Chapitre 20: Nouveau Visage

Lorsque Joe et Lydie retrouvèrent enfin le camp, leurs vêtements avaient irrité leurs peaux. Paul et Henry avaient mis plusieurs secondes avant de comprendre que la fille à côté de leur ami était la même que le matin même. Ils ne firent toutefois aucun commentaire. Elle les mena à son ancienne cabane où ils se changèrent, chacun de leur côté.

Quand ils eurent enfilé leurs vêtements secs, Lydie demanda :

— Votre journée a été fructueuse ?

Henry hocha la tête et fixa Paul.

— On attendait le bon moment pour vous raconter.

Le matin même, le duo était parti silencieux du camp. Il ne leur fallut pas beaucoup de temps avant de tomber miraculeusement sur une trace suspecte.

— Des traces de pas, gravées dans la boue, expliqua Paul.

Ils en avaient déduit qu'il avait dû pleuvoir le jour où elles avaient été faites. Il n'y avait pas beaucoup de passage, donc elles avaient été plutôt bien conservées.

— On a remonté les traces jusque-là où l'on pouvait.

Elles s'arrêtaient au niveau d'un tapis de mousse, qui lui, les avait effacées. Alors ils avaient suivi le chemin le plus dégagé. Si des hommes avaient traîné un corps dans cette forêt, ils n'auraient pas pu emprunter les sentiers les plus complexes.

— On a dû marcher quarante-cinq minutes, puis...

D'un coup, derrière les feuillages, Paul avait cru percevoir une fenêtre. Pensant à une vision, il avait cligné des yeux une dizaine de fois avant de remarquer un pan de mur, puis une porte cachée.

— C'était un vieux bâtiment, construit en béton et camouflé par les arbres et la végétation, s'enquit Henry.

Prudemment, les deux amis s'étaient approchés. C'était forcément là que tout se jouait.

— On ne peut pas entrer, avait murmuré Paul, ce serait du suicide.

Henry avait eu une révélation. Il était prêt à parier que la cave d'Adam était au sous-sol et que ce bâtiment avait été construit au-dessus, comme un fort.

— Si l'on ne veut pas avoir fait tout ça pour rien, si, avait expliqué l'adolescent.

Henry s'était avancé en premier. Petit, il avait vu beaucoup de James Bond en cachette et se sentait comme un espion international. Empli de courage, il avait levé le nez et avait observé à travers la fenêtre. Rien. Il avait alors fait un signe dynamique et enthousiaste à son ami, qui n'eut d'autres choix que de le rejoindre.

— Cherchons une autre fenêtre, on ne voit rien par celle-ci, avait-il chuchoté.

Paul l'avait alors suivi. Ils avaient contourné le bâtiment jusqu'à en trouver une autre. De la lumière semblait s'en échapper. Paul tremblait, il était presque couché sur le sol, tant il redoutait d'être démasqué et fusillé sur place. Sans réfléchir, Henry passa de nouveau le nez devant la fenêtre, avant de se baisser la seconde suivante.

— Il y a des gens, avait-il déclaré, deux je crois. Je n'ai eu le temps de voir que des silhouettes, mais ils sont en train de discuter. Il y en a un derrière un bureau et l'autre en face.

Il s'était alors relevé une deuxième fois et avait observé la scène plus longuement. Paul l'avait tiré par le t-shirt, trouvant qu'il s'attardait beaucoup trop et que chaque seconde écoulée, décuplait le risque de se faire prendre.

— Tu ne crois pas que c'est comme ça que le père de Lydie s'est fait buter ? l'avait grondé Paul.

Henry avait hoché la tête, il était vrai que l'adrénaline lui procurait un sentiment de contrôle et de confiance qu'il n'avait pas. Il devait rester en alerte.

— On fait quoi maintenant ? avait alors demandé Henry.

Soudain, sans que le garçon ne s'y attende, Paul s'était relevé et avait observé à son tour la pièce de manière horizontale, avant de bloquer sur un détail. Il avait bloqué suffisamment longtemps pour qu'Henry ne le fasse rasseoir en lui tirant les deux bras.

— J'étais en train de regarder si la porte donnait sur un couloir, quand j'ai vu des tableaux sur le mur, avait expliqué Paul.

— Oui, et ?

Paul avait laissé couler quelques secondes avant de déclarer :

— Il y a un portrait de ta mère, enfin je ne sais pas trop, ça pourrait tout aussi bien être un portrait de Joséphine.

Henry s'était relevé à son tour et ses yeux étaient tombés sur le fameux tableau. Il s'était alors écarté de la fenêtre et du bâtiment. Paul l'avait rejoint par la suite, à grands pas.

— Où tu vas ? lui avait demandé le brun.

Henry était blanc. Il sentait que ce qu'ils étaient sur le point de découvrir n'allait pas lui plaire.

— J'ai besoin d'air, avait-il expliqué.

Le cerveau de Paul fusait en explications diverses et compliquées.

— Il faut qu'on entre et qu'on vole leurs fichiers. Il faut que l'on sache pourquoi il y a ce portrait sur le mur, avait annoncé le métis.

