La douceur de la pluie d'été

Il n'avait pas fait particulièrement lourd de toute la journée. C'était une chaleur habituelle pour un été. C'était le genre de chaleur que l'on sait qu'elle va redescendre avec la fin de journée. C'était le genre de chaleur temporaire mais qui nous donne quand même envie de plonger à corps perdu dans l'eau froide d'une piscine déserte pour faire légèrement descendre la température du corps.



La journée s'était passée avec lenteur. Aussi étonnant que cela puisse paraître, il ne s'était pas passé grand chose. Étonnant car pour un jeudi de vacance d'été, beaucoup s'étaient attendus à une frasque de la part de leurs génies résidents : Gojo Satoru et Geto Suguru. Mais personne ne les avait vu de la journée.



Ils s'étaient réfugiés dans un coin de la forêt qui bordait l'enceinte de l'école. Rien que tous les deux. Sans même leur acolyte, Shoko Ieiri. Ils l'aimaient mais ils ne voulaient pas être avec elle à cet instant. Ils s'étaient trouvés un espace entre les arbres. Ils avaient pris des tas de feuilles, des branches. Et ils avaient installé un pseudo abri. Il était branlant. Certaines feuilles risquaient d'un moment à l'autre de tomber en cascade sur leurs pieds nus.



Ils n'avaient rien fait de la journée. Ce n'était pas la chaleur qui les en avait dissuadé. Ils étaient restés la journée entière allongés ou assis sous cet abri de feuilles et de branchages. Comme les cabanes de couverture. Aucun d'eux n'avaient connu les cabanes de couverture enfants. C'était Shoko qui leur avait montré. Ils en faisaient souvent. Ils se blottissaient les uns contre les autres, Shoko au milieu. Toujours. Satoru à sa droite. Toujours. Suguru à sa gauche. Toujours.



C'était un endroit sûr. Loin des adultes et leurs longs discours harassant de morale. C'était un endroit rien qu'à eux. Et la cabane en forêt qui ne tenait pas correctement droite était un endroit à eux aussi. Mais sans Shoko. Ils ne faisaient rien d'autre que parler. A voix basse. Sans avoir le besoin d'élever la voix pour se faire une place parmi tous ces adultes qui ne les estimaient pas à leur juste valeur.



De doux rires. Qui ricochaient entre les milliers de feuilles qui les entouraient. Les rires n'étaient pas malicieux. Juste empreint de la plus pure sincérité qui puisse exister entre deux personnes. Ils se regardaient dans les yeux, cherchant à aller toujours plus loin. A regarder plus loin dans l'âme de l'autre. Mais ça ne servait à rien. Parce que tout avait déjà été dévoilé. Et qu'ils avaient déjà mis leurs âmes à nu pour l'autre.



Satoru avait voulu coiffer Suguru. C'était une catastrophe. Suguru ne le laisserait plus jamais faire. Il ne s'était pas rattaché les cheveux, cependant. Il les avait laissé pendre. Son chignon de toute façon gâché écrasé sur l'herbe non taillée. Les lunettes de Satoru avaient failli être écrasées tellement de fois. A force de se tourner et se retourner. Changeant de position comme de sujet de discussion.



Leurs mains se frôlaient, s'appréhendaient, se touchaient, se retrouvaient, se liaient, s'appréciaient, s'exploraient. Tout comme leurs lèvres.



Tout était lent. Et doux. Tout était chargé de désir paresseux. De celui que l'on ne précipite pas. Parce que la fin du monde n'est pas pour le lendemain. Parce que le temps continue de filer, minute après minute. Et que l'on sait que la minute d'après sera passée avec l'autre que l'on regarde avec tant de passion et d'amour.



Le tissu des vêtements d'été était léger. Le vent rare s'engouffrait tout doucement en-dessous. Rafraîchissant agréablement la peau surchauffée par le soleil et l'affection. Les épaisses branches des arbres centenaires réduisaient le trop plein de lumière. La lumière se dessinait sur leurs visages, leurs bras et leurs jambes découvertes en stries parallèles. Créant un contraste de couleur qui accompagnait celui de leurs yeux qui ne voulaient pas se quitter un instant.



Ils n'avaient pas pensé à prendre à manger. Ils n'avaient pas mangé de toute la journée. Mais trop pris l'un dans l'autre, leurs estomacs ne se faisaient pas entendre. Les seuls sons qu'ils laissaient parvenir à leurs oreilles étaient ceux, mélodiques, de la voix de l'autre et du rire tendre qu'ils offraient.



