Chapitre 26 : Étiquette Retour

L'aération au-dessus de la tête de Joe faisait tournoyer ses bouclettes dorées. Il avait mal. La Sibérie avait décidé de garder avec elle deux des personnes les plus précieuses à ses yeux. Quant à Henry, on aurait dit que tout son être s'était évanoui. Il n'existait plus. Son cœur battait, mais son âme avait dû rester accrochée à la cime des sapins. Pour toujours ? Le garçon espérait que non.

— Henry, parle-moi.

Le garçon aux yeux verts fixait la tablette devant son nez. Paul n'aurait jamais dû mourir. Il ne voulait même pas partir avec eux, il l'avait fait pour leur faire plaisir. Son avenir brillant était tout tracé. Pourquoi avait-il fait ça ? S'était-il passé quelque chose dans sa vie, dont il n'avait pas connaissance ?

— Henry, répéta Joe.

Il ne voulait pas perdre un autre ami, surtout pas Henry. Avec Mamita, ils étaient son monde maintenant. Il n'avait personne d'autre.

— Laisse-moi, gronda le brun.

Joe se détourna alors de lui et plongea son regard dans les nuages. Il pensa à la forêt infinie en dessous, aux cimes des arbres qui lui cachaient son amour. Lydie. Comment pourra-t-il l'oublier ? La peur lui mordit l'estomac en pensant à toutes les bêtes qui rôdaient si bas, mais surtout aux agents armés qui savaient désormais que des personnes avaient découvert leur cachette.

— Fais attention à toi, murmura-t-il tout haut.

Quinze mille mètres plus bas, une jolie rousse dégustait un écureuil rôti. La solitude avait repris sa place à ses côtés et le silence faisait vibrer ses oreilles. Elle pensait aux garçons. Ils lui manquaient déjà. Elle aurait tellement aimé que l'histoire se finisse autrement. Peut-être que si Paul n'était pas... elle serait partie avec eux ? Ou peut-être pas.

Encore fallait-il qu'elle sache ce qu'elle voulait vraiment. Arriverait-elle à quitter cette forêt qui abritait le corps de son défunt père et depuis quelques jours, celui de Paul ? Voulait-elle vivre une autre vie que la sienne ? Et puis ce baiser, ça voulait dire quoi ? Avait-elle au moins aimé ça ? Certainement oui, elle ressentait encore les papillons dans son ventre en revisualisant la scène.

— Et si tu m'aidais toi, là-haut ? envoya-t-elle.

Son souffle se mélangea au vent avant de rejoindre la carlingue de l'avion qui commençait sa descente vers l'aéroport Charles-de-Gaulle. La dernière escale avant celui de Saint-Exupéry. Comment allait-il le dire à madame Jacobson ? Comment allait-il prononcer son prénom à lui, suivi de mort ? Il ne le pouvait pas, c'était impossible.

Il n'était déjà pas capable de le dire à haute-voix, alors jamais il n'oserait le lui dire à elle. Elle en mourrait. Elle le haïrait. Et elle aurait raison, il se haïssait déjà. Les pneus frôlèrent l'asphalte, ils étaient arrivés en France. Son cœur se serra fort dans sa poitrine. Chaque inspiration lui demandait un terrible effort.

— Joe, je peux pas.

L'intéressé se tourna vers lui, compatissant. Il savait très bien de quoi il parlait. Lui aussi ne pouvait pas. Vivre sans lui semblait impossible, mais ils n'avaient pas le choix. Alors l'ami aux bouclettes fit quelque chose qu'il ne faisait jamais, il lui prit la main et la serra de toutes ses forces.

— Je serai là pour toi Henry, toujours. On lui dira ensemble, tu n'as pas à vivre ça tout seul.

Le front du brun se plissa, dégageant petit à petit le masque qu'il s'était imposé. Une larme passa le filet de ses cils.

— Il me manque tellement, pleura-t-il.

Les sanglots le prirent et Joe le rejoignit. Quand ils relevèrent la tête, les passagers étaient tous descendus. Les hôtesses de l'air et Stewarts attendaient qu'ils se décident à quitter l'engin à leur tour. Ils se pressèrent et quittèrent rapidement le Boeing 777. Ils devaient passé encore quelques contrôles de sécurité douanières. Fatigués par leur long voyage, ils suivirent les voyageurs devant eux.

Quatre policiers en uniformes accompagnés de leurs chiens muselés, observaient les voyageurs fatigués traverser le petit hall prévu à cet effet. Deux autres étaient attelés plus loin à la fouille d'une valise rouge vif qu'une demoiselle aux cheveux platine avait ouverte. Rouge pivoine, elle avait ainsi dû dévoiler à la femme policière et à son collègue, sa collection de lingerie exotique et ses jouets.

Elle se grattait la nuque, nerveuse et impatiente à l'idée de quitter cet aéroport pour rejoindre son amant parisien.

— Ne bougez pas, somma une voix masculine.

Les garçons se stoppèrent, alors même qu'ils allaient franchir le seuil.

— Suivez-nous, poursuivit-il en s'approchant d'eux.

Deux collègues les encadrèrent et les dirigèrent vers un bureau, plus loin.

— Merde, lâcha Henry.

Il avait complètement oublié leur accusation de meurtre. Interpole avait dû intervenir et maintenant qu'ils étaient en France, ils allaient être interrogés.

— J'aimerai contacter mon avocat, annonça le garçon.

