Thèmes du mois : L'Horloge & La Société c'est de la merde

Objection

Les geignards omettent rarement de répéter à quel point la société c'en est.

A chaque nouveau malheur le mal est aux autres, au nuage flou de tout un chacun

Mais ces babillards souvent oublient tous leurs trésors : 

L'or loge dans le pli d'un sourire

Dans l'éclat de l'œil du mendiant

Au coin des rondes enfantines

Dans le poids des heures passées ensemble

L'autre jour je suis allé voir le pêcheur. Il m'a tendu un grand rire en guise de salut. Je lui ai rendu une joue rose comme un merci. La coque qui tangue doucement a quitté la rive. Tout au milieu de l'eau, le pêcheur a fileté le courant pendant que m'asseyais sur un banc. D'autres bancs coulaient en douceur là-dessous. J'ai osé  y plonger les yeux. La surface du lac déformait le peu que je voyais : un morceau de perche au flanc fugitif ; une nageoire d'écrevisse en retard pour le boulot ; à peine une écaille d'omble mal réveillé de sa soirée bien arrosée... puis tout se perdait dans l'ombre.  Soudain le pêcheur a sorti des flots tout un paquet saillant de frétillantes friandises. Les féras giclaient avec force. A toute seconde on en voyait une autre rendre l'âme en un soupir morne. On a jeté les gardons. Au bout du compte, le tas mort n'avait plus rien de beau, et l'œil des bêtes s'était figé en une suppliante figure. Les relents de souffrance m'ont un peu dégoûté ; le reste m'a donné bien faim.

On a beau voir de partout la perversité des hommes, n'y a pas lieu de s'en plaindre, car c'est tout ce qu'on peut voir.

Dès que l'homme sort de la mare du mystère, il s'effrite, frissonne, et ne se fait enfin qu'un fétus dégouttant d'amères déceptions.

Et pourtant, au lieu de taire notre curiosité toujours on ravit l'homme à son eau noire

Et l'expose à l'air corrosif du compris, du classé, du sec et de l'immobile

On se repaît des restes, toujours cherchant à comprendre le mystère, sans comprendre qu'on ne comprendra pas ce qui consiste en n'être pas compris.

Déçus, on repart à la pêche, avide de toujours plus, jusqu'à s'écrier que la satiété c'en est.