3. Karma
Ça fait maintenant une semaine que je connais Fay. Elle est une personne froide et distante avec moi, mais chaleureuse avec les autres. Elle a peut-être un peu de colère due à mon statut de boursier. Je n'y peux rien, je l'ai mérité. Le problème est que je ne peux pas m'enlever de la tête le rêve que j'ai fait sur elle. Sauf, quand je vais lui parler, elle a une armée de filles qui la protège de toutes interactions.
Je me trouve encore dans la cafétéria, à la même heure, même journée, avec Nelly. Elle discute du gars d'hier sans, vraiment, me dire son nom, elle l'a surement oublié. Les tables sont ternes et les chaises paraissent noires comme mon humeur, une mauvaise description. Pourquoi je ne peux pas avancer plus sans cette fille ?
Je le sais qu'elle sait que je ne l'écoute pas, mais elle m'intéresse trop cette petite fée. Il faut me comprendre ! Je vois les trucs de mon imagination, je les vois toujours les monstres. Est-ce que c'est moi ou c'est parce que je suis un monstre que je les vois ? Nelly a fini par revenir à la prise de photo avantageuse pour son Instagram. Elle est encore à la recherche de proies. Moi, je regarde aussi ma proie dans son troupeau de moutons comme le loup que je suis.
Fay, elle est là. Elle est si jolie avec ses cheveux d'or et ses yeux de saphir. Elle représente une pureté d'un personnage innocent qui accède à notre monde. Il lui faudrait un but. Je ne suis qu'au premier chapitre de notre histoire ; une fée qui arrive chez les humains, elle doit sauver la Terre et rester incognito pour détruire un peuple nommé les Micras. Pourquoi les détruire, le peuple va la détruire ? Je sais que je ne dois pas lui en parler ici. Je sais ce qu'elle est. Peut-être, on devrait avoir un code secret pour échanger de ça, un code juste à nous deux. J'ai commencé à m'égarer quand quelqu'un m'a sorti de mon imagination :
– Tu écris encore de la fantaisie, Uldérick ! Tu devrais abandonner, ce n'est pas de la vraie littérature.
Je me retourne pour voir l'ogresse comme j'aime bien l'appeler. Elle s'appelle Kelly et elle reste la grande sœur de Nelly, pas biologique, mais d'adoption, deux orphelines inséparables. Leur physique est la première chose qui nous dit que les deux ne peuvent pas être sœurs. On a d'un côté la belle top-modèle blonde et de l'autre, une fille, aux cheveux noirs avec des yeux plus sombres que la nuit, qui a un léger « grand » surpoids. Quand j'ai rencontré Nelly, elle m'a parlé de son ainée dans le même cours que moi. Sa sœur de 23 ans qui a déjà publié son livre d'amour avec des scènes érotiques, un fifty shades of grey bâclé par un manque d'expérience dans la matière. Leur seul point commun entre ses deux opposés est leur adoration du sexe à ce que je vois. Je prends le temps pour lui répondre. Son cerveau n'est pas très rapide. Alors, je dois lui expliquer clairement avec des mots simples comme avec un gamin de maternelle :
– Je ne juge pas ton style, alors ne juge pas le mien.
Elle observe de plus près ce que j'ai écrit. Elle prend le temps de lire chaque phrase et son visage se redit. Je peux sentir le frisson de son souffle dans mon cou. Ses yeux me regardent avec une sorte de tristesse et de fou rire. Elle m'informe :
– Fay est genre en couple, alors ta fixation sur elle est juste étrange. On dirait que bientôt tu vas te faire un mur de ses photos. Nelly et moi, nous en parlions.
Même en changeant le nom, elle a reconnu la femme enfant. Je ne suis pas obsédé par elle. C'est elle qui est fascinante au final. J'ai eu un petit sourire pour essayer de contenir mon mensonge que je dois faire croire. Dure quand tu ne le crois pas vraiment :
– Je n'ai pas de fixation sur elle et, si j'en avais une, un pion, ça se tasse. Pour une fille qui écrit des histoires d'amour, ce serait bizarre que tu ne saches pas ça, à moins que tu ne saches pas vraiment ce que c'est, l'amour !
Je retourne dans mon écrit. Je sens ma respiration s'accélérer. Si l'ogresse commence à faire une rumeur sur le fait que je m'inspire de Fay et que celle-ci décide d'être encore plus froide avec moi, je ne survivrais pas à ce coup de poignard dans le dos. Ce serait comme prendre un camion sur le corps. Tout s'améliore quand Nelly me sauve la face :
– On sait tous qu'Uldérick est attiré par les grandes brunes aux yeux noisette qui ont trop de maquillage pour ce qu'elle devrait avoir. On a juste à voir son ex. Un gars ne change pas vraiment d'attirance physique avec les années. Sauf quand on parle de relation sexuelle, c'est de tout.
