29 - Porteur d'orage

— Cela ne me dit rien, songeait la bibliothécaire en glissant son index le long de la page. « Nuhöll », « Gameï », « Femaë », répéta-t-elle en relevant ses yeux lumineux sur moi. Non, décidément... Où en avez-vous entendu parler ?

— J'ai lu ces noms dans un guide d'alchimie, mentis-je. À défaut de villes ou de villages, j'ai cru qu'il s'agissait peut-être de contrées dont je n'avais pas connaissance.

C'était Kreg qui m'avait donné le nom de cette historienne quand je lui avais fait part de mes velléités de me pencher sur le passé du Sidh — une unicorne à la longue chevelure blond vénitien absolument charmante, avec laquelle il avait eu, à n'en pas douter, une aventure passagère.

La bibliothécaire m'orienta alors vers un des murs de la pièce où était apposée une immense carte du monde.

— Impossible, dit-elle. Comme vous devez le savoir, les régions ont une construction systématisée. Les directions cardinales donnent leurs noms aux quatre terres annexées à Asraell. De là, il existe des fragmentations en sous-régions. Par exemple, la Terre du Nord compte les Terrains Champêtres, les Terrains de la Brise, les Champs de Foudre... Il existe des îles, bien sûr, mais aucune ne porte un nom tel que vous avez cité. Si vous êtes certaine de leur orthographe, s'entend.

— Oui, j'en suis sûre.

— Alors j'ignore ce que vous avez lu. Questionnez quelqu'un d'autre, ce n'est plus mon domaine.

— Et la carte n'a-t-elle jamais connu de changements ?

Son regard effaré me mit mal à l'aise.

— Quelle idée bizarre ! Pourquoi aurait-on fait cela ?

— Je ne sais pas, prétendis-je. Les temps changent, surtout depuis la Grande Rupture.

— Sur ce point, vous avez bien raison, soupira-t-elle ; que Dana nous vienne en aide ! J'ai répondu à vos questions ou vous aviez besoin d'autre chose ?

— Non, ce sera tout. Je vous remercie pour votre temps.

Je lui tournai le dos et comptai jusqu'à trois avant de me frapper le front.

— Ah, si ! Pourriez-vous informer messire Elvenn qu'il est attendu au Refuge ? Inhannaë est furieuse qu'il ait manqué leur rendez-vous.

Cette évocation la laissa perplexe.

— Qu'est-ce qui vous fait penser que je sais où il est ?

Je me tournai suffisamment pour désigner le mince couloir qui cheminait sous deux colonnes de bibliothèque.

— Quelqu'un m'a dit qu'il s'y trouvait.

— Aux archives ? s'étonna-t-elle, mais elle se leva, faisant froufrouter sa robe fleurie, gagna un secrétaire, dont elle ouvrit le tiroir et passa en revue un dossier. Non... C'est bien ce que je pensais. Le registre est vide aujourd'hui.

— Oh, très bien ! Je dirai à Inha de le chercher ailleurs. Excusez-moi pour le dérangement.

Sa bouche pulpeuse se serra et elle me fit face, les sourcils troublés.

— Hum... qui êtes-vous encore ?

— Juste une amie de Kreg, lançai-je en lui adressant mon sourire le plus désarmant.

Je quittai les lieux d'une démarche volontairement dansante. Arrivée dans ma chambre, je fermai la porte à clé derrière moi. Sans perdre une seconde, je fouillai dans un de mes tiroirs et m'accroupis avec une craie à la main.

Personne. C'était le moment.

J'avais quelques remords à devoir mentir mais la scène que j'avais surprise l'autre soir avivait ma méfiance envers la Bansidhe. D'autant qu'il m'était difficile de réclamer une nouvelle autorisation pour accéder aux archives sans attirer de soupçons.

Cela dit, si je me faisais prendre, je n'aurais aucune excuse.

Le cercle terminé, j'admirai mon œuvre. La magie était toujours très belle et j'étais fière d'être sorcière. Je me plaçai ensuite au centre du cercle et fis le vide dans mon esprit. Je me concentrai sur mes souvenirs de la salle des archives : l'odeur, les livres, le poudroiement des grains de poussière dans le flot de lumière blanche, les étagères de bois verni... Les sonorités de la langue ancestrale dansèrent sur le bout de ma langue.

Un battement de cœur plus tard, j'étais arrivée à bon port et la pièce était vide.

