Chapitre 10 (2)
Bonne lecture !
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Je décide de prendre l'air et cours de cette ambiance pesante qui me déchire le cœur. Peu importe où je vais, les gens me détestent. Certaines fois, c'est parce-que je suis différente d'eux, je suis une mage. D'autres, car j'ai vécu autrement, avec un père adoptif qui m'aimait, qui me chérissait, malgré le danger que je représentais.
Je serai toujours recherchée pour mes pouvoirs mais jamais pour ce que je suis. Les gens ne m'acceptent que par nécessité de puissance mais ils se contre-fichent de mes sentiments. Malheureusement, j'ai un cœur et des émotions. Et en ce moment, tout le monde s'amuse à me faire vivre les montagnes russes. Quand la situation s'arrange, je retombe en enfer et je ne vois plus le bout du tunnel. Finalement, je suis enfermée dans une cage dorée, rien de plus.
Je passe la porte principale et atteins une grande prairie fleurie prolongée par une forêt dense. L'endroit est apaisant, je perçois le clapotis d'un cours d'eau, le chant des oiseaux, le sifflement du vent.
J'enlève mes chaussures et c'est pieds nus que je cours dans la vallée. L'air fouette mon visage, le sol tremble sous mes pas, mais, ce sentiment de liberté est si profond que plus rien n'a d'importance.
Je m'engouffre dans le bois lumineux où des arbres vieillis trônent somptueusement. Je m'arrête pour reprendre mon souffle et marche tranquillement, non sans entendre le bruissement des feuilles sur le sol. Je sais que les loups vont finir par me retrouver, que je ne pourrais plus m'échapper d'ici mais, me retrouver seule avec la nature m'aide à me sentir apaisée. Elle est ma confidente, ça peut vous paraître fou, mais elle est l'unique qui peut ressentir mon calvaire et partager mes peines.
Je caresse les pins, chênes et platanes qui m'entourent délicatement jusqu'à entendre le clapotis de l'eau à proximité. Je me dirige vers ce son apaisant en contournant une bûche.
Je me fige lorsque j'aperçois un loup sur la rive. Il est noir, a les oreilles pointées en avant et est dos à moi. C'est le premier loup transformé que je peux voir de ma vie. Son poil soyeux brille sous les rayons du soleil et il s'abreuve tranquillement, la truffe dans le point d'eau. Je suis sûre qu'il a remarqué ma présence grâce à ses capacités surnaturelles mais il ne semble pas s'en soucier.
Je l'admire. Ses muscles saillants dévoilent sa puissance et sa corpulence imposante signifie qu'il n'a pas l'air commode. Je me demande si il fait partie de la meute...
Soudain, son grognement me tire de mes pensées et je l'aperçois se retourner pour me faire face. Les lèvres retroussées, il m'intimide et je recule jusqu'à être bloquée par un arbre derrière moi. Il s'approche à pas de loup et tourne autour de moi, comme si il cherche à m'analyser. Plusieurs minutes s'écoulent ainsi jusqu'à ce qu'il s'assoit en face de moi, la tête penchée sur le côté. Ses pupilles sont d'un vert pétillant et sa bouille est si mignonne qu'elle le rendrait presque inoffensif. Mais, je sais que tout ça est trompeur. L'aura qu'il dégage n'est pas à laisser au hasard.
Dans un craquement d'os, il se retransforme en humain. Je ferme mes yeux de peur de voir ce mâle nu, ce qui me mettrait dans une situation délicate.
-Tu peux les rouvrir, tu sais.
J'ouvre lentement mes paupières et découvre un homme complètement habillé. Il a des cheveux bruns en bataille, un corps façonné par de longues heures de musculation et ces mêmes pupilles vertes magnifiques. Malgré cela, sa puissance me fait rester sur mes gardes. Il reste tout de même un animal, au fond.
-Je m'appelle Luke. Toi,tu dois être Alyssa.
Son ton est dédaigneux au possible. Il m'inspecte de haut en bas avec une mine hautaine, sa beauté me paraît aussitôt envolée. De quel droit ose t-il me regarder de la sorte ?
-Une mage, hein. Je te croyais bien plus...surprenante. Tu me déçois.
Je serre les poings et les dents. Il n'est pas question de me faire rabaisser une fois de plus.
-Et toi, je peux savoir qui t'es au juste ?!
Ses prunelles s'enflamment et dans un mouvement flou, il m'agrippe la gorge pour me soulever du sol. Bon Dieu, qu'il est fort !
-Tu oses me parler comme ça alors que je te traite comme une invitée ?
Mais bordel, c'est qui ce gars ?!
-Tu oses me parler comme ça, à moi, l'Alpha ?
Oups. Ma visage a dû pâlir et je commence à manquer d'air. Il me relâche en échappant un grognement rauque. Luke se passe la main dans ses cheveux et je ressens ça comme un signe d'énervement, voire d'agacement.
-Si tu te crois tout permis, mage, je vais rapidement te faire redescendre sur Terre.
J'avale ma salive mais ma gorge ne fait que s'assécher devant son regard réprobateur. L'Alpha est terrifiant. A vrai dire, mes mains tremblent.
Je baisse la tête, trop effrayée à l'idée de croiser son regard. Un craquement d'os plus tard, le voilà de nouveau en loup. Que ce soit humain ou bête, ses yeux ne cessent de hanter mes pensées. Sa beauté est perceptible à des kilomètres, mais après cette démonstration de caractère, elle me paraît cachée sous un cœur de pierre. Est-il aussi affreux avec ses subordonnés ?
