43 - Azelor


              Un climat de tension s'instaura dans les jours qui suivirent. Force est d'admettre qu'en dépit des épreuves dont nous avions triomphé ensemble, notre équipe connaissait un équilibre précaire. Un froid s'était jeté entre Émïoka et moi depuis que la cait sidhe s'était mise en devoir de révéler à Malve l'identité de mon père. Aucun de nos compagnons ne prenait part à ce conflit mais je doutais que l'idée n'eût pas infusé dans l'esprit tortueux de Reska. Je me demandais si Seth avait quelque chose à voir avec son silence inhabituel.

Il y avait là-dedans une part d'orgueil, il est vrai : ce secret m'appartenait à moi et moi seule. Ni à l'Ordre, ni à la Bansidhe. Mais au-delà d'une affaire d'amour-propre, d'autres inquiétudes me poussaient à agir avec prudence. Malve trouverait un moyen de mettre à profit cette information. De m'exploiter. Et de quel nouveau projet serais-je encore l'expédient ?

Plus approchait le moment de notre retour, plus les questions, nombreuses, brassaient mon esprit. Mes pensées étaient accaparées par Azelor, le seul à même de m'apporter des réponses. Contrecoup ou non de mes dissensions avec Émïoka, quoi qu'il en était, le dernier soir je décidai de mettre un plan à exécution.

Le menton enfoui sous mon sac de couchage, je patientai jusqu'à l'heure la plus noire, observant les branches des arbres qui caressaient la pénombre. Autour de moi reposaient des formes allongées aux respirations paisibles. Notre équipe avait trouvé refuge dans une combe à la lisière de deux univers : celui des bois peuplés aux ramages odorants et de la grève déserte où une écume argentée lavait le rivage.

L'emplacement de mon sac de couchage avait été choisi avec soin : à distance de Reska, d'Émïoka et du paladin de faction.

Lorsque Hildegarde, les paupières tombant de fatigue, secoua Kreg pour la remplacer en milieu de nuit, je restai immobile et rongeai mon frein jusqu'à entendre le souffle de la vulkane s'harmoniser. Kreg, sa claymore entre les genoux, tentait de dompter en ronchonnant ses épis rebelles. Posant ma main à plat sur le sol, je propageai une onde d'énergie qui se diffusa dans les racines de la terre. La réponse, la même que celle reçue en fin d'après-midi, arriva alors que je ne l'attendais plus. Je pestai intérieurement.

Avec un luxe de précautions, je m'extirpai hors de mon cocon, les mains d'abord, puis les pieds, centimètre après centimètre, jusqu'à me retrouver à quatre pattes. Je tassai ma couche et la poussai lentement sur le côté, révélant entre deux rais de lune le cercle de traversée que je m'étais employée à tracer tout au long de la nuit.

Un dernier regard à Seth me confirma qu'il était profondément endormi, un bras sous la tête. Les remords manquèrent de m'assaillir et je détournai les yeux, m'empressant de chuchoter mon rituel. Si je voulais que cette folie passe inaperçue, il me fallait être de retour avant la relève de garde.

La magie m'emmena hors d'atteinte quelques cent pas plus loin. Ma détermination s'enhardit une fois passée la première étape et je filai dans les bois comme un cerf. Une étrange euphorie courut dans mes veines tandis que mes longues foulées avalaient le tapis de terre et de feuillages. J'étais enfin libre. Seule.

C'était une nuit claire où la lune à découvert répandait ses lueurs d'opale. Des insectes stridulaient dans des gouffres d'obscurité que les fleurs encensaient de leurs fragrances enchanteresses. De temps à autres craquaient les brindilles du sous-bois ou des yeux jaunes s'ouvraient, de quelque bête perchée sur les branches noires, mais mon esprit ne connaissait nulle peur en ces lieux. Je finis par m'arrêter dans une portion de la forêt toute parsemée de rouge et me penchai pour cueillir un bouquet de fleurs phosphorescentes.

Il me fallut revenir sur mes pas et gravir un pont de pierre naturel sous lequel nous étions passés plus tôt, et j'aboutis au milieu de lucioles dans un peuplement d'une espèce semblable au chêne sessile.

— Tu en as mis du temps, entendis-je finalement une voix venant du dessus.