Préparant déjà un cercle pour le retour, un instant je voulus me défiler : fille de sorcière traîtresse, mes agissements n'intercédaient guère en ma faveur...

Ma fuite dorénavant assurée, j'optimisai mon temps et décidai de feuilleter un par un les manuels politiques. Une fois de plus se dégagea la liste des ancêtres de la Bansidhe – ces femmes au grand pouvoir et choisies, selon la légende, par le hurlement de Dana. Une demi-heure me suffit pour tomber sur ce que je cherchais.

Ou plutôt, ce que je ne cherchais pas.

« Moi, Ulf de la Terre du Nord, atteste joindre le Conclave et jure œuvrer pour le bien de l'Ordre sous le règne de la Bansidhe Malve. »

Les pages concernées étaient coincées dans la reliure. Je les inspectai avec une grande confusion. Ces traités n'avaient rien à voir avec les miens : d'une part, ils étaient intacts, sans le moindre stigmate d'incendie, le texte officiel était changé, et surtout, les noms différaient ! Au lieu de « Ulf de Dralthorn », on trouvait « Ulf de la Terre du Nord », au lieu de « Bregelgo de Vaar » était inscrit « Bregelgo de la Terre du Sud », etc... Ces variantes me laissant croire que les parchemins en ma possession mentionnaient des régions anciennes – des régions modifiées, comme je l'avais soupçonné. Du reste, je pris soin de compter le nombre de feuillets.

Il y en avait douze. Il en manquait un.

Bien entendu l'équivalent du parchemin sur lequel j'avais imaginé la figuration de : « Malve d'Asraell ».

Mes mains devinrent moites. Ceci n'était pas de bon augure. Qui donc mentait ? Qui avait copié sur qui afin de créer des traités imposteurs ? Pouvait-on véritablement inventer de telles régions ? Et dans ce cas, Malve avait-elle évincé les autres ?

Un horrible cliquetis de serrure m'arracha au tourbillon de questionnements. Je remis rapidement le dernier livre à sa place et tombai à genoux dans mon cercle en murmurant l'incantation de traversée. Le décor de ma chambre se reforma autour de moi.

Encore sous le choc de mes réflexions, je restai longtemps à genoux, immobile. Je commençais à être effrayée par cette situation qui m'échappait de plus en plus et me terrorisait du fait de son issue. Les Faucons Obscurs avaient-ils eu raison depuis le départ ? Depuis quarante ans ? Par Falias, je ne savais plus quoi penser. Et Dana, alors ? Qu'attendait-elle de moi ? Voulait-elle... voulait-elle en vérité que je poursuive l'œuvre de Tartoth et m'oppose à sa réunification ? Le Cristal souffrait-il de sa manipulation ? Ou souffrait-il bien de sa rupture ?

Alors que j'étais toujours au sol, inerte dans ma propre torpeur, quelqu'un toqua au battant de ma porte. Trois coups secs. Je regardai mon reflet blême avec panique, lissai ma robe jaune en vitesse et me présentai au seuil. Reska m'y attendait, la main sur sa ceinture.

— Tu es attendue auprès de Bánh Malve. Tout de suite.

Son visage, aux traits sévères, était fermé. Je suis découverte, pensai-je. Mais comment... ? Qui ? Les cercles de rituel disparaissaient une fois la magie accomplie, je ne comprenais pas, j'avais pourtant tout prévu !

Tout en me faisant violence pour garder mon sang-froid, je hochai la tête avec un sourire crispé et suivis Reska jusqu'à la chambre du Cristal. Le comité était réuni autour de la table, cette fois même assisté par les seconds. Sous les regards de tous, hélas, un salut resta coincé dans ma gorge. Plus coupable que jamais...

La Bansidhe me détaillait avec un air sombre, si sombre que je fus soudain persuadée qu'elle avait tout découvert à propos de mon équipée dans les bois de l'Ouest. Cette idée me tétanisa. Elle prit aussitôt la parole.

— Un de nos oiseaux messagers est revenu ce matin. Il a été intercepté par les Faucons et s'est directement présenté ici avec un message. Il s'agit d'une véritable menace cette fois-ci, annonça-t-elle en faisant léviter jusqu'à moi le papier en question. La deuxième en l'espace de quelques jours seulement.

— Encore ? m'interrogeai-je avant de prendre connaissance du message. « À la Bansidhe : dites à votre Sang-Premier de nous rejoindre ou nous lui prendrons ce qui lui est cher. »

L'extrême surprise m'ôta d'abord les mots de la bouche ; mon front se plissa.

