Chapitre 2: Le Code
Henry n'eut pas le temps de le provoquer que Paul ouvrait déjà la porte. Sans mot dire, les deux garçons pénètrent à l'intérieur et s'installèrent sur la table de la salle à manger.
— C'est bien la peine de vous demander où on se retrouve, si c'est pour que vous veniez toquer chez moi dix minutes après.
— C'est notre QG, il faudra que tu l'acceptes un jour, annonça Joe.
— N'en déplaise à ta mère, s'enquit Henry, dans un rire.
Une bibliothèque fournie recouvrait les murs de la salle à manger à l'ambiance boisée. La maison de Paul abritait des trésors qui malgré les années, n'avaient pas encore été tous découvert par les trois curieux.
— Ma pauvre mère vous a presque adoptés depuis le temps, s'écria l'hôte.
Le lustre en cristal scintillait de mille feux, illuminé par un soleil chatoyant.
— Alors c'est quoi le code ? interrogea Joe, impatient.
Paul l'ignora et vint les rejoindre à table, il ouvrit son ordinateur et farfouilla dans plusieurs dossiers, tout cela dans le silence le plus complet. Les deux garçons l'observaient, habitués à ce comportement secret.
— J'ai fait plusieurs recherches sur le net pour connaître les codes les plus répandus. J'en ai essayé plusieurs jusqu'à trouver celui-ci.
Il montra une feuille où plusieurs annotations se couraient après:
A + 2 = C
B + 2 = D
....
Z + 2 = B
ECXG - UWTXKXCNKUVG - CFCO
CAVE - SURV IVA L I S TE - ADAM
Les deux garçons froncèrent les sourcils, tandis que Paul affichait son air narquois.
— En réalité, c'était une énigme enfantine, ajouta le garçon.
Henry griffonna à son tour sur la feuille. Le code amenait à une personne et à un lieu. La carte montrait une partie de la Sibérie qui aujourd'hui était un état laissé à l'abandon et où personne ne savait précisément ce que l'on pouvait y trouver. Des rumeurs couraient, mais aucune confirmation n'avait été faite. Certains parlaient de monstres, d'autres de tueurs sanguinaires, d'autres encore de forêts hantées.
— Donc d'après les indices, le dernier pot de Nutella se trouverait en Sibérie dans la cave d'un survivaliste nommé Adam, annonça le brun.
Joe, dont les cheveux blonds faisaient jalouser les filles les plus coquettes, se tourna vers lui, un air effrayé sur la face.
— La Sibérie ? Tu en es sûr ?
En réponse, le garçon sortit la carte et lui tendit.
— Mais... c'est, bégaya Joe.
Ce dernier n'avait pas pour réputation d'être une mauviette et la pâleur de son visage confirmait l'image terrifiante que l'on avait de la Sibérie en l'an deux-mille soixante-quatre.
Paul ne s'attarda pas longtemps sur l'endroit et enchaîna :
— Je n'ai pas encore eu le temps de chercher d'où vient le tampon sur le colis.
— Ne t'inquiète pas, je m'en charge, déclara Henry.
Il sortit son téléphone et afficha l'image en grand écran :
Longuement il analysa les détails, avant de se mettre à fouiller le web. Au bout d'une heure, il trifouilla dans la bibliothèque espérant y trouver un ouvrage qui décrirait les tampons du monde à travers les époques et puis, après plusieurs heures de lecture, il trouva enfin ce qu'il cherchait.
— Eurêka, cria t-il.
Ses deux amis qui se renseignaient chacun de leur côté sur la disparition du Nutella, les survivalistes russes et sur les voyages en Sibérie, se tournèrent vers lui, étonnés par l'expression dépassée dont il venait de faire usage.
— D'après le livre de ta mère, ce tampon daterait d'il y a cinq ans et il proviendrait d'Allemagne. Pour la cire bleue, je n'ai pas encore trouvé, il devrait venir de France pour dire qu'il a bien été réceptionné, mais le nôtre est rose.
Paul se leva et rejoignit Henry. Il plissa ses yeux bleus et passa la main dans sa chevelure frisée, avant d'attraper un livre au dos doré et de l'ouvrir en son milieu. Comme s'il pouvait le scanner de l'extérieur. Sa peau halée était lisse et ses traits, fins. Sous ses airs ingénus se cachait un caractère d'acier.
— La cire vient de Belgique, tu n'as pas été domicilié à Bruxelles plus jeune, Henry ?
— Si, j'ai vécu quelques mois là-bas, il y a six ans. Mais on est revenus ici, car les frites belges et l'ambiance rustique ne plaisaient pas à mon très cher père.
Il avait fêté ses onze ans dans la capitale Belge et pour seul compagnon il avait eu Bernard, le chat des voisins qu'on lui avait confié pour un week-end. Son père avait demandé à sa secrétaire d'organiser une petite fête, mais son géniteur s'était trompé de date. La fête prévue le lendemain fût annulée quand l'enfant fit un caprice en apprenant que son anniversaire n'aurait pas lieu le bon jour, suite à une « petite faute d'inattention ».
