5. Esprit vagabond
Je me suis pris une petite boisson en pensant me vider l'esprit. Je ne fais que m'en poser encore plus des questions au final. Ce truc ne marche peut-être plus. Je me rappelle de ce rêve d'il y a une semaine. Ce n'est que le résultat d'un mauvais mélange, enfin j'espère. Je veux y croire à ce que j'ai vu. Je me demande si ça peut finir comme Alice qui se réveille ou je vais demeurer prisonnier dans le terrier pour avoir couru trop après ma lapine.
Il me reste toujours ce problème qui me fait douter ; cette fillette sortant des films d'horreur me questionne avec sa voix d'ange dans ce corps démoniaque :
– Pourquoi tu m'ignores depuis des années, grand frère ?
Je me retourne vers le fantôme de la jeune fille qui est ma petite sœur. Même après son décès, son esprit conserve des marques : une bouche en sang, des bleus sur les deux bras et une chance qu'elle n'a plus de jambes parce qu'ils ont été détruits dans le choc de l'accident. Les globes oculaires des spectres sont blancs et vides d'expression. C'est triste ; elle est née avec les yeux d'une belle couleur noisette. Elle a gardé ses longs cheveux noirs corbeau qui ont charmé plusieurs garçons de son école primaire. Sa robe blanche cache toutes les blessures de son corps. Une chance, la vue de ceci m'est insupportable. Je la questionne :
– Est-ce que tu existes vraiment ? Je n'ai aucune preuve que tu es vraiment là. Comme mon psychologue avait dit ; tu es peut-être juste une image que je me fais pour ne pas te laisser partir dans la mort. C'était surement un mélange avec un deuil traumatique et du déni.
Est-ce qu'il faut croire les adultes en vrai ? Est-ce que ce n'est pas mieux de rester un enfant dans le mensonge toute sa vie ? Je me le demande toujours en l'observant libre dans ce monde.
– À toi de choisir, je ne peux pas imposer ma présence si tu ne veux pas me voir. Je peux disparaitre et réapparaitre comme tu le désires, mais quand tu seras prêt je vais devoir partir. C'est la règle des esprits.
Je persiste un moment, figé, à raisonner. Je repense à l'accident, aux personnes pleurantes face à ce minuscule mort dans un cercueil, aux disputes de mes parents sur la mort d'Audrey-Anne... Je me suis assis sur le divan donnant une vue sur la porte-patio et qui donne sur la rue. Il faut que je pense comme il le faut. Je deviens fou de revoir toujours ces images dans ma tête. Elle est morte. Je revois son cadavre sous la voiture et en arrière-plan un arbre. Je regarde souvent l'érable que je vois dans mon salon par cette porte en vitre. Il y a toujours eu cet arbre que je regarde chaque jour. Il est magnifique avec une partie des branches mortes et quelques feuilles survivantes. Je me tourne vers ma petite sœur encore debout dans la cuisine entre les cannettes entassées et la vaisselle sale. Je lui confirme :
– Je ne veux pas que tu partes. En fait, je veux juste qu'on me dise que je suis normal. Je veux me sentir attacher avec les autres à observer les ombres au lieu d'être au grand air.
– Tu demandes à un fantôme de te le dire. J'ai beau avoir 10 ans physiquement. J'ai quand même 14 ans. Tu demandes au truc le plus surnaturel de ta vie de te dire : « tu es un zombie de la société. ».
Une image me revient à l'esprit, son sourire avec ses étoiles dans les yeux. Elle est le truc le plus étrange de ma vie. Je ne réagis pas. Je ne fais que penser que la situation bizarre. Je regarde le cristal sur le sol sans savoir quoi faire. Est-ce que Fay viendra le retrouver ? Pourquoi me brule-t-il la peau ? Elle regarde le cristal avec moi et elle m'informe :
– Notre famille et les Uniques ne sont pas les meilleurs amis. Toi, tu veux que ça change. Tu sais pourquoi je suis morte au fond, par sa faute.
Je me rappelle de ce qu'on m'a dit lors de ses funérailles. La vieille femme m'a ordonné de ne pas pleurer parce que chaque personne doit mourir pour une raison. Audrey-Anne est morte à cause de sa curiosité et qu'elle trouve ce qu'elle a envie. Sa curiosité a fini par, vraiment, la tuer.
– Tu sais plus que ce que tu peux dire. Tu as toujours été comme ça, Dreya. Tu cherches et tu trouves. Tu as fini par être sous les secrets de tout le monde. Je ne sais pas si tu es en train de me mentir.
