10. Le désire de Nelly


Je reste les yeux sur mon téléphone. Ça fait depuis hier que je n'ai pas de nouvelle de Fay. Je lui ai envoyé un texto d'excuse sans réponse sauf un vu. Pourquoi ce truc existe ? C'est une raison de faire constater : « j'ai vraiment envie de t'éviter, alors arrête de me parler ». Je ne sais pas ce qu'a mon expression, mais Nelly m'a demandé :

– Elle ne t'a pas répondu ?

Je ne sais pas pourquoi on garde ce rituel. Je suis en train de dire que je ne sais rien un peu trop. On mange à la cafétéria à la même table depuis qu'on se connait. Personne ne nous approche. On est comme la peste. Nelly a une mauvaise réputation, ce qui n'aide pas. Moi, je peux vivre sans vie sociale, je crois. Je regarde Nelly, elle ne me regarde pas. Elle a toujours son regard sur son téléphone ne laissant personne deviner son regard de veuve noir. Nelly, je me demande si elle est une surnaturelle ou pas. Elle connait Lobo, mais Kelly aussi. Je crois à une coïncidence. Elle doit savoir un truc sur les surnaturelles.

– J'ai couché avec Lobo si tu veux savoir.

Je ne lève pas les yeux de mon téléphone. On dirait qu'elle lit dans mes pensées. Les coïncidences n'existent pas. Dans ma tête, Nelly est un Open house. Tout le monde peut y entrer. Alors Lobo a surement dû un jour lui gouter, ça ne change rien. Elle sort ça pour se cacher. Elle sait mes doutes et je dois déjouer son attaque. Il y a seulement un truc qu'elle a oublié, un truc que je ne comprends pas.

– Et pour le truc Métamorphe.

Elle rit un peu. Elle fait monter sa poitrine en mettant ses deux bras sous celle-ci. Elle sourit en me faisant un clin d'œil telle la tentatrice qu'elle est. Une réponse simple, c'est ce que j'attends. Elle me fait attendre. Je fais un mouvement comme si j'allais me lever pour la faire lâcher le morceau.

– Les surnaturelles ne gardent pas beaucoup leur secret, je suis habitué avec les surnaturelles comme toi. Mon pouvoir spécial ne marche pas sur toi, c'est contraignant.

Il y a un truc plus intéressant que le téléphone. Je range mon téléphone dans mon sac dans un espoir que Fay me répond un jour. J'écoute ce que la blonde veut me dire. J'ai mon cahier devant moi et le crayon comme arme. Ma cible est une page blanche. Je continue :

– Je ne suis pas un surnaturel. Je ne sais pas ce que je suis.

Elle sourit. Une chance qu'elle n'est pas une vampire, ses canines seraient exposées. Elle joue avec ma patience, mais elle est comme ça. Elle est une femme qui attend sa proie, elle connait la patience. C'est surement ce qui m'attire d'elle. Elle sait jouer le jeu sans rien perdre. Je ne sais pas, elle a un truc de fascinant comme Fay. Elle avoue :

– Moi, je le sais. Tu es un sorcier, mais avec des pouvoirs forts de contact avec tout ce qui est surnaturel. Tu as aussi une protection aux pouvoirs, du moins certains des miens. Tu as aussi une capacité avec les esprits aussi.

Mes capacités, je n'en peux plus de ce sujet. Je ne sais pas ce qu'il y a de si incroyable, je préfèrerais vivre sans. Je sais la personne qui sait le plus, mais elle ne me dira rien. Je suis en train de me mettre dans une situation de personnage surpuissant. Ça m'énerve, l'histoire devient clichée. Je dois apporter de l'originalité, mais je ne peux m'empêcher de dire.

– Je me transforme en une Mary Sue.

Nelly a ri. Elle a ri tellement fort qu'une bonne partie des élèves ont arrêté de manger pour fixer mon amie morte de rire. Elle ne peut pas s'arrêter et dans un souffle elle répond.

– Non, les Mary Sue sont belles, attirent tous les gens par leur beauté et aussi ont une personnalité agréable. Toi, t'es juste un gars avec un pouvoir cool, une personnalité de merde et une obsession pour, surement, la Mary Sue de l'histoire.

