Chapitre 21: Une Preuve
Georges Mills avait passé la nuit entière sur son ordinateur, à feuilleter tous les articles qu'il trouvait sur l'affaire et à les traduire. Les garçons étaient chez Joséphine quand elle est décédée, mais cela ne signifiait en rien qu'ils étaient coupables. Georges pensait à un piège. Il se demanda qui avait pu déposer ces lasagnes et si cela avait un rapport avec son fils.
La personne qui avait fait ça pouvait très bien s'en prendre aux garçons par la suite. Il ne savait pas bien s'il devait en parler à Jeanne, elle qui était déjà si inquiète, il ne voulait pas la rendre plus malade. Il fut interrompu par un coup à la porte.
— Entrez, s'enquit Mills.
Madame Jacobson s'avança, avant de le saluer et de se poser sur le canapé de la terrasse. Ils avaient pris l'habitude de se rejoindre ici.
— J'ai posté une annonce, expliqua Georges, en danois et en anglais sur quelques forums.
Madame Jacobson leva son sourcil perplexe.
— Une annonce ?
— J'ai demandé à quiconque pourrait avoir des renseignements sur les garçons, de prendre contact avec moi. Récompense à la clé, pour informations sérieuses.
— Nous avons le droit de procéder ainsi ? demanda Jeanne, surprise.
Monsieur Mills fit un mouvement d'épaule.
— Pas vraiment, mais si la police ne l'apprend pas, alors pourquoi devrions-nous nous en priver?
Georges était en train de lire un mail. La veille, il avait contacté un ancien camarade de classe qui était aujourd'hui haut placé, pour qu'il lui envoie le dossier qu'il avait sur Joséphine Mills. Son ami n'avait mis que quelques heures pour lui transférer.
Quand Joséphine était entrée pour la première fois dans les bureaux de son nouveau travail, elle avait eu un frisson d'effroi. On lui avait fait signer un contrat de confidentialité. L'entreprise était censée avoir fermé il y avait quelques années déjà. Tout le monde avait pensé à une faillite dû à un nouveau scandale sur l'huile de palme, que le gouvernement avait interdit.
La jeune Portier avait eu la curiosité de faire des recherches, désirant en faire un projet d'étude. Elle s'était donc mise en tête de chercher un sujet, un angle pour aborder la question. Ce qui l'avait conduite au fameux article qui parlait du Liporex. Il avait été bien rapidement supprimé. Elle se demanda ce qui était arrivé à celui qui en était l'auteur. Sûrement quelque chose que l'on censurerait à la télévision.
Le chercheur parlait de la crise qui allait survenir, due à une bactérie qui avait infecté plusieurs sites de l'entreprise. Ce virus prenait quelques années avant de tuer son hôte. Si l'on en croyait l'article, une épidémie mondiale allait toucher rapidement les consommateurs. Mademoiselle Portier avait pensé à une théorie du complot, comme on en trouvait tant d'autres sur Internet, mais le coup de fil qu'elle avait reçu avait confirmé que ce n'était pas qu'une simple théorie.
— Nous vous souhaitons la bienvenue dans notre entreprise Joséphine, avait déclaré son patron lorsqu'elle avait trouvé l'endroit où on la parquerait pour les années suivantes, juste à côté des toilettes.
— Son dossier est étrange, annonça Georges, lorsqu'il fureta le fichier web qui venait juste de lui être envoyé.
Ses sourcils froncés le vieillissaient.
— Elle a été employée pendant des années par une boîte dont le nom est erroné, puisque introuvable dans les archives commerciales.
— Laissez-moi voir, s'enquit Jeanne, en saisissant l'ordinateur.
Elle pianota quelques minutes, laissa quelques souffles et grognements qui lui étaient propres lui échapper, avant de tourner l'ordinateur pour montrer sa trouvaille à monsieur Mills.
— Je n'avais point été informé de vos capacités en tant qu'informaticienne, expliqua-t-il, merci.
En gros et en gras, on pouvait aisément lire que l'entreprise Fruipolu, qui l'avait embauchée, n'était en fait que l'interface de l'entreprise, anciennement nommée «Nutella ».
— Vous croyez que, commença madame Jacobson.
— Oui, répondit aussitôt Georges, cela a forcément un rapport avec leur quête. Nos enfants ont mis le nez dans une affaire qui est bien plus grosse qu'eux.
Joséphine s'était vite faite à la vie dans sa nouvelle entreprise. Entre petits secrets, gros mensonges et la crise mondiale à venir. On l'avait progressivement plongée dans ce fuel dont elle ne pourrait jamais se dégager. Même à son nouveau mari, Sullivan, elle n'avait rien dit. Son lavage de cerveau avait eu un franc succès, elle était impliquée jusqu'au cou et aucune information ne devait lui échapper. Sinon, elle coulerait avec la boîte, comme un capitaine coule avec son bateau.