Elle m'a fait un sourire avant de disparaitre dans une image floue. Je vais rester avec mes questions qui rentrent dans ma tête dans le plus grand tourbillon. Je vais dans ma chambre pour voir la boite de médicaments sur ma table de chevet. Je les prends dans ma main quelques secondes avant de les reposer. Je ne dois pas faire deux fois la même erreur, même si l'action est tentante.
Je me suis fait interrompre par un bruit de pas dans la cuisine. Je me suis dirigé vers ma cuisine pour apercevoir Fay qui a repris son cristal. J'ai seulement eu un contact avec ses yeux dans les miens. Elle est repartie dans une téléportation. Je n'ai pas vraiment pensé. J'ai mis mes chaussures et j'ai parcouru la ville dans un espoir de réponse à toutes mes interrogations.
Je suis un jeune et naïf qui cherche sa muse aveuglée par son inspiration. Après quelques heures d'errance, je me suis installé sur le banc du parc. L'air est frais et le ciel est devenu rose. Je regarde en face de moi.
Dans un moment de magie, je me retrouve face à elle. Elle joue un peu nerveusement dans ses cheveux pour essayer de changer mon regard d'endroit. Mes yeux fixent ses lèvres roses et fines qui bougent pour dire chaque mot comme un soulagement pour moi :
– Tu veux savoir la vérité un peu trop
Ses yeux bleus ont des étoiles et son sourire est celui d'un enfant. Je prends une grande respiration avant de fermer les yeux en me pinçant le bras. Quand je les ouvre et que je la voie toujours, je lui réponds :
– C'est bon, la vérité. On nous ment trop quand on est jeune. Alors on doit grandir pour avoir la vérité, mais une fois adulte ; on regrette la vérité et on souhaite vivre dans un mensonge. Je ne comprends plus la logique de grandir si on doit être coincé dans cette réalité.
– Tu me fais rire. On n'est pas obligé de devenir des adultes au fond. Ça fait moins mal de ne pas prévoir l'avenir. On vit un jour à la fois avec un mort sur notre table de chevet et chaque soir on la voit et on se demande : « Est-ce que je vis une autre journée avec cette pression ? » Au final, tu te dis que tu vas attendre que quelqu'un te tue comme sacrifice. Je mérite de vivre avec cette douleur. C'est comme ça que tu te sens aussi.
Je lui fais un signe que oui en repensant à chaque fois que je vois ma sœur. Elle sourit, un vrai sourit pour une fois. Il est rempli d'espoir pour un jour meilleur. Ses yeux brillent de plus en plus. Elle s'ouvre tranquillement. J'aime avoir sa confiance entre les mains comme des fils de marionnettes qui se forme tranquillement. Elle me montre le cristal, celui qui envahit mes pensées et qui me fait voir la vérité celle que j'attends. Elle a expliqué :
– C'est un cristal de mon aura. Selon mes désirs, il change de forme sur mes besoins. Quand j'avais six ans, ils m'ont forcé à détacher une partie de mon aura et la mettre sous une forme de cristal. Ça doit réagir à tout être qui possède de la magie. Ça aide, aussi, à développer les dons magiques.
– Je réagis à ton aura alors.
Elle me fait un sourire montrant ses belles dents blanches. Un rire qui remonte de son enfance est ressorti en exprimant la vérité :
– Comme toutes les personnes avec de la magie, sauf que d'habitude ça éloigne les gens. Toi, ça te rapproche, c'est ce que j'aime. Je peux être moi en fait. Pour la première fois, je ne me sens pas juger à être la perfection avec quelqu'un.
Dans ce parc sombre, je vois cette fille qui apporte les lumières une à une éclairant la scène de deux âmes perdues dépendant une de l'autre. Je reste un moment à observer sa peau blanche sans impureté, telle une poupée dans une vitrine de grand magasin. Ses bras sont cachés par un gros chandail, ses joues roussissent par la température qui diminue peu à peu. Dans ce petit moment sans mot, un jeune homme a pris Fay par le poignet pour la tournée vers lui. Ses cheveux noirs courts et sa peau basanée contrastent avec la peau claire et les cheveux blonds de la fille. Tel un équilibre entre le bien et le mal, le jeune homme est un vrai tombeur : le grand musclé avec les yeux ténébreux des livres de Bad Boy. Il m'ignore avant d'ordonner :
– On rentre Fay.
La jeune fille donne un coup pour pouvoir me donner un dernier coup d'œil. Elle m'a informé :
– Je t'attends demain à 8 h au café de l'école.
Quand j'ai crié que j'y serais, elle ne pouvait pas m'entendre. Je me suis senti un moment étrange. Les papillons de mon estomac mouraient un à un pour me laisser une douleur horrible dans l'estomac. Je ne laisserais personne me voler mon personnage... jamais.
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