Mon visage s'est assombri et je lui ai tourné la tête. Je veux qu'elle continue à expliquer. Je garde un silence. Le combat de manipulation entre nous deux a commencé. Nelly n'est pas une fille qui prend le jeu à la légère. Elle impose sa volonté. Elle est la maitre marionnettiste. Elle contrôle qui elle veut en claquement de doigts en tirant la corde qu'elle veut. Surpasser son contrôle est un truc exigeant. Elle va fléchir, elle a besoin de moi, je sais. Elle rit un bon coup. Elle continue :

– Fay, même sans être la Dernière Unique est très puissante. C'était mes parents adoptifs qui la surveillaient, au début. J'ai grandi avec deux grandes sœurs, Fay et Kelly dans ce qu'ils appellent l'orphelinat des surnaturelles. Il n'y avait une règle par exemple, aucun contact avec Fay. Il fallait être froid et distante avec elle. Mes parents adoptifs sont des Uniques, mais ils ont perdu le titre par ma faute. Je n'ai jamais été leur fierté, même souvent, ma race, on essaye de les tuer. Je suis une démone, mais une démone des péchés. Je dois me nourrir des mauvais choix des gens sinon mon corps va mourir petit à petit. Je dois prendre l'envie, l'avarie, la gourmandise, la colère, la paresse, l'orgueil et la luxure des gens pour me rendre plus forte. À 10 ans, j'ai eu des faiblesses comme ça. J'ai commencé par voler des objets et le mettre sur le dos des autres. La colère, l'envie et l'avarie, c'est ce que je pouvais avoir. Ça me suffisait, c'était vraiment bon, mais j'en avais besoin de plus, toujours plus. J'avais un grand vide que je voulais combler. Kelly essayait de me dissuader d'aller plus loin. Je ne pouvais pas m'en empêcher. Je voulais plus, je voulais être forte. Un jour, j'ai trouvé de la puissance. J'ai tout détruit. Fay a dû canaliser mes pouvoirs. J'avais honte, mais elle a fait le bon choix. Elle aurait pu me nourrir, elle, par toutes les émotions négatives qu'elle a. Mes parents adoptifs étaient mis à mort, mais Kelly a empêché ceci. Elle nous a vendu aux Uniques. Ils m'ont montré à sentir un vide en soi. Je les déteste, je les hais, je voudrais qu'ils meurent. Je voudrais les tuer au lieu que Fay meurt. Il y a un moyen de détruire Unies.

Je suis pris à ses lèvres. Son tour de marionnette marche, je suis prisonnier de ses mots qui racontent ses maux. Plus rien dans la cafétéria ne m'intéresse. Les assiettes qui se cognent aux ustensiles, les gens qui prennent leur commande, les dragues près des murs de verres, je n'entends rien. Je suis pris dans une bulle blanche qui montre l'histoire de Nelly. Je veux savoir son plan.

– Lequel ?

– Fay doit survivre. Unies sera détruit par les Micras.

Mon cœur arrête de battre pendant une seconde. Je dois choisir entre garder la femme enfant près de moi pour un court temps à cause elle va mourir ou parce qu'elle va m'ignorer. Mon cœur veut qu'elle survive, mais ma tête veut que j'écrive. Je regarde Nelly. Je regarde la table. Je regarde au final Nelly. Je regarde Nelly et je ne fais que penser à Fay. Je ne veux pas lui faire du mal. Je n'ai pas fini d'écrire sur elle. Je dois encore la garder près de moi, près de moi pour toujours, tel un oiseau en cage. J'ai envie de pleurer, ça fait si longtemps que je n'ai pas pleuré. Pleurer, c'est pour les faibles. Je reprends mes émotions et je la contre dis :

– Je ne peux pas faire ça à Fay, elle aime Unies.

Elle se lève d'un coup. Sans regarder derrière, elle s'exclame :

– Dans ce cas, je ne peux plus t'aider. Reste seule pour le restant de ta vie avec les fantômes.

Je ne me rappelle plus la dernière fois que j'ai regardé une personne partir aussi longtemps. Ce n'est pas le fait que Nelly parte qui me fait mal. C'est le fait que je viens de repousser la seule chance que j'ai de la sauver pour un rêve stupide qui va disparaitre comme tous les adultes.


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top