Une sonnerie se fit entendre dans la chambre grise de Georges Mills. Jeanne était allongée nue à ses côtés. Il l'observait dormir. Cela faisait quelques jours maintenant qu'ils étaient revenus à Lyon et que la relation avait commencée. Ils passaient leurs nuits ensemble, terrifiés à l'idée d'être seul. Heureux d'être ensemble. Il se leva et attrapa le mobile.

— Monsieur Mills à l'appareil, qui le demande ?

— Père ? s'enquit une petite voix.

L'homme manqua de lâcher son téléphone. Ses jambes et tout son corps tremblaient.

— Henry ? demanda-t-il, au bord des larmes, soulagé d'entendre sa voix après tout ce temps.

— Il faut que tu viennes à Paris. J'ai un gros problème.

Georges passa sa main sur son front, plein d'éléments lui revenaient en mémoire. L'accusation de meurtre, l'affaire Nutella.

— Oui, ne t'en fais pas, je préviens Jeanne et j'arrive le plus rapidement possible.  

Il allait raccrocher quand un « non ! » l'en dissuada.

— Non, ne lui dis rien s'il te plaît, supplia-t-il.

— Pourquoi donc ? s'offusqua le père, qui savait que son amante en deviendrait folle s'il lui cachait une telle chose.

— Papa, sanglota t-il, c'est Paul, il est...

Le garçon ne parvenait pas à finir sa phrase, tant il était peiné.

— Il est mort. Paul est mort.

Un grésillement résonna dans le téléphone et la connexion fut coupée. Georges resta immobile une longue minute, elle dormait toujours. Jeanne Jacobson rêvait. Elle rêvait de son fils, de sa première dent de lait, de son premier sourire, elle rêvait de ses dessins, de ses poèmes. C'était un beau rêve, un de ceux que nous ne voudrions jamais quitter.

Madame Jacobson fut réveillée par le ziiip d'une valise. Elle se releva et fixa l'homme habillé dans son costume trois pièces, beau, élancé, confiant qui terminait son bagage.

— Tu vas où ? demanda-t-elle.

Son dos lui faisait face.

— J'ai du travail. Un client m'a appelé tout à l'heure, je dois aller le voir à Paris.

— Tout de suite ?

— Oui, il est en garde-à-vue à l'aéroport de Roissy-Charles-De-Gaulle. J'ai déjà appelé les avocats spécialisés de l'entreprise pour le défendre.

Elle cligna des yeux.

— Une affaire de drogues infiltrée dans ses affaires à son insu ?

— On peut dire ça comme ça.

Une fois son bagage fait, il approcha de sa belle et déposa un baiser sur ses lèvres.

— On se voit dans quelques jours, déclara-t-il.

Jeanne acquiesça et il quitta la pièce, avant d'entrer dans le taxi, qu'il avait commandé quelques minutes auparavant. Il avait encore menti, mais il savait que c'était la meilleure chose à faire pour le moment. La priorité était de sortir Henry de ce bourbier. Il avait contacté les avocats et ils étaient déjà presque arrivés à l'aéroport où était gardé son fils.

Le policier observait Joe de son air impassible.

— Vous dites être entré chez madame Mills, avoir bu un chocolat chaud et l'avoir vu s'effondrer devant vos yeux, c'est bien ça ?

— Oui, répéta le garçon.

— Ce n'est donc pas vous qui avez empoisonné Joséphine Mills, nom de jeune fille Portier, c'est bien ce que vous dites ?

— Oui, réitéra Joe.

L'homme en bleu ne faisait que répéter éternellement la même phrase, en apportant certaines modulations à sa première déclaration. L'adolescent était épuisé. Il avait peur. Henry subissait le même sort de l'autre côté, avec un autre policier. Il espérait qu'il dise la vérité. On toqua à la porte, un avocat était arrivé sur les lieux.

— Mon client est mineur, expliqua maître Jon à peine entré dans la pièce, savez-vous ce que cela signifie lieutenant Ratignan ?

L'homme baissa le menton et n'ajouta pas un mot avant de quitter la pièce. Il savait qu'il n'avait pas le droit d'interroger un mineur sans la présence de son tuteur. L'affaire avait pris une grande ampleur. Tout le monde avait cherché le trio infernal à travers toute l'Europe. Un tas de rumeurs circulait, mais ils n'étaient revenus qu'à deux. Que s'était-il donc passé ?

— Nous nous chargeons de tout, ne vous inquiétez pas, rassura le professionnel. Monsieur Mills nous a tout expliqué, ce n'est plus qu'une question d'heures. Simple question. Avez-vous le Nutella ?

Joe regarda avec de grands yeux, l'homme joufflu aux lunettes rondes.

— Vous êtes au courant pour le Liporex ?

Le maître hocha la tête.

— Je n'y suis pour rien, monsieur Mills et madame Jacobson vous ont recherchés partout et ont découvert la même chose que vous. Mais maintenant pour vous défendre, il va me falloir ce pot, afin que nous l'analysions auprès de nos experts et que la vérité puisse éclater.

Le blond n'en croyait pas ses oreilles. Les parents savaient. Ils les croyaient.

— C'est Henry qui l'a. Nous avons cassé le pot, mais nous avons réussi à conserver une part, une dose, qui suffirait pour une seule tartine.

— Oui enfin, elle serait la dernière, plaisanta maître Jon. 

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