Chapitre 11
- Votre majesté ? Est-ce que tout va bien ?
Extirpé de sa torpeur par Haled, Saïd se redressa dans son fauteuil, se passant une main sur le visage. Pour être honnête, il ignorait s'il allait bien. Il avait enfin épousé Farah, il se sentait comblé de fierté. Cependant, Farah l'avait sans le savoir bouleversée. Elle ne voulait pas de dot, elle voulait un vulgaire potager. Ses grands yeux de noisette l'avaient presque supplié. Peu à peu il sentait qu'elle s'ouvrait à lui. C'était peu, mais il se devait de s'en contenter. Farah était vulnérable derrière cet éclat rebelle qu'il pouvait traduire quelque fois dans son regard.
- Est-ce que c'est votre épouse qui tracasse ?
- Il faut la ménager, décréta Saïd en se levant lentement ; Essaye d'avertir le personnels de ne pas trop la bousculer.
Haled acquiesça.
Jusqu'ici Farah s'était laissé guider. Cependant il savait pertinemment qu'elle prendrait peur si elle devait être confronter au rituel du personnel.
- Je veux que tu lui ouvres un compte en banque à son nom et que tu transfères sa dot sur ce compte.
Haled nota les informations sans un mot.
- Si au terme de cette année ma femme n'est pas heureuse alors elle quittera mes terres avec cette somme d'argent.
- Votre altesse vous n'envisagez tout de même pas un divorce ?
Saïd serra les mâchoires. La réaction de son ami était la même qu'avait eu son notaire à la lecture des deux contrats. Lui qui n'avait de cesse de clamer haut et fort qu'il se refusait au divorce avait cédé pour cette jeune femme.
- J'ai fait une promesse à Farah et je la tiendrais Haled, peu importe les conséquences, répondit Saïd d'une voix qui ne souffrait d'aucune réplique.
- Votre mariage est l'avenir du pays, insista Haled ; Farah est la femme qu'il vous faut votre Altesse.
Rageusement, Saïd ferma ses poings.
- Mais nous savons tout les deux que Farah s'est sacrifiée, pour le pays. Hélas, elle est jeune, en quête d'une liberté que je ne pourrais pas lui offrir. Elle finira par réaliser que je n'ai pas tenu ma promesse.
- Alors il suffit de lui offrir la liberté qu'elle désire votre majesté.
- Tu sais que c'est impossible, je ne saurais m'y tenir. Voyons les choses en face. Je suis certes ouvert d'esprit mais bien trop conservateur pour imaginer la laisser prendre un avion seule au risque de ne plus la revoir.
- Vous pouvez lui montrer le monde sans qu'elle soit obligée de le faire seule. Moi je pense plus tôt que vous avez peur.
Saïd braqua son regard dans le sien, l'air menaçant.
- Sois plus précis mon ami avant que ma patience atteigne ses limites.
- J'étais présent il y a six ans, vous êtes reparti au palais déçu et en colère de ne pas avoir suivi le chemin de votre père. Six ans plus tard cette même jeune femme dont la beauté farouche opposerait bon nombre d'hommes, accepte de devenir votre femme à la condition d'une liberté. Vous avez peur qu'elle vous échappe. Cet éventuel divorce ne soulagera pas votre conscience votre majesté.
Saïd eut l'impression de recevoir un coup en plein coeur mais le dissimula derrière un masque de fer. Haled avait raison mais il refusait de l'admettre.
- Je lui donnerai un divorce si elle n'est pas heureuse, acheva Saïd d'une voix ferme ; Cette discussion est terminé.
Haled ne semblait pas de son avis et rajouta sans peur ;
- Et si elle tombe enceinte d'ici la fin cette année ? Avez-vous songé à cela ?
Saïd inspira bruyamment.
Bien-sûr qu'il y avait songé. Jusqu'ici Saïd était en proie à une torture sans nom. Il ne l'avait pas touché ni même exigé d'elle la nuit noce que n'importe quel époux aurait désiré. Il rêvait pourtant de la faire sienne. De sentir sa peau sous la naissance de ses doigts. Il en rêvait jusqu'à en ressentir toutes les douleurs d'un tel sacrifice. Il voulait prendre son temps, il voulait apprendre tout sur elle...chaque détail de ses pensées ou de ses désirs. Si jamais Farah tombait enceinte durant l'année Saïd savait que la situation sera définitivement différente. Il serait alors incapable de la laisser partir.
- Laisse-moi seul Haled, ordonna-t-il d'une voix menaçante.
Haled n'insista pas et quitta son bureau.
