14 - Septrione
Les prédictions de Phiale se révélèrent justes. Le lendemain, le ciel bleu s'était dégagé de toute nuée.
Septrione s'élevait sous le pâle soleil d'hiver, déployant ses tours et ses spirales aux sommets dorés. La citadelle, bâtie sur les berges des eaux claires du Quaddhar, était le siège d'un commerce permanent.
Nombreux étaient les navires qui mouillaient dans le port. Le long des quais circulaient un branle-bas de marchandises et de voyageurs. Sur le ponton, des pêcheurs hissaient leurs filets, leurs prises brillant des plus vifs éclats ; des dockers pressés chargeaient et déchargeaient des caisses avec hâte pendant que des enfants espiègles filaient entre les jambes des adultes et des soldats en uniformes ; tout cela dans un bourdonnement de voix mêlées aux cahots des charrettes bringuebalantes.
L'ombre des remparts se confondait à la surface des eaux limoneuses. Des visages casqués dépassaient des mâchicoulis, où s'envolaient les bannières aux couleurs de l'Ordre.
Debout au sommet d'une butte, nous observions à prudente distance la file d'attelages qui s'était formée sur le pont. Papiers et chariots étaient scrupuleusement fouillés. Des gardes postés à la herse prenaient à part tout voyageur aux manières suspectes.
— La sécurité s'est encore renforcée depuis la dernière fois, fit observer Sendo.
— Oui, répondit Phiale. Ils craignent la menace du Fléau.
Bras croisés, la harpie regardait cette ville qui avait longtemps été la sienne. Ses ailes recourbées étaient pratiquement invisibles sous sa cape et une paire de bottes larges camouflait ses serres. Elle allait ajouter autre chose quand il y eut soudain du mouvement entre les murs. Un ordre crié depuis le sommet de la muraille dispersa rapidement la foule agglutinée sur le pont. Une délégation de cavaliers jaillit alors de la herse et franchit la passerelle à toute allure. Ils filèrent à travers les faubourgs sans prêter attention aux roulottes et badauds qui se dressaient sur leur chemin.
— Qu'est-ce qui se passe ? demandai-je.
Phiale fronça les sourcils.
— On dirait qu'ils partent en chasse. Sans doute un monstre qui a dû faire des ravages non loin d'ici.
Sombre et silencieux, Azelor suivit la course des cavaliers jusqu'aux bois où ils disparurent.
Phiale ne se préoccupa guère plus longtemps de cette curiosité. Elle se détourna la première et se rendit au pied de la butte où nous nous étions établis. À première vue, il semblait n'y avoir rien ici, hormis un rocher et quelques massifs de buissons. Sendo s'avança pour lui tendre un bâton qu'Azelor s'était chargé de transmuter au matin. Phiale, insérant l'outil sous un enfoncement à peine visible dans les herbes, s'en servit comme levier. Le rocher résista d'abord, puis émit un grincement sourd lorsque la harpie s'y appuya de son poids, avant de se déplacer, révélant un noir passage où un homme aurait pu s'enfoncer jusqu'à la taille.
— Vous voyez ce tunnel ? m'indiqua-t-elle en m'adressant un sourire complice. C'est celui dont nous avions parlé. Il traverse le fleuve. Nos gnomes l'ont foré il y a quelques années de ça. Dire que ces idiots en face ne se sont toujours rendu compte de rien !
Une présence furtive approcha dans mon dos.
— Il est temps, annonça Azelor.
Mes mains, un peu moites, tremblaient légèrement. Au pied du mur, ce projet était encore plus fou qu'il n'y paraissait ! Alors que je me repassais une dernière fois les étapes du plan, le Faucon se pencha près de mon oreille :
— Il n'est pas trop tard pour changer d'avis, tu sais, me glissa-t-il insensiblement.
— Pour l'amour de Dana ! s'écria Phiale en le foudroyant du regard. Fiche-lui la paix, Az'. Tu n'es qu'un foutu rabâcheur !
— Qui ne tente rien n'a rien..., renifla ce dernier.
Du coin de l'œil, je le vis hausser une épaule. Puis, contre toute attente, il me fit face et son visage s'illumina d'un sourire.
— Ça va aller, l'intrépide, reprit-il en me regardant. On a répété tout ça. Montre-leur de quoi tu es capable.
