Chapitre 26

Ecrire un souvenir marquant.

Beaucoup de choses marquent mon esprit, mon cerveau est rempli de souvenirs, certains anciens, d'autres plus récents, quelques-uns qui me sont inutiles, quelques flous, d'autres nets et précieux. Ma tête est pleine d'idées parfois bonnes, parfois à éviter à tout prix. Je ne les comprends pas forcément, elles sont aussi bien limpides, comme vues dans un lac, que troubles, tel un ciel nuageux avant la première tombée de neige. Ils sont répartis en peur, comme lorsque j'ai vécu ma première journée au collège, en joie, lorsque je L'ai rencontré, en colère, quand mes amies m'ont abandonnée, en tristesse, par exemple, lorsque ma grand-mère est morte et que j'ai dû assister à son enterrement. Mais malgré tout ça, aucun n'a été autant dur, autant éprouvant, autant marquant, autant présent, autant frais dans ma mémoire que celui-ci. Y penser me fait mal. Me souvenir me fait souffrir. Me remémorer me plie de douleur. Revoir son visage me torture. J'aimerai hurler. De douleur. De désespoir. De colère. De tristesse. J'aimerai me rouler en boule dans mon lit. Ne plus y penser. Y penser. Ne plus vivre. Vivre. Arrêter d'avancer. Avancer. Rester rouler en boule dans mon lit. Me lever et continuer à vivre. Pleurer toutes les larmes de mon corps. Arrêter de pleurer. Que des contradictions. C'est ce qui m'habite quand je repense à Lui, à ce qu'il s'est passé.

C'est un coup de poignard en plein cœur. Vivre un amour tellement parfait qu'il est digne des plus beaux films Disney, tellement léger qu'un vent de printemps pourrait nous transporter dans le ciel, tellement coloré qu'on pourrait en faire un bouquet de fleurs. C'est ce que toutes les filles rêvent : un homme présent pour elles, qui ne les envahi pas trop, qui est jaloux à souhait, qui est attentionné. Une personne responsable, prête à tout pour elle. Se promettre jusqu'à la mort. S'imaginer avec des petits dans les bras.

Seulement, derrière cet amour, ce n'est parfois pas la même chose. Pourtant, je le voyais rose. Rose avec des teintes de rose vif, cerise, chair, magenta fuchsia, rose dragée, pêche et incarnadin. Pourtant, il y avait du blanc, du gris et du noir. Comme toute relation, peut-on dire. Mais pas quand ça implique la sécurité de quelqu'un. Il avait un secret dont j'ignorais l'existence. Il ne m'en avais jamais fait part. Seulement à la fin, les dix dernières minutes. Après, c'était fini. Tout était vide de sens. Juste vide.

Je me souviens aussi clairement que si c'était hier, son visage empli de larmes, sa voix me chuchotant la dernière vérité, les derniers mots qu'il a prononcé juste avant de m'éloigner de lui.

Je me souviens du sol caillouteux, du grincements des pierres sous nos pas tandis que nous avancions le long de l'allée, des visages baissés devant notre passage, des petits sourires désespérés qu'on nous adressés.

Je me souviens que je ne pensais pas qu'autant d'émotions puissent cohabiter dans un même être. A la fois, colérique, triste, abasourdi, anxieuse.

Je me souviens des fleurs lancées sur la boîte. Sa boîte. Peut-on appeler ça, sa maison à présent ? Il y a restera tout le temps à présent. Sur le couvercle, ses derniers mots à mon intention avaient été gravé.

Je me souviens m'être agenouillée lorsque la cérémonie s'était finie, l'index traçant les lettres de son prénom, les larmes s'écrasant sur la pierre, l'une après l'autre. J'étais seule, assise à même le sol, de fines gouttelettes tombant autour de moi. C'est fou comme la météo peut parfois se coordonner à nos émotions. La tête posée contre la tombe, je lui murmurais tous nos souvenirs passés ensemble. Le déni. Je ne voulais pas accepter que ce fût fini, que je ne le reverrai plus jamais, qu'il avait disparu pour toujours.

Jusqu'à ce que la mort nous sépare, on se l'était dit, cette phrase. La mort a eu raison de nous.

Pour toujours et à jamais. Jamais l'a tué.

Mais il faut avancer, on m'a dit. Il faut continuer. Il n'aurait pas voulu te voir devenir triste et renfermée. Alors j'essaie. C'est dur, mais j'essaie. Je veux le rendre fier de moi, je veux qu'il m'observe de là où il est. Je ne veux pas qu'il m'oublie.

Essayer est la meilleure façon de lui rendre hommage.

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