VI

Lorsque je veux pénétrer dans la pièce à côté, je me heurte à un garde de sécurité peu commode.

- Non, Mademoiselle, cet endroit est strictement réservé aux artistes.

Il est balèze et de toute évidence, je ne fais pas le poids. Mais je ne m'avoue pas vaincue aussi facilement et à l'extérieur du bâtiment, je campe devant une porte de sortie non sécurisée mais verrouillée. Je m'impatiente longuement, jusqu'à ce que j'aperçois Emma la franchir, une clope au bec.

- Interdit de fumer à l'intérieur... Me lance-t-elle en allumant sa cigarette. T'en veux une ? Je secoue doucement la tête en souriant.

Elle me fascine et m'intimide. Je donnerais tout pour être comme elle.

- Comment tu t'appelles déjà ?

- Jordane, dis-je timidement en m'avançant.
- Ravie ! Répond-t-elle en soufflant avec élégance la fumée de sa cigarette.

- Emma... Dis-je d'une toute petite voix. Je peux te demander un service ?

- Tout ce que tu voudras, ma belle !

- J'aimerais parler à Andrew. Tu penses que tu peux me faire entrer ?

Elle croise ses bras instantanément et réfléchi un instant. - Attends ! Exige-t-elle en jetant sa clope du bout des doigts avant de retourner dans le bâtiment et de prendre soin de fermer la porte derrière elle.

Bon...

J'attends.

5 minutes...

10 minutes...

Quelque chose me dit qu'elle ne reviendra pas. Je fais les cent pas lorsque la porte s'ouvre.

Andrew.

Je m'avance d'un pas franc, que je n'aurais d'ailleurs jamais imaginé aussi confiant.

- Tu voulais me parler ? Demande-t-il, d'une voix suave.

Arrivée à sa hauteur, je me ravise et tourne les talons en prétextant que finalement, ce n'était pas une bonne idée mais il me rattrape en m'agrippant par le bras.

Je me défais de son emprise mais il insiste : - Je suis désolé.

- De quoi ? Que ça n'ait pas marché avec moi ?

Mais il ne répond pas...
- C'est bien ce qu'il me semblait, dis-je. Félicitations, tes performances d'acteurs sont admirables, parce que tu n'as vraiment rien de ton personnage.

Je poursuis ma route mais il me retient une nouvelle fois. - Jordane, attends. Tout ce que je t'ai dit était vrai... Je n'ai pas essayé de te manipuler. J'ai été honnête, tu me plaisais et je te l'ai fait comprendre...

- Et maintenant, ce n'est plus le cas ? Dis-je, encouragée par ma peine, en plongeant mes yeux dans les siens.

- Encore plus qu'avant... Finit-il par avouer, les lèvres pincées.

Je le regarde, abasourdie. Sous le choc, je ne trouve rien à lui répondre. Il me dispense de ce silence gênant en poursuivant.

- Écoute... Je ne regrette pas, parce que grâce à ça, je suis bien davantage attiré par toi...

- Parce que tu ne m'as pas, dis-je méchamment.

- Non, parce que tu m'intrigues. Tu as certaines valeurs auxquelles je ne croyais même plus. Tu n'as pas voulu coucher avec moi, tu as juste voulu en savoir plus sur moi... Et ça ne m'était encore jamais arriver.

- Donc tu couches avec toutes celles qui te demande comment tu vas ?

- Non. Pas toutes.

- Abruti, dis-je en me tournant pour le laisser en plan.

- Jordane ! Attends. Tu vas me faire courir comme ça longtemps ? Je le dévisage, l'air renfrogné. Je ne suis plus un enfant... J'ai parfois eu des difficultés à gérer la célébrité, mais tu ne peux pas me le reprocher. Avec toi... J'ai envie d'essayer.

Il se donne tant de mal que c'en est touchant... Et s'il le pensait vraiment ? Ça ne coûte rien d'essayer, après tout. Et je sais désormais comment m'assurer de sa sincérité : le faire patienter.

- D'accord.

- D'accord ? Répond-t-il, surpris.

- Va pour un café, quand tu seras disponible. Il me sourit tendrement, les yeux pétillants, avant de me demander mon numéro de téléphone.

- À bientôt, Jordane.

- Au revoir Andrew.

Je suis assez fière de moi ! L'air de rien, il n'est pas aussi facile qu'il y paraît de lui résister... Mais je ne vais pas m'emballer et je ne vais rien précipiter. Je verrais bien comment les choses vont évoluer.

Je grimpe dans mon pickup en direction du motel. Je règle la note avant de reprendre la route pour mon petit patelin. Quelle histoire... J'ai toujours dû mal à le croire.

Les trois heures de route sont éreintantes. Je suis épuisée ! Je retrouve Josh dans mon allée, en train de laver la vieille caisse de mon père.

- Salut toi ! Lance-t-il alors que je ne suis pas encore descendue de ma voiture.

- Salut...

- Alors, raconte ! Demande-t-il en me volant un baiser.

Josh est adorable... Je n'ai pas le coeur à tout lui expliquer mais je sais qu'entre nous, ça ne peut plus continuer. Pas à cause d'Andrew, j'ai changé, c'est moi, c'est tout...

Je m'assieds sur l'une des marches du porches et je l'invite à me rejoindre.

- Quelque chose ne va pas ? S'inquiète-t-il.

- Ça... Dis-je en nous désignant du bout des doigts à tour de rôle. Il me regarde, l'air soucieux et triste à la fois. Je t'adore... Tu es mon meilleur ami.

- Et bien, justement ! Se défend-t-il, rien de tel, non ?

- Non. Tu es mon meilleur ami, pas vraiment mon petit ami... Je sais que nous sommes ensemble depuis toujours, mais je ne pense pas que nous soyons vraiment fait pour vivre une histoire d'amour ensemble... Tu comprends ?

Mon téléphone, déposé par terre à mes côtés nous interrompt à cet instant.

Le message s'affiche sur l'écran : Je pense à toi... Andrew.

Merde.

- J'ai compris oui ! S'enflamme Josh en se levant.

- Attends !

Il ne se retourne pas et donne un violent coup de pied dans le sceau d'eau à côté de la voiture de mon père, avant de claquer la porte de chez lui, la maison voisine. Je ne le rattrape pas et me rassois pour observer l'eau, éclaboussée de toute part sur le béton, s'écouler lentement... Avant d'attraper mon portable et de relire le message en souriant bêtement...

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Les filles ! Vous pensez qu'Andrew est honnête ? Quelle histoire de fou ! Et si ça vous arrivait...

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