Chapitre 10
Farah préféra se retourner pour échapper à son regard menaçant. Elle ignorait ce que venait de lui confier cet homme mais redoutait une mauvaise nouvelle. Pour se donner l'air de rien Farah termina son déjeuner sous les lourdes intonations de son mari.
Mari...oui elle l'avait dit ou plutôt pensé. Il était temps pour elle de se faire à l'idée qu'il était désormais son mari. Une chaleur nouvelle vint effleurer ses joues qu'elle s'empressa de réprimer. Elle sentit sa présence juste derrière elle avant qu'il pose délicatement ses mains sur ses épaules. Un sentiment de vulnérabilité s'empara d'elle.
- Je dois régler une affaire, déclara-t-il en se penchant doucement près de ses cheveux ; Termine ton déjeuner, je te rejoins plus tard.
Farah garda le silence jusqu'à sentir sa présence disparaître. Une curieuse sensation d'abandon lui comprima la poitrine. Elle se leva une fois son petit-déjeuner terminé. Comme elle était seule, Farah en profita pour parcourir le palais. Elle devait se l'avouer...le palais regorgeait de trésor inestimable. Ce fut d'ailleurs à cet instant qu'elle réalisa la chance qu'elle avait. En rejoignant la suite royale, Farah rencontra Isobel en train de refaire le lit. Rougissante elle remit une mèche derrière son oreille...donnant l'impression qu'elle était une épouse comblée.
- Comment allez-vous ? Demanda-t-elle tout sourire.
- Bien, répondit-elle en s'agenouillant pour l'aider à terminer les bords.
- Est-ce que votre nuit de noce a été agréable ?
Farah évita soigneusement le regard d'Isobel.
- Je suis une...épouse comblée, bafouilla-t-elle en se raclant la gorge.
- Farah regardez-moi s'il vous plaît...
Elle releva les yeux, les lèvres pincées. Isobel souriait comme si elle était en possession d'un secret.
- Inutile de me mentir à moi vous savez, lança-t-elle en se relevant.
Farah s'empressa de feindre d'ignorer où elle voulait en venir.
- Je ne vois pas de quoi vous voulez parler Isobel.
- Le cheikh est un homme que je respecte depuis des années et ce geste rehausse l'estime que j'ai pour lui.
Isobel fit le tour du lit pour venir lui prendre les joues...comme une mère attendrissante et protectrice.
- Il a mit trop de sang sur lit pour que cela me paraisse crédible, ajouta-t-elle en lui souriant.
Farah exhala un soupir tremblant.
- Je lui suis tellement reconnaissante, s'entendit-elle murmurer.
- Vous le pouvez, affirma Isobel en relâchant ses joues ; Peu d'homme aurait résister à une femme aussi jolie, aussi désirable.
Isobel quitta la chambre et prit la direction du petit salon. Farah la suivit, envahie par mille questions qu'elle souhaitait lui poser.
- Avez-vous un mari Isobel ?
- J'en avait un autrefois mais il est mort au combat.
- Oh, je suis désolé Isobel, murmura-t-elle en s'approchant.
Isobel esquissa un sourire triste qui disparut aussitôt.
- Est-ce que c'était un mariage d'amour ?
- Oui, c'en était un, répondit-elle en l'invitant à s'asseoir sur la chaise.
De là, Isobel se mit à lui brosser les cheveux.
- Quelle est votre question Farah ? S'enquit-elle en plissant les yeux.
Difficile pour elle d'entamer ce sujet sensible. Elle n'avait aucune expérience en matière d'homme. Le cheikh semblait être un homme patient. Cependant il avait réputation d'être un homme farouchement déterminé. Cela signifiait que tôt ou tard Farah devrait apprendre davantage sur les hommes.
Isobel pouvait peut-être l'aider.
- Le cheikh se donne un an pour me rendre heureuse, seulement de mon côté, j'ignore comment...
Farah referma ses lèvres sans pouvoir poursuivre.
- Les hommes sont tous différent jeune fille, votre expérience semble au-delà de la terreur. Est-ce votre oncle qui vous a tant fait craindre les hommes ?
- Il m'a éduqué dans le seul but de les servir.
Isobel perdit la tendresse de ses traits, et lâcha un juron en arabe.
- Tout les hommes ne sont pas comme votre oncle Farah. Oubliez ce que ce monstre vous a dit est-ce clair ?
Farah inclina sa tête en guise de réponse. Isobel termina de lui tresser les cheveux avec délicatesse puis déclara ;
- Vous devriez laisser les choses se faire en son temps. Voici le seul conseil que je peux vous donner Farah.
De justesse, Farah retint une grimace. Ce n'est pas exactement la réponse qu'elle attendait. Mais peut-être qu'Isobel avait raison. Peut-être que le temps passé au côté du cheikh lui donnera les réponses à ses questions.
- Vous devriez profiter des jardins, proposa Isobel en indiquant les deux portes coulissantes ; passer par le balcon vous tomberez sur l'orangeraie.
