Chapitre 13 - Eliott (2)
Sous l'ordre de l'Alpha, je me tends rapidement. Rien de mieux qu'un peu de sport pour digérer tout ça.
Je sautille jusqu'à la grande villa moderne. Les Thompson avaient tenu à créer un lieu agréable pour chacun des membres de la meute et ils avaient bien réussi leur pari. Chaque loup a sa propre chambre, les salons sont conviviaux, la cuisine spacieuse. La maison comporte quelques bijoux : une salle de sport, un sauna, une piscine au sous-sol et un jacuzzi. Une pure merveille. Je passe mon temps dans l'espace musculation puisque je préfère déverser mes nerfs sur des machines que sur mes coéquipiers.
Je monte tout d'abord dans ma chambre pour m'habiller en toute sérénité. Les loups-garous sont loin d'être pudiques mais, moi je préfère rester discret. La plupart sont même en bas, complètement nus, mais, ils en ont strictement rien à foutre.
Après avoir enfilé un jogging et un boxer, je sors torse nu de ma chambre. Je traverse le couloir quand Zoé, notre infirmière, se précipite sur moi. Elle m'agace à venir me voir à la moindre égratignure. J'ai 28 ans, bordel ! Je sais appliquer une compresse avec du désinfectant sur mes blessures.
-Eliott, montre moi ton...
Elle s'arrête pour regarder mon torse bien musclé. Je soupire et elle rougit, en espérant sans doute que je ne l'ai pas vu me mater. C'est vrai que je ne suis pas non plus monstrueux, je me trouve même plutôt beau gosse. Et, il n'est pas rare que les louves s'attardent sur mon corps bien foutu. Je suis rarement flatté, elles m'énervent plutôt avec leur comportement de louves en chaleur. On dirait qu'elles veulent se frotter à moi toute la nuit et depuis Rachel, j'ai tiré un trait sur toute possible relation.
Zoé est toujours plantée là, devant moi, une trousse de secours à la main. Elle doit sûrement chercher ses mots. Je croise mes bras sur ma poitrine en levant un sourcil, me demandant toujours ce qu'elle fout ici. Je sais qu'elle veut s'occuper de moi mais j'éprouve un malin plaisir à la voir galérer.
-Est-...Tu as mal quelque part ?
Je secoue la tête et passe à côté d'elle sans lui jeter un regard. Elle se fige, s'attendant sûrement à ce genre de réaction de ma part. Ma réputation d'insociable risque de s'éterniser encore longtemps.
Puis, contrairement à toutes les autres fois, elle m'attrape le bras pour me stopper dans mon élan. C'est qu'elle a du cran, celle là ! J'envoie valser son poignet et une grimace de douleur passe sur son doux visage.
-Je peux t'aider, Eliott.
J'éclate de rire. Elle croit pouvoir me sauver, cette gamine ? D'autres bien plus costauds ont essayé et pourtant, ils sont repartis le nez en sang.
Elle se glace, encore une fois étonnée par ma froideur légendaire. Et oui, je suis un véritable iceberg autant à l'intérieur qu'à l'extérieur.
-Tu crois sérieusement me sortir de toutes ces merdes accumulées ? Je suis un monstre, Zoé. Je vais te pourrir la vie. Tu veux vraiment tenter ?
Elle hoche la tête et sa détermination lisible dans son regard me surprend. Jamais je n'aurai cru qu'une louve aussi frêle me tienne tête à ce point. Elle a la peau sur les os, un air de sainte-nitouche et reste toujours calme dans toutes les circonstances. Ce type de fille me fait hérisser les poils. C'est exactement Rachel et je déteste y repenser. Et Zoé, pour ne pas arranger les choses, est son portrait craché, hormis pour la couleur des cheveux. Du plus loin que je me souvienne, elles traînaient même ensembles quand l'infirmière est arrivée. Rachel avait décidé de la prendre sous son aile.
Je soupire et m'approche de son petit corps. Elle tressaillit alors que la distance entre-nous s'écourte, nos lèvres ne sont pas loin de se toucher. Et loin de moi, l'idée de penser à l'embrasser. Plutôt crever que poser ma bouche sur une autre femme que Rachel. C'est la dernière que j'ai touché intimement et je me suis juré que plus personne ne viendrait après elle, tout sexe confondu.
Je plonge mes yeux dans ceux de Zoé et je suis frappé par la beauté de ses pupilles. Ils sont turquoises et ressortent magnifiquement bien sur sa peau pâle.
