Chapitre 8

Bipbip bipbip bipbip

Mon réveil sonne et je l'éteins au plus vite, ne supportant pas son bruit strident dès le matin.

En levant la tête, mon regard se pose sur la date d'aujourd'hui.

Premier septembre.

On est le premier septembre.

Je me lève en sursaut et me dépêche de m'habiller. Hier soir, j'ai totalement oublié de préparer mes affaires pour aujourd'hui.

Qu'est-ce que je peux mettre pour ce premier jour ? Comment s'habillent les jeunes de mon âge ? Y a-t-il une tenue à la mode en ce moment ?

Mon cerveau est en feu, la panique monte trop rapidement à mon goût.

Je m'assois sur mon lit, la tête entre les mains, tentant de réguler mon rythme cardiaque. Je ne veux pas partir en crise de panique. Pas aujourd'hui. Pas maintenant.

Des bruits de pas dans l'escalier...

J'aimerais pouvoir bouger, j'aimerais pouvoir essuyer les larmes qui coulent sur mon visage, mais mes muscles refusent de bouger. Mon cerveau ne veut pas envoyer d'ordres.

Ne veut pas ou ne peut pas ?

Mon cœur bat à toute allure, beaucoup trop fort. Je tremblent tellement fort qu'on pourrait croire que je grelotte.

Je me sens oppressée. Quelque chose qui m'empêche de respirer. Je suffoque. Des points noirs se mettent à danser devant mes yeux. Non, je ne peux pas m'évanouir. Je n'ai pas le droit. Pas juste avant l'école.

Je m'allonge sur le dos dans mon lit, prise de vertige. J'ai peur, je me sens mal. Lors de mes crises de panique, j'ai toujours eu peur que ma mère me prenne pour une folle et m'envoie à l'hôpital. Mon père, lui, sait gérer mes crises. Il parvient toujours à me calmer, plus ou moins rapidement.

— Lessy ? Tout va bien ?

Mon père est devant la porte de ma chambre.

Je rigole intérieurement. Parfois, mes parents oublient que je ne leur donnerai pas de réponse aux questions comme ça.

Il ouvre la porte de la chambre, et me voyant allongée, tenant mon tee-shirt et respirant trop fort. Il ressort alors et je l'entends murmurer quelque chose à ma mère. Il revient quelques secondes plus tard avec un gant d'eau froide.

Il me le passe sur le visage et la nuque pour faire cesser mes bouffées de chaleur.

— Lapinou...

Un des surnoms qui me sont restés et que j'apprécie dans des moments comme celui-ci. Un surnom qui me permet de me sentir aimée par ma famille.

— Tout ira bien, je te le promets. Je ne peux pas te dire de ne pas avoir peur, d'être détendue, parce que, je le sais, c'est impossible. Aller dans une nouvelle école dont tu ne connais personne, tu ne connais rien, c'est dur. Mais tu as l'avantage de connaître Nathan qui sera là pour toi. Il t'aidera et tu pourras compter sur lui. Allez Lapinou, habille-toi, prépare-toi et viens manger. Puis, je t'emmènerai à pied à l'école. D'accord ?

Je hoche la tête, peu convaincue, mais moins peureuse qu'avant.

Ça peut paraître bizarre qu'à seize ans un parent m'accompagne encore à l'école, mais j'ai besoin d'être rassurée. Et j'ai surtout besoin de ma famille.

Peu à peu, ma crise s'en va, me laissant désespérée et peu sûre de moi. Et si ça se passait à l'école ? Comment je ferais ?

Je me relève et mon père attend que j'arrive à me tenir debout sans chavirer avant de me laisser m'habiller.

Je choisis des vêtements qui, j'espère, vont me permettre d'être discrète : l'uniforme de l'école en guise de haut et un short bleu classique.

Je mets une bonne couche d'anticernes afin de ne pas montrer que je suis insomniaque et que je ne dors pas de la nuit, hantée par des cauchemars qui datent de plusieurs années. J'applique aussi du fond de teint et du mascara et m'observe dans le miroir accroché sur la porte de mon armoire.

Le reflet me renvoie une jeune fille qui paraît des plus normales. Une jeune adolescente comme les autres.

Tant qu'on ne lui a pas parlé...

De loin, je dois paraître gentille et amicale, mais je sais que dès que quelqu'un m'approchera et verra que je ne suis pas capable de parler, son attitude va être différente avec moi et peu à peu, il s'éloignera jusqu'à ce que je ne sois plus rien dans son esprit, juste un souvenir oublié qui revient de temps en temps.