Saïd se passa le pouce sur ses lèvres, envahi par des songes douloureux. Haled avait cruellement raison mais il refusait de l'entendre. Pour l'heure sa seule préoccupation était de rejoindre Farah avec l'espoir de gagner sa confiance. Quand il atteignit la suite, il la trouva seule, sur le tapis persans, le regard rivé sur une feuille blanche dont l'esquisse ressemblait fortement au potager qu'elle désirait tant. Saïd laissa échapper un rire étouffé, peinant à y croire.
Les nombreuses femmes qui avaient partagé son lit espéraient secrètement accéder au joyeux de sa fortune. Farah rêvait d'un espace de jardinage. Il s'arrêta un instant à hauteur de la porte, l'observant dans l'ombre du décor plongé dans un magnifique crépuscule. Ses longs cheveux bruns avaient été soigneusement attachés en chignon, laissant quelques mèches tomber de part et d'autre sur son visage. Elle était frêle, presque trop maigre pour son faible un mètre soixante.
Il décida de s'approcher, pas après pas jusqu'à ce qu'elle remarque sa présence.
- Encore un talent que j'ignorais, glissa-t-il tout bas en avisant ses croquis.
Elle se leva maladroitement, lui révélant ainsi son beau visage.
- Je me débrouille plutôt bien, est-ce que tu aimes ?
Farah avait passé l'après-midi seule lorsque le cheikh avait dû la quitter pour ses devoirs. Farah avait réalisé à ce moment-là qu'une autre motivation l'avait poussée à l'épouser.
La solitude.
Dans la tribu Dawar, la solitude l'emplissait de jour en jour. Personne souhaitait réellement lui parler sous les ordres de son oncle qui avait fait d'elle aux yeux des habitants, une bâtarde. Ses seules activités se résumaient à concevoir des vêtements et faire les tâches les plus humiliantes. En acceptant d'épouser le cheikh, Farah voulait combler la solitude qui béait en elle. Si Isobel lui était d'un grand soutient, Farah espérait du cheikh qu'il emplisse ce vide et qu'il sache le combler. Mais peut-être qu'elle en demandait trop ? Songea-t-elle en observant le profil inquiétant de son mari.
- Il est parfait et se fond facilement dans le décor exotique. Tu es douée habibti, ton travail est excellent.
Ce mot si tendre sortait de sa bouche si naturellement qu'elle sentit ses battements de cœur s'affoler.
Son parfum musqué lui monta au nez et l'air lui semblait plus lourde. Elle baissa les yeux sur ses grandes mains hâlées en les imaginant sur elle.
Elle se mit à rougir car tôt ou tard ce moment allait arriver.
- As-tu faim ? Nous pourrions manger ici ?
- Oui, c'est une excellente idée.
Saïd attendit d'être définitivement seul pour entamer une discussion des plus importante à ses yeux. À présent qu'elle était sa femme, il se devait de l'informer.
- Je t'ai offert une journée pour accepter notre mariage Farah, il est temps pour nous d'avoir une discussion sur la suite.
Ses grands yeux se fermèrent brièvement. Il pouvait sentir les ondes de son corps se tendre dans une vibration incertaine.
- Tu es ma femme, tu auras certaines obligations à tenir à mes côtés.
- Lesquelles ?
Heureux de sentir qu'elle s'ouvrait peu à peu à la discussion Saïd poursuivit.
- Tu devras m'accompagner à chacun de mes engagements officiels ; il hors de question que je te laisse ici. Tu disposeras d'une garde robe personnelle. J'aurais mon mot à dire sur chacune d'entre elle.
- Est-ce la jalousie qui vous motivera votre altesse ou cette décision est purement celle d'un homme qui est dans le contrôle ? S'enquit la jeune femme irritée par ce détail.
Saïd sentit son être vibrer. Il esquissa un long et sombre sourire qui la fit rougir.
- Les deux, répondit-il d'une voix rauque ; La jalousie est un sentiment délectable Farah, je ne l'avais jamais connu à ce jour.
Elle s'empourpra violemment rajoutant ainsi de belles couleurs à son visage.
- Ne t'inquiète pas, mon avis sera que suggestif, ajouta-t-il d'une voix chaude ; Tu seras libre de porter les vêtements que tu souhaites.
- Je suis ravie de l'entendre.
Ses yeux furent transpercés d'une lueur mystérieuse qu'il ne sut déchiffrer.
- Est-ce qu'il y a un protocole à respecter ?
- Tu as toutes les qualités d'une cheikha, le reste suivra tout seul.
Elle acquiesça avec un léger sourire comme si ce compliment lui avait donné un brin de confiance.
- Nous partons dans deux jours dans ma ville des dunes bleus à l'Ouest d'Elhazar.
- Pour quelle raison ? S'enquit-elle sans masquer son inquiétude.
Saïd inspira brutalement avant de lui répondre, le regard brûlant.
- Parce que c'est ainsi que notre supposé lune de miel doit se dérouler habibti...
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