Il était assis en hauteur, affalé contre le tronc d'un arbre, les jambes de part et d'autre d'une branche. Azelor. Pour une raison qui m'échappait, j'étais soulagée de le voir.

— Que viens-tu chercher, Kaly ? Ou que viens-tu entendre ?

— La vérité.

Ma voix, métallique, n'éclatait pas de la confiance que j'aurais voulu me donner. Azelor tarda à répondre. Son visage engoncé dans l'ombre s'inclina un peu plus dans ma direction.

— Tu n'as pas peur de moi ? demanda-t-il.

— Tu n'as jamais rien tenté de néfaste jusqu'ici alors que tu prenais beaucoup de risques pour me parler, répondis-je en secouant la tête. Et tu m'as sauvé la vie la dernière fois.

— J'ai bien failli agir à plus d'une reprise. (Il marqua une pause.) Notamment le jour où le Bras de Fal et la Main Noire ont fait preuve de la plus grande incompétence...

Je gardai la tête renversée vers lui. Il m'épiait en silence.

— Tu étais déjà présent au marché noir ? réalisai-je, en me rendant compte que je n'étais pas si surprise. Depuis quand me suis-tu ?

— Depuis plus longtemps que tu ne l'imagines. Ordre de Rehad, il m'a chargé de ta protection.

— Qui es-tu par rapport à lui ? le relançai-je sans pouvoir réfréner mon impatience. Et quel rôle tient-il dans votre organisation pour ne pas venir me voir lui-même ?

— Il y a beaucoup de choses que je ne peux pas te dire, répondit-il sobrement. Tu pourrais trahir nos secrets.

— Je...

Il marquait un point. Ses apparentes bonnes intentions ne le dispensaient pas de méfiance : j'étais, après tout, dans le camp de leurs ennemis.

— Je ne sais pas qui croire..., murmurai-je.

Mes pensées en étaient à ce point, détraquées par cette idée, ce détestable scepticisme que je m'efforçais d'ensevelir depuis plusieurs semaines déjà, et qui s'échappa dans un souffle mendiant la vérité. Un grand doute s'était emparé de moi, nourri par la trahison de Vixe, par la montée des Faucons, l'énigme des traités et la présence évanescente de Rehad et Tartoth.

Azelor n'ajouta rien. Une pleine minute, la nuit chanta pour nous deux. Ensuite, j'entrepris mon ascension de l'arbre et me calai résolument sur une branche en face de lui. Son attitude se fit tout à coup crispée ; manifestement, cette initiative le surprenait.

— Tu es un mage sylvestre, à ce que m'ont dit les autres, commençai-je.

— Oui.

— Les bois sentent émaner de toi une bonne énergie et je ne pense pas qu'ils se trompent. Je voudrais donc qu'on discute calmement, toi et moi. Ça ne veut pas dire que j'accepte quoi que ce soit de vos idées mais j'estime te devoir au moins ça après... ce que tu as fait pour nous.

Le Faucon ne décroisa pas les bras mais il m'observa d'un nouvel œil curieux. Son arc gisait avec son sac, sécurisé par des cordages dans des frondaisons plus en hauteur, et il ne portait sur lui qu'un sabre. La conscience de notre proximité dans des conditions de pacifisme et de parfaite lucidité me faisait une drôle d'impression.

— Est-ce que quelqu'un sait que tu es là ? demanda-t-il.

— Personne, dis-je après m'être raclé la gorge.

L'énergie de Seth reposait toujours comme le filet tranquille d'un ruisseau, signe qu'il n'avait pas encore rouvert les yeux ou du moins qu'il n'avait pas découvert ma disparition. Tout en disposant entre nous quelques fleurs radiant de rouge, j'attaquai :

— Nous n'avons pas beaucoup de temps avant qu'on remarque mon absence. C'est donc moi qui vais poser les questions. Si je comprends bien, vous défendez l'idée que le Sidh était autrefois gouverné par d'autres dirigeants que les Bansidhes, c'est bien ça ?

Il acquiesça.

— Quant au Cristal de Fal... vous prétendez qu'il était partagé ?

Nouveau hochement de tête. Dans le clair-obscur, son regard tirait à l'ocre et son visage était rendu solennel.