Dans la cuisine, une odeur de toasts grillés au beurre me met l'eau à la bouche. Ma mère prépare le petit déjeuner comme tous les matins et je la remercie d'un sourire.

Même si l'odeur est alléchante et que mon estomac gargouille comme si je ne m'étais pas nourrie depuis longtemps, voir la tartine me donne envie de vomir.

Je ne pense pas être capable d'avaler quoi que ce soit ce matin.

Je fais signe que je n'ai pas faim, sors de table pour retourner dans ma chambre. Là, je m'allonge et essaye de faire le tri de mes émotions, de mes pensées, de mes appréhensions.

L'angoisse monte malgré tout et ne voulant pas refaire une crise, je me couche dans mon lit et allume la musique dans mes écouteurs.

La musique m'a toujours apaisé, m'a évité de nombreuses crises de panique avant des évènements importants.

Avant, je n'en écoutais pas, préférant le calme et le silence au bruit. Depuis le jour où le médecin a convoqué mes parents à l'hôpital pour leur annoncer que je serais sans doute muette jusqu'à la fin de mes jours pour cause ce qu'il s'est passé, j'en écoute tout le temps, me laissant transporter dans un autre monde.

Le médecin avait annoncé que c'était à cause du choc. Or, je sais que ça ne vient pas entièrement de là : à cause de mon traumatisme et de toutes les questions que m'ont posées ma famille et les médecins, je ne voulais pas y répondre, donc je me suis renfermé sur moi-même et je refuse de parler. Donc, au fur et à mesure, j'ai perdu l'habitude de parler et ai fini par ne plus y arriver.

A présent, la musique me permet de dériver quelque part dans mon esprit, de ne plus entendre le monde extérieur et de ne pas laisser les sombres pensées envahirent ma tête.

Mon père vient me chercher et nous sortons dehors, dans l'air chaud et humide de l'île.

Chaque pas que je m'oblige à faire est un effort surhumain.

Le stress qui avait disparu hier après avoir rencontré le directeur est revenu aussi vite qu'il est parti.

Comment est-ce que je pourrais y aller ?

Comment pourrais-je me faire au système d'éducation ?

Comment vais-je me faire des amis ?

J'ai peur.

Je n'y arriverai pas.

Je veux juste faire demi-tour et rentrer chez moi me terrer sous des tonnes de couvertures afin de disparaitre.

Je voudrais tant pleurer, m'effondrer dans les bras de mon père et ne plus jamais en ressortir.

Inconsciemment, lorsque je reviens à la réalité, je me rends compte qu'autour de moi, de nombreuses voix, de nombreuses personnes sont présentes.

Je relève la tête et vois tous les élèves, certains accompagnés de leurs parents, d'autres déjà partis rejoindre leurs amis.

Tous sont heureux d'être là, ou du moins ne sont pas sur le point de pleurer et de rentrer chez eux en courant.

Ma respiration s'accélère et mes jambes commencent à trembler. Des larmes se forment au coin de mes yeux et malgré que j'essaie de les retenir, l'une d'elle arrive à s'échapper, coulant le long de ma joue pour s'écraser sur mon tee-shirt.

Mon père, toujours bienveillant, toujours attentif, toujours là pour moi, remarque que ça ne va pas.

Il me prend dans ses bras et je me blottis contre lui, luttant contre mes émotions.

Je serre mon père aussi fort que je peux, lui faisant comprendre de ne pas me laisser.

— Ne t'en fais pas, ma puce, je suis là. Tu me connais, jamais je ne te laisserai dans cet état. Reprends-toi, tout ira bien. D'accord ?

Je ne bouge pas.

Non, rien n'ira.

Des centaines d'élèves sont là.

Trop de personnes.

Trop de bruits.

Trop de...

Trop....

Il y a juste trop de trop.

- Lessy !

Une voix forte et enjouée dont je reconnais parfaitement l'accent québécois se détache de la foule compacte autour de nous.

Nathan.

Je me sens soulagée, et tourne la tête pour lui montrer que je l'ai entendu.

À côté de lui, son père est là, lui aussi.

Quand mon ami me voit, les yeux brillant, il s'approche de moi et pose une main sur mon épaule.

— Je te promets, tout ira bien. Il y a aucun problèmes à avoir.

Je ne répond pas. Ce n'est pas que je ne le crois pas, seulement, je ne suis pas sûr de réussir à acquiescer.

— Viens, la cloche va pas tarder à sonner.

Il me prend par la main et m'entraine, tout sourire, vers le portail. Je me laisse faire, les doutes continuant à s'immiscer dans mon cerveau, toujours pas rassurée par cet établissement se dressant devant moi, tel une ombre effrayante pour mon cerveau.

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