Au bout d'un moment, ils avaient épuisé les sujets. Tout de même. Alors ils se turent. Ils restèrent là. L'un à côté de l'autre. Leurs mains se rejoignant par la simple présence de leurs petits doigts entremêlés. Les oiseaux prenaient la relève de leur conversation. Ils écoutaient leurs argumentaires. Essayant chacun dans leur tête d'imaginer une discussion entre les volatiles. Les déclarations d'amour enflammées laissèrent rapidement place au règlement de compte sur fond de jalousie.



En vérité, les oiseaux chantaient simplement pour se dire que les deux humains allongés au pied de leurs arbres devaient sans doute avoir très faim. La cabane improvisée leur bouchait la vue. Mais les oiseaux entendaient les voix et les rires résonner au cœur de leur forêt. Et maintenant, il n'y avait plus que le silence. Alors ils prenaient la relève. Ils comblaient le blanc.



Pour leur offrir un affectueux concert qui bénissait leurs oreilles remplies en temps normal de leur cacophonie habituelle. Ils ne surent combien de temps ils restèrent là, sans émettre un seul bruit. Pas même celui d'une imitation ratée d'un gazouillement. Leurs petits doigts ne se lâchaient pas. Mais leur tête s'étaient chacune tournées.



Suguru, en premier. C'était toujours lui le premier. Parce que c'était lui qui était tombé amoureux le premier. C'était lui qui n'avait su détacher son regard le premier et qui continuait de suivre les mouvements avec un œil attentif. Il regardait l'homme à ses côtés, admirant les lignes nettes de son visage. Satoru était déjà un bel homme dans son adolescence. Qu'est-ce que cela donnerait-il adulte ?



De ses yeux, il mémorisait la forme détendue du visage de celui qu'il aimait. Les yeux fermés. Les longs cils blancs semblant presque toucher les cernes. Le son bas de sa respiration relâchée. Les mèches blanches ballotées avec lassitude. Le coin d'un sourire qui se faisait plus sincère que l'espiègle habituel.



Et puis Satoru, en deuxième. C'était lui le deuxième. Celui qui s'en rend compte en dernier. Celui qui découvre avec un temps de retard. Mais qui prend tout ce qu'on peut lui offrir avec un sentiment d'empressement. Acceptant tout l'amour offert et le renvoyant avec plus d'intensité. Celui qui rend finalement les regards. Et qui veut lui aussi suivre les mouvements. Pour ne plus jamais rien en rater.



Il tourna sa tête, lentement. Comme si le mouvement lui demandait plus d'effort qu'il ne pouvait en fournir. Mais que c'était le seul effort qu'il voudrait faire. Parce que ça signifiait regarder l'autre. Qui le regardait déjà. Et sourire de toutes ses dents en le découvrant. Un sourire qui lui plissait les yeux. Des yeux qui débordaient de tellement d'adoration que Suguru avait l'impression qu'il se retrouvait dans un océan inarrêtable.



Un océan d'amour qui ne se dévoilait qu'à lui, pour lui. Le barrage avait cédé, déchaînant tous les sentiments de Satoru et entraînant Suguru au passage qui savait qu'en buvant la tasse, il serait repu à jamais.



Suguru n'était pas capable de renvoyer autant d'amour. Mais Satoru ne lui demandait pas ça. Rester à ses côtés. C'était tout ce qu'il demandait. Et Suguru pouvait lui apporter. Il avait parfois l'impression que Satoru regardait à travers son âme lorsque leurs yeux se faisaient face ainsi. Mais il ne demandait que ça. Pour que Satoru comprenne que ses sentiments étaient à la hauteur des siens.



Leurs bouches s'ouvrirent légèrement. Comme pour essayer de sortir un son, n'importe lequel. Mais échouant. Époustouflés par la beauté qu'ils avaient en face de l'autre. Et la laissant ouverte uniquement pour faire entendre l'éclat de leurs rires. Qui se répercutaient l'un contre l'autre et se confrontaient pour s'accompagner comme ils le faisaient pour tout le reste.



Leurs côtes leur faisaient mal. Riant sans s'arrêter. Ils n'avaient aucune raison de rire. Mais ils le faisaient quand même. Parce qu'ils le pouvaient. Et parce qu'ils le pouvaient, ils n'allaient pas s'en priver.



