Cher journal,

Ça a été dévoilé. Ça y est, ils le savent. Tout ce qui s'est passé. Toute mon histoire avec Yan. Je ne sais pas quoi ressentir. Devrais-je être heureuse ? Soulagée ? En colère ? Désespérée ? Pourtant c'est moi qui ais accepté que le père de Nathan leur dise. J'aurais pu refuser, je le sais, mais je pense surtout qu'ils avaient le droit de savoir mon traumatisme.

D'ailleurs, leurs réactions n'ont pas été trop ce à quoi je m'attendais. Nathan était déjà au courant d'une partie de l'histoire, en même temps, Yan est son demi-frère. J'ai appris qu'il avait été une partie de l'année dernière absent, car il est allé aux funérailles de Yan. Il a dit aussi que lorsqu'il a lut le nom que j'avais inscrit sur la feuille ce jour-là, il avait tout de suite compris pourquoi je ne parlais pas. Il me connaissait déjà, bien avant notre rencontre.

Jules et Noah ont été choqués. Et ça se comprend. Cela fait moins d'un an qu'ils me connaissent, ne sachant rien de moi, ni de mon passé, et en l'espace de dix minutes, on leur a résumé mes trois dernières années.

Noah m'a prise à part, juste avant qu'on rentre chez nous (nos parents pensaient que se serait mieux que l'on passe la journée à la maison après les révélations), et m'a dit être désolé pour avoir déclaré ses sentiments. Mais peut-il vraiment s'excuser d'une chose qu'il ne contrôle pas ? Je l'ai rassuré, mais ça ne change pas mes sentiments envers lui. C'est juste un ami pour moi. Peut-être que plus tard, ça ira plus loin entre nous deux, mais pour l'instant, c'est juste ça.

Le père de Nathan et moi, aussi, avons eu une conversation. Il m'a expliqué tout ce que je ne savais pas, les funérailles et où je pourrai trouver le cimetière où il est enterré à présent. J'ai versé une larme. Plus qu'une d'ailleurs. Plus que je ne pourrais les compter. Après trois ans à garder précieusement ce secret, ne disant pas à mes parents la vérité (même si je savais que la police était au courant), à pleurer en secret dans ma chambre, à voir ses cauchemars incessants se rejouer devant mes yeux jours et nuits, il y a enfin quelqu'un qui peut comprendre ce que je vis. Il a perdu son fils. Il n'a pas été présent pour lui toutes ses années. Et maintenant, ce temps précieux est perdu. Il ne pourra jamais être rattrapé. Fini. Parti. Mais il veut se rattraper. Passer plus de temps avec Nathan. Ne plus commettre les mêmes erreurs. Profiter du temps qu'il a, avant que la vie ne s'achève.

Moi, dans tout ça, je ne sais que penser. Je suis soulagée, ça, je le sais maintenant. Je suis apaisée. Ils le savent. Mais j'ai peur que ça change quelque chose entre nous... Vivre au jour le jour. Ne pas penser au lendemain, car il ne pourrai ne pas y en avoir. Profiter du moment présent. C'est ce que me répétais ma psy.

Alors je tente de le faire. J'essaye. Mais c'est pas évident.

Si Yan avait été là, il m'aurait dit : « Eh oui, le passé est douloureux. Mais à mon sens, on peut soit le fuir, soit tout en apprendre. » Citation du Roi Lion. Il n'a jamais manqué de m'en sortir une, chaque fois que l'occasion se présentait. En écrivant ses lignes, je souris à sa pensée. Oui, ça le représente tellement. Il m'a hanté tant de temps, rompant mes nuits, faisant apparaitre des illusions, craindre mon entourage. Il m'a hanté parce que je ne pouvais – ou ne voulais – pas accepter la vérité. Je n'osais pas imaginer ce qu'il se passerait si je me mettais dans la tête que c'est fini, qu'il a succombé devant mes yeux, sans que je ne puisse rien faire. Mais, faut avancer. Et je sais qu'il n'aurait pas voulu que je m'apitoie sur lui. Il aurait voulu que j'avance, que je sois heureuse, tout en gardant une place dans mes pensées.

Alors essayer est la meilleure façon de lui rendre hommage.