L'orangeraie ?
Peinant à y croire Farah emprunta les portes coulissantes et descendit l'immense escalier. Elle s'arrêta à hauteur du magnifique jardin. Elle dévia son regard sur l'orangeraie et son souffle se coupa. Était-elle en train de rêver ?
Farah s'approcha de l'un d'entre eux, à deux doigts de la tentation. Elle jeta un regard sur sa gauche puis sa droite et s'abaissa à hauteur des oranges. Seulement, une main ferme et hâlée s'interposa. Farah recula en étouffant un cri. L'homme n'était autre que son mari.
- Pas celle-ci, elles ne sont pas encore mûrs.
Sa voix baryton résonna en elle, au tréfonds de son être. Farah baissa les yeux sur son poignet captivé.
- Je suis désolé, je pensais qu'elle était suffisamment mûr pour la goûter.
Un sourire couvrit ses lèvres durs.
Au lieu de relâcher son poignet il glissa sa main dans la sienne pour l'entraîner avec lui dans la ranger.
Il s'arrêta à hauteur de l'une d'elle et cueillit une orange avec une délicatesse insoupçonnée.
Il lui tendit et elle s'en empara.
- J'ai toujours rêver d'avoir un orangeraie, confia Farah en souriant.
Elle aurait espéré une réponse de sa part mais il resta dans un long et pénible silence, l'obligeant à le combler.
- Est-ce qu'il y a d'autre plantation ? Comment arrives-tu à les garder en si bonne santé ?
Parler de l'écrasante chaleur du désert n'était pas le sujet le plus passionnant mais Farah gardait en mémoire les précieux conseils d'Isobel. Laisser le temps au temps.
- À l'autre bout du jardin il y a quelques citronniers, expliqua-t-il en posant une main délicate dans son dos ; Je n'ai pas d'autre projet à ce jour. Et j'ai la chance d'avoir une excellente équipe pour l'entretien des jardins et des plantations.
- C'est fantastique, murmura Farah subjuguée par les fleurs exotiques qui bordaient l'allée centrale.
- Si tu désires d'autre plantation, tu es libre de les faire Farah, il suffit de le demander.
Surprise par cette proposition Farah releva la tête dans sa direction. Jardiner était une passion qu'elle rêvait d'exercer depuis longtemps. Les livres lui avaient permis d'en apprendre plus sur les mille façon de garder en vie des fruits et légumes sous l'intensité du soleil. Avec cette proposition elle avait l'opportunité de cultiver à sa guise.
- Je le peux vraiment ? Demanda-t-elle d'une voix qu'elle espérait calme alors qu'elle bouillait d'excitation.
Il s'arrêta à hauteur de la fontaine et la dévisagea longuement avant de lui sourire.
- Tu es ma femme Farah, tout ce qui est ici t'appartient.
Farah réprima un mouvement de recule lorsqu'il s'approcha lentement pour poser sa paume de main sur sa joue.
- Tu peux faire ce que tu veux Farah, tu es libre.
Libre ? Oui elle avait la sensation qu'elle l'était.
- Alors je voudrais construire un potager, lança-t-elle en lui souriant.
Pour toute réponse il laissa sa main retomber et inclina sa tête. Il l'entraîna sous l'aile ouest du palais près du jardin.
- Ton oncle m'a contacté ce matin.
Ça y est, songea-t-elle en réprimant un hoquet. La bribe de bonheur qu'elle venait de ressentir s'effaça, remplacée par une vive inquiétude.
- Il veut récupérer ma dot, n'est-ce pas ? Est-ce qu'il a essayé de te convaincre que je n'étais pas digne de la recevoir ? Qu'elle lui appartenait ? Malgré la tradition ?
Le regard de son mari devint alors orageux.
- Il a effectivement laissé entendre ce genre d'argument, un homme est prêt a beaucoup de folie pour obtenir ce qu'il veut, j'en suis la preuve vivante.
Il marqua un temps d'arrêt dans lequel il plongea ses doigts dans ses cheveux...dardant sur elle un regard mystérieux, intense, dominant.
- Cet dot t'appartient habibti.
- Je n'en veux pas, je ne veux pas de ton argent Saïd.
Choqué, le cheikh fronça ses épais sourcils noirs.
- Alors que veux-tu ?
Les yeux brillant d'espoir Farah se pinça les lèvres.
- Je veux être heureuse.
Une lueur féroce gagna les yeux du cheikh.
- Et un potager, ajouta-t-elle en esquissant un sourire amusé.
Saïd résista à la tentation de l'embrasser comme il le souhaitait. Il dut faire appel à toute sa volonté pour réprimer cet accès de désir qui le tenaillait depuis la veille. Il se contenta seulement de déclarer ;
- Farah Al Zufar, je crois que je suis loin de connaître tous vos secrets, articula-t-il d'une voix rauque...
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