Chapitre 33



Isolée dans le silence de l'habitacle, Farah se pencha près de la fenêtre pour observer la lune claire et parsemée de nuages. Elle resserra les pans de son manteau lorsque la voiture s'arrêta à hauteur d'un restaurant chic et à l'abri des grandes rues de Londres. Plus tôt dans l'après-midi, ils avaient cédés à la passion, et dans ce déluge de sensations exquises, Farah se souvenait encore très bien du dernier murmure qu'elle avait prononcé.

Lui exposer ses sentiments depuis le début de leur mariage n'était pas chose aisée pour elle. Et bien qu'il l'avait compris, Farah ne se sentait plus capable de lui cacher l'amour inédit qu'elle lui portait. Elle se tourna vers lui, dévisageant dans la pénombre les traits virils de cet homme implacable mais qui renfermait un cœur battant et chaud de sentiments.

Comment était-ce possible ? Ainsi fut la seule question qu'elle n'avait de cesse de se poser.

Comment ce guerrier pouvait-il lui vouer un amour aussi fort ?

Farah inspira imperceptiblement et accepta la main qu'il lui offrit pour quitter la voiture. Dans ce torrent d'émotions elle en oubliait presque le monde autour d'elle, captivée par ses propres pensées et à l'avenir qu'elle commençait tout juste à esquisser.

Grâce à lui et grâce à l'enfant qu'elle portait.

- Tu es prête ? Demanda-t-il en portant sa main à ses lèvres.

- Oui je le suis, affirma-t-elle en lui souriant.

Une éclat brilla dans ses yeux verts.

- J'aime quand tu me souris...

Farah réprima tant bien que mal des rougeurs déjà perceptibles.

Il l'entraîna à l'intérieur du restaurant. Très vite, Farah fut surprise qu'il soit si conviviale et d'une simplicité stupéfiante. L'ambiance feutrée lui donnait un côté extrêmement élégant. Le directeur en personne les accueillit pour les guider à leur table. Une fois seule avec lui, dans un endroit reclus du reste des couples et familles attablés, Farah plissa des yeux l'air soupçonneux.

- Jamais je n'aurais crû ça.

- Que veux-tu dire par-là ? S'enquit le cheikh en plissant son front.

- Eh bien ce restaurant est simple, abordable pour quiconque.

Sa surprise éveilla en lui un sourire satisfait.

- Tu as encore beaucoup à apprendre de moi Farah, répondit-il en l'embrassant du regard comme si c'était la première fois qu'il se rencontrait ; Ce restaurant est une simplicité que j'aime m'offrir. De plus, leur menus sont excellents. Ici, personne ne vient me déranger.

- Je suis remarquablement surprise et heureuse de l'apprendre, dit-elle sans dissimuler son admiration.

- Et moi je te trouve magnifique ce soir et j'ai l'impression que tu t'ouvres à moi.

C'était le cas, songea-t-elle en baissant les yeux. Elle n'avait plus peur de s'ouvrir à lui même si elle craignait toujours d'y laisser quelques plumes.

- Ça a été difficile pour moi, reconnut-elle en levant son regard dans le sien ; J'avais peur de m'être trompée, j'avais peur que tout ceci ne soit qu'un...rêve.

- Ce n'est pas un rêve, tu es bel et bien ma femme et je t'aime Farah.

Son cœur se mit à battre contre sa poitrine tandis qu'il la regardait avec tendresse et passion mêlées. En disant cela, Saïd comprit que ces mots qu'il n'avait de cesse de répéter prenaient enfin tout son sens. Elle le croyait enfin et il pouvait clairement le distinguer dans ses belles prunelles. Cette après-midi avait été marquée par la passion avec laquelle elle s'était abandonnée dans ses bras. Il aurait voulu se perdre en elle. Il aurait voulu ne jamais s'arrêter...de la posséder jusqu'à son dernier souffle.

Il pouvait encore l'entendre gémir contre lui, enfin pleinement elle-même, désireuse d'être sienne. Saïd serra furtivement les mâchoires pour éteindre le feu qui couvrait déjà en lui au point de vouloir lui refaire l'amour immédiatement. Sa belle épouse, sa favorite, la mère de son enfant.

À présent, il n'y avait plus de barrière, ni même la peur que cette différence d'âge ne vienne imposer de nouvelles barrières. Non...

Farah avait enfin comprit à quel point il l'aimait et ça depuis le premier jour. Elle était la seule à avoir su percer l'étau de son cœur il y a six, par un simple regard et il se souvenait avoir souhaité n'importe quel supplice pour l'avoir...