— Quoi... ?

Seth me fixait, les épaules tendues. Ses yeux dorés me faisaient l'effet de charbons ardents.

— Ne crains rien pour tes amis, dit alors Malve. Avec Himalaye, la ville sera sous protection renforcée. Comme tous les ans, la plupart des paladins ont été rappelés à la capitale. Reska déploiera des calomnieurs qui travailleront de concert avec nos sentinelles. Il serait fou de tenter une intrusion pour les jours à venir ; ne parlons pas de commettre un crime...

­— Vous avez déjà reçu des messages de la part des Faucons ? En général, il s'agit de propagande, non ? m'enquis-je, perplexe.

— C'est la première fois mais nous devons nous attendre à toutes sortes de revirements à l'avenir. Leur objectif principal a changé désormais : c'est toi qu'ils veulent.

Le regard de la Bansidhe se fit tranchant.

— Je ne sais pas ce que vous en pensez, repris-je, mais je trouve cette menace assez improbable. Pourquoi maintenant, ici, et pas en Terre de l'Ouest où nous étions des cibles amplement plus faciles ?

J'aurais pu leur opposer que j'avais rencontré un Faucon en personne et qu'il n'avait aucunement cherché à mettre la main sur moi. J'estimais cependant plus sage d'omettre cette information.

— Ton escouade est un précieux rempart. Ils ont dû juger qu'un assaut leur serait délétère. Et plus encore, tu es celle qu'ils devraient craindre plus que quiconque. Tu es une Sang-Premier. Ils ne risqueront rien tant que tu seras en pleine possession de tes pouvoirs.

Cette perspective me fit tressaillir.

— C'est à ça que sert l'Igelune, n'est-ce pas ? demandai-je en baissant d'un ton.

— Effectivement, acquiesça Armandiel, qui se tenait dans sa robe pourpre rehaussée d'attaches d'or, immobile et altier. Le métal a la capacité d'inhiber le Don. Le jour où les Faucons décideront de passer à l'attaque, il y a fort à parier qu'ils emploieront ce moyen. Les êtres comme toi et moi sommes extrêmement vulnérables, dépossédés de nos pouvoirs.

— Tu oublies que des paladins l'ont formée, intervint Seth d'un ton brusque. Elle est capable de se défendre. Je m'en suis assuré.

— Il nous est difficile de prévoir le prochain mouvement de l'ennemi, déclara calmement Malve. Cependant, j'ai foi en l'avenir. Tout s'est déroulé comme prévu jusque là, et pour une simple et bonne raison : la main de Dana nous accompagne tout comme la volonté de Falias nous protège. Alors, je vous prie de continuer et d'accomplir votre devoir, enfants de Fal. Nous nous chargeons du reste.

Lorsque la Bansidhe, après ces mots, mit fin au conseil, il était clair qu'elle n'avait pas prédit l'audience que je solliciterais auprès d'elle. Elle attendit que tout le monde eût quitté les lieux avant de me demander, d'une voix impavide :

— As-tu besoin de quelque chose, Kaly ?

— Accepteriez-vous de me raconter, ma dame, ce qui s'est passé... Ici... Il y a quarante ans ?

Si j'avais cru que ma demande la ferait réagir, il n'en fut rien. Elle croisa ses doigts fuselés sur la table.

— La Mort est passée, répondit-elle sans que son visage souverain trahît une émotion. La mort et l'ambition et la jalousie. Mes magistrats ont été égorgés dans leur sommeil. Il n'y a eu aucun cri, aucune lutte. Seulement des vies qui se sont éteintes d'un moment à l'autre... L'Ordre avait été inauguré depuis trois révolutions de lune, nous n'avions pas envisagé qu'une sédition fomentait déjà. Les malheureux du Conclave n'ont pas été les seules victimes. Nul ne sait comment, ni pourquoi mais trois dragons ont surgi dans le ciel et ont ravagé une partie de Cérule. Des soldats et des civils ont péri cette nuit là. J'aurais moi-même succombé si mes gardes n'étaient pas intervenus à temps. Un stratagème bien bas et cruel car quand l'aube s'est levée, aucun ennemi n'était en vue.

— Mais il y a eu une guerre plus tard...

