Chapitre XI : La fin d'une vie
Je passai la nuit au Shield. Ce n'était pas vraiment suspect, beaucoup d'agents le faisaient. Surtout lorsqu'une telle situation arrive. Les rumeurs concernant Fury et Captain America n'étaient encore pour moi que des rumeurs... La nuit fût des plus longues et j'eus du mal à m'occuper. Aucune autre information ne filtrait de la salle principale des opérations et, malgré mon statut d'agent de niveau six, je n'avais pas pu y accéder. Cela m'avait d'ailleurs surpris mais j'avais décidé de ne pas faire d'esclandre : ce n'était pas vraiment le moment de me faire remarquer. Surtout que j'avais encore ce pressentiment que quelque chose d'horrible se tramait au sein même du Shield. Mais j'étais isolée et même si je décidais d'appeler des renforts, seul Clint aurait eu ma confiance. Or, il n'était pas là. D'ailleurs, qui pouvait savoir où il se trouvait ?
Il fallut attendre les premières lueurs du soleil pour que l'annonce éclate officiellement : Fury était mort. Mort. Réellement. Ce n'était pas une blague qu'on nous faisait. On ne ferait pas ce genre d'annonce à la légère, surtout quand cela concerne le directeur. Le Shield était désormais sans ses fondations, l'organisation était vacillante même si je me doutais que quelqu'un d'autre serait nommé au poste du défunt Fury. Et cela très rapidement. La question du futur directeur, ou directrice, ne m'inquiétait guère. J'étais bien trop bouleversée par la nouvelle que je me réfugiai aux toilettes et me fis face. L'imposant miroir des toilettes des dames du cinquième étage me renvoyait une image épouvantable de moi. Je ne m'étais pas rendue compte, en quittant la salle où je travaillais, que je m'étais mise à pleurer. Et pourtant, je dus bien me rendre à l'évidence que les grosses gouttes qui perlaient le long de mes joues n'étaient pas dû à une quelconque fuite d'eau. C'était bien moi, pleurant à chaudes larmes et avec des cernes sous les yeux, que je voyais. J'aurai pu m'offusquer de voir autant de faiblesse qui refaisait surface, mais ce n'était pas cela qui m'intriguait, c'était plutôt le fait de me voir pleurer pour la mort d'un homme dont j'ignorais tout. J'avais pourtant eu toute la nuit pour m'y préparer, pour contrer mes émotions, mais je pleurai tout de même. Fury n'avait jamais été un ami, ni même quelque chose qui aurait pu créer en moi un quelconque sentiment d'empathie. Il me fallut quelques minutes pour comprendre ma réaction. Après la perte de mon grand-père, Nick Fury avait pris la place du protecteur, de l'exemple paternel à suivre. Nick Fury avait été d'ailleurs la seule personne vivante à tout savoir à mon sujet. Il aurait été le seul à pouvoir répondre à mes questions ou à m'aider. Désormais, même si je m'étais toujours persuadée que j'étais seule, je me sentais abandonnée. Je me repris très rapidement et regagnai la salle que j'avais quittée pour reprendre ma tâche. J'étais de nouveau moi : indifférente et concentrée.
Le courage qui ne me manquait pas d'habitude, disparaissait au fil des jours et surtout des annonces. Le premier jour, Steve Rogers fût convoqué par le secrétaire Alexander Pierce, un haut gradé au Shield. Et dans l'ascenseur du retour, il se fit attaquer par des agents. Néanmoins, le rapport officiel prétendit que ce sont ces derniers qui se sont fait attaquer. Beaucoup perdirent confiance en Captain America, mais pas moi. Ma foi en cet homme est et restera inébranlable. À partir de ce moment-là, il fût désigné comme l'indésirable numéro 1, tout comme Natasha Romanoff qui se rallia à lui. C'était une chasse à l'homme qui se déroulait contre deux des plus grands agents. Je ne pouvais croire à un acte de trahison de la part de l'un d'entre eux, encore moins de la part de Steve. Le patriotique super-soldat qui trahit son pays ? Cela sonnait tellement faux dans ma tête que je ne pus le croire un seul instant. Plusieurs jours passèrent, peut-être une semaine, quand les festivités reprirent. La journée avait commencé de la même manière que les précédentes : un rapport concernant les dernières rumeurs sur les deux fugitifs. Une grande partie des missions avaient été abandonnées et toutes les forces du Shield avaient été déployées pour trouver les deux fuyards. C'est ceci qui ne faisait que créer en moi un sentiment de méfiance envers chaque agent que je croisais. Ma confiance en Captain ne faisait qu'affaiblir ma fiabilité au sein de l'agence pour laquelle je travaillais. Je savais que j'allais devoir faire un choix, mais je ne pensais pas devoir le faire l'après-midi même.