Il grogne et après m'avoir jeté un dernier coup d'œil, il s'enfuit à travers la forêt.
Je m'autorise à souffler. Mon cœur cogne toujours contre ma poitrine. Je m'assois et ramène mes genoux vers mon visage. Qu'ai-je fait pour qu'ils me détestent tous autant ?
-Allez, viens.
Je relève la tête et croise les yeux compatissants de James. Je ravale mes larmes et attrape la main qu'il me tend.
-Tu as vu l'Alpha, n'est-ce pas ?
Je hoche la tête en silence et il serre ma main pour me réconforter. Kathy s'approche et pose la sienne sur mon épaule. En ce moment même, ils sont ceux qui ressemblent le plus à des amis.
-On aurait dû t'en parler, déclara t-elle en fixant un arbre à l'horizon. Il n'est pas très chaleureux comme mâle...
Je ris.
-Ça, c'est sûr !
Elle sourit faiblement et me pousse à avancer. James reprend la parole :
-Il est fâcheux avec les étrangers mais adorable quand on le connaît mieux... Crois-moi, c'est un de mes amis d'enfance.
Je hoche la tête. Pour l'instant, il n'est qu'un monstre. Cache t-il son côté guimauve sous cette apparence détestable ?
-Il n'a pas l'air d'apprécier les mages, je soupire. Enfin, personne ne les aime.
Le couple m'arrête et plonge ses yeux dans les miens.
-Ne dis pas ça. Nous connaissons les atrocités dans lesquelles sont traitées tes semblables, mais jamais, nous ne te ferons subir ça, affirme Kathy.
-Et en plus, c'est comme si nous séquestrions des membres de la meute, ce qui est inenvisageable, accentue James.
J'opine du chef et repense à ces sept captifs qui doivent vivre un calvaire bien pire que le mien. Je sèche mes larmes. Je vais les sauver. Je ne sais pas comment enfermée dans cette villa située dans un lieu inconnu. Je comprends juste une chose. Il va falloir que je m'arme de patience pour réussir mon objectif. Et ce n'est pas un Alpha qui se prend pour le roi du monde qui va me prouver le contraire.
-Tu as repris des couleurs, m'annonce la blonde avec un sourire optimiste.
Elle me prend dans ses bras et je la serre contre moi, touchée par cet élan d'affection. Ils sont là, eux.
-Tu as de la visite, Alyssa.
Je me tourne vers James en relâchant sa compagne et sursaute, surprise. Les membres de la meute sont là, humains, et me détaillent près de la cime des arbres. Je leur souris, je ne cherche pas à me faire d'ennemis et un petit garçon d'environ trois ans court vers moi. Il m'agrippe la jambe de sa petite main et me regarde avec de grands yeux bleus magnifiques.
-Evan, reviens ici ! s'agace une louve brune.
Mais le bout de chou ne semble pas vouloir me lâcher. Il resserre sa poigne et je me mets à rire en voyant sa mère, les poings sur les hanches, rougir de colère. Le petit se place derrière moi, apeuré devant le dragon.
Les autres membres rigolent à leur tour et l'air s'apaise d'un seul coup. Une nouvelle ambiance s'est installée entre la meute et moi, ce qui fait bondir mon organe vital de joie. A la fin de ce fou rire, un jeune homme s'avance vers moi et évite mon regard, gêné.
-On voulait s'excuser, on a pas été très gentils avec toi. Mais tu es nouvelle et... une mage, alors ça nous a tous secoué un peu... On a pas l'habitude...
Je lève mes mains en signe de capitulation.
-Je vous comprends. C'est comme si une femme apparaissait dans ma famille du jour au lendemain et me piquait notre complicité d'un claquement de doigts, je ne le tolérerai pas.
Une famille. Deux mots. Rien que les prononcer me rappelle que je n'en ai plus. Un femme, plus âgée, s'aventure elle aussi.
-Tu mérites notre pardon. On va avoir besoin de toi pendant la grande guerre et tu nécessiteras notre soutien.
Les larmes me montent aux yeux mais je les balaye d'un battement de cils. La grande guerre. Ils n'ont tous que cet événement à la bouche. Évidemment, nous ne servons qu'à ça nous, serviteurs des pouvoirs de Dieu.
Kathy et James placent leurs bras sur mes épaules et le reste du groupe les regardent, souriants, m'accompagner vers ma nouvelle demeure. Je perçois ce repère sous un autre angle à présent, car il est évident que j'y resterai pour un bout de temps, en sachant que ses habitants ne me dédaignent plus. Peut-être y retrouverai-je la même joie de vivre que m'inspirait Taylor ?
Je me laisse porter par le groupe jusqu'à sentir le poids de deux prunelles sur mon corps. L'Alpha s'attarde sur moi depuis sa fenêtre et je lui rends un regard froid, qui je l'espère, regorge du dédain que je lui porte. Cet homme n'arrivera pas à me démolir, maintenant que j'ai le soutien des siens.
Luke se détourne et mon attention s'accorde aux surnaturels qui se transforment dans un même mouvement. Leurs poils soyeux se déclinent de plusieurs couleurs, les mâles plus gros que les femelles se fondent dans la masse,tandis que, comme un seul homme, ils lèvent leurs truffes en l'air et poussent le plus beau des hurlements à l'unisson.
Prise de cours par mes émotions, je ne peux retenir mes larmes. Kathy serre ma main puis sourit.
-Ils t'acceptent et t'accueillent parmi la meute. Tu es chez toi ici, Alyssa. Bienvenue chez les loups.
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