Chapitre 16 : Flèche Brisée

La marche était difficile. Paul commençait à fatiguer. Pour rattraper leur retard de ces derniers jours, ils avaient marché seize kilomètres sans s'arrêter. Lorsque le brun aperçut un tronc couché sur le sol, il s'y assit et fit un signe pour montrer qu'il déclarait forfait.

— Paul, non ! Tu sais bien que l'on ne doit pas s'arrêter, et puis où veux-tu que l'on dorme ? Il y a plein de racines et de nids de fourmis ici, s'énerva Henry.

Paul marmonna quelque chose. Joe et Henry n'y firent pas attention et continuèrent d'avancer. Le garçon finit par les rejoindre, boudeur. Ses amis ne s'y attardèrent pas et marchèrent en rythme.

— Si mes calculs sont bons, nous devrions arriver demain sur le terrain, annonça le brun aux yeux bleus.

Les garçons, remarquant que le soleil disparaissait derrière les arbres, se mirent à chercher un endroit plat pour se poser durant la nuit. Un bruit derrière eux les stoppa. Le cœur battant, ils s'immobilisèrent sans oser se retourner.

— Vous avez entendu ? chuchota Joe.

Paul hocha la tête et Henry ferma les yeux. Il tentait de se raisonner. À l'aide d'un long souffle, il se remit en marche et regarda furtivement derrière son épaule. Les deux amis étaient restés en arrière et le fixaient avec un air terrifié.

— Il n'y a rien, leur expliqua-t-il.

Et c'était vrai, derrière eux ne régnait que le mouvement du vent sur les feuilles mortes étalées sur le sol.

Joe lâcha un brrr avant de déclarer :

— Je le sens pas, je le sens pas, répéta-t-il.

Alors qu'ils avançaient, les sens en alerte, ils sentirent que quelque chose les suivait. Mais ils avaient beau regarder de tous les côtés, rien n'y faisait, il ne voyait rien.

— Vous croyez que c'est le psychopathe qui a tué Joséphine et Ugor ? interrogea Joe.

— Tu les appelles par leurs prénoms maintenant ? demanda Henry.

— C'est une question de respect, s'enquit-il.

Ils furent interrompus par la tombée d'une branche sur leur chemin quelques mètres plus loin. Immobiles, leurs regards étaient cette fois-ci figés sur le ciel et les arbres. Il y avait quelque chose, le doute n'était plus permis.

— On fait quoi ? chuchota Henry.

Soudain, alors que Paul allait s'avancer, une flèche vint siffler près de son oreille avant de disparaître derrière un bosquet. Le garçon n'eut ni le temps de crier, ni le temps de comprendre. Il chercha d'où provenait cette flèche, quand une seconde siffla au-dessus de la tête de Joe. Puis une troisième, entre Henry et Paul.

Sans attendre, il se couchèrent sur le ventre et protégèrent leurs nuques à l'aide de leurs deux mains. Les flèches plurent ainsi pendant une dizaine de secondes, mais aucune d'entre elles ne toucha les adolescents. Après que le silence ait repris sa place, ils se relevèrent et tremblants, cherchèrent à comprendre ce qui venait de se passer.

— Je vais voir où sont passées les flèches, annonça Joe.

Paul le regarda, éberlué, mais pourquoi faire ? pensa-t-il. Il était d'avis qu'ils prennent tous trois leurs jambes à leur cou et qu'ils quittent cet endroit le plus vite possible.

— Ce n'est pas nous que l'on visait. Tout porte à croire que quelque chose essayait de nous protéger. Je veux savoir pourquoi, poursuivit-il.

L'aventurier fit quelques pas et ramassa la première flèche qui fut à sa portée. Puis il en rattrapa une plus loin, puis une autre. Il atteignit le bosquet et y trouva du sang, ainsi que la moitié d'une flèche. Celle qui incluait la plume. Il leva ensuite les yeux et la vision de la scène lui fit se décrocher la mâchoire.

— Les gars, venez voir, cria-t-il.

Henry et Paul accoururent et observèrent le même spectacle que leur ami aux yeux foncés. Là devant eux gisait une énorme bête, on aurait dit un ours, mais ses yeux étaient rouges et ses dents acérées sortaient de ses babines. Comme les tigres à dents de sabre durant la préhistoire.

— Mais c'est quoi cette horreur ? s'enquit le brun.

Des mouches commençaient déjà à se poser sur le cadavre de l'animal.

— La magie de la Sibérie, annonça Paul sur un ton grave.

Le vent faisait bouger son pelage sombre. Trois flèches étaient enfoncées dans son dos. Une pointe était fichée sur son nez et était brisée.

— Comment ça se fait que l'on ne l'ait ni vu, ni entendu ? questionna Joe.

— Regarde ses pattes, on dirait des énormes coussins. Il a de toutes petites griffes, peut-être qu'il s'est adapté pour mieux chasser. Être bruyant dans cette forêt, ça ne doit pas être bien pratique.

Une des oreilles de l'ours était déchiquetée. Qu'est-ce qui avait bien pu s'attaquer à cette monstruosité ? Soudain, Paul imagina un écureuil zombie se jeter sur la bête et lui grignoter l'oreille pour son repas, comme il aurait grignoté une noisette.