— C'était cinq ans après la Nuit du Parjure. Nous supposons qu'en vérité les Faucons ourdissaient leur rébellion depuis longtemps. Le jour où leur armée s'est présentée aux portes de Cérule, ils étaient tellement nombreux ! Moins que nous, bien sûr, mais comment un corps de cette ampleur avait-il pu se réunir dans le plus grand secret ? Ils se tenaient en rangs sans trembler et clamaient haut et fort, comme un chant de guerre, qu'ils ne se soumettraient jamais aux Bansidhes.

Elle arrima ses prunelles bleutées aux miennes. Malgré mon envie de la fuir, je ne bougeai pas d'un millimètre.

— Mais tu le sais bien, enfant de Fal, tu le vois, je prends à cœur l'ouvrage que Dana m'a confié. On ne peut lutter contre son propre destin.

— Je sais, ma dame, murmurai-je, un goût de métal sur la langue.

— Ce sont donc eux qui ont lancé les hostilités vers Asraell. Beaucoup de sang coula sur nos terres mais nous sommes parvenus au prix de nombreuses vies à protéger le Cristal de Fal et à garder Cérule. Terrassés par leur défaite, les Faucons ont renoncé à l'offensive et se sont repliés ; nous pensions que les années avaient eu raison de leur parti... jusqu'à l'arrivée de Tartoth. Cela a été un coup bas et un coup des plus durs. La rupture du Cristal de Fal a affaibli le monde à un point que tu n'oses pas imaginer.

— On m'a un peu raconté durant les expéditions, dis-je d'un air vague, cette histoire de déchaînement d'éléments...

Les yeux de Malve étaient rêveurs.

— Tartoth... Vous aviez l'air proche d'elle, je me trompe ?

— Je lui faisais confiance, dit-elle froidement. Si j'avais su ce qu'elle prévoyait de faire, je...

Elle s'interrompit.

— J'ai des doléances à entendre, Kaly. Tu m'as déjà retenue suffisamment longtemps.

— Bien sûr, m'excusai-je en me levant. Merci de m'avoir reçue. Que Dana vous protège, ma dame, aujourd'hui et pour l'avenir...

Quelque chose dans sa voix m'incitait à croire son discours – une note... brisée. Je pris le chemin de la sortie sous ses yeux inquisiteurs et allai faire un tour à l'arène où Kreg prenait un malin plaisir à martyriser Vixe. Notre capitaine était torse-nu, son dos hâlé et musculeux trempé de sueur, et il malmenait un sac de frappe avec une fougue qui me donnait envie de l'apaiser. Je trouvai tout à coup ma souffrance pathétique. Évidemment que mes espoirs étaient vains. Comment un homme tel que lui aurait-il pu vraiment s'intéresser à moi ?

Seth m'aperçut au moment où je m'esquivais par la sortie des jardins. Le ciel était d'un bleu à jalouser aux tropiques malgré le vent de fraîcheur. Enveloppée dans un châle, je fis quelques pas pour m'éclaircir les idées. Rentrer à l'Ordre me rappelait cruellement l'absence d'Edda et Gunvor dans ce tableau de couleurs. Je les voyais encore, assises dans l'herbe, enveloppées dans leur éternelle coquetterie : Edda coiffée de son chapeau et Gunvor agitant son éventail. J'entendais leurs rires, je me souvenais de notre complicité et de leur douceur maternelle.

Je m'assis sur un banc et exposai mes jambes frileuses au soleil. La flèche des Faucons Obscurs avait laissé une cicatrice boursouflée à l'arrière de mon mollet gauche. Les Faucons Obscurs, toujours. Je ne cessais de penser à eux, à leurs motivations, à Tartoth.

Ah ! Tartoth, pensai-je. Si seulement elle était là ! J'avais l'impression qu'elle avait trouvé les réponses que je cherchais aujourd'hui. Malve était étrange, plus encore : elle était inquiétante. Mais qu'importe mon ressenti envers elle, il ne suffisait pas à la condamner. Quant à la nouvelle menace proférée par les Faucons, je n'y trouvais aucun sens. Pourquoi faire cela et risquer ma méfiance quand je venais de suivre la piste qu'ils m'avaient indiquée ?

Inhannaë, de bonne humeur, vint me trouver dehors.

— Tu souhaitais que nous déjeunions ensemble, n'est-ce pas ?

J'acquiesçai en me levant, ravie de pouvoir me changer les idées. La guérisseuse et moi préférâmes prendre des rations sèches et revenir pique-niquer dans les herbes afin d'être au calme. Pour autant, elle souhaita s'installer à l'ombre car elle ne désirait pas dorer sous les rayons – et il était vrai que sa peau satinée avait tout à perdre au soleil.

