Chapitre 1

Je me redresse dans mon lit, mon cœur tambourinant dans ma cage thoracique.

Encore un cauchemar. CE cauchemar. Celui qui se répète toutes les nuits, parfois même quand je suis éveillée. Il ne me lâche pas, il me hante comme un fantôme. J'aimerai tant le voir disparaitre, le voir cesser, je ne le supporte plus.

Je regarde mon réveil. Il affiche six heures quarante-cinq.

Je me lève, résignée à l'idée que ma nuit est finie.

J'en ai l'habitude. Mes rêves sont peuplés de cauchemars tous plus effrayants les uns que les autres, tous plus réalistes. Résultat : je ne dors que très peu et le matin, je suis épuisée aussi bien mentalement que physiquement. Mais à force, mon corps a fini par s'y habituer, même si c'est parfois dur.

Je me dirige vers ma penderie et en sors un jogging noir et un pull large de même couleur.

Depuis mon déménagement au Canada, ma garde-robe a considérablement changé : composée avant de vêtements laissant voir ma peau et me mettant en valeur, aujourd'hui, ils sont larges et cachent tout ce qu'ils peuvent, malgré que ce soit l'été et qu'il fasse trente degrés.

Il n'y a pas que mes vêtements qui sont différents.

Moi aussi, je suis différente. J'ai changé, j'ai trop vécu. J'ai l'impression d'avoir vécu une vie entière alors que je n'ai que seize ans. J'aimerai tant avoir quatre-vingt ans et que la mort m'emporte bientôt, que cette vie finisse aussi vite qu'elle m'est venue. Je n'ai pas demandé à naitre, je n'ai pas demandé à vivre, mais là, je demande à mourir, à en finir.

Tout en ressassant des souvenirs de ma vie d'avant, je me maquille et applique une bonne couche de fond de teint pour ne pas laisser voir mes cernes.

Je descends ensuite dans la salle à manger et me prépare un petit-déjeuner.

— Lessy, tu es déjà debout ?

Je me retourne en sursautant et fais un signe affirmatif de la tête.

Ma mère soupire et vient s'installer sur une chaise à côté de moi.

— Je pense qu'il faudrait que tu retournes voir la psychologue, ma puce. Elle t'aidera.

Je secoue négativement la tête.

— Lessy, tu ne peux pas continuer comme ça, tu ne peux pas rester ainsi. Dans une semaine c'est la rentrée des classes. Tu vas devoir te faire des amis, tu vas rencontrer des nouvelles personnes et tu devras répondre aux questions du professeur. Tu ne peux pas rester muette toute ta vie.

Je ne réponds pas.

Si, je voudrais être muette pour toujours. J'aimerais ne plus jamais parler, ne plus jamais pouvoir m'exprimer.

Je déteste l'école. Je ne veux pas y aller, mais personne ne le comprend. Personne ne comprend ce que j'ai vécu ce jour-là. Pas même mes parents. Pas même les médecins. Ils ne voient que l'extérieur des choses, pas l'intérieur, pas comment je me sens après tout ça. Si seulement ils pouvaient comprendre à quel point je me sens mal, je me sens détruite. Mon cœur est mort à cause de ça, il est trop détruit pour pouvoir être réparé par qui que ce soit. Mais on me dit d'avancer, d'oublier et de continuer ma vie. De réussir à tourner la page.

Ils sont marrants. Si ma vie était un livre, il aurait été mangé par les mites, il aurait brûlé dans un incendie, il aurait tout fait pour qu'on ne puisse pas le lire. Il aurait tout fait pour préserver ce secret que je cache désespérément aux gens, à mes parents, aux enquêteur et aux médecins. Tous essayent de m'aider, mais c'est peine perdue. Ils tentent de me faire parler, mais je ne prononce plus un mot depuis cette catastrophe.

Je me lève de table et vais chercher une feuille de papier ainsi qu'un stylo et écris quelques mots dessus, puis je la donne à ma mère.

« Continuons l'école à la maison »

— Non, Lessy, je dois reprendre le travail. Il faut bien que je gagne de l'argent pour subvenir à nos besoins et qu'on puisse faire des activités. Le salaire de ton père ne suffit que tout juste. Je ne peux pas te faire cours ici. Imagine il t'arrive quelque chose ? Comment feras-tu pour appeler à l'aide ? Comment appelleras-tu la police ? De plus, on a déménagé pour te permettre de tout recommencer à zéro, d'oublier le passé et de te concentrer sur le présent, comme nous l'a conseillé ta psychologue.

Non. Ça, c'est leur version. Moi, j'ai accepté de déménager pour m'éloigner de tout le monde, pour ne plus croiser tous leurs visages, tous ces yeux me fixant sans arrêts, ses murmures me suivant où que j'aille. Je l'ai voulu pour ne plus avoir à supporter mes « amies » qui m'évitent. Apparemment, elles et moi, on avait pas la même définition de ce terme. Elles m'ont abandonné, elles se sont éloignées de moi dès qu'elles ont appris ce qu'il s'est passé, comme si c'était ma faute ce qu'il s'était passé, comme si je l'avais voulu.

Je baisse la tête et serre les poings. Elle ne comprend pas. Elle ne comprendra jamais.

Je sors de table avant de remonter l'escalier quatre à quatre et me diriger vers mon bureau. J'en sors un petit cahier ainsi qu'un crayon et ressors de ma chambre.

Puis, je sors, en refermant la porte de la maison derrière moi. J'ai besoin de prendre l'air, besoin de m'éloigner de tout ça, de cette atmosphère trop pesante.

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