Henry était assis, la tête entre ses deux coudes. Il refusait de bouger. Alors sans l'en avertir, son ami s'était dirigé vers la porte. Il avait appuyé sur la poignée qui était ouverte et avait pénétré à l'intérieur.

Joséphine Portier n'avait jamais été brillante dans ses études. Elle n'aimait pas ça, les notes, les profs, les examens, mais ses parents étaient d'un autre avis. Alors elle avait terminé son cursus de biologie. Diplômée, elle avait envoyé son CV un peu partout, peu convaincue. Joséphine n'avait jamais eu goût à rien.

Puis un jour, un numéro masqué l'avait contactée. Il était tard, elle était sur le point d'aller se coucher.

— Oui ? Elle avait demandé.

Rien au bout du fil.

— Je suis Joséphine Portier, vous avez essayé de me contacter, qui êtes-vous ? avait-elle poursuivi.

Une seconde de plus s'était écoulée.

— Bonsoir Joséphine, nous vous avons effectivement contacté pour une proposition d'emploi.

— Laquelle ? avait demandé nonchalamment la jeune femme.

— D'abord, je dois savoir si vous êtes digne de confiance.

Cette phrase l'avait intriguée.

— Pourquoi ne le serais-je pas ? Comment avez-vous eu mon numéro ?

— Cela fait plusieurs semaines que notre équipe vous a repérée.

— Pardon ?

— Vous avez fait des recherches sur internet qui nous ont menés à vous.

Joséphine avait tremblé, terrifiée par cette impression d'avoir été épiée.

— Lesquelles ?

— Je ne peux pas vous le dévoiler.

— C'est une blague ? Foutez-moi la paix.

Mademoiselle Portier allait raccrocher, quand la voix l'avait arrêtée.

— Nous savons ce que vous avez découvert sur notre produit et nous voudrions que vous rejoigniez l'équipe.

Elle avait alors réfléchi.

— Vous êtes l'entreprise Nutella ?

— Oui, mademoiselle. Alors, seriez-vous prête à rejoindre notre équipe pour un revenu confortable ?

— Vous êtes en train d'acheter mon silence ?

L'expiration de l'interlocuteur fut lourde.

— Je suis surtout en train de vous donner une chance de survivre.

Son souffle s'était coupé. Cette menace était à peine voilée. Elle s'était rappelée ses découvertes et avait réalisé soudainement son ampleur et sa dangerosité.

— D'accord, avait-elle bégayé.

Et ce fut ce jour-là, que Joséphine Portier avait vendu son âme au diable et ce jour-là, où sa vie avait pris un nouveau tournant qui plus tard, la mènerait à sa perte.

Paul avait progressé d'une centaine de mètres dans le couloir. Il ne savait pas vraiment où il allait, ou exactement ce qu'il cherchait, mais il était déterminé. Il savait qu'il n'était pas loin de la vérité. Il savait que bientôt, le mystère Nutella allait être résolu. Après plusieurs frayeurs, le garçon entra dans la première pièce qu'il trouva ouverte et où figurait un ordinateur.

Il l'alluma et après plusieurs manœuvres, dont il avait le secret, il ouvrit une session et chercha dans les fichiers le nom Marie Portier, puis celui de Joséphine Portier. À la seconde recherche, il trouva un dossier entier. Il double-cliqua et une fenêtre s'afficha. Ce qu'il trouva le laissa sur les fesses.

La vie entière de Joséphine y était décrite. Son CDD avait été scanné et enregistré, comme tout un tas d'autres papiers. Elle avait intégré l'entreprise quelques années avant l'épidémie. Il y avait aussi des échanges de mail, de SMS et tout un tas de fichiers.

Un en particulier le fit pâlir, il s'agissait d'une lettre manuscrite. Paul réalisa que cela faisait déjà quelques minutes qu'il était dans cette pièce, il décida de sortir. Avec beaucoup de discrétion, il avait rejoint l'extérieur, puis Henry, qui n'avait pas bougé.

— T'étais passé où ? lui avait-il demandé alors.

— Je suis entré, avait expliqué Paul.

Henry ne l'avait pas cru tout de suite.

— Qu'est-ce que tu racontes ? avait- bafouillé le garçon.

Paul lui avait tout expliqué. Après plusieurs minutes, Henry avait déclaré qu'ils devaient absolument rentrer au camp pour raconter aux autres leur découverte.

Joe et Lydie étaient toujours accrochés à leurs lèvres, n'en perdant pas une miette. Tout cela semblait aller si vite pour Lydie. Dire qu'elle avait été si près du but depuis tout ce temps. Les garçons avaient cessé de parler, mais ils ne semblaient pas avoir lâché toutes les informations. Alors Joe et Lydie continuèrent de patienter, jusqu'à ce qu'Henry prenne une longue inspiration et n'expire tout aussi lourdement.

— Je crois que ma tante faisait partie du coup, annonça Henry.

Joe leva haut les sourcils. Il l'avait déjà sous-entendu, alors pourquoi ce ton inquiet ?

— Et il y a fort à parier, que c'est elle qui a assassiné Sullivan Mills. 

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