Puis il y eut ce jour. Un jour sombre pour la nouvelle dame Mills. Sullivan lui avait demandé de retrouver un vieux disque qu'il avait perdu. Amoureuse, elle avait passé la matinée dans le grenier de leur maison pour chercher l'objet tant désiré, jusqu'à ce qu'un petit carnet ne glisse d'une étagère pour atterrir sur ses pieds.
Que ne fût pas sa surprise, lorsqu'elle lut ses découvertes sur le Liporex et ses suspicions sur son entreprise. Elle savait qu'elle ne pouvait pas laisser passer ça. Elle connaissait son mari, il était du genre déterminé, surtout lorsque des vies étaient en jeu. Alors elle avait envoyé cette lettre, celle qui signait la mort de leur mariage.
« Monsieur le Directeur,
Je dois vous informer d'une découverte majeure. Mon bien-aimé mari et chercheur renommé, a découvert l'existence du Liporex et de ses méfaits. J'attends vos ordres pour agir comme il vous conviendra.
Cordialement,
Joséphine Portier. »
Beaucoup n'auraient pas remarqué la signature de la jeune femme et pourtant, elle avait tout son sens.
Le palpitant de Georges tambourinait. Il se sentait impuissant. Jeanne et lui fouillaient minutieusement le net pour trouver des informations sur la fameuse entreprise, qui avait dû fermer pour cause inconnue du grand public. Il n'y avait rien, si célèbre dans le temps, elle n'avait laissé que des publicités, d'anciennes photos et des commentaires du début des années deux-mille. Quelle folie cette pâte à tartiner avait pu engranger, Mills n'en revenait pas.
— J'ai quelque chose ! clama Jeanne, j'ai trouvé un fichier crypté. Je suis passée par des sites peu légaux, mais qu'importe. Un vieil article parle d'un germe nommé Liporex, qui aurait mis fin à l'entreprise.
Elle continua de lire en silence quand soudain, son expression se figea de terreur. Elle relut et son cœur battit plus fort, tout son corps était en proie aux tremblements. Georges Mills s'approcha alors et lut à son tour le fameux article.
— C'est impossible, murmura-t-il, sidéré.
La réponse n'avait pas tardée. Le courrier avait été expéditif et clair. Joséphine Portier devait faire taire d'une façon ou d'une autre, l'homme qui mettait en danger l'entreprise et tous ses employés. À aucun moment le terme meurtre n'avait été évoqué, ni aucun autre terme qui relèverait de ce même champ lexical, mais Joséphine avait compris.
Plus tard Sullivan Mills était rentré de son laboratoire. Comme chaque jeudi il avait un peu tardé au bar, placé à l'intersection entre la rue de sa maison conjugale et celle de son épicier. Il avait bu un demi de bière brune -sa préférée- comme à chaque fois. Le barman le connaissait très bien, c'était un de ses plus fidèles habitués.
— Alors tu te plais avec ta petite femme et ta grande maison ? lui avait-il lancé ce jour-là, un brin jaloux de cet homme qui pour lui, avait tout.
— Il manque plus que le labrador et la marmaille, avait répondu sur le même ton le frère Mills.
Sans ajouter un mot, il avait fini sa pinte et s'était dirigé pimpant vers son foyer, soulagé de retrouver Joséphine après cette longue journée. Lorsqu'il eut traversé le seuil, une odeur alléchante de légumes en train de mijoter l'avait saisi. Sa femme ne cuisinait que pour les grandes occasions, peu accoutumée aux fourneaux.
— J'ai oublié une date importante ? questionna-t-il, un peu confus.
La belle brune s'approcha de lui. Elle portait une robe rouge qui lui saillait à merveille, ses yeux verts firent tressaillir pour la millième fois son cœur.
— Je n'ai pas le droit de faire plaisir à mon mari ?
Il sourit, qu'il était chanceux de l'avoir dans sa vie. Elle l'invita à s'asseoir et lui apporta une assiette de ratatouille. Avant qu'elle ne reparte en cuisine, il la saisit délicatement par les hanches et lui embrassa le cou. Elle gloussa, avant d'échapper à son emprise.
Quelques minutes plus tard, il entendit :
— Tu n'as pas encore vu le dessert, minauda-t-elle.
Et tel un rêve devenu réalité, Sullivan aperçut sa femme vêtue d'une simple robe en soie, dont la transparence le fit rougir. Elle avançait lentement, la poitrine en avant, les bras croisés sur son postérieur dont il connaissait le toucher. Ses longues jambes se croisaient l'une après l'autre jusqu'à ce qu'elle soit à sa portée.
— Ne bouge pas, chuchota-t-elle, dans un souffle sensuel.
Joséphine se plaça derrière le dossier de sa chaise et alors qu'une des mains douces de la belle dévalait son torse jusqu'à frôler son entrejambe, une violente douleur le paralysa au dos. Sullivan suffoqua quelques secondes, avant que la brume ne s'empare à jamais de lui. Mais avant, quelques secondes avant sa fin, il vit le corps scintillant de sa femme et entendit ces trois mots, ceux-là même qui mettaient fin à leur histoire d'amour.
— Je suis désolé.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top