C'est vers 14h30 qu'une déclaration des plus surprenantes se fit entendre partout dans l'immeuble. Pour ma part, j'étais dans un couloir et je dus me stopper tant l'émotion me prit. La voix de Steve me réchauffa le coeur, mais je cachai mes émotions pour ne pas me faire abattre.
-À tous les agents du shield, proclama la voix de l'interphone d'une voix forte, ici Steve Rogers. Vous avez beaucoup entendu parlé de moi ces jours-ci. Certains d'entre vous ont même reçu l'ordre de me traquer, mais il est temps de vous dire toute la vérité. Le Shield n'est pas ce que nous avons cru. Il a été noyauté par les gens d'Hydra. Alexander Pierce est leur chef. Le Strike et les équipes du projet Insight font aussi partis d'Hydra. Et d'autre, je ne sais pas qui, mais ils sont parmi nous. Peut-être même à côté de vous. Ils sont sur le point d'arriver à leur fin : le contrôle absolu. Ils ont tué Nick Fury. Et cela ne s'arrêtera pas là. Si vous lancez ces héliporteurs aujourd'hui, Hydra pourra tuer tous ceux qui se mettront à travers son chemin. Sauf si nous les arrêtons. Je sais que je vous demande beaucoup, mais la liberté coûte cher depuis toujours. C'est un prix que je suis prêt à payer. S'il n'y avait que moi, j'y serai tout autant résolu. Mais je parie que je ne suis pas le seul.
Sa voix disparut, me remettant brutalement dans la dure réalité. Je devais faire un choix. Non, j'avais déjà fait mon choix. Je choisissais la liberté et décidais d'éradiquer Hydra. Ou du moins d'essayer de faire quelque chose. Je n'avais pas utilisé mes pouvoirs depuis une semaine et je sentais qu'aujourd'hui plus que jamais, ils allaient m'être utile. Le danger était désormais partout : je le percevais partout autour de moi. Qui était l'ennemi ? Qui était l'allié ? Avec un tel message de la part du Captain, les coups et les blessures risquaient d'être nombreux. J'aurais voulu retrouver Steve, mais il aurait pu lancer ce message à plus d'une dizaine d'endroits dans le bâtiment. Que devais-je faire ? Que pouvais-je faire ? Je me réfugiai aux toilettes, dans l'espoir d'avoir quelques secondes supplémentaires pour réfléchir.
Mauvaise idée. Lorsque j'y entrai, je fis face à un agent. Ami ? Ennemi ? Son regard en disait long sur son attention, tout comme sa main qui s'approchait dangereusement de son arme coincée dans son holster. Il eût le temps de dégainer, mais pas de tirer. Je fus bien plus rapide que lui : la seconde où j'avais vu son regard, j'avais prié de toutes mes forces et m'étais retrouvée derrière lui. Cela le décontenança et put me permettre de l'accabler d'un coup dans la nuque. Fatal ou pas, je n'avais pas le temps de me préoccuper de sa santé et puis de toute façon, il m'aurait tuée. Je courus vers la porte que je fermai derrière moi, à verrou. J'essayai de me remémorer les paroles de Steve. Hydra. Alexander Pierce. L'équipe du Strike. Le projet Insight. C'était ce dernier point qui attirait mon attention. Si les trois héliporters, qui devaient d'ailleurs être lancés aujourd'hui, arrivaient à se calibrer, Hydra aurait gagné et serait indétrônable. C'était ça la mission de Steve, j'en étais persuadée. Je ne savais pas comment le rejoindre ou comment l'aider. Tout ce que je pouvais faire était d'abattre un maximum d'ennemi pour lui permettre d'avoir du temps.