S'il s'était toujours montré opposé à cette mission, une lueur éclairait maintenant ses yeux verts ; une énergie que je ne lui avais jamais vue, combative et féroce. Et du reste... peut-être me leurrais-je en croyant déceler en eux de l'approbation ?
Quoi qu'il en fût, ses mots me donnèrent l'impulsion dont j'avais besoin, ce dont je lui fus reconnaissante.
Azelor s'engagea le premier dans le passage et tira de sa poche un cristal de quartz. D'une voix basse, il psalmodia une incantation qui fit luire la pierre dans sa main avec une ardeur croissante. Des faisceaux de lumière blanche se projetèrent à l'intérieur du tunnel. Obligée par un signe de tête de Sendo, je m'enfonçai à sa suite.
Lorsque tout le monde fut à l'intérieur, Phiale actionna un mécanisme qui se mit en branle. On entendit un tintement métallique : en effet, une lourde chaîne, fixée à l'arrière du rocher, était chargée de remorquer celui-ci. L'obstacle se replaça progressivement jusqu'à combler l'ouverture, emportant avec lui la lueur du jour, nous laissant seuls dans le ventre humide de la terre.
Notre petite troupe se mit en marche. Après une vingtaine de pas, le sol commença à s'incliner, signe que nous descendions : nous passions sous le fleuve.
Nous progressâmes ainsi une dizaine de minutes en silence, courbés les uns derrière les autres sous le bas plafond, jusqu'à ce que le chemin finisse par emprunter une légère côte. Azelor, qui nous avait conduits d'un bon pas, s'interrompit brusquement lorsque nous parvînmes à une impasse.
Sans un mot, Phiale, Sendo et lui firent cercle comme des acteurs exécutant une chorégraphie maintes fois répétée. Dans la pénombre ambiante, la harpie saisit une dague qu'elle tira hors de son fourreau. Sa main libre tendue devant nous, elle appuya résolument le fil de la lame dans sa paume ouverte. Le sang perla de la plaie, dont quelques gouttes furent versées dans l'écuelle que lui présentait Sendo. Azelor procéda de la même manière. Venu mon tour, tous me regardèrent.
— Nous allons nous lier, expliqua Sendo d'un air d'obligeance. Faites-moi confiance, je vous prie.
Ce fut bien à contrecœur que j'accédai à sa demande. Nos fluides recueillis et mêlés dans l'écuelle, Sendo récupéra cette dernière. À son tour, il s'infligea une plus large entaille et répandit son propre sang sur les nôtres. Cela fait, il entonna un refrain en langue ancestrale et, pour parachever ce drôle de tableau pareil à un rituel vaudou, porta le récipient à ses lèvres. Fort ébranlée, je fus tentée de me balancer d'une jambe sur l'autre mais un geste d'Azelor m'astreignit à rester en place.
Sendo avait entretemps fermé les yeux. Lorsqu'il les rouvrit, un halo écarlate encerclait ses iris.
M'entendez-vous ?
Sa voix résonnait à l'intérieur de mon crâne comme un vague flottement, et je sentais l'intrusion de son esprit dans le mien. Cela n'aurait plus dû m'étonner après l'expérience de la veille... Chacun acquiesça d'un signe de tête.
La lumière du cristal s'éteignit doucement dans la main d'Azelor, et le mage se positionna pour pratiquer sur la paroi face à lui le rituel de dissimulation que je l'avais vu plus d'une fois effectuer à l'entrée de Grand-Fissure. Je retins mon souffle car, dès cet obstacle franchi, il n'y aurait pas de retour en arrière.
Une odeur nauséabonde d'eau croupie nous accueillit une fois que nous fûmes passés au travers du mur. Nous avions débouché dans un souterrain englué d'humidité. Un mince filet d'eau glauque ruisselait au milieu du passage bétonné, empruntant la direction d'un conduit qui semblait s'enfoncer sous terre. Les égouts. D'une porte grillagée sur notre droite entraient des rainures de lumière et une rumeur de voix nous parvenait, toute proche...
L'heure était venue de nous séparer. Phiale se retourna d'un air grave ; et nous adressant un ultime regard :
— Gand henor, déclara-t-elle, un poing sur le cœur.
« Avec honneur. » Azelor lui rendit un salut identique, ses yeux brûlant d'un feu solennel. Je déglutis pendant que Sendo les imitait, espérant de tout cœur que nous pourrions nous réunir autour d'un feu ce soir.