Le soleil commençait peu à peu à décliner. Ils avaient changé de position encore quelques fois. Laissant les changements de lumière se dessiner sur leurs peaux à divers endroits. Laissant les derniers rayons de soleil les réchauffer. Leur laissant encore quelques instants privilégiés avant que ne sonne l'inévitable glas du retour.



Les couleurs qui dansaient dans le ciel passaient d'une lueur à une autre, statuant finalement sur un gris terne annonciateur d'un changement de météo. Les deux garçons en eurent la confirmation lorsqu'ils commencèrent de sentir quelques gouttes de pluie sur leurs bras et leurs jambes. D'abord éparses. Puis plus centrées.



Descendant du même nuage précurseur de pluie drue, les gouttes se serrèrent pour toutes se rejoindre sur la cime des arbres protecteurs. Les feuilles filtraient la majorité, n'en laissant que peu atteindre la peau légèrement refroidie d'un adolescent mort de faim.



Une goutte tomba pile sur le bord du nez en trompette de Satoru, le faisant loucher pour tenter d'apercevoir la goutte incriminée. Le geste fit pouffer de rire Suguru qui ne put s'empêcher de regarder avec adoration le plissement du nez retroussé comme pour en faire tomber la goutte écrasée. De plus en plus de gouttes venaient s'écraser sur eux, leur cabane temporaire perdant peu à peu de son efficacité. Si tant est qu'elle en est eue une.



Prenant la décision d'abandonner leur abri de fortune de la journée, ils se levèrent d'un bond commun, prenant à peine le temps d'attraper les lunettes de Satoru. Tout en commençant de courir, Satoru accrocha ses lunettes à son col tandis que Suguru se rattachait les cheveux en bataille. Leurs actions finies, la suivante fut naturelle. Aussi naturelle que de respirer ou de combattre. Ils s'attrapèrent la main. Satoru agrippa la main droite de Suguru et commença à accélérer, prenant la tête.



Suguru se fit futilement trainer en avant. Il accéléra lui aussi le pas pour se retrouver à la même hauteur. Ils ne s'aidaient d'aucun sort. Ce n'était que leur vitesse et leur endurance naturelle. Ils sortirent de la protection de la forêt en sautant par-dessus un buisson.



Arrivés sur une place pavée, entourée des mêmes bâtiments qu'ils voyaient à longueur de journée, ils se prirent l'intensité entière de la pluie. Le poids de l'eau fut légèrement déstabilisant, changeant du tout au tout entre la forêt et la place pavée. Leurs cheveux s'aplatirent immédiatement. Leurs vêtements leurs collèrent à la peau immédiatement. Leurs chaussettes se retrouvèrent noyées immédiatement.



La pluie tombait fort et couvrait tous les autres bruits. Les oiseaux ayant arrêtés de chanter pour eux aussi se mettre à l'abri. Le son de la pluie couvrait même celui de leurs rires qui continuaient de tinter, ne produisant plus aucun écho. Leurs voix s'étouffaient. Mais ils n'avaient pas besoin de parler.



Lâchant la main de Suguru, Satoru fit quelques pas en arrière. Il se mit à tournoyer sur lui-même, balançant les bras au-dessus de sa tête. Satoru était magnifique. Il était un dieu vivant. Ou plutôt un demi-dieu. Parce qu'un dieu savait sûrement danser correctement, lui. Ses mouvements n'avaient aucun sens. Gojo Satoru pouvait tout faire mais visiblement, il ne savait pas danser.



Ses pieds et ses bras bougeaient aléatoirement. Il se retourna vers Suguru et battit des cils en le regardant, dans une pitoyable tentative de séduction. Suguru rigola bien plus fort à la tentative ridicule. Satoru avait déjà son cœur entre les mains, il en était le propriétaire, il n'avait plus aucun besoin de le séduire en essayant le disco.



Suguru se rapprocha de lui, le rejoignant finalement pour un disco pathétique. Il n'y avait aucune musique. Que le son de la pluie frappant avec force les pavés abimés par les siècles de pas qui les avaient foulés. Et Satoru et Suguru rajoutaient leur pierre à l'édifice, usant les pavés eux aussi en dansant absurdement. Ils n'étaient pas synchronisés. Il n'y avait aucune trace de rythme ou de tempo. Il n'y avait que des mouvements aléatoires définis par rien d'autre que leurs envies.