Des coups de feu retentirent un peu partout, ce qui ne me laissait qu'une seule option : me joindre à la bataille. La difficulté résidait quant à savoir qui était l'ennemi et qui était l'allié. Qui pouvais-je attaquer ? En plus de cela, j'allais devoir faire comprendre que j'étais du côté de Captain America. Quelques secondes plus tard, je sentis une secousse : le hangar aux héliporters était ouvert. Je revins vers mon "ami" endormi et le dépouillai de tout ce qui pouvait m'être nécessaire : pass, gadgets en tout genre, armes blanches et bien entendu son pistolet et ses chargeurs. Une fois équipée, ce qui ne me prit que quelques secondes, je sortis dans le couloir sur le qui-vive. La vague incessante des tirs me rendaient de plus en plus anxieuse. Certes, j'étais habituée à bon nombre de mission, mais pas sans un plan et sans rien savoir sur le nombre d'ennemis que j'allais devoir affronter. Le couloir était désert, c'était bien trop "calme". Je ne sentais aucune présence aux alentours et je décidai de m'approcher de la baie vitrée au fond du couloir pour apercevoir ce qui se passait dehors. Les trois héliporters étaient tous trois sortis du hangar et se trouvaient désormais à plusieurs mètres au-dessus du sol. Un étrange ballet se déroulait sous mes yeux : une curieuse personne dotée d'ailes était prise en chasse par un avion du Shield. Je supposai donc que l'homme volant devait être un allié du Captain.
Ma petite réflexion ne dura pas longtemps : je sentis de la visite non loin de moi. Je fis volte-face et dégainai à temps pour tirer sur mon adversaire, mais mon coup de feu ne fit qu'en attirer d'autres. Deux hommes à la carrure imposante débarquèrent du même endroit que leur collègue mort et tentèrent de me tirer dessus. J'esquivai en me plaquant derrière le mur d'un couloir adjacent. Le fait qu'on essayait de me tuer ne m'aidait pas vraiment à me téléporter.
-Calme-toi, tentai-je de me persuader.
Il me fallut près de cinq secondes pour avoir une certaine maîtrise et de me retrouver derrière les deux colosses. Mais je n'avais pas envie de tirer. Je n'étais pas Hydra. Je ne voulais pas tuer chacun de mes ennemis sans qu'ils ne voient mon visage. Je laissai donc mon arme dans mon holster et attrapai mon couteau de guerre.
-Derrière vous, indiquai-je d'une voix hilare.
Ils réagirent au quart de tour, mais pas assez vite pour eux. Je mis très vite le premier K.O en lui assénant un coup de pied fatal dans la tête tandis que je dépossédai le deuxième de sa seule arme. Il ne me fallut que quelques secondes pour l'envoyer rejoindre ses deux petits amis. Tout dans le corps, mais rien dans la tête. Il n'avait pas vu venir mes coups et n'avait donc pas pu les éviter, et encore moins répliquer ! J'en étais désormais à quatre en moins de deux minutes. C'était plutôt pas mal dans une telle situation. J'évaluai rapidement la marchandise se trouvant sur les trois agents et pris ce qui m'intéressait : un second flingue et des cartouches, ainsi que quelques bombes paralysantes aussi petite qu'une pièce de monnaie et une montre à découpage laser. Au lieu d'arpenter l'étage à la recherche d'ennemis, je décidai de suivre les coups de feu tel le petit poucet qui suit les mies de pain pour retrouver sa maison. Les détonations me menèrent un étage plus bas où se trouvait le centre de commandement. Le Strike avait probablement dû faire pas mal de victimes, car c'était l'une des salles à surveiller pour s'assurer que le projet Insight se déroule bien. J'étais désormais dans la cage d'escalier et je ne devais que pousser la porte pour me retrouver dans les couloirs, mais je discernai facilement la menace qui m'attendait. Une idée me vint alors en tête.