— Comment te sens-tu, Kaly ? demanda-t-elle quand nous eûmes déployé sa nappe brodée. Oh, je t'en prie, ne joue pas à ça avec moi ! Vous parcourez de grandes distances tous les jours dans un environnement stressant et vous êtes isolés du reste du monde. Contrairement aux autres, tu n'as pas été formée comme un paladin. En plus de t'épuiser et de risquer ta vie, tu as vu un camarade disparaître.

Elle ancra sur moi ses yeux cristallins.

— Il y a eu des hauts et des bas, admis-je, espérant qu'elle ne perçoive pas les tremblements dans ma voix. Mais quand on n'a pas le choix, on fait avec. Je tiens trop à la vie pour me laisser abattre.

— J'avais remarqué... Il n'y a pas trop de tensions ?

— Émïoka ne m'inspire pas toujours confiance et je crois qu'elle ne m'apprécie guère beaucoup. Mais on arrive à s'accorder. Quant à Reska, il est moins impliqué dans ma survie qu'à déterminer si je suis un jouet ou de la nourriture...

Je poussai un soupir.

— Mais au final, tout le monde prend soin de moi. Avec les rencontres que nous faisons, je ne pense pas que j'aurais survécu toute seule une journée.

Surtout sans mon capitaine, à vrai dire, et je devins morose à cette pensée... En regardant Inhannaë assise le port droit, d'une splendeur fécondée par la quintessence des peuples elfiques, je sentis encore une fois un feu honteux de jalousie dévaster ma poitrine, et ne pus contenir une remarque :

— Quand nous étions à l'Ouest, Seth m'a raconté ce que tu représentais pour lui.

— Oh, vraiment... Il ne partage pas cela avec n'importe qui.

Un sourire amène fleurit sur son visage. Déroutée par sa réaction, je promenai mes doigts sur le tissu argenté de la nappe.

— Je... je sais. Tes parents ont fait preuve d'une belle générosité. Ont-ils envoyé d'autres garçons comme lui à l'Ordre ? m'enquis-je.

— Non. Un certain nombre de miséreux sont passés entre leurs mains au cours de leurs pèlerinages au Sud mais ils n'ont jamais offert une telle opportunité à un autre – tu imagines bien qu'ils seraient ruinés autrement. Mais quand ils ont trouvé Seth, ils venaient tout juste de gagner une grosse somme pour avoir sauvé la fille malade d'un vicomte et ils me racontent encore qu'ils ont eu... une intuition, dit-elle d'un air songeur. L'intuition que ce jeune garçon devait accomplir quelque chose.

— Est-ce qu'il le sait ? m'étonnai-je.

— Non. Et pourtant même s'ils l'ont tu, cela n'a pas empêché Seth d'être là où il est aujourd'hui. Je suis donc intimement persuadée que Falias lui réserve de grands projets.

Je pesai longuement ses paroles. Elle observa la fontaine et son regard s'éteignit quand il revint sur moi.

— Vous partez pour le Sud, tu comprendras par toi-même.

Je n'étais pas si sûre de le vouloir.

— Tu comptes aller à la fête demain ? lui demandai-je d'un ton plus léger. Vixe m'a fait les yeux doux pour que je l'accompagne.

— Et tu as bien raison, ma chère ! Je dois passer mon tour cette année ; c'est à moi de tenir le Refuge. Et non, je n'ai certainement pas besoin d'aide, me devança-t-elle en me voyant ouvrir la bouche. Va et amuse-toi, tu l'as mérité.

Je piochai un biscuit et hésitai quelques secondes, timide.

— Est-ce que tu sais où je pourrais me trouver une jolie tenue ?

Le visage d'Inhannaë rayonna. Dès que nous le pûmes, nous remballâmes donc nos affaires pour rejoindre le centre-ville. Passer du temps avec la guérisseuse me faisait plaisir. Précieuse comme le sont les elfes, elle préférait m'emmener dans les boutiques hors de prix. Elle me proposa un éventail de robes et d'ensembles tous plus somptueux les uns que les autres, d'un style de blancheur hivernale à des tons de nuit étoilée, passant par le rose pâle de l'aube. Malgré tout, je n'avais pas encore trouvé mon bonheur. Dans la cinquième boutique, j'entendis finalement son exclamation ravie :

— Kaly, si ça ne te plaît pas, alors je ne peux plus rien pour toi !

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