Chapitre 5: Le Danemark
Ils furent accueillis par un vent glacial. Leurs bagages n'avaient pas été préparé pour un road trip en Scandinavie. Henry annonça que leur première dépense en cette nouvelle terre, devrait être pour des vêtements chauds, en particulier de grosses doudounes et ce fut ce qu'ils firent.
Joe opta pour une doudoune jaune fluo qui moulait sa musculature devenue impressionnante ces dernières années. Paul s'empara d'une doudoune bleue claire qui faisait ressortir ses yeux et sa peau métissée. Quant à Henry, le vert était toujours une valeur sûre pour lui.
Les voilà donc bien lotis dans leurs accoutrements de plumes, au milieu d'Alborg, carte à la main. Ils n'avaient pas de photo de la femme en question, mais ils avaient le nom. Ils décidèrent d'aller à la mairie pour demander si une certaine madame Mills avait vécu ou vivait toujours ici. Malheureusement, le danois était encore plus complexe que l'allemand et la chance ne mit pas une seconde fois sur leur chemin, une personne maitrisant le Français.
Internet les aida au mieux et au bout de longues minutes, le fonctionnaire comprit la requête dont il était question et chercha une Madame Mills dans ses registres. De son danois, il déclara qu'il y en avait quatre, mais aucune du nom de Marie. Il y avait une Rebecca, une Huguette, une Joséphine et une Paula.
Les jeunes hommes demandèrent alors leurs adresses, mais il n'était pas du ressort de l'employé de communiquer de telles informations.
— Please, sir*, insista Henry de son anglais presque parfait.
Une jeune demoiselle passa derrière lui à cet instant-là.
— An english man*2 ? questionna-t-elle, de son accent suave.
Henry se retourna et se trouva face à une jeune fille longiligne à la chevelure d'été, au teint pâle et aux yeux azur. Sa mâchoire manqua de se décrocher tout comme celles de ses camarades.
— Only my father, I'm French*3.
La belle ouvrit la bouche de surprise. Les joues rosies, elle se pressa contre le bureau et de son regard le plus charmeur, adressa deux mots en danois au fonctionnaire. La silhouette de la jeune femme était aussi parfaite que son visage et les trois adolescents luttèrent pour ne pas la reluquer avec trop de vigueur.
— Toute 'é réglé, annonça-t-elle, avec son joli sourire.
Trois minutes plus tard, les adresses étaient imprimées et déposées sur le bureau en face des garçons. Paul les saisit, tandis qu'Henry avait toujours les yeux plongés dans le regard de la danoise. Elle les suivit jusqu'à la sortie, où elle échangea une longue discussion dans un anglais approximatif avec Henry.
La jeune femme lui confia que les français avaient toujours eu une place particulière dans son cœur et qu'elle avait déclaré petite fille, qu'un jour elle en épouserait un pour pouvoir manger les méchantes grenouilles. L'adolescent était un peu perdu face à cette grande femme à la silhouette plantureuse et à la langue bien pendue. Il ne disait rien et l'écoutait, les joues rouges devant l'intérêt qu'elle avait pour lui.
Elle frôlait parfois son bras et des frissons s'emparaient de sa personne. Derrière lui, Joe et Paul observaient ce manège et tentaient de cacher leur amusement, tout en s'envoyant régulièrement de «discrets» clins d'œil. Lorsque le moment du au revoir sonna, elle se pencha vers lui et déposa un baiser sur ses lèvres. Puis elle embrassa respectivement sur le front et la joue, ses deux compères.
— Tu devrais ranger ta langue, se moqua Paul.
Henry entendait les oiseaux chanter. C'était la première fois qu'il embrassait une fille et ce n'était pas n'importe quelle fille, c'était une déesse danoise. Il n'avait jamais vu une pareille beauté jusqu'à ce jour et il n'en verrait jamais d'autres.
— Ses lèvres avaient le goût du paradis, murmura le brun, encore béat d'amour.
Ses deux amis se moquèrent gentiment de lui, puis Paul localisa sur la carte les différentes adresses et les entoura.
— Tu crois que ta mère aurait pu changer de prénom ? s'enquit Joe.
Henry haussa les épaules, tout était possible. En partant de ce principe, ils décidèrent de commencer par l'adresse la plus proche. L'architecture de la ville était très atypique. Les couleurs et les formes plaisaient beaucoup à Paul. Lui qui n'avait visité que Paris, puisque sa mère était tombée amoureuse de la capitale. Ici, il découvrait un autre univers, une ambiance plus rustique et plus décontractée.
Ils arrivèrent devant une maison en briques rouges. Des mouettes criaient au-dessus de la cheminée, le port était seulement à une centaine de mètres de là. Joe s'approcha de la porte verte écaillée par le temps. L'air iodé n'ayant été d'aucune aide. Rebecca Mills était inscrit sur une plaquette dorée au-dessus de la sonnette. Henry resta en arrière et Joe sonna.
Un aboiement se fit entendre, suivi d'une voix rauque qui hurla «Edy, læg dig ned !*4». Des pas lourds résonnèrent ensuite et la poignée s'affaissa, avant de laisser place à un homme sculpté comme un apollon. Haut d'au moins deux mètres, détenteur d'une barbe fournie. Son veston à carreaux et sa salopette rappelaient les bûcherons du Canada.
