Chapitre 10

Dès que la cloche sonne, c'est le calme et Monsieur Bakino prend la parole sans trop hausser la voix.

C'est un homme d'une trentaine d'années, avec une forte carrure, les cheveux bruns, la peau de même couleur et les yeux verts pétillants de malice. Tout, que ce soit dans sa posture, dans son comportement ou la façon dont il nous observe, nous met en confiance et nous fait savoir qu'il n'est pas une personne qui aime crier et disputer les élèves.

— Bon retour aux anciens et bienvenue aux nouveaux. Si vous étiez dans ma classe l'année passée, je m'excuse d'avance pour le discours que je vais faire, qui est le même. Pour ceux qui viennent d'arriver dans cette école ou qui avaient un autre professeur, je me présente, je suis Kylan Bakino. Vous n'êtes pas obligé de m'appeler Monsieur, vous pouvez aussi utiliser mon prénom, ça ne me gêne pas. Avant d'aller manger, je vous explique un peu le fonctionnement des cours et les règles qui sont mises en place dans ma classe. Puis, nous ferons une petite présentation de tout le monde, afin de mieux se connaître, car vous allez passer du temps ensemble puisque vous êtes dans la même classe et cela peut vous permettre de mieux connaître les gens.

Kylan débuta, se lançant dans un monologue qui est particulièrement sympathique à écouter, puisqu'il ne reste pas assis à son bureau, mais qu'il se lève pour marcher dans la classe, passant près de nos bureaux, faisant des allers-retours devant le tableau.

— Je ne tolère pas du tout, vraiment pas du tout, le manque de respect fasse à une personne en difficulté, que ce soit parce qu'elle ne comprend pas la matière, qu'elle se soit trompée de mots ou qu'elle ait un handicap. Une des choses pour laquelle je suis intransigeant et où des punitions seront données.

Je me sens soulagée.

Je suis sûre qu'il m'intégrera bien. Qu'il m'aidera à me sentir à ma place.

Pendant les minutes suivantes, je rêvasse, les paroles du professeur devenues un bruit de fond de mon imagination, celle-ci partant à la recherche d'un monde meilleur, d'un futur heureux que j'aurais en compagnie de mes amis. Mais je reviens soudainement à la vie réelle en l'entendant changer de ton, en prendre un plus enjoué et annoncé :

— Maintenant, ma partie préférée : les présentations !!

Cette phrase résonne dans mon esprit.

Maintenant, ma partie préférée : les présentations !

Maintenant, ... Les présentations !

Les présentations !

Les présentations...

Les...

Non !

Pitié, tout sauf ça !

Je ne peux pas.

Je ne veux pas.

Je n'en suis pas capable.

Comment je vais faire pour me présenter ?

Comment vais-je dire mon nom, mon âge, mes passions ?

Est-ce qu'il est déjà au courant que je ne parle pas ?

Les autres élèves ne doivent pas l'être...

Je sens une main se poser sur la mienne. Celle de Nathan.

Je tourne la tête vers lui et le vois en train de déchiffrer tout le flot d'émotions qui passe en moi.

— Tout ira bien. Le directeur a dit qu'il s'occupait de le dire aux profs. Donc Bakino le sait déjà. Tu n'as pas à t'en faire, il va l'expliquer aux autres. Et puis, comme il l'a dit, il ne tolère pas le manque de respect. Et crois-moi, il ne dit pas ça à la légère.

J'acquiesce, peu rassurée.

C'est une chose qu'il soit au courant.

Mais comment réagiront les élèves quand ils le sauront ?

Voudront-ils se rapprocher de moi ?

Ou au contraire, s'éloigner ?

Monsieur Bakino a déjà commencé à interroger des élèves et j'apprends que deux filles assises à l'avant de la classe sont nouvelles dans cette école, qu'un garçon est fan de musique, notamment des plus grands classiques de la métropole, que le père d'une autre fille est marocain et sa mère chinoise mais qu'elle est née ici, qu'une adolescente est passionnée d'écriture elle aussi, ...

Bakino s'approche de notre table et Noah commence, suivi de Jules.

Puis, il se tourne vers moi et je sens la sueur me couler le long du dos.

Je me croirais dans un film d'horreur, lorsque le personnage rentre chez lui et découvre sa maison dévastée, les meubles renversés et des bruits étranges à l'étage. Sauf que là, c'est dans une classe, le professeur et les élèves me dévisageant, Nathan qui me sert la main sous la table et moi qui transpire à grosse goutte, les jambes tremblant tellement fort que j'aurais des crampes à la fin de la journée et mon cœur menaçant de se rompre à tout moment.

— Lessy Madidet, c'est ça ? me demande Kylan.

Je hoche la tête.

Soit, il a lu mon prénom sur sa feuille, soit il a vu, rien qu'à mon visage que je ne suis pas d'ici, soit on lui a parlé de moi.

— Jeune française arrivée dans notre pays, il y a 2 ans !

Dans la salle, c'est le silence.

Monsieur Bakino se tourne vers les élèves et leur dit d'une voix calme :

— Lessy ne parle pas, aussi elle écrira sur une ardoise. Vous pouvez tout de même vous comprendre.

Des murmures emplirent la pièce et je sais qu'ils sont dirigés vers moi à en croire les regards qui me fixent.

Il répéta son message quant au harcèlement qui pourrait se faire.

Le silence se fait, mais les regards sont tous posés sur moi. Je me sens tellement gênée que mon visage devient rouge.

— Tu viens réellement de France ? demande un garçon mat aux yeux bruns songeur.

J'acquiesce et il sourit, puis me demande amusé :

- Faque tu comprends pas tant qu'ça le québécois.

Je fais signe que non et un léger sourire se dessine sur mon visage.

Puis, Nathan se présente et la cloche sonne, nous invitant à aller manger avant de commencer les cours.

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