle en soulevant la chemise de Saïd qu'elle avait l'habitude de porter pour dormir.

- C'est normal non ? Je suis enceinte.

Le Dr Alya se mit à rire doucement en lui appliquant le gel.

- Est-ce que vous vous sentez fatigué, je veux dire plus que d'habitude ?

- Extrêmement fatiguée, affirma-t-elle en agrippant la main de Saïd ; J'ai l'impression que l'on m'a administré une dose pour endormir un éléphant.

Cette petite touche d'humour suffit enfin à le faire sourire.

- Alors ? Vous allez enfin nous dire ce qu'il se passe ? S'impatienta Saïd.

Le Dr Alya passa la sonde sur son ventre. Un battement de cœur sauvage se fit entendre. Saïd referma sa main sur celle de Farah, le regard fixé sur l'écran.

- Vous présentez certains signes qui me laisse penser que vous attendez peut-être des jumeaux.

Le choc se peignit sur le visage de Saïd. Farah quant à elle ressemblait à un poisson hors de l'eau. Une immense joie combla tout son être avant que la prudence ne la fasse réagir.

- Mais ce n'est peut-être pas le cas n'est-ce pas ?

- Il y a une poche et je vois qu'un seul bébé.

Farah retint de justesse un hoquet de déception. Elle se tourna vers Saïd qui lui, avait le regard fixé sur l'écran.

- Mais si j'approfondis l'exploration...

Le Dr Alya suspendit sa phrase presque volontairement. Elle glissa à plusieurs reprise la sonde sur les côtés dans un silence presque étouffant.

Puis soudain, Farah aperçut un sourire éclairer son visage.

- Le voilà, vous entendez ?

Farah secoua vigoureusement de la tête, la vision brouillée de larmes.

- Comment est-ce possible ? S'enquit Saïd sous le choc mais saisi d'une incroyable joie silencieuse.

- La nature je suppose, répondit-elle en riant ; Félicitations, vous attendez des faux jumeaux, c'est une grossesse gémellaire.

Saïd déposa un baiser sur ses phalanges fou de joie mais rapidement rattrapé par l'inquiétude qui avait ne cesse de croître.

- Est-ce qu'elle est en danger ?

- Non, elle ne l'est pas, elle sera juste surveillée plus que mes autres patientes. Je ne vois aucun signe qui pourrait me pousser à lui ordonner un repos complet.

Farah déglutit péniblement, essuyant ses larmes, les mains tremblantes d'émotions.

Cette nouvelle ravivait enfin l'espoir qu'elle gardait encore et toujours en elle.

- Mais on ne sait toujours pas le sexe ? Enfin je veux dire les sexes.

Saïd ne put s'empêcher de rire.

- Pardonnez-là, elle désire à tout prix le savoir pour se projeter dans la décoration de la chambre.

- Je pense qu'un peu de bleu et un peu rose feront l'affaire.

Un sourire illumina le visage de Farah.

A ce moment précis, elle put enfin se projeter comme elle le désirait tant. L'un comme l'autre débordait de joie. Saïd n'avait presque pas cherché à contrôler la situation, il montrait enfin son bonheur...celui qu'il n'avait pas su lui montrer à l'annonce de sa grossesse.

Lorsqu'ils quittèrent le cabinet médical, ni l'un ni l'autre ne trouva nécessaire de parler, comme si ce silence leur était bénéfique pour bien comprendre ce qu'il allait se passer par la suite. Farah posa une main protectrice sur son ventre, prenant peu à peu conscience qu'elle portait non pas un mais deux enfants.

- Tu ne dis rien ? Lança-t-elle une fois dans la voiture.

Son mari leva un sourcil amusé, agrémenté d'un long et large sourire qui la fit fondre.

- Je suis au comble d'un bonheur absolu, et tu sais pour quelle raison ?

- Parce que nous allons avoir un garçon et une fille ?

Il se pencha en avant, agrippant furtivement ses lèvres.

- Parce que je ne regrette rien, répondit-il d'une voix rauque.

Peinant à comprendre l'allusion de ces mots elle fronça des sourcils.

- J'ai longtemps été rongé par la culpabilité mais à présent, je ne regrette rien de ce que j'ai fait. Ni remord ni même une once de culpabilité.

Il captura ses lèvres comme s'il désirait étouffer les mots qu'elle s'apprêtait à dire et ce petit jeu dura un long moment...jusqu'à ce qu'il la dépose sur le lit et vienne embrasser sa bosse à présent visible. Elle ferma les yeux pour savourer la chaleur de l'instant avant qu'il se redresse et vienne se pencher au-dessus de son visage l'air grave. Interloquée, elle le dévisagea tandis qu'il faisait la même chose tout en lui caressant la joue.

- Farah je vais faire des choses terribles dans les quarante-huit heures qui suivront mes dires.

Le cœur battant à la chamade Farah tenta de redresser sa tête mais il l'en empêcha.

- Qu'est-ce que tu comptes faire Saïd ? Tu me fais peur.

- C'est inutile habibti, je veux juste que tu gardes en tête que je suis et demeurerais le même homme que tu as rencontré.

- Tu parles de quel homme ? Celui qui m'a sorti de cette tente insalubre couvert de sang ou celui qui m'as retrouvé dans le désert ?

- Les deux, murmura-t-il le visage dépeint de surprise qu'elle s'en souvienne avec tant de clartés.

Farah ignorait ce qu'il avait en tête mais craignait à présent le pire.

- Il faut que tu dormes Farah et je ne veux pas que tu te poses mille questions, tout ira bien.

Il se leva après un rapide baiser, et la promesse de revenir très vite, la laissant seule, inondée de questions sans réponses...

Saïd quitta la chambre et rejoignit ses bureaux. Isobel s'y trouva comme voulu. Elle se leva du fauteuil, les mains jointes contre sa poitrine.

- Vous vouliez me voir votre altesse ?

- Oui, je suis désolé de vous faire venir si tard mais les événements se sont bousculées durant les dernières heures.

- Est-ce que votre femme va bien ?

Saïd fit le tour de son bureau.

- Nous attendons des jumeaux, enfin, de faux jumeaux je peine encore à comprendre la différence cela m'importe peu.

Le regard d'Isobel s'éclaira devant cette nouvelle bouleversante.

- C'est une merveilleuse votre altesse !

- Oui ça l'est et c'est pour cette raison que je vous ai fait venir.

Isobel reprit instantanément une expression sérieuse.

- Je vous écoute.

- J'aimerais que vous vous occupiez d'elle officiellement. Elle aura besoin de soutient et va certainement se poser des questions. Elle a besoin d'une figure maternelle sur laquelle se reposer.

Isobel baissa les yeux tristement puis accepta ce rôle sans un mot.

- Vous pouvez compter sur moi votre Altesse, dit-elle en se levant pour regagner la porte.

Saïd ne la quitta pas des yeux puis la stoppa.

- J'ai une dernière requête Isobel.

- Oui votre Majesté ?

- J'aimerais savoir quand ?

Incrédule, Isobel cligna plusieurs fois des yeux tandis que lui, s'était penché en avant pour appuyer ses mains sur le bureau, mâchoires convulsivement serrées.

- Quand quoi votre Altesse ?

- Quand allez-vous dire à ma femme que la femme qui se montre si bienveillante avec elle et en réalité sa mère ?

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