Chapitre 20
Un silence assourdissant prit d'assaut la pièce. Farah avait l'impression que ses jambes instables allaient se dérober sur l'instant. Saïd l'a regardé l'air égaré avant qu'une sombre lueur ne perce ses yeux verts.
- Je te demande pardon ?
Voilà comment le supplice prit fin.
Farah le dévisagea en réprimant un violent tremblement.
- Je ne prends pas la pilule, répéta-t-elle d'un souffle.
De nouveau, le silence s'installa entre leur deux corps tendus et si proche à la fois.
- C'est faux, j'ai vu la plaquette dans ta trousse de toilette, contrat-il les narines frémissantes.
Farah écarquilla les yeux, désorientée et craintive. Il dardait son regard sur elle comme si elle était coupable de ce malentendu. Alors se recula pour maintenir une distances raisonnable.
- Ne te recule pas comme si j'allais te frapper habibti je veux juste mettre fin à ce quiproquo, lança-t-il en brisant la distance qu'elle s'efforçait de mettre entre eux.
Farah avait la gorge tellement sèche qu'elle ne parvenait plus à ouvrir la bouche.
- J'ai vu la plaquette, répéta le cheikh avec une lenteur délibérée...comme s'il cherchait à se prouver qu'il avait raison.
Un pli dur se forma sur ses lèvres alors elle comprit qu'il était temps pour elle de parler.
- Ce sont des vitamines, j'ai une carence en vitamine c depuis plusieurs années, ce médicament est un complément que je dois prendre chaque matin et chaque soir.
Cette fois-ci, sa large gorge se contracta si fort qu'elle put voir des veines jaillir sur les côtés.
- Comment se fait-il que je ne sois pas au courant de ce détail ? Demanda-t-il d'une voix sévère ; Tu es ma femme, tu dois me dire ce genre de chose, surtout lorsqu'il s'agit de ta santé.
- Parce que tu ne me l'as pas demandé Saïd ! Tu as fouillé dans mes affaires en te faisant ta propre opinion.
Il laissa échapper un rire sec.
- Cela me paraissait évident habibti, rétorqua-t-il en serrant les poings ; Une boîte de médicaments reposant entre une brosse à dents et un peigne à cheveux n'importe quel homme se serait fait la même réflexion.
Farah s'empêcha de fulminer contre lui.
- Eh bien tu t'es trompé, dit-elle simplement en s'efforçant de garder le menton levé.
Un rictus se forma sur ses lèvres dures.
- Nous avons dû faire l'amour une bonne dizaine de fois, lâcha-t-il comme si l'évidence commençait peu à peu à le frapper.
Farah quant à elle se mit rougir en se rappelant les nuits et les jours torrides qu'ils avaient passé ensemble.
Se pourrait-il qu'elle soit déjà enceinte ?
Un nœud se forma au creux de son estomac.
- Les chances que tu sois enceinte sont élevées, ajouta-t-il en baissant son regard sur son ventre avec une lueur infranchissable et mystérieuse.
- Je l'ignore Saïd, mais tu n'as pas répondu à ma question.
- La question ne devrait même pas se poser Farah, dit-il en comblant l'espace qui les séparait ; Si tu portes notre enfant, notre avenir ne demeura pas inchangé.
Un battement de cœur puis un autre résonnèrent dans ses tempes. La détermination qu'elle pouvait lire dans ses yeux était encore plus profonde que lorsqu'il l'avait demandé en mariage.
- Pour le moment nous ne savons pas si je suis enceinte, parvint-elle à dire entre deux respiration.
- Tu as raison, il est trop tôt pour être sûr à cent pourcent mais si c'était le cas ?
Saïd tentait vainement de garder son calme mais il avait l'impression que son sang lui montait à la tête. Ce qui le mettait dans une colère noire n'était pas tant ce malentendu, cette erreur de sa part mais la crainte que Farah le crois capable de l'avoir piégé. Et pour éviter cela, Saïd avait joué de son orgueil mal placé pour rejeter la faute sur elle. Amèrement, il observa sa femme se perdre devant ses yeux et le remord lui lacéra la poitrine. Il savait dans son for intérieur qu'il était le seul coupable de cette situation. Trop perdu dans sa détermination de l'avoir pour femme il en avait oublié le reste. Ses goûts, ses peurs, sa santé, ses passions, la liste était longue.
