Mercredi | L'évadé de la gargote

L'évadé de la gargote

J'ai rêvé que j'arrivais dans un champ de mines
Secondé par une escouade de soldats
Nous allions au pas pour que les chevaux devinent
Où mettre les sabots, où ne les mettre pas.
Vous y auriez vu un flamboiement de prudence.
Mais soudain sans raison nos montures s'affolent
Et tout en s'effrayant se fraient jusqu'aux fourrés
Ma rosse bat des fesses, fait que je m'envole
Et m'abats sur le cul en milieu de forêt.
Devancé, je deviens un fieffé déserteur.
Ce nom s'impose à moi, pas besoin de l'apprendre
Car aussitôt les bois s'enfuient en maugréant
Pour qu'à mes pieds ne reste qu'un désert de cendre.
J'y promène mes râles, j'y joue au géant.
Cent ans sans doute ont coulé à cette cadence.
Parfois j'errais aux quais des gares de fret grises
Je terrais dans les tas de charbon mon vieux corps
Priant pour qu'on me prît pour quelque marchandise
Mais enfin, à quoi bon garder un traître encor !
Des wagons sans efforts ils ont su me dessertir.
A la fin, arrivé sur un seuil de taverne
Où s'entassaient reclus, et autres mal-aimés
Je me suis enfoncé au ras du marbre terne
Où je comptais finir des jours bien élimés.
J'aimais l'air tranquille qu'avait cette gargote.
Je m'étais calé sous les chevilles d'un homme
Qui avait la barbe bardée de barbelés
La jambe douce et lisse ainsi qu'un cul de nonne
Un confort si sûr que je me mis à bâiller
Oui, bâiller à m'en rompre l'envie de l'éveil.
Fallait bien pourtant que reviennent l'escouade
Dont les dards rutilants se voulaient mes bourreaux -
Ils étaient venus pour étancher leurs gosiers roides
Et aussi pour confondre femmes et fourreaux.
Sans plus de tact, ils m'arrachèrent à ma grotte,
Crachèrent leurs jurons et chourèrent mes grolles
Même va-nu-pied je sus leur faire faux-bond
M'en allai crécher chez deux croûteuses marioles,
Deux sorcières. De tous, ce rêve est un des bons,
pour qui je suis content d'avoir dormi la veille.

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