Dès que la grille fut ouverte, les deux Faucons se déployèrent selon le plan, nous laissant seuls, Azelor et moi. Après de douloureuses minutes durant lesquelles je rongeai mon frein, ce fut notre tour. Nous nous glissâmes dans l'ombre des arcades ogives avant de rejoindre le plein jour et nous mêlâmes naturellement au flux de la cité.
On devait reconnaître à Septrione la beauté de son architecture pittoresque. Les maisons à encorbellement, garnies de poutres et de briques rouges s'agglutinaient, s'étageaient les unes sur les autres, donnant la curieuse impression d'un pêle-mêle constamment prêt à s'effondrer. Des cheminées en arc-de-cercle crachaient une fumée rousse sur les toits bordés de festons. Tous les commerces étaient ouverts à l'occasion de la braderie. Il y avait du monde dans les rues – une foule cosmopolite – et les enfants s'extasiaient, pointant du doigt les murs, entre les bâtiments traversés de passerelles, où dansaient des fresques changeantes.
Le visage d'Azelor ne trahissait rien tandis que nous progressions dans la ville, faisant semblant de nous intéresser aux devantures des boutiques affichant des prix au rabais et où les clients se disputaient des articles. Mon bras passé sous le sien, j'avais une trop grande conscience des reliefs de son arc et de son carquois dissimulés sous sa cape. Un coup d'œil lancé au chemin de ronde intérieur m'indiqua que des sentinelles étaient postées tout le long des créneaux, surveillant la foule de passants. Le soleil faisait briller leurs badges. Je reportai mon attention sur les commerces pour ne pas éveiller davantage de soupçons.
Nous laissâmes les factionnaires derrière nous et rencontrâmes rapidement une place où l'eau jaillissait de fontaines décorées de statues de jaspe. Je me figeai en reconnaissant, au centre, l'idole taillée dans la pierre.
On y avait représenté Malve, altière, le bras tendu vers les cieux comme une conquérante. La reproduction de son visage était stupéfiante : le même pli impérieux de bouche, son nez à l'élégance rusée, et malgré la vacuité de ses orbites, ce même regard directif et tranchant, aussi impitoyable que le fendoir d'un bourreau. L'ouvrage produisait une si vive impression que je me serais presque attendue à la voir s'animer d'un instant à l'autre.
La statue s'érigeait dans le plein jour – invincible soleil – tandis que le jaillissement des fontaines vaporisait autour d'elle un embrun scintillant. Et au-dessus de sa tête couronnée de lauriers s'élevait la masse de l'Ordre sur son acropole.
Ma résolution vacilla tout à coup. Avions-nous la moindre chance contre un ennemi de cette ampleur... ?
Azelor suivit la direction de mon regard et je sentis ses muscles se crisper sous mes doigts. Il ne fit aucun commentaire, prit la direction d'une ruelle à l'avant. Je me laissai entraîner sans quitter des yeux la statue, jusqu'à ce que les murs la fassent disparaître.
— Son heure viendra, murmura-t-il du bout des lèvres, sans me regarder. Nous y veillerons. Mais il y a mieux à faire aujourd'hui.
— Oui, dis-je en resserrant ma main sur son bras.
Il commençait à y avoir une nouvelle forme d'agitation devant nous. Dans une allée malodorante de tavernes, dont la plupart étaient closes, deux colosses se cognaient, acclamés par un petit groupe ivre même en plein jour. En passant près d'eux, Azelor adressa un discret signe de tête à un spectateur qui lui rendit un sourire matois.
L'idée de devoir haranguer un tel monde commençait à me préoccuper, aussi fut-ce avec soulagement que je notai notre arrivée sur la grande place avec l'auberge imposante, un hôtel presque, qui surplombait tous les bâtiments du quartier.
Elle était bâtie dans le style de la capitale, avec ses façades de pierres brutes et ses poteaux de bois foncé disposés en bandes verticales. Pour fantaisie, du lierre vert imprégnait les murs, se croisait et s'entrelaçait autour des poutres qui encadraient les rangées de fenêtres. Une enseigne en fer forgé, gravée d'une marmite, ballotait joyeusement au rythme des entrées et sorties.
Azelor me consulta du regard avant de pousser la porte. Aussitôt, des odeurs caractéristiques de ragoût, de cuir vieilli et de bois imprégné de boissons, se ruèrent vers nous. Comme nous l'avions prévu, le Pot-au-lait était plein à craquer. Toutes les tables étaient occupées, les chaises mises sens dessus dessous. Dans l'atmosphère bruyante et surchauffée, les visages rouges d'euphorie des clients étaient tournés vers l'estrade où un acteur déguisé en drôle d'oiseau courait après une demoiselle vêtue de froufrous qui l'esquivait par d'improbables acrobaties.