Je me mords la lèvre en entendant ça. Mon ex est un sujet tabou. Je ne sais même pas si je l'ai aimé. J'ai eu une attirance physique et sexuelle pour elle, mais du vrai grand amour ; je ne crois pas. Quand on ne veut plus être seule, on prend la première venue qui peut enlever son top. Après on comprend que c'est juste de gâcher sa vie à la minute où on commence à avoir des sentiments pour la personne. Le poignard est tellement profond dans ma poitrine que je peux le sentir tourner dans mon sternum pour me rappeler ; je suis là, je ne te laisserai pas être heureux après ce que tu as fait. Je reste silencieux devant mes pages propres, sans attaque d'efface. Je ne peux que penser à cette jolie Fay, qui survole mon écrit apparaissant profondément dans ma tête pour contrôler ma plume comme sa marionnette. Je ressens moins la lame, mon cœur monte à mon visage et j'ai chaud ; j'ai de la difficulté à maintenir mon esprit neutre. Kelly me propose :
– Est-ce que tu as envie d'un conseil, niveau, d'écriture ?
– Je ne crois pas. Ai-je répondu sans désir que celle-ci se mêle de ma vie en essayant de conserver mes yeux sur mon manuscrit.
– Je vais te le donner pareil ; entre dans le quotidien de ton personnage principal, fais tout ce que tu veux pour te sentir plus proche d'elle. Si tu es proche d'elle, tu garderas cette inspiration. Elle est en fait ta muse sans que tu le saches.
À ce moment, je ne suis pas sûr de ce qu'elle me demande... Je suis conscient aujourd'hui que je l'ai mal fait. Je lui ai fait un sourire en pensant que ma muse va me renvoyer à la case départ si je le lui propose. Fay, elle semble si fière, entourée de filles, même si son regard les fuit. Je sens dans l'expression qu'elle me donne ; elle est absente de ce qu'elles disent. Je voudrai enfermer cette fée dans une lampe pour qu'elle éclaire mes nuits sombres. Je ne peux pas croire qu'elle a un copain. Elle est trop triste pour accepter quelqu'un dans sa vie. Elle est comme moi : perdue. Elle me fait penser à un enfant perdu dans un centre commercial qui cherche ses parents. Moi, je fuis l'adulte. Nous n'irons jamais dans la même direction au final. Parcourant nos opposés pour finir par ne voir qu'une image floue de nos souvenirs communs.
Après un moment, je suis parti pour mon cours de philosophie. Je me retrouve encore en avance pour la classe encore devant une porte fermée. Cette fois, j'ai testé la porte, elle est barrée. Il n'y aura pas de tours de magie pour que cette porte ouvre. C'est surement dû aux personnes qui ont brisé les chaises et bureaux d'une salle ; ils gardent plus les portes barrées. Alors quelques minutes plus tard, elle est arrivée, seule comme à son habitude. Elle a toujours ses petites couettes et ce sourire enjoué. Ça me donne un sourire temporaire, car cette douleur me revient. Elle me sourit et elle me demande :
– Est-ce que tu as entendu les rumeurs cette semaine ? Je ne comprends pas pourquoi les filles n'ont rien de mieux à faire qu'inventer des trucs sur la vie des autres.
– C'est étrange que tu me parles. Avant tu ne me parlais pas et là tu me parles.
Elle n'est pas froide, mais plus chaleureuse. Elle lève les épaules en ne sachant pas quoi répondre.
– Je n'ai personne d'autre à parler, a-t-elle répondu le sourire aux lèvres.
Elle a fini par s'assoir à côté de moi en prenant soin de replacer sa robe bleue. Elle n'a pas essayé la poignée et elle a avoué :
– Je déteste les ragots ! Au moment que tu as un ami masculin, il faut que tu sois en couple avec. Je me considère plus comme une fée marraine qui va finir sa vie seule avec des chats et qui va aider les autres, pour que la princesse finisse avec son prince.
Je soupire un grand coup, elle est adorable, je souris, bêtement, en la regardant. Elle a les yeux un peu boursoufflés, je crois qu'elle a pleuré. Je ne peux que lui demander :
– Alors, tu n'es pas en couple ?
– Non, est-ce que ça changerait quelque chose si je l'étais ?
– Je ne pense pas.
L'échange reste un moment silencieux. Je n'aime pas vraiment discuter même si je veux avoir une discussion. Je me rappelle que la dernière fois elle m'a envoyé balader à cause de ça ; je ne suis pas très bon pour converser. Elle repart la conversation presque morte avec une question des plus étranges :
– Tu serais quoi dans un conte ?
Je n'ai pas réfléchi longtemps avant de répondre avec ce que j'imagine le plus logique :
– L'auteur.
– Je parlais seulement des personnages, l'auteur, c'est trop vague comme caractère. Il peut avoir n'importe quelle personnalité, au fond, l'auteur, à moins que tu ne te connaisses pas.
Un souvenir me revient tout à coup. La voiture, j'ai échoué dans mon rôle. Finalement, je suis le méchant. Je reste un moment sans répondre de peur de sa réaction. Je souris avec un regard vide qui ne veut rien dire tel un savant fou. Je ne veux pas répondre et en même temps je ne peux pas laisser un blanc. Une chance, je me suis fait sauver par l'arrivée des autres étudiants. Je me dis de tout oublier ce projet de me rapprocher de Fay. C'est impossible de l'atteindre, mais le karma a pensé autrement. Le professeur nous a donné le travail de session, en équipe imposée de deux. Je ne peux qu'avoir un frisson en entendant mon nom et celui de Fay en équipe. C'est un signe du destin.
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