— Tu avais raison Joe, souffla Henry, quelqu'un nous a protégés et peut être même sauvés.

[TW-Sang]

Les trois garçons n'arrivaient pas à détacher leurs yeux de la bête. Ils avaient l'impression qu'elle pouvait se réveiller à tout moment. Prenant son courage à deux mains, Joe approcha et toucha la truffe de l'animal. Sa gueule était béante et sa langue sortait, aucun souffle. Curieux, il caressa la tête de l'animal, son pelage était poisseux, le sang avait coagulé sur ses poils.

[Fin de TW]

— Tu ne devrais pas le toucher, il a peut-être des maladies.

Le blond hocha la tête et retira sa main. Il n'aimait pas la chasse et même s'il savait que cette bête aurait pu le tuer, il ne pouvait pas se réjouir devant un tel spectacle. L'adolescent se sentit désolé pour l'ours et il s'écarta pour rejoindre ses deux amis.

— Tu ne vas pas me dire que tu vas pleurer sa mort quand même, énonça Paul.

Joe ferma les yeux et se tourna vers son interlocuteur.

— Si nous n'avions pas été là, il n'aurait pas été dangereux. Il ne faisait que vivre sa vie, il n'a pas choisi de ressembler à un monstre, déclara attristé le garçon.

Henry respecta l'opinion de son ami, même s'il ne la partageait pas. Il connaissait sa sensibilité et il l'appréciait. C'était ce qui le rendait si spécial.

— Allons-nous en, s'enquit Paul.

Joe les laissa prendre de l'avance. Quand il fut seul avec l'animal, il retira une à une les flèches, ferma les yeux de la bête et plaça des branchages tout autour de son corps. Il saisit une des flèches qu'il avait laissé en petit tas près du bosquet et rejoignit les adolescents qui lui avaient laissé un peu d'espace.

Il faisait sombre désormais et trouver un coin pour passer la nuit était devenu une priorité. Paul refusait de dormir près de l'ours et voulait continuer d'avancer, tandis qu'Henry était plus réaliste et savait qu'ils devaient être raisonnables.

— Si dans cinq minutes nous n'avons pas trouvé de clairière, nous dormirons sur les racines, tant pis. C'est bien trop dangereux d'avancer ainsi à l'aveuglette dans la nuit, s'enquit l'adolescent.

Ses amis acceptèrent et comme Henry l'avait prédit, ils ne trouvèrent pas de clairière. Lorsque le chronomètre sonna cinq minutes, ils posèrent leurs affaires et leurs séants. Chacun défit son sac et sortit son couchage, avant de s'y glisser et de laisser le sommeil le gagner.

La nuit fut courte et quand Joe ouvrit les yeux, la première chose qu'il vit fut une pointe de flèche dirigeait droit sur le bout de son nez. À minute que le temps passait, il réussit à percevoir l'arc tendu et la main blanche qui le maintenait. Plus loin, un visage flou féminin attendait, les sourcils froncés.

— Mais qu'est-ce que, bégaya-t-il, encore confus par le sommeil.

Il entendit l'arc se tendre un peu plus.

— Ne bouge pas, murmura la voix féminine.

Joe cligna des yeux plusieurs fois et réussit enfin à apercevoir le visage de l'archer. Son front était large, son menton carré et son nez tordu. Un bâillement résonna derrière l'adolescent, Paul était en train de se réveiller.

— Bien dormi ? demanda ce dernier, qui ne se doutait pas qu'un de ses amis était pris pour cible.

Lorsque Paul releva la tête, il aperçut une jeune fille, pas très grande, aux cheveux sales qui visait Joe. L'adolescent laissa échapper un cri.

— Tu bouges, je tire, expliqua l'archère.

Cette phrase fit sortir Henry de son sommeil. La première chose qu'il vit, ce furent ses yeux, immenses et gris. Sa chevelure crasseuse était noire de boue, des feuilles étaient emprisonnées au milieu des mèches.

— Laisse-le tranquille, annonça le brun.

La fille ne bougea pas.

— Pourquoi tu fais ça ? continua-t-il.

Elle releva son visage et le soleil fit briller sa peau grasse et pâle.

— Pourquoi êtes-vous ici ? interrogea-t-elle de sa voix rauque.

— Nous cherchons le dernier pot de Nutella, annonça Joe, dont la pointe de la flèche était en lévitation devant son ventre.

Le souffle des trois garçons était court et rapide.

— Vous ne devriez pas être ici, expliqua-t-elle, la Sibérie n'est pas un parc à touristes en manque d'adrénaline.

Soudain, Paul réfléchit :

— Comment ça se fait que tu parles français ?

Sa tête la démangeait, mais ses deux mains étaient prises et tenaient en garde la larve humaine qui était à ses pieds.

— Qu'est-ce que ça peut te foutre ? cracha-t-elle.

Henry se releva et approcha.

— C'est toi qui nous as sauvés hier, non ?

Elle acquiesça du menton.

— Ça veut dire que tu nous veux pas de mal. Alors laisse Joe tranquille, s'il te plaît.

L'archère ferma les yeux un instant, elle expira et ramena son arc vers elle.

— Vous ne savez pas dans quoi vous avez mis les pieds, déclara-t-elle.

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