— D'accord. Donc ce projet de « ligue de l'Ordre »... j'ai l'intuition qu'il avait pour but de réunir le Cristal. De même que d'anciens territoires ont été unis aujourd'hui. C'est ce que semblaient indiquer les parchemins.

« Moi, Ulf de Dralthorn, atteste joindre la ligue de l'Ordre et répartir le territoire selon la décision commune. »

Azelor replia une jambe sous lui en laissant l'autre pendre dans le vide.

— Tout à fait. Auparavant, Asraell n'était qu'une terre parmi les autres, gouvernée par Malve. Il existait seize contrées majeures, indépendantes les unes des autres, chacune avec sa propre autorité. Et son propre fragment de Cristal.

Il attendit ma réaction. Le cœur affolé, je l'incitai d'un geste hâtif à poursuivre.

— En revanche, avec les divergences d'idéologie, les discordes régnaient et la paix n'était qu'une affaire d'années, au mieux de siècles. Il y a un peu plus de quarante-cinq ans, l'Est a lancé une grande opération de conquête dirigée par Malachi Cœur de Pierre, le dirigeant du Shalabar à l'époque. Il voulait étendre son empire. Les shalabors ne connaissaient pas la peur et ils ne laissaient sur leur passage que des terres désolées où les survivants étaient réduits en esclavage.

« Les autres continents ont d'abord suivi le conflit de loin. Tant que l'empire se confinait à l'Est, ce qui s'y passait ne les dérangeait pas. Ils ne se sont sentis impliqués qu'à partir du moment où les shalabors ont envahi la corne du Sud. Lorsque Credras est tombée, Hyily de Rhaële a lancé un appel à l'aide et ses pairs ont répondu.

Je gardai le silence, trop occupée à analyser chacune de ses paroles.

— Vois-tu, la coalition vient d'une – relative – bonne intention, au départ, continua Azelor. On ne sait pas vraiment si l'idée de la ligue a été émise par Malve elle-même mais Asraell, de par sa position, – et plus exactement Cérule – a été le siège des conseils de guerre. On raconte que Malachi Cœur de Pierre utilisait l'énergie de ses cristaux pour rendre ses guerriers plus rapides et plus forts. La ligue de l'Ordre s'en est inspirée et... Je suppose que tu sais ce qu'est le Chaudron ?

— Oui, répondis-je, fronçant les sourcils. Un amplificateur de magie.

— C'est exact. Eh bien, un des Treize l'avait en sa possession. Ils ont alors décidé de mettre en commun leurs cristaux et, armés du Chaudron, ils ont maudit les terres de l'Est. L'herbe grasse est devenue sable, le lit des rivières s'est asséché, le soleil est devenu un fléau. Il a fallu moins d'une année pour affaiblir l'armée du Shalabar et, au prix de nombreux sacrifices, la ligue a porté le coup de grâce.

« Les Treize ont désiré poursuivre la collaboration en établissant des pôles de surveillance sur chaque continent. Quelques semaines après la victoire, ils ont voulu récupérer leurs cristaux et il a été décidé de diviser entre les eux les fragments que Malachi avait en sa possession. Mais il y a eu la Nuit du Parjure et douze d'entre eux sont morts. Assassinés. Même les enfants, dit-il après un silence. Les enfants qui étaient là ont disparu...

— « Il y a eu » ? rebondis-je. Tu dis donc que les Faucons n'ont jamais attaqué Cérule ?

— C'est ici que tu vois la ruse de cette femme qui s'est proclamée souveraine. Nous n'avons jamais lancé d'assaut, pas en ce jour si sombre. Les Faucons, à l'origine, sont une invention de Malve. Elle savait qu'une révolte éclaterait lorsque les contrées apprendraient la mort de leurs chefs ; elle l'a anticipé en arguant qu'un groupe de rebelles revendiquait cet assassinat. Elle a manigancé elle-même des saccages de villages au nom d'une organisation qui se terrait dans l'ombre. Et elle a fermé les portes de Cérule sous prétexte que l'Ordre se devait de préserver le Cristal tant qu'on ne saurait pas d'où venait l'ennemi. Évidemment, comme elle l'avait prévu, des vagues de protestations ont commencé à monter de la part de ceux qui l'accusaient de trahison. Mais cela n'a fait qu'alimenter les rumeurs déjà bien propagées dans les terres...