- Si c'était le cas, répéta la jeune femme difficilement ; alors je...serais enceinte de ton héritier.
Saïd eut l'impression de recevoir un coup d'épée aiguisée en plein cœur. C'était la dernière phrase qu'il voulait entendre et pourtant elle l'avait dit avec résignation.
C'en fut trop pour lui. Saïd s'éloigna d'elle par précaution car la rage n'était pas loin de le submerger.
- Ainsi voilà l'image que tu as de moi ? Demanda-t-il dents serrées.
Elle croisa les bras, comme pour se protéger de la suite.
- Je ne comprends pas Saïd.
- Tu ne penses tout de même pas que je t'ai en partie épousé pour obtenir un fils ?
- Cela m'a en effet traversé l'esprit, avoua-t-elle en lui tenant tête ; cette question est légitime Saïd, tu es le souverain d'une moitié des terres du pays.
- En effet je suis un souverain et je ne tolère pas l'injustice, et c'est exactement ce que je ressens en ce moment, répondit-il d'une voix sévère ; Ton jugement est de loin le plus dur qui soit, tu as de la chance d'être ma femme.
- Mon jugement est celui d'une jeune femme qui ne s'attendait pas à être demandé en mariage par un souverain, répliqua-t-elle en élevant la voix pour la première fois ; On ne peut pas dire que notre histoire en est passée par une incroyable romance. Le jour où tu m'as fait cette proposition je venais juste de fuir mon oncle qui voulait me marier de force.
- Tu aurais préféré être marié à un inconnu ? Sans mon aide tu n'aurais pas pu lui échapper.
Contre toute attente elle se rapprocha pour le confronter.
- J'en suis parfaitement conscience et je te l'ai affirmé Saïd, j'aurai préféré devenir ta favorite plutôt que....
- Alors pourquoi de tels propos ? La coupa-t-il en baissant la tête vers la sienne.
- Parce que j'ai peur que ce soit ta seule motivation, même si tu m'avais donné un an avant qu'un enfant naisse de cette union, j'ai terriblement peur que tout ceci soit de la manipulation.
Soudain Saïd sentit son visage se détendre. Non parce que la colère l'avait quitté mais parce qu'il vit dans les yeux Farah une immense peine recouvrir ses yeux noisette.
- Tu te trompes, dit-il simplement ; Je n'ai nullement envie de te laisser partir ou encore moins divorcer avec ou sans enfant.
Farah avait l'impression de perdre ses respirations les unes après les autres. Le cheikh quant à lui avait une respiration erratique et lourde. Son esprit était si embrouillé qu'elle commençait à croire qu'Isobel avait raison. Son douloureux passé se dressait devant elle comme un rempart insupportable.
- Veux-tu que je te montre à quel point tu es importante pour moi Farah ou préfères-tu attendre ?
Le grain de voix de son mari avait subtilement pris des intonations menaçantes et suaves à la fois.
- Est-ce une menace ?
- Plutôt une promesse que je me réjouirai de tenir, répondit-il en se penchant totalement près de son visage.
Farah pouvait presque sentir son souffle contre son visage.
- Je sais assurément ce qui te pousse à te méfier de moi Farah, reprit-il en levant sa main vers sa joue pour la caresser ; Mais je ne laisserais pas ton passé détruire ce mariage.
- Et que comptes-tu faire pour me faire oublier à quel point j'ai peur de l'abandon ?
Ça y est, Farah l'avait enfin dit.
L'abandon était sa seule peur depuis que Saïd lui avait donné la chaleur, la protection qu'elle avait souhaité depuis si longtemps. C'est pour cette unique raison qu'elle essayait de trouver des failles à Saïd pour mieux affronter cette peur.
Il couvrit ses lèvres d'un baiser inattendu et se redressant, les yeux inondés d'une lueur énigmatique et déclara ;
- Je te demande de me faire confiance habibti...
Sur ce dire, Saïd quitta le salon à grandes enjambées et s'enfonça dans les profondeurs du couloir pour rejoindre son bureau. Il y trouva Haled en train de trier des documents importants.
- Que se passe-t-il votre altesse ? S'enquit Haled dont l'expression semblait inquiète de le voir si tendu.
- J'ai besoin que tu fasses des recherches sur une personne.
- Oui, bien entendu, dit-il en s'empressant de prendre un stylo pour noter ses ordres.
- Qui dois-je rechercher ?
- La mère de Farah, retrouve-là...
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