-Éloigne toi le plus possible de moi Zoé. Ou sinon, je te ferai du mal et je ne veux pas que tu souffres, tu comprends ?
Elle hoche la tête mais continue de me fixer avec un air étrange.
-Elle me manque à moi aussi, Eliott. Tu n'es pas le seul à être torturé par sa mort tous les jours. Mais, contrairement à toi, je l'ai laissée partir. J'ai fait mon deuil. Regarde-toi, tu es incapable de toucher une femme sans trembler.
C'est à mon tour de rester béat devant elle. Elle ose me parler de ma Rachel ? Cette moins que rien ?
Je prends une longue inspiration. Mes poings se serrent, j'ai une envie irrésistible de la frapper. Je lève mon bras, sentant le coup partir sans que j'y puisse grand chose. Je n'arrive plus à me contrôler quand on me parle d'elle, c'est instinctif.
-Vas-y frappe moi. Vois, quel monstre tu es devenu. Rachel n'aurait jamais voulu ça, elle voulait que tu fasses ta vie, que tu continues à te battre pour elle, que tu restes comme tu étais. Mais voilà, tu es à deux doigts de frapper une femme pour avoir osé parler d'elle. Tu es juste faible, Eliott.
Je serre les dents et au lieu de balancer mon poing sur sa gueule, je prends la fuite. Je dévale les deux escaliers me menant à la salle de sport et m'y engouffre à l'intérieur. Je vois un punching-ball au milieu de la pièce et commence à frapper comme un forcené.
Les autres présents me regardent bizarrement mais je m'en fous royalement. Je frappe, frappe, frappe et frappe encore. Si fort que mes phalanges deviennent rouges, que mes bras me lancent violemment. J'ai besoin de me défouler, sinon je l'aurais fait sur cette p*tain d'infirmière et je sais que je m'en aurais voulu. Ce n'est pas mon genre de violenter les femmes mais Zoé m'a poussé à bout. Parler de ma fiancée de cette façon ?! Elle ne sait pas la douleur que c'est de tout perdre ! C'est comme si un poison vous ronge de l'intérieur sans aucun antidote. On dit que le temps règle tout mais moi, ça a fait l'effet inverse. Plus il passe, plus je me sens faible et plus je rejette toutes les personnes qui m'approchent. Luke est le seul à bénéficier d'un traitement de faveur. C'est normal, c'est mon job. Et je ne mentirai pas quand je dirai que je ne vis que pour le servir. Il ne me reste plus que ça.
En fin de compte, l'amour m'a détruit. Rachel est morte, je me suis enterré avec elle. Et pourtant, avant de la rencontrer, j'étais à deux doigts d'être le Bêta de la meute à la place de James, j'étais respecté de mes aînés, j'étais un des meilleurs loups au combat de la région et les femmes me vénéraient. J'étais et je suis toujours une beauté à couper le souffle. Rachel a été mon premier amour. Quand je l'ai vu, avec ses cheveux de feu, et quand elle s'est tournée vers moi, j'ai su qu'elle m'avait déjà volé mon cœur. Je lui appartenais déjà. Nous n'étions pas des âmes-sœurs mais c'était tout comme. Notre couple était fondé sur la passion, la fidélité et le coup de foudre.
Mais, il a suffit d'une seule bataille pour que trois années de bonheur partent en miettes. Je savais qu'elle était enceinte, elle me l'avait une semaine plus tôt. Mais, merde, je n'avais rien pu faire pour la sauver ! Une attaque, un arrêt cardiaque, un bébé mort. Puis, vient le tour de mon père, de ma mère et de ma sœur. Les trois d'un coup. Ce monstre n'avait eu aucune pitié. Moi ? Il m'avait laissé pour mort entre tous les corps de mes proches. C'est même Zoé qui m'a sauvé cette nuit-là. Malheureusement, elle portait l'odeur de ma future femme. Je l'avais rejetée comme une merde, puis je m'étais transformé et enfuis à travers les bois pour pleurer leurs morts. Je me sentais vide.
J'avais même tenté de me suicider mais Dieu en avait décidé autrement. Il me laissa vivre avec quelques fractures et un cœur de pierre.
A partir de ce jour-là, c'est Luke qui m'a convaincu de rester. Lui aussi, il avait perdu ses parents et ses frères d'armes. Il m'a empêché de refaire le pire. Il avait besoin de moi. Alors, on s'est serré les coudes. Lui, il a fini son deuil, j'ai toujours su qu'il était le plus fort de nous deux. Et moi, j'ai changé. Pendant que lui continuait d'avancer malgré la douleur, je me réfugiai, seul, sans vouloir l'aide de personne. Je l'avais trahi. Alors, il m'a délaissé à petit feu, déçu de mon manque de combativité.