— Hvem er du ?*5 demanda l'homme.
Joe se tourna vers Henry, il ne maîtrisait aucune langue en dehors du français, alors ce n'était pas devant cet homme imposant qu'il allait essayer.
— Do you speak English ?*6 tenta Henry, impressionné lui aussi par la carrure de l'homme.
L'interlocuteur se gratta la tête et fit signe qu'il ne comprenait pas sa langue. Joe montra du doigt la plaquette où était noté « Rebecca Mills» et leva les deux mains, comme pour savoir où elle était. Le barbu fronça des sourcils avant d'aller chercher son téléphone et de taper sur Google traduction : «C'est ma sœur, elle est partie étudier en Argentine il y a quelques mois. Pourquoi, qu'est-ce que vous voulez ?»
Joe fit mine de prendre le téléphone, puis tapa à son tour : «Nous voudrions savoir si votre sœur est l'expéditrice d'un colis. Elle l'a envoyé il y a cinq ans à mon ami et il est très important que nous trouvions cette personne. Auriez-vous une photo, pour qu'on puisse l'identifier, s'il vous plaît ?»
Le danois sembla hésiter une minute devant la demande de ces trois bambins. Il finit par réaliser qu'il n'y avait rien de mal à montrer une photo de sa sœur. Il chercha quelques secondes dans son téléphone. Sur son écran apparu devant les yeux des adolescents, une rousse aux yeux bleus et aux taches de rousseur, tout sourire au milieu d'une verdure luxuriante.
Joe demanda une nouvelle fois le téléphone et finit par taper : « Ce n'est pas elle que nous cherchons, merci et désolé pour le dérangement. »
Le bûcheron lança un «Beklager*7» et referma la porte dans un gentil sourire. Rebecca Mills fut donc rayée de la liste. La prochaine était Paula Mills. Elle habitait à quelques kilomètres de là. Son habitation était éloignée de la ville et s'enfonçait dans les terres. Ils traversèrent une petite forêt de sapins, avant de tomber sur un chalet dont une fumée épaisse s'échappait.
Cette fois-ci, ce fut Paul qui toqua à la porte. Il y avait un porte-bonheur en plume d'aigle qui était accroché au-dessus du palier. C'était la seule habitation aux alentours. Le calme régnait et on pouvait entendre le hululement des chouettes et le brame de quelques cerfs.
— Godmorgen, Sir *8, annonça la femme qui venait d'ouvrir la porte.
Elle était brune avec une peau de lait.
— Godmorgen, répéta Paul, supposant que c'était une expression pour saluer un interlocuteur.
La femme sourit, comprenant devant l'allure et l'accent des jeunes gens, qu'ils ne venaient pas d'ici.
— Can I help you ? *9 poursuivit-elle.
Henry souria et s'avança pour lui répondre, mais ce fut Paul qui répondit.
— Yes, we are searching a certain Paula Mills *10.
— It's me, what do you want ? *11
— Did you send a parcel to Henry Mills about five years ago? *12
Paul montra du doigt son ami.
Paula l'observa et d'une mine désolée annonça :
— No, I'm sorry, it's not me. *13
— It's okay, thank you for your time, have a great day. *14
Elle murmura un «you too *15» et referma la porte. Une de moins.
— Qui est la prochaine ? questionna Joe.
— Joséphine, énonça le brun.
Le vent frais transperçait leurs gants. Les manteaux les couvraient bien, mais la température restait basse. C'était pourtant le printemps. Cette fois-ci, la maisonnette était de couleur jaune et semblait partagée en plusieurs appartements. Henry s'avança sur le palier et chercha le nom «Mills». Quand il l'eut trouvé, il sonna et patienta. Un interphone lui demanda en danois ce qu'il voulait. L'adolescent répondit en anglais, puis quelques secondes plus tard, un biip lui signala qu'il pouvait pousser la porte et entrer.
Ils arrivèrent dans un couloir. Il y avait deux portes latérales et un escalier au fond du hall. On ne lui avait pas indiqué l'appartement, alors il chercha les noms. Mais à peine avait-il démarré sa recherche, qu'une brune longiligne dévalait l'escalier et s'avançait vers eux. Quand il la vit, Henry en eut le souffle coupé.
C'était elle, trait pour trait, on aurait dit que le temps s'était figé et que son visage avait le même éclat de jeunesse. Ses amis furent surpris par la ressemblance frappante entre la femme qui approchait et leur ami. C'était donc elle, Marie ? Quand la brune aperçut Henry, elle se stoppa, la bouche béante et la face terrifiée.
— Maman ? clama le garçon.
*S'il vous plaît, monsieur.
*2 Un anglais ?
*3 Seulement mon père, je suis français.
*4 Edy, couché !
*5 Qui es-tu ?
*6 Vous parlez anglais ?
*7 Désolé.
*8 Bonjour, monsieur.
*9 Je peux vous aider ?
*10 Oui, nous cherchons une certaine Paula Mills.
*11 C'est moi, qu'est-ce que vous voulez ?
*12 Avez-vous envoyé un colis à Henry Mills, il y a cinq ans ?
*13 Je suis désolé, ce n'est pas moi.
*14 Pas de problème, merci pour votre temps, bonne journée.
*15 Vous aussi.
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