chapitre 6 Déméter.1
Hermès et moi, reprenons le chemin qui nous avait menés au temple d'Apollon dans l'autre sens. Mon guide comme toujours marche devant moi en sifflotant. Il joue avec son sceptre, un bâton en bois avec deux serpents d'argent sculptés, qui ondulent tout au long du manche. Deux ailes en argent partant deux côtés de son extrémité enjolivent le tout. Ce symbole me semble vaguement familier. Les pharmacies peut-être ? À moins que ce ne soit les médecins ? Bon...
Hermès entre deux jetés de bâtons, essaie de justifier, l'attitude on peut dire plutôt dédaigneuse d'Apollon à mon égard. Moi qui suis apparemment la seule chance de retrouver sa sœur. Moi, sur qui il compte, au point de me faire Ex-machin. Je ne l'écoute pas, je n'ai pas envie. Je comprends vaguement qu'Apollon n'est plus le même depuis que son père Zeus a quitté Olympia. Que ses frères Hadès et Poséidon lui procurent beaucoup de stress... Une chose est sûre, le dieu de la beauté et du soleil n'est pas très doué en communication. Il serait docteur, il aurait annoncé à une patiente qu'elle était guérie du cancer des poumons et en fermant la porte de son cabinet, lui aurait juste lancé « En fait si dans trois jours on ne trouve pas une solution, vous aurez celui du colon ». Déprimant !
Je sors de mes pensées juste à temps pour entendre la question que Hermès me pose :
-Tu veux continuer à marcher ou l'on y va à ma manière ?
Il y a déjà du progrès, il me demande ma permission avant de fendre les airs, moi cramponné à sa main divine comme un malheureux qui attraperait une racine pour ne pas tomber du haut d'une falaise.
- Marchons, ça m'aide à réfléchir, dis-je à moitié en bougonnant.
D'ailleurs, tiens, voilà une bonne question à lui poser :
- Trois jours ici, c'est comme trois jours sur terre ?
Mon cœur bat la chamade quelques secondes, porté par un faux espoir, aussitôt décapité.
- C'est pareil. Ça équivaut à trois coucher de soleil. Les heures ici sont des temps de lune et soleil.
Je regarde tout de suite le ciel, je ne suis pas un Maya, mais je dirais qu'il est dix/onze heures. J'essaie de chasser ce pessimisme lattant qui souffle en moi comme un vent froid. Après tout Hermès a raison on m'offre une chance unique. On ne me demande pas de gagner un duel à mort avec je ne sais quels Titans ni de réaliser douze impossibles travaux. On me réclame de faire la seule chose avec laquelle j'étais bon sur terre, je dirais même sans craindre que mes chevilles gonflent, avec laquelle j'excellais ; mener une enquête.
En fait c'est une putain de chance !
Ça y est, mon moral retrouve des couleurs. Nous arrivons à ce drôle d'endroit où douze colonnes se dressent là, au milieu du chemin.Une femme est assise au pied de l'une de ses mystérieuses constructions. À ses côtés, un cheval noir à la crinière bleue. Ils semblent discuter ensemble. Hermès se tourne vers moi et me lance en essayant de paraître sérieux :
- Que l'enquête commence !
Il fait un salto dans les airs puis se rapproche de moi.
- Je suis excité, me glisse-t-il à l'oreille.
Par cette femme ou par l'enquête ?
Nous arrivons à proximité de cet étrange duo. La femme se relève. Elle a un certain charme et un charisme évident. Une fine tresse de cheveux lui couvre le front de façon verticale. Un chignon bien serré et des petites fleurs blanches parsèment ses cheveux châtains. Sa robe ample, jaune et bleu laisse entrevoir la moitié de ses seins charnus, sa peau est d'une blancheur comparable à celle d'un nuage. Elle porte sur son visage à cet instant une expression de tristesse.
- Déméter, Arion ! les salue Hermès en s'inclinant légèrement, de dieu à dieu, le minimum est requis.
Je fais de même. Déméter ce nom me dit quelque chose. Une muse peut-être ?
- Hermès, comme toujours ta présence nous honore ! s'exclame Arion avec la voix fière et assurée d'un homme mûr.
Un cheval qui parle, mouai, pourquoi pas.
Je pourrais voir un poisson avec des ailes ou une tomate chanter que ça ne m'étonnerait pas.
- Salut à toi, Hermès, messager divin ! Qui est ton ami ? Son visage ne m'est pas familier.
Cette femme à une voix douce comme le miel, chaque mot prononcé semble entouré d'une bulle légère, venant souffleter à nos oreilles. Pourtant je remarque ses yeux légèrement mouillés et le sourire qu'elle affiche ne peut masquer, une détresse, une profonde inquiétude qui a sûrement fait couler ses larmes justes avant que nous arrivions.
- L'honneur est pour moi, d'être ainsi en présence du pourfendeur du vent et de la déesse des saisons, de la terre fertile et des végétaux, déclame-t-il tout en me jetant un clin d'œil appuyé.
L'énonciation des titres de chacun, m'était destiné. Je sais à présent qui ils sont. Merci. Cette fois-ci Hermès s'agenouille et pose un délicat baiser sur le dessus de la main de Déméter.
- C'est mon script. Il m'aide dans mes investigations pour retrouver Artémis. Il se nomme Nathan Valence.
Eh oui ! désolé moi, ce n'est que Nathan Valence. Pas encore de titre.
- La disparition d'Artémis, sottises ! s'exclame la déesse, passablement énervée.
Je m'apprête moi aussi à pratiquer le baise-main, sur cette peau divine quand Hermès attrape la déesse par l'épaule en la serrant contre lui.
- Allez ! viens, on va parler tous les deux.
Il se retourne vers moi et me lance :
- Fais connaissance avec Arion, tu peux lui poser toutes les questions que tu veux. N'est-ce pas ?
Le cheval ébène hoche la tête doucement en me regardant. Mon guide et Déméter s'éloignent, elle est agrippée à lui fébrilement et je devine d'ici le bruit de sanglots contenus.
Je me retrouve donc face à face avec cet étalon, pourfendeur du vent, comme l'a dit Hermès. Pas n'importe qui. De toute façon « n'importe qui », n'existe pas ici. Ça va être une première pour moi. Interroger un animal. Je crois que je vais zapper l'étude de son comportement corporel. Sa queue d'une couleur bleue comme sa crinière, fouette les airs de droite à gauche, ses iris jaunes qui me scrutent bizarrement me mettent mal à l'aise. Tout comme le silence qui s'installe. Je m'éclaircis la voix dans un râlement qui fait sourciller l'animal.
- Arion, c'est bien ça ?
Pas de réponse. Je continue.
- Vous diriez qu'Artémis était une amie, une connaissance ou une proche ?
- Une amie proche, me répond-il en faisant un geste brusque de la tête qui me fait sursauter.
Dans le même mouvement, il se cabre et m'invite à le monter.
- Grimpe !
Euh, d'accord. Est-ce que j'ai fait du cheval dans ma vie ? Mon for intérieur me dit que non. Pas même du poney à mon avis.
Devant mon hésitation, il rajoute. :
-je vais te montrer quelque chose.
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