« Le Sidh fut profondément mitigé : le peuple hésitait à rejoindre le groupe des Faucons Libérateurs – c'est ainsi que nous nous nommions –, qui inculpait Malve, tandis que d'autres la croyaient survivante d'une conspiration orchestrée contre les Treize. Il n'y avait plus aucun dirigeant, il ne restait qu'elle et l'Ordre avait contré la menace du Shalabar. Comment le peuple pouvait-il tourner le dos à la dernière des membres du parti qui les avait sauvés ? Alors nous avons continué à lutter, le temps d'accroître nos effectifs, puis nous avons déclaré la guerre. Une nouvelle fois.

Azelor marqua un silence, portant ses yeux dans l'épaisseur de la forêt. J'étais désormais pendue à ses lèvres.

— Nous avons perdu, asséna-t-il, le front ombrageux. Et cette guerre a joué en notre défaveur car elle a miné les esprits. Malve était en possession du Chaudron et du Cristal de Fal ; elle n'a eu qu'à user de la magie noire pour lancer son rituel d'oubli, et le monde a perdu son histoire.

Il m'en avait déjà parlé à Artiria. Mais un point fondamental me travaillait :

— Pourquoi certains y auraient échappé ? Pourquoi vous ?

— Sa magie est très semblable à un rituel des Sœurs Grises. Seuls ceux qui croyaient dur comme fer à la vérité en auraient été exemptés.

Ma bouche s'assécha. Un sentiment d'horreur m'envahissait. La Bansidhe qu'il dépeignait était un personnage complètement terrifiant dans tout son intellect. Ma raison se refusait de l'accepter.

— Mais la magie noire a un coût ! protestai-je vivement. Son usage ne peut laisser personne indemne, encore moins pendant quarante ans et avec des rituels de cette ampleur ! Comment Malve peut-elle être restée telle qu'elle est si ce n'est qu'elle a été choisie par Dana ?

— Parce qu'il n'est pas nécessaire d'avoir été choisie pour s'approprier le Cristal. Néanmoins, retire-lui ce torque brillant qu'elle arbore nuit et jour. À mon humble avis, elle est bien incapable de vivre sans.

Et le regard perçant qu'il faisait peser sur ma figure déboussolée continua d'ébranler mes pauvres convictions.

— Ce Chaudron dont tu parles..., soufflai-je d'une faible voix. On raconte qu'il a été perdu et que l'Ordre est à sa recherche...

— Allons ! Après tout ce que je viens de te raconter, il ne te vient même pas à l'esprit qu'il puisse s'agir d'un nouveau mensonge ?

Désemparée, je portai mes doigts à ma bouche pour grignoter anxieusement mes ongles. S'il disait vrai... Était-il possible qu'Armandiel m'eût menti ? À moins qu'il fût lui aussi l'énième pantin d'une trame plus grande que nous ?

— J'ose espérer que tu as conservé les traités, continua insensiblement Azelor. Il s'agit des authentiques et Rehad a pris le risque de te les confier. Et je me suis donné un mal fou pour te les retrouver avec ces saletés de dalgardraks dans les parages...

Je m'éclaircis la voix et croisai les bras sur ma poitrine pour me donner une contenance.

— Tu dis que Malve a modifié la mémoire commune, sans doute pour évincer les preuves. Et qu'elle a... tué les autres. Mais je trouve étrange que son seul objectif ait été de prendre le pouvoir pour elle seule.

— Cela t'étonne-t-il vraiment ? Tu connais la Bansidhe, tu as vu en elle. Elle prône la paix mais bien sûr que le Sidh est pacifié maintenant qu'elle a rayé ses ennemis de la carte !

— Je ne sais pas, rétorquai-je. Tu dis que le Cristal de Fal n'est pas fait pour être réuni, mais alors pourquoi la Grande Rupture a causé tous ces bouleversements ?

— Nos chercheurs ont émis leur théorie...

Comme j'attendais une explication, il déroula son exposé. Selon ses propres mots, ce phénomène était dû au trop grand afflux d'anima concentré en un point qui avait explosé soudainement. De telles manifestations auraient déjà eu lieu dans les semaines qui avaient suivi la Sainte Union. Le temps, à lui seul, serait à même de répartir l'énergie avec équité.