Nous n'étions que deux individus noyés dans la masse. De parfaits anonymes.
Azelor se fraya un passage vers le comptoir, tenu par une petite employée brune et osseuse. Je patientai sur le côté pendant que le brouhaha ambiant avalait leurs paroles. Une bourse passa entre eux, il la remercia d'un hochement de tête, et ses doigts s'enroulèrent autour des miens avant de m'entraîner vers l'escalier.
Nous grimpâmes jusqu'aux combles du cinquième et dernier étage. Ici, la musique et la rumeur des voix du rez-de-chaussée nous parvenaient étouffées, comme un bruit de fond. Une fois certain que nous étions seuls, Azelor lâcha ma main et me précéda dans le long couloir garni de tapis de fourrure. Je me pressai à sa suite, inquiète des craquements bruyants que produisaient nos bottes sur le parquet. En bas, le public rugit soudain de rire comme si une scène particulièrement cocasse s'était jouée. Le mage finit par s'arrêter en face d'une porte close. Pendant qu'il déverrouillait la serrure, j'entendis grincer les ressorts d'un lit en provenance d'une chambre voisine, et je m'empourprai en songeant aux activités auxquelles s'adonnaient les loueurs de cet étage.
Par chance, la voie fut bientôt libre. Je m'engouffrai dans la chambre, petite mais coquette. Le Faucon referma derrière nous et posa la clé sur la commode.
— Tu as volé cet argent ? demandai-je en faisant volte-face.
Pendant un court moment, la stupéfaction se lut sur tout son visage. La seconde suivante, un rictus moqueur distendait ses lèvres.
— On s'apprête à commettre un crime contre le pouvoir public au sein de la capitale et tout ce qui t'inquiète, c'est de savoir si j'ai volé un peu d'argent ? (Il secoua la tête comme s'il ne pouvait déterminer si j'étais naïve ou simplement idiote, puis il posa les yeux sur moi et les traits de son visage s'adoucirent.) Il a été gagné de manière honnête. Plus ou moins. Ne t'inquiète pas, cette fille n'aura pas de problème. Tu as d'autres questions de ce genre ?
« Stupides », semblait-il sous-entendre.
— Non, fis-je en me renfrognant.
— Bien. Parce qu'il est temps de débuter les réjouissances.
Azelor se dirigea vers la fenêtre dont il écarta les rideaux d'un geste brusque. Il ouvrit les battants en grand, enjamba le cadre et se hissa adroitement sur le rebord supérieur.
Je lançai un coup d'œil nerveux à la porte et me penchai par-dessus la balustrade où s'étendait la ruelle déserte quelques douze mètres en contrebas. Un peu plus haut, Azelor avait déjà calé son piolet dans l'angle de la lucarne et regardait dans ma direction. Un vertige me saisit. Certainement, une chute d'ici nous broierait les os... Je passai ma langue sur mes lèvres desséchées et me soufflai un encouragement avant de suivre son exemple.
Je balançai une jambe, puis l'autre, et me tins debout sur la traverse. Le vent qui avait forci me donna un instant la terrible impression de vaciller mais je me secouai vivement. Quoi qu'il pût arriver, il y avait du lierre partout ; des arborescences partout. La Terre était mon cocon et mon pouvoir. Mes doigts se raffermirent sur la façade et je m'élevai sur le mur.
Quand je fus à sa portée, Azelor me prêta main forte et m'aida à me hisser sur les tuiles. Quelques secondes à peine lui suffirent pour me rejoindre et nous nous couchâmes sur la toiture.
La foule, en bas, était dense. Une décharge d'adrénaline me traversa tout entière pendant que la magie fourmillait dans mes phalanges. Nous y étions. Nous avions réussi ! Son arc en main, Azelor se redressa sur un genou et coinça une flèche entre ses doigts protégés d'un gant de tir. Essayant de mettre de côté mon euphorie, je traçai soigneusement le cercle de traversée qui servirait à notre fuite.
— Prête ? me questionna-t-il, ses yeux verts illuminés dans le soleil.
Je hochai vigoureusement la tête en me mordant la lèvre. Il regarda droit devant lui et son sourire féroce disparut derrière le foulard qu'il mit en place sur son visage.
