1. Je l'ai trouvé
Dans la vie d'un auteur, il y a plusieurs épreuves que nous traversons, qui sont difficiles, la première chose est le syndrome de la page blanche. Le syndrome de la page blanche est un truc qui arrive à tout grand écrivain qui manque d'inspiration.
En parlant de ça, ça fait 30 minutes que je suis devant mon cahier avec les feuilles blanches raillées bleues avec Nelly qui m'observe en mangeant son dîner et en regardant de temps en temps ses messages sur son téléphone rose de paillette. C'est surement des gars qui ne savent pas qu'ils n'auront pas de lendemain avec elle qui prend la peine de faire ceci ou peut-être son repas de cette nuit qui lui sera servi vite. Les gens sont idiots de penser que c'est facile d'avoir une fille au premier soir, c'est une attrape.
J'ai connu Nelly de la façon normale qu'on rencontre des personnes de notre vie d'adulte, on a été mis en équipe pour un travail de français. Après, elle a couché avec beaucoup de mes amis qui ont tous fini par ne plus m'adresser la parole. Les grandes blondes qui portent des vêtements moulants, ça aide à avoir les hommes à leurs pieds. C'est un fait dans le discours de toutes gents masculines en manque.
Nous sommes restés amis. Elle n'a jamais essayé de coucher avec moi, elle dit que je ne suis pas son style à ce qu'elle me raconte pour être sûre que notre amitié n'évolue pas. Elle croit peut-être que je suis intéressé à elle, une fille que sa seule personnalité est la sexualité, mais elle est amusante alors je la garde proche de moi.
Ça fait trois semaines que je suis au Cégep et je comprends comment ça marche. C'est un univers où tu es coincé à devenir l'adulte que la société veut, finis les folies, grandis. On doit faire nos dernières conneries et notre temps est compté avant de finir dans la prison de la vie. Je n'arrive à rien pour commencer cette histoire.
Les grands yeux bleus de la blonde se sont posés sur ma page chiffonnée par les attaques d'effaces au lieu de son écran hypnotique qu'elle fixe depuis plusieurs minutes.
– Toujours rien n'écrit à ce que je vois. A-t-elle affirmé en retenant un rire
– On dirait que tout a été écrit et je n'ai peut-être rien pour écrire ; aucune inspiration. Ai-je marmonné
Je m'appelle Uldérick, j'ai 17 ans, j'ai perdu ma virginité avec une salope qui a couché avec mon meilleur ami, j'ai deux fausses cartes du nom de Gérald Saint-Louis 24 ans et je suis sous médications que je ne prends plus depuis que j'ai déménagé dans mon appartement. Je pourrais dire que je suis un beau, grand, aux yeux bleu sombre et les cheveux noirs, mais je ne suis pas grand, du moins par rapport à la moyenne. Voilà, la vie du grand écrivain qui n'a encore rien écrit, j'ai une vie banale d'un jeune de 17 ans qui vient de découvrir la liberté.
Après un moment fixé sur ma feuille, j'ai levé mes yeux et c'est à ce moment que j'ai vu la fille qui va changer ma vision. Je n'ai jamais cru à l'apparition clichée de l'héroïne et que tout le monde l'observe, mais en ce moment j'y crois !
Elle est entrée dans la cafétéria et j'ai cru que le monde a arrêté de tourner pour l'observer deux secondes. Une fille au regard d'enfant toujours naïf pour des jours meilleurs, les cheveux blonds en deux couettes soutenues par deux élastiques ressemblants à des ailes de papillons avec un livre de fantaisie sous son bras, c'est pour elle que j'ai eu le déclic de la création. Ses yeux bleus restent à regarder l'horizon sans faiblir vers le sol avec un sourire franc et enjoué qui s'harmonise avec sa robe soleil bleu-pastel. Elle a confiance en soi, mais la confiance a toujours une faille qu'il faut briser.