— La personne qui t'a envoyée ce colis connaissait ce déménagement, mais le temps que le colis n'arrive à destination, tu avais dû changer de domicile. Ton paquet a dû errer de poste en poste pendant plusieurs années avant d'être rapatrié au bon endroit, expliqua Paul.
Henry commença à réfléchir aux personnes qui auraient pu connaître son changement d'adresse pour la Belgique. La question était difficile, il n'avait pas beaucoup de proches.
— Tu connais quelqu'un qui vit en Allemagne ? intervint le blond.
Joe n'avait jamais été la tête pensante du groupe, il avait toujours laissé ça à ses amis. Il n'était pas bête, mais les capacités intellectuelles des deux garçons dépassaient l'entendement. Son truc à lui, c'était le sport et les épreuves de force. Beaucoup trouveraient cela réducteur, pas lui. La force n'était pas toujours dans les muscles, elle pouvait être mentale et son endurance et sa détermination étaient connues de tous et admirées par l'ensemble.
— Très bonne question, je devrais regarder dans le carnet d'adresses de mon père. Je prends note.
Le brun ouvrit son mémo et écrivit la tâche à effectuer dès ce soir. Un bruit reconnaissable résonna à l'extérieur. Le portail électrique était en train de s'ouvrir, avant qu'un moteur ne rugisse et que les graviers ne grincent.
— On se voit demain ? déclara Paul, anticipant l'entrée de sa mère, je vais essayer de retrouver la poste depuis laquelle le colis a été expédié. Ce sera peut-être plus simple pour retrouver la personne en question.
Une femme d'une cinquantaine d'années s'annonça en sonnant à la porte comme si l'habitation ne lui appartenait pas, puis elle inséra les clés et entra. Les trois garçons étaient debout, côte à côte et se préparaient à se séparer.
— Bonsoir les garçons, Henry, tu devrais faire attention où tu mets ton vélo, les passants pourraient se blesser.
Obsédé par sa course, puis par le colis mystère et son code, le garçon avait complètement oublié son engin qu'il avait envoyé valser en arrivant.
— Bonsoir madame Jacobson, vous avez raison, je serai plus attentif la prochaine fois, s'excusa l'adolescent.
Les deux amis dirent au revoir et quittèrent la maison pour rejoindre la leur. Quand l'adolescent accrocha son vélo, la voiture de Georges n'était pas sur sa place de parking. Henry entra donc tranquillement dans son appartement et se réfugia dans sa chambre où il y déposa ses affaires. Il se souvint ensuite de sa mission. Il devait récupérer le carnet de son père qui regroupait l'ensemble de ses contacts.
D'un pas de loup, il quitta sa chambre et pénétra dans l'antre de Georges. La pièce était immense et dans un style bien particulier. Lourd était le premier adjectif qui venait à l'esprit du brun, raffiné était le qualificatif qu'utilisait Georges. L'odeur de cigare embaumait la pièce, rendant la respiration difficile. Quelques gouttes de sueur froide coulèrent dans son dos. Henry n'était jamais entré ici. L'accès au territoire de son père lui était formellement prohibé depuis toujours, même lorsque sa mère vivait encore avec eux.
Le garçon s'empara d'une des poignées de son bureau et tira doucement dessus. Comme s'il craignait qu'un mécanisme ne s'enclenche et qu'une bombe ne lui explose à la figure. Il n'y avait rien de bien intéressant dedans. Il le referma rapidement et à partir du quatrième tiroir, l'appréhension avait disparue, mais son impatience elle, n'avait fait que grandir.
Après une demi-heure de recherche intensive et infructueuse il s'apprêtait à abandonner, quand une idée lumineuse lui vint à l'esprit. Son père avait toujours été extrêmement méfiant envers n'importe quel être vivant, ses objets personnels devaient être cachés dans un endroit improbable. Quel était le seul endroit où l'on était sûr de ne jamais trouver Georges ?
Henry vérifia qu'il avait bien tout remis en place et après avoir fermé la porte, il courut dans le couloir et entra précipitamment dans sa chambre. Lorsque l'on connaissait Georges, il n'y avait qu'une seule pièce où l'on ne le soupçonnerait jamais d'entrer : la chambre de son fils.
L'adolescent scanna l'endroit avec un œil neuf, cherchant un coin qu'il n'avait jamais vu et dont la cachette pourrait être parfaite. Soudain, la courbure de sa chaise de bureau le fit tilter. L'enflement était suspect, il chercha une fermeture et après quelques secondes, ouvrit le zip et y plongea la main.
Des objets inconnus ne tardèrent pas à se faire sentir. Il sortit respectivement une montre d'un grand bijoutier, du liquide en quantité importante, des codes et enfin un petit carnet à l'épaisseur respectable.
Sans attendre, il l'ouvrit et commença à le lire. Alors qu'il était encore aux B, il entendit son père entrer. Dans un coup de sang, il rangea l'attirail secret et sauta sur son lit. Agrippant au passage un nouveau livre, un Shakespeare, qu'il ouvrit aux premières pages.
La porte s'ouvrit et dévoila un Georges sombre dans son costume bien taillé qui le détailla d'un œil froid :
— Tu pourrais te tenir correctement. La posture d'un homme se doit d'être élégante, crois-tu que les femmes s'émeuvent devant les bossus ?
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