Bonne chance, résonna au même moment la voix de Sendo.
Le son caverneux d'un cor retentit dans Septrione. Une énergie fébrile remua en moi, que je laissai se déverser comme une vague. Des tremblements grondèrent depuis les entrailles de la ville et une violente secousse ébranla le sol.
Je me redressai et pris position au sommet du toit, là où tout le marché pourrait me voir. La magie ruisselait dans mes veines. Dicté par ma volonté, le lierre de la façade avait élevé ses rameaux ; il rampait, grouillait sous mes pieds comme une armée végétale. Les visages épouvantés me remarquèrent progressivement et, quand toute la population eut levé les yeux sur ma silhouette, un silence de mort s'abattit tout en bas.
Mes cheveux claquèrent au vent tandis qu'un fin sourire venait ourler mes lèvres. Jamais je ne m'étais sentie aussi puissante.
— Je suis Kaly des Quatre Terres, commençai d'une voix forte, fille de la sorcière Tartoth des Sept Vents et de Rehad, Premier Faucon de la Terre du Nord.
Une oppression palpable s'était saisie de la ville.
— Ma mère voulait voir poindre une justice. Elle était persuadée que le Cristal de Fal était un bien qui devait revenir à tous, qu'un tel afflux de pouvoir ne pouvait qu'être néfaste détenu dans les mains d'une seule personne. Jusqu'à la fin de sa vie, elle s'est battue pour cette idée, et elle l'a fait non pas pour troubler la paix, comme on le raconte, mais pour défier l'oppression !
Comme il était divin, ce plaisir illicite de scander ma colère. De rétablir les faits. Je me sentais fortifiée.
— Chers citoyens, on vous ment depuis des années sur le monde qu'ont connu vos parents ; sur le passé, sur les origines de la magie noire. On m'a menti aussi. Et parce que l'Ordre ne repose que sur des fondements mensongers, j'ai cessé de lui faire confiance. C'est donc un Faucon que j'ai décidé d'être, et c'est en tant que Faucon que je me battrai pour que tombe cette institution pétrie de mensonges. C'est ainsi que je peux le clamer haut et fort, peuple de Fal : nous, Faucons Obscurs, ne baisserons pas les bras ! Nous vaincrons !
Et mon poing brandi vers le ciel fit jaillir les lianes de l'auberge en une force démesurée. En même temps que j'achevais mon discours, une banderole fut libérée depuis un toit.
« Rejoignez-nous.
ENSEMBLE, nous sommes la force du changement. »
La scène manquait encore d'un soupçon de panache. Aussi, par souci de grandeur, j'étendis la main pour envoyer une onde de pouvoir dans le sol. La longue avenue se fissura en une lézarde maîtrisée qui s'arrêta au pied du Pot-au-Lait, demeuré intact. Des dizaines de portes s'étaient encore ouvertes et des visages époustouflés me contemplaient de toutes parts, où la curiosité se disputait à un sentiment que suscitait mon être désormais : l'effroi.
— Kaly, me pressa Azelor, on s'en va !
Le moment semblait en effet tout indiqué comme retentissait l'énorme tocsin de Septrione, à grand renfort de notes furieuses et sinistres ; un rugissement de colère qu'on eût dit poussé par Malve elle-même.
Il ne m'en fallut guère plus. Je dérapai sur les tuiles pour rejoindre mon cercle. Le Faucon s'y tenait accroupi, épiant les alentours, une flèche en joue. Un sifflement m'indiqua que l'une d'entre elles avait trouvé une cible ; il en arma aussitôt une deuxième.
À peine eus-je entamé le rituel que je perçus une anomalie dans l'air. Cela se produisit si vite, le temps d'un battement de cœur : une déformation, infime d'abord, qui se mit à grossir et déferler de proche en proche...
Je n'eus pas le temps d'agir qu'un violent souffle d'air frappa mon partenaire. L'onde le prit par surprise – je le vis à la manière dont ses paupières s'agrandirent et au vain écart qu'il tenta d'effectuer au dernier instant. Elle le heurta de plein fouet et la force du coup le projeta loin de moi, loin du rebord du toit.
Dans le vide.
---------------------------
Si vous suivez ce récit, n'hésitez pas à me le faire savoir par une étoile, un commentaire... Cela m'aide de savoir que cette histoire est lue (et je l'espère appréciée) :D
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top