Juin | Doiseaux
Je suis tranquillement allongée dans mon transat’, à lire un magazine en laissant promener ma chatte. Soudain la voilà qui rapplique en miaulant. Je crois innocemment qu’elle réclame quelque caresse, et tends la main en attendant qu’elle y dépose ses moustaches. Pourtant rien ne se passe, et les appels continuent, toujours plus pressants. Je daigne enfin lever les yeux, et retiens mon cri avec peine : la bêbête m’a encore rapporté un de ses cadeaux... Elle ronfle des babines, pleine d’amour. Je me penche sur le paquet de chair saliveuse qui remue toujours un peu. Pas possible... Je revérifie par trois fois : pas de méprise possible, c’est un doigt humain, tout fraîchement arraché, et tremblant d’exténuation.
“Minette ! je la gronde, affolée. Qu’est-ce que tu as fait ?”
Sans perdre une seconde, je prends le doigt entre les miens, délicatement, et cours à la cuisine attenante pour le plonger dans un verre de glaçons. Puis je reviens sur la terrasse, le macabre cocktail toujours à la main. Mon pas est pressé. Je redoute le pire : n’aurait-elle pas pu ramener un campagnol ou un moineau ? C’est elle qui me guide au travers du jardin, toute pleine de grâce et de souplesse comme à son habitude. Je sens sa satisfaction : pendant combien de temps avait-elle bien pu jouer avec ce maudit doigt ? Enfin j’arrive derrière le bosquet sans cacher mon appréhension.
Mais quel n'est pas mon soulagement lorsque j’aperçois l’objet des convoitises de la chatte : une famille de doiseaux vient de s’installer sur une branche de pommier. Ouf ! J’ai de la veine : un peu plus et ce doigt a appartenu à un homme ! Je regarde tranquillement les doiseaux battre des ailes en nourrissant leurs petits (vous savez, ils régurgitent la nourriture par leur ongle) ; la nature a parfaitement ajusté leurs petites papattes crochues à leurs graciles phalanges.
J’inspecte encore le doigt que m’a rapporté Minette : oui, elle a sans doute dû lui couper les ailes, de sorte que je ne reconnaisse pas la race d’animembre. Sale bête ! Je lui donne une tape affectueuse, apaisée.
Soudain, Jose, mon jardinier, sort d’un fourré voisin, essoufflé comme après une longue course. Il vient de rattrapper sa rate, qui joue des pattes pour éviter de se fourrer encore sous ses gros pouxmons. Avec un cri de rage, il parvient enfin à raisonner l’organimal. Tout en sangsueur, il se redresse. Malheur, il a encore fait une crise de dysbiose ! Je croyais pourtant que ses médicaments l’en prévenaient. Le pauvre défait le nid de doiseaux, moins sauvages que je le pensais. Mais alors ! Le doigt que Minette m’a rapporté... fait partie de sa main !
Toute honteuse, je le lui tends. C’était son dernier morceau à retrouver. Au moment où il récupère son bien, un éclair passe dans nos regards. J’envisage un moment les pectaureaux et les téthons sur son torse nu. Lui traîne un peu la vue sur l’essein que laisse paraître ma tenue de bronzage. Minette se frotte à mes jambes en jouant des moustaches. Je lui fais signe de revenir dans son bassin.
Je tourne l’étalon. Jose m’a comprise, et me suit, tout sourire. Je nous enferme dans ma chambre : la cage est verrouillée. Nous aurons toute la journée pour nous déchirer comme des bêtes
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