Leurs mains se retrouvaient souvent, s'attrapant en cours de route. Ils se faisaient tournoyer. Ils se conglutinaient l'un à l'autre. Leurs corps se rejoignant en divers endroits. Le reste de la peau découverte et luisante d'eau se touchait. Se caressant dans un ballet sensuel dont les règles n'étaient établies que par eux.



Leurs danse inénarrable ralentissait en même temps que la pluie s'amenuisait petit à petit. La lumière grisâtre ternissait le bleu intense des yeux hypnotisant de Satoru et Suguru était sûr qu'il n'aimait pas cette couleur. Tout du moins sur lui. La peau de Satoru semblait plus terne, comme si elle avait perdue de son éclat avec l'obscurité des nuages de pluie. Mais pour Satoru, cela ne faisait que ressortir l'intensité des pupilles noires de Suguru. Alors il aimait cette obscurité de fin de journée, de fin de pluie d'été.



Mais l'atmosphère avait beau être grisâtre, la simple présence de Satoru suffisait pour Suguru. Il était une lampe portative dont le sourire faisait exploser l'ampoule sous l'intensité de la chaleur et de la lumière.



Se tenant face à face, les mains jointes, ils avaient tous les deux cette impression de télénovela où ils attendaient que le maire leur dise de s'embrasser. Mais ils n'étaient pas dans une mairie. Ils étaient au beau milieu d'une place de leur école, sous le reste de pluie qui tombait encore, trempés jusqu'aux os, sans doute en train de couver un rhume.



Ils se regardaient comme s'il n'y avait plus rien au monde à part eux. La fin du monde était bel et bien arrivée. Et rien n'existait plus à part eux. Ils étaient les seuls. Il n'y avait même plus de maire. La seule autre chose qui existait était la pluie qui s'acharnait à tomber sur le bord du nez de Satoru.



Ils se regardaient de la même manière qu'ils l'avaient fait toute la journée. Continuant de ne pas vouloir se lâcher du regard. Se suivant l'un l'autre. S'observant. Suguru le premier. Satoru le deuxième. Une main se leva. Celle de Suguru. Parce qu'il était le premier. Une autre main se leva. Celle de Satoru. Parce qu'il ne voulait plus rien rater.



Se frôlant. Caressant la joue du bout des ongles. Faisant frissonner par la froideur du bout des doigts. S'installant finalement fermement sur la joue. Et sans se lâcher du regard, jamais, avancer.



Avancer et se rejoindre au milieu. Pour s'embrasser sous des restes de pluie d'été qui caressait maintenant leurs peaux avec douceur. En dissemblance avec l'intensité de la pluie antérieure. De la danse antérieure. La douceur d'un baiser d'une insouciante jeunesse qui ne désire qu'une seule chose, recommencer encore et encore.








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Encore une fois, ça devait pas être aussi "long".

Je suis pas fichue de faire un truc court, visiblement.


Cet os est venu sans que je m'y attende. J'en ai eu l'idée un soir. J'étais assise à ma fenêtre, un peu avant 23 heures et je regardais simplement le jardin, le champ d'en face et la route devant chez moi. J'habite en Bretagne et contrairement au reste de l'hémisphère nord, nous ne sommes pas en canicule, nous avons de la pluie tous les quelques jours. Ce qui nous rafraichit drôlement l'atmosphère.


Il y avait des restes de pluie qui tombait du toit sur mes pieds et avec la rare luminosité qui restait encore et tout simplement cette atmosphère de pure détente et de tranquillité, je me suis dis que je devais écrire un os sur une pluie d'été tranquille.


Au début, je ne savais pas trop sur qui le faire mais depuis que la saison 2 de Jujutsu Kaisen a commencé, je suis de nouveau obsédée par satosugu. Et je pensais vraiment avant que je ne pourrais pas écrire quelque chose de léger sur eux et que si je leur écrivais quelque chose, ça allait être lourd et pesant, au reflet de leur relation à travers le manga.

Mais cette pluie m'a décidé d'écrire quelque chose de léger et de plus sympathique. Un amour d'été que l'on ne veut jamais voir se terminer.


Playlist écriture : - "Viva La Vida" Coldplay


Sinon, comme d'habitude, en espérant que vous avez aimé ^^

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