Je m'approchai de la porte qui devait me mener à un périlleux combat et lui donnai un coup considérable en plein milieu, la faisant voler jusqu'au bout du couloir. Au même moment, je me fis téléporter ailleurs dans l'étage. Distraire l'ennemi pour pouvoir le surprendre. Merci mes pouvoirs de me donner de telles possibilités. Comme je l'avais prédit, la plupart des troupes s'étaient rendues près de la cage d'escalier. Avec mon pouvoir de téléportation et mes armes blanches, j'avançai furtivement parmi mes ennemis que je mis à terre incognito sans éveiller aucun soupçon. Je ne me fis repérer qu'au moment où j'arrivai près du couloir que j'avais quitté une minute auparavant. Avant que des coups de feu ne retentissent, je pus envoyer quelques bombes paralysantes ce qui fit tomber un bon nombre d'agent d'Hydra. Mais pas tous, il devait rester une bonne dizaine d'ennemis. "Couper une tête, il en repoussera deux", telle était la devise d'Hydra et elle me semblait plutôt juste en ce moment. Combien pouvaient-ils être ? Comment le Shield avait-il pu être à ce point infesté ? Et pourquoi n'avons-nous rien vu ? Tant de questions qui allaient devoir rester sans réponse, car pour le moment j'avais d'autres choses auxquelles penser. J'allais passer à l'attaque lorsque des fortes détonations me firent sursauter. Je tournai la tête et m'approchai d'une baie vitrée qui donnait vers le cours d'eau qui entourait l'immeuble et vis les héliporters se tiraient dessus. Captain avait réussi. L'un des héliporters perdit ses réacteurs et s'écrasa dans l'eau. Les deux autres continuaient à se tirer dessus, mais bientôt l'un deux tomba à son tour. Le dernier commençait à perdre de l'altitude et s'approchait dangereusement de l'immeuble.
J'en avais oublié mes ennemis et fus surprise de ressentir une douleur dans mon bras droit. J'eus le temps de me retourner et de tirer sur mon ennemi, mais c'était trop tard : j'étais touchée au bras.
Je me mis à courir loin de ce monstre gigantesque, tuant deux adversaires au passage. Il me fallait sortir de là. L'ascenseur était à oublier. Les escaliers étaient la dernière option. Arrivée dans le couloir qui me menait à lui, je me souvins alors qu'il regorgeait d'ennemis qui m'attendaient. L'héliporter n'était plus qu'à quelques mètres et je me remis à courir vers le fond du bâtiment, délaissant l'option des escaliers. C'est arrivé au bout qu'une solution, pourtant évidente, se dévoila à moi. Comment avais-je pu être aussi bête ? Pourquoi n'avais-je pas pensé à la téléportation ? Probablement à cause du stress, de la douleur et de tout ce à quoi je devais penser. Je réunissais alors les forces qu'il me restait pour tenter une téléportation, mais la vue de ce géant d'acier ne faisait que me pétrifier. Je n'arrivai à rien. Je le voyais s'approcher et j'étais incapable de bouger le petit doigt. J'étais mortifiée par toutes ces émotions que j'avais ressenties ces derniers jours, par la peur d'une mort proche, par une colère que je ressentais envers mes pouvoirs qui m'abandonnaient et par ma blessure.
-Pitié, dis-je alors quelques secondes avant d'être touchée.
Je disparus alors, comme si une personne divine m'avait entendue et avait décidé de m'accorder mon voeu. J'apparus dans le Potomac, la rivière qui traversait la ville de Washington et qui se trouvait près de l'immeuble que je venais de quitter. Je rejoignis le bord qui n'hébergeait pas le Shield et regardais le spectacle effroyable : le bâtiment du Shield s'écroulait sous mes yeux horrifiés. Mais ce n'était pas qu'une structure faite d'acier que je voyais s'effondrer. C'était également toute ma vie entière. J'avais rapidement compris que le Shield ne serait plus, j'avais perdu ma maison, mon travail et il me serait difficile de pouvoir contacter mon seul ami. Je n'avais littéralement plus aucune vie et aucune idée de ce que j'allais bien pouvoir en faire.
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