9› ta rédemption ne va pas pourrir

11 DÉCEMBRE

- Oh, Ana, salut ! Quelle surprise.

- Salut.

- Je t'ai attendue hier.

- Ouais, j'ai... J'ai pas pu venir.

- C'est ce que j'ai constaté. Et t'as pas pu ou pas voulu ?

- Un peu des deux, je suppose.

- Je le savais. Personne ne peut m'éviter volontairement, il doit forcément y avoir une part de contrainte.

- Quoi de plus évident.

- J'aime te l'entendre dire.

- Et toi ? Qu'est-ce que tu fous sur ce banc, tu vas pas te suspendre au pont comme un taré ce soir ? Je refais plus jamais ça d'ailleurs, ça m'a traumatisée.

- Bien-sûr que tu le referas. Et c'est fait depuis longtemps. Tu es en retard, c'est pour ça.

- Je sais. Et tu m'as attendue.

- Oui. Mon intuition me disait que tu reviendrais.

- Ouais, c'est ça, dis plutôt que tu t'es endormi en position fœtale sur ce putain de banc et que mes pas t'ont réveillé.

- Tu marches bruyamment en même temps.

- Va te faire foutre. Profondément.

- Ah tu souris enfin ! J'ai réussi !

- Je ne souris pas.

- Si.

- La ferme.

- OK. Mais tu dois savoir je t'attendais vraiment. J'ai juste fait un petit somme histoire d'être en forme quand tu arriverais, tu vois ?

- Pas trop, non.

- C'est triste.

- ...

- Hier, quand tu as pas pu venir, c'était encore à cause de ta mère, c'est ça ?

- Que... Comment tu sais ?

- Tu l'as mentionné une fois.

- Je n'aurais pas dû.

- Je suis déso-

- Non, juste, oublie. Je veux pas en parler. Peut-être que j'aurais pas dû venir, je...

- Non, reviens ! On est pas obligé d'en parler ! Regarde, d'un claquement de doigt c'est oublié. Hop, voilà, fin de l'histoire, c'est bon, tu peux rester.

- ...

- ...

- D'accord.

- Ouais ?

- Ouais.

- Cool. Super cool. Génial.

- ...

- ...

- C'est le moment où tu dois trouver un sujet de conversation pour qu'on passe à autre chose.

- Ah ouais, pardon. Euh... Tu te souviens de la différence entre vivre et mourir ?

- Non, pas ça.

- Ouais, pas ça. OK, je me concentre. Il y a un mec bourré qui m'a fait une proposition assez explicite tout à l'heure.

- Sérieusement ?

- Ouais. Il y a quoi - une semaine ? il m'a croisé quand j'étais suspendu au pont. J'ai dû lui retourner le cerveau.

- Il avait quel âge ?

- Mmh, je dirais la vingtaine.

- Oh voyez vous ça, Monsieur est un tombeur que ce soit chez les filles ou chez les garçons.

- Oui, mon charme est universel.

- Ta modestie aussi. Et tu lui as répondu quoi ?

- J'ai refusé sa proposition avec politesse. J'ai précisé que j'étais quand même flatté mais que je ne couchais pas le premier soir, que j'avais besoin de connaître la personne, d'apprendre à l'aimer et à lui faire confiance. Je lui ai souhaité bonne nuit et je lui ai conseillé la tisane plutôt que l'alcool, il m'a dit "OK, mec, je comprends" et il s'est barré. Voilà.

- Eh bien dis-moi.

- Ah et j'ai tenté une blague sur les soirs de pleine lune et la procréation aussi mais il a pas compris, j'étais déçu.

- Je crois qu'il a rien raté.

- Je crois que tu te trompes.

- En tout cas je trouve que tu as bien réagit. La plupart des mecs l'aurait envoyé chier en se foutant ouvertement de sa gueule d'un air condescendant et dégoûté. Toi non. Je suis fière de toi.

- Oh c'est gentil mais en fait j'ai pas vraiment réfléchi. Il était touchant, un peu désespéré aussi, et avec le charme que j'ai, comment j'aurais pu l'en blâmer ?

- Encore ce putain de charme à la con.

- Et justement, il avait du charme lui aussi, ça a dû jouer. Mais un zeste seulement. Rien à voir avec toi, ne t'inquiète pas.

- Ces conneries sont loins de m'inquiéter, rassure-toi. En tout cas ton âme pure a dû permettre à ce pauvre gars de dormir tranquille, alors beau travail.

- Mon âme n'est pas pure.

- Ta réaction l'était. Enfin plus ou moins.

- C'est vrai. Je suis génial.

- Ça dépend de la définition de génial.

- Oh, toi et tes définitions à la con !

- Eh, Jean-Frédéric, surveille ton langage !

- Je t'immitais, Kelly !

- Kelly te souhaite de pourrir sous un tas de merde.

- Toujours aussi délicate ma Kelly chérie.

- ...

- ...

- Zach ?

- Oui ?

- Je peux te poser une question ?

- Je l'écouterai avec plaisir.

- Peut-être que je devrais pas te le demander mais... Est-ce que t'es bi ?

- Oh, c'est juste ça ? Eh bien... Je suppose, ouais. Je n'aime pas vraiment mettre des mots sur ces choses là mais je suis attiré par des garçons comme des filles. Et si c'est ça la définition de bi, alors je le suis.

- Je crois que dans la même idée y'a aussi les pansexuels. En gros ils tombent amoureux d'une âme indépendamment du sexe, un truc comme ça. Mais bon personne ne tombe amoureux d'une paire de couilles ou d'une paire de seins alors j'ai du mal à saisir le principe.

- Exactement ! Et c'est pour ça que je comprends pas cette obsession pour les orientations sexuelles. On est attiré par quelqu'un, point. J'ai l'impression que mettre des mots sur les choses ça sépare les gens plus qu'autre chose. Il existe 32 000 orientations qui différent à peine. Ça sert à quoi ?

- Les gens ont besoin de mettre des mots sur ce qu'ils sont. Ça rassure, c'est important.

- Tout ce que je peux dire c'est que j'ai embrassé garçons et filles et qu'il n'y a strictement aucune différence.

- C'est beau.

- Ouais j'allais ajouter c'est toujours aussi bon mais je me suis dit que ça risquait d'enlever toute la poésie du truc. Et c'est moi ou tu viens de me faire un compliment ?

- Je sais pas, c'est juste beau ce que tu as dit.

- J'ai un peu menti. Niveau haleine ça diffère souvent. Que ce soit un mec ou une fille, l'ail ça ne réussit à personne. Une fois je-

- Ah non, stop ! Je veux pas en savoir plus.

- OK, tant pis pour toi. Tu ne sauras jamais comment c'en est venu à être aussi gluant.

- Putain, merci pour l'image.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top