J'ai pu voir Audrey-Anne en quelques secondes, mais ce n'est qu'une illusion, une autre enfant qui va finir par mourir sous l'alcool. En quelques secondes, j'ai cru que c'est ce qui va changer ma vie, mais je me suis surement trompé, je veux croire que je me suis trompé. J'ai continué à essayer d'ignorer le fait que j'ai trouvé cette fille qui a l'accoutrement d'une fillette, extraordinaire, mais Nelly m'a informé que mes efforts ne sont pas suffisants :
– C'est Fay que tu as fixée.
Je n'ai pas pensé que je l'ai fixé, elle dégage une énergie différente et attrayante comme un bébé chat. Je dois m'en approcher, je dois lui parler juste deux secondes pour briser cette illusion. Le regard de mon amie me paralyse de faire ce que je veux pour que je finisse par m'évader de cette idée par la fuite logique :
– Je ne l'ai pas fixée, j'étais juste dans la Lune et là je suis en retard pour mon cours de philo.
J'ai pris mes trucs pour me diriger vers la porte B-309. J'ai dû monter trois étages du bâtiment B pour arriver devant une porte fermée. J'ai peut-être menti pour mon retard, mais je ne peux pas penser à autre chose que cette fille, Fay.
Pourquoi parait-elle si « spéciale » à mes yeux ? Il reste deux minutes avant les 10 minutes entre l'heure d'arriver et le début du cours et personne n'est là. Je me suis assis sur le plancher, dos au mur de béton, et je commence à écrire sur l'histoire d'une fille, une habitante d'un peuple magique envoyé sur Terre qui doit comprendre la vie humaine. Pourquoi doit-elle faire ça ? Elle doit en apprendre plus sur nous ou encore nous aider contre une guerre. La plume prend le contrôle de mon esprit pour me noyer dans l'océan de mot qui noircit ma feuille vide depuis plusieurs minutes.
Unique fille dans un monde de haine qui va la rejeter, voilà la fiction que je veux écrire, un récit de haine.
Après un moment, la première personne à arriver après moi fut une fille que je n'ai pas remarquée avant aujourd'hui. Est-ce qu'elle est sous mon nez depuis le début ? Est-ce que je cherche aveuglément depuis trop longtemps ? Elle semble si fragile, si faible comme un papillon monarque dans une cour d'école primaire. Après quelques secondes de silence embarrassantes, elle me demande :
– Est-ce que la porte est barrée ?
Mes yeux restent sur son livre, elle a encore son livre dans les mains toutes petites et claires, Miss Peregrine et les enfants particuliers, un très bon choix littéraire à mon avis. J'ai adoré cette histoire, c'est la dernière histoire que j'ai lue à Audrey-Anne avant qu'elle meure. Elle a aimé Olive à cause de son pouvoir de flotter et de sa beauté.
Elle a voulu voler et elle a finalement ce qu'elle a voulu.
La vue de cette histoire me fait sentir le poignard qui est à tout moment près de mon cœur comme s'il tourne un peu pour me rappeler que je ne peux pas cacher ce qui s'est passé. Je lui réponds sans, vraiment, avoir l'intention de démarrer une conversation parce que son sujet n'est pas un débat important :
– Elle est fermée comme tu peux voir, alors on a juste à attendre.
Elle mit son livre dans son sac pendant l'instant de ma réponse pour avoir les mains libres. Elle a mis sa paume sur la poignée et, d'une lumière éblouissante, la porte s'est ouverte comme si elle n'a jamais été fermée à clé. Elle a souri avec le même sourire qu'à mon fantôme, en murmurant :
– Une porte fermée n'est pas toujours barrée.
Elle a pris son sac qu'elle a déposé, quelques secondes, en laissant tomber ce qui me semble un léger cristal bleu en plastique. Je me suis approché de ce que je pense être un porte-clés du Dollorama, mais, en le touchant, j'ai reçu un choc électrique.