— ... La même chose s'est reproduite lorsque Tartoth causé la rupture, termina-t-il. Si l'Équilibre n'est pas encore atteint, c'est parce que la pierre de Fal change sans cesse de disposition.

— Il faut en conclure que vous détenez des fragments ?

Il se contenta de me regarder. Il avait des façons subites de se taire assez embarrassantes.

— C'est une question à laquelle je ne peux pas répondre.

— Très bien, fis-je. J'ai une dernière chose à te demander. Dans ta version, d'où proviennent alors les crocottas, les chiens noirs ?

— Tu le sais bien. Nous savons qu'un crocotta s'en est pris à toi quand tu as décidé de fuir l'Ordre. D'après toi, pourquoi ?

— Vous ne saviez pas qui j'étais, ça n'est pas un argument en votre faveur, ripostai-je farouchement.

Il caressa un coin de sa lèvre tandis qu'il souriait.

— Tu as raison, admit-il.

— Et je n'exclue pas la possibilité que le barghest de la dernière fois était envoyé pour nous faire changer d'avis à votre sujet... ! Je parle du sceau, notamment. Le sceau est un faucon !

— Comme je te l'ai dit, nous nous faisions appeler à l'époque les Faucons Libérateurs, en hommage à Ulf qui était un sorcier et dont le familier était un faucon. Il se raconte qu'à sa mort l'oiseau a hurlé pendant des jours avant de disparaître. Mais notre nom a été diabolisé par la suite. C'est de là que vient le sceau. Quant aux bêtes rôdeuses...

Il hésita. Je soutins les gemmes qui brillaient dans ses orbites.

— Nous avons eu recours dans le passé à des rituels impies. Mais cela n'a duré que le temps de la guerre.

Cette partie ne me convainquait pas réellement. Il me fallait y réfléchir à tête reposée.

— Et les messages de propagande ? repris-je. Comme quoi je vous apporterai la victoire ? Dois-je rappeler que vous faites aussi des victimes là où vous frappez ?

— Personne n'est blanc comme neige, ma chère Kaly, dit durement Azelor. Je ne te cache pas que nous avons toujours voulu de toi parmi nous. Tôt ou tard, tu allais apprendre la vérité. D'autant plus que nous avons appris que tu étais devenue proche d'un de nos espions sur place.

— Vixe, murmurai-je.

— Vixe, confirma-t-il.

De nouveau, je mordillai l'ongle de mon pouce, osant à peine le regarder en face après ces confidences.

— Quelles preuves as-tu ? demandai-je finalement.

— Les preuves tangibles sont dans ce que nous avons réussi à sauver des flammes et dans le regard des miens, déclara-t-il d'une voix grave.

La masse dans ma gorge s'appesantit tant cet individu paraissait porteur de vérité. Absolument désarmée, je redescendis de l'arbre à prises hasardeuses ; je tremblais de tout mon long. Une dernière question toutefois franchit mes lèvres :

— Alors pourquoi m'avoir abandonnée ? Rehad, Tartoth ? Pourquoi m'ont-ils laissée ?

— Cette histoire doit t'être racontée par Rehad lui-même.

— Mais nous rentrons à Asraell, je ne sais même pas où est Rehad ! protestai-je, la poitrine agitée et lourde – si lourde !

— Je crois que tu le rencontreras en temps voulu, dit-il calmement.

Pourquoi me sentais-je ainsi prise dans les engrenages de la fatalité ? Rehad me suivait comme une ombre, comme le fantôme de Tartoth. Je percevais leur essence comme autant de particules dans l'air. Sur le point de repartir, je relevai les yeux.

— Azelor ?

— Oui ?

— Je... j'ai besoin de temps. Pour... réfléchir.

— Bien sûr.

Pour la première fois, son visage affichait de la compréhension en lieu et place de son masque d'arrogance.

— Sois prudente entre les murs de l'Ordre, dit-il quand je me fus retournée. Il y a des dangers dont ton brave capitaine ne saurait te protéger.

Cette fois-ci, je fus la première à disparaître et la nuit au retour me parut bien plus sombre, occultée par des mystères insondables.

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