-Eliott, demande timidement Kathy, qui venait de rentrer dans la pièce avec son ventre rond. Luke t'attend dans son bureau...
Je la remercie et masse mes poings meurtris par l'entraînement. La blonde me regarde avec étonnement puis me suit lorsque je monte les escaliers. Je pénètre dans le grand salon où la plupart des loups jouent tranquillement aux cartes puis dévale les marches menant à la suite de Luke. Celui-ci bénéficie d'un espace réservé pour lui seul, avec une chambre immense, une salle de bain colossale et un bureau personnel. Et oui, le boulot d'Alpha ne repose pas que sur des patrouilles, il y a aussi la paperasse.
Je rentre dans l'office de mon chef suite au grincement de la porte. Luke est face à ses grandes vitres qui donnent sur notre territoire. Elles permettent de surveiller l'espace n'importe quand et je sais qu'il aime bien s'y réfugier. Alors, le voir comme ça, pensif, est loin de m'étonner.
-Eliott, tu vas m'expliquer en détail ce qui s'est passé.
Son ton cassant me fait grimacer. C'est mal parti.
-Et bien, dès que tu es parti, j'ai pris la relève, comme tu me l'avais demandé. Alyssa a voulu se promener sur le territoire et comme c'est son droit, je l'ai laissée faire. Elle ne m'a pas écoutée quand je lui ai dit de rebrousser chemin quand on approchait de celui des vampires. Elle a foncé tête baissée et j'ai tenté de la convaincre de faire demi-tour. Et là, je me suis redevenu humain pour pouvoir l'avertir. Comme tu sais que c'est moi qui l'ai ramenée ici, elle a eu peur et a détalé à travers le clan des vampires. J'ai rien fait de mal, je le jure, rajouté-je calmement en voyant le regard noir de mon supérieur. Je l'ai finalement rattrapée et j'ai vu qu'elle s'est tordu la cheville. Un suceur s'est ramené et comme il a tenté de la tuer, je l'ai détruit quand ses trois potes se sont joins à lui. Puis, la suite tu la connais.
Luke finit par soupirer après ma tirade. Je lève les yeux vers lui tandis qu'il fait les cent pas devant son bureau.
-C'était vraiment nécessaire de tuer le vampire ?
Je hoche la tête. Si je n'avais rien fait, il aurait capturé Alyssa et je serai mort au jour d'aujourd'hui.
-Tu sais qu'à cause de ça, on va avoir de grosses emmerdes ?
Sa voix est montée crescendo. Il a pas mal de problèmes à gérer et pourtant, moi je ne fais que lui en rajouter sur le dos. Quel con. Il ne mérite pas ça.
Je baisse les yeux, soumis à son pouvoir.
-Ils vont chercher à nous attaquer maintenant qu'ils savent qu'elle est ici. Et y'a ce p*tain de vampire puissant là-bas...
Il se passe la main dans ses cheveux, il est agacé.
-En plus, elle est pas prête ! T'a bien vu comment elle gère sa magie ? C'est plus de la chance qu'autre chose !
Il hurle presque et j'avale difficilement ma salive. Je n'ai pas envie d'acquiescer, il sait déjà que tout ce qu'il dit est réel. Alyssa est une terrible chanceuse.
-Faut que je me calme, il murmure. Elle a besoin d'un temps qu'on a pas pas, c'est une course contre la montre. Faut qu'on soit plus régulier. Tu veux bien m'aider à gérer ses entraînements? Je la prends le matin, tu l'épaules l'aprem ?
Je hoche la tête en silence. C'est la moindre des choses que je peux faire pour lui. Même si je sais que ça ne va pas plaire à notre petite sorcière...
-Maintenant, dégage d'ici, j'ai du boulot.
Avant que je franchisse la porte, Luke m'interpelle une dernière fois.
-Merci, Eliott, d'être là.
Je lui fais un faible hochement de tête, le salue de ma main et passe la porte sans demander mon reste. Je descends les escaliers et aperçois Zoé qui me fusille des yeux. Je soupire et décide d'aller me reposer. On peut dire que je le mérite, ma journée a rarement été aussi agitée. Et ça risque de se corser dans les prochains jours, j'ai promis à mon supérieur d'entraîner la petite en son absence. Rien que d'y penser, j'en ai déjà la migraine.
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