Si les anciens avaient pensé que c'était un acte de possession ou bien d'un désir passager, Saïd avait su leur montrer qu'il n'en était rien.

- À quoi penses-tu ? Tu as l'air pensif.

Saïd dut faire preuve d'un immense effort pour masquer le désir qui lui nouait déjà la gorge.

- Je pensais aux paroles des anciens, il y a six ans, quand j'ai voulu faire de toi ma favorite.

Elle se pinça la bouche, ramenant son étole sur ses épaules.

- Que disaient-ils ?

- Que ce désir vorace perdrait son éclat après l'avoir goûté.

Farah sentit son corps frissonner et ses lèvres s'assécher.

- Vra...iment ?

Dans ses yeux si ténébreux, Farah y lut un désir vorace qu'elle tenta d'ignorer. Mais à quoi bon lutter contre ce feu ardent qui ne la quittait plus en sa présence.

- Oui, ils pensaient qu'il valait mieux oublier cette idée et faire de toi ma maîtresse car ils pensaient que je finirais par me lasser.

Au lieu d'en être blessée, Farah en fut presque toute excitée.

- Rassure-toi c'est un conseil très ancien qui craignait pour leur intérêt diplomatique, ajouta-t-il en lui souriant ; Et j'ai bien fait de ne pas les écouter.

Farah lui rendit son sourire avant que le serveur se matérialise à leur table.

- Voici vos cartes, annonça-t-il en s'inclinant.

Farah s'empara de la sienne et l'ouvrit en parcourant celle-ci avec envie.

- Votre Altesse ? Vous prendrez toujours la même chose ?

Le serveur pivota la bouteille de vin blanc prêt à le servir mais Saïd leva sa main pour le stopper. Pris de court, le serveur se redressa.

- Pas ce soir, déclara-t-il en arrimant son regard au sien ; Ce soir j'accompagne ma femme.

Presque émue par la tendresse de cette décision Farah baissa timidement les yeux.

- Nous allons prendre le cocktail sans alcool.

- Très bien votre Altesse.

Quand il fut parti, Farah exhala un soupir avant de consulter la carte.

- Prends ce qu'il te plaît, c'est ta soirée ce soir...

- Je suis vraiment tenté de prendre les tagliatelles et toi ?

- Moi, je prends comme d'habitude, le poulet au olive agrémenté de pommes de terre.

Saïd nota dans sa tête ce qu'elle venait de lui dire et indiqua au serveur de revenir.

- As-tu déjà goûté au foie gras ?

Saïd tiqua avant même qu'elle lui réponde.

- Non bien-sûr que non, murmura-t-il tandis qu'elle grimaçait.

- Avez-vous choisis ?

- Oui, nous allons prendre le foie gras en entrée puis moi ça sera toujours la même chose. Madame prendra les tagliatelles.

Farah inspira profondément et attendit que le serveur disparaisse pour poser une question qui lui donnait déjà la nausée.

- Saïd ?

- Oui habibti.

- Quand tu dis que tu as l'habitude de venir ici, est-ce que tu veux dire que...

- Haled et moi déjeunons ici une fois tout les deux mois lorsque je me déplace à Londres.

Il n'était pas en colère ni même irrité qu'elle ait pu songer à autre chose.

- Si tu désires connaître mon ancienne vie personnelle tu as le droit de me poser des questions.

- Est-ce que tu en as aimé ?

- Aucune ! Dit-il d'une voix ferme.

Farah ressentit un immense soulagement de le savoir.

- Il n'y a eu que toi, reprit-il en se penchant pour poser ses coudes sur la table ; J'ai cru pouvoir t'oublier mais ces femmes avaient un seul et même but.

- Très bien, murmura-t-elle en esquissant un léger sourire.

- Tu as le droit Farah, dit-il en la dévisageant avec sérieux ; N'aie pas peur de me demander quoi que ce soit.

- C'était une question idiote Saïd, ton passé m'importe peu, c'est notre futur qui m'importe.

Une lueur indescriptible passa dans son regard puis il passa sa main au-dessus de la table pour prendre sa main qu'il porta de nouveau à ses lèvres.

Mais très vite, son téléphone se mit à vibrer sur le rebord de la table. Il le consulta avec indifférence.

- Tu devrais répondre.

- Ce n'est pas important Farah.

Pourtant, le vibreur insista à plusieurs reprises.

- Ou peut-être que si...

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