Aussitôt, elle s'est retournée pour le prendre dans ses mains comme si c'est un héritage de famille. Je peux voir que son regard change avec une certaine furie qui pourrait me tuer en quelques secondes si je ne lui rends pas sa stupide babiole. Elle m'a dit avec la voix calme sans intonation telle une tueuse à gages :
– C'est important pour moi alors pas touche, en passant je m'appelle Fay O'Bryan et toi, tu dois être Uldérick Simard, le jeune prodige qui a obtenu je ne sais combien de bourses. Il faut que tu comprennes que tu n'auras jamais quelque chose de gratuit ici, tu devras te battre parce que la vie est juste un éternel combat. Je ne crois pas que tu comprendras le combat avant d'avoir perdu un truc qui te permet de vivre. Je sais l'histoire de ta sœur et je ne te donnerais rien parce que tu pleures pour ta sœur.
– Je ne comprends pas. J'ai mérité tout ce que j'ai gagné.
Elle a repris son cristal en un moment et elle me nargue :
– Ce qui prouve que je suis plus sage que toi, du moins aujourd'hui. Les apparences sont trompeuses quand tu les regardes du point de vue imposé. Je sais que tu écris bien, mais est-ce que tu es prêt à voir plus tragique que la mort d'une enfant ? Est-ce que tu es prêt à faire quelque chose pour avoir en fin du respect et non utilisé toujours la même histoire ?
Je suis resté un bon moment silencieux sans comprendre son attaque. J'ai reçu des bourses parce que j'ai rédigé un texte sur la tragédie de ma jeune sœur, mais je ne parle pas de tous les effets qu'a eus ce coup du malheur, je suis resté seul avec un fantôme avec des médicaments pour que je sois comme les autres. La femme enfant me fait un sourire en disant la dernière chose avant d'entrer dans la classe :
– C'est ce que je me disais, tu ne sais pas tout ce qui se passe au tour de toi, tu ne vois que ta sœur morte.
Ceci fut ma rencontre avec Fay, la fille qui va me tourmenter pour le reste de la session. Je ne me rappelle plus vraiment pourquoi je suis demeuré silencieux ni pourquoi je l'ai admirée.
Je sais juste que je m'appelle Uldérick, à l'âge de 13 ans j'ai perdu ma petite sœur, Audrey-Anne dans un accident de voiture. Depuis ce jour, je veux devenir écrivain et je perçois aussi les esprits, du moins celui de ma sœur.
Mes géniteurs se sont séparés à cause du chagrin de perdre leur descendant. Quand j'ai avoué que je peux voir Audrey-Anne, ils m'ont mis sous médication en pensant que je n'ai pas fait mon deuil. J'ai les meilleurs parents, mais un parent ne survit pas au décès de son enfant, même s'il y a un deuxième enfant et que le deuxième a besoin de lui.
Je me dis qu'être adulte c'est d'abandonner toutes personnalités qu'on a pour finir dans un costume sans avoir un moment pour rire. Si on décide de partir de ce moule, on meurt comme Le Petit Sauvage. Du moins, c'est ce que mes géniteurs m'ont montré depuis une éternité.
C'est pour ça que je trouve cette fille ridicule. Elle va rester coincée dans un corps d'enfant et la mort la guette, mais elle est heureuse. Elle sourit seule dans son coin avec quelques amis dans le cours de philo.
Je ne sais même pas si c'est ses amis, mais tout le monde connait Fay pour finalement savoir qu'elle est seule.
Elle pense du faux sur moi, mais je ne sais pas pourquoi elle m'attire tel un aimant. Il y a une chose que j'ai remarquée. Elle n'est pas comme nous, une extraterrestre peut-être.
Ce soir-là, j'ai écrit un verre d'alcool à la main pour ouvrir mon esprit. L'alcool mélangé à l'écriture aide à la construction d'un univers. Je vois l'histoire d'une fille souriante avec un secret, un grand secret. Elle a un cristal magique et elle doit... Elle doit quoi, encore ce manque d'inspiration ? Je me suis approché de la fenêtre en voyant que cette nuit étoilée ne sera plus jamais comme avant.
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