Chapitre 21

Je pense qu'il est possible de vivre plus longtemps.

Quand la mort s'approche de vous, qu'elle vous frôle d'innombrables fois et que vous pensez toujours être sa prochaine proie, elle tourne le dos et s'éloigne silencieusement, attendant le bon moment pour revenir toujours plus menaçante, et un peu plus proche de son objectif à chaque nouvelle fois.

Elle plane au dessus de moi constamment, trouvant toujours une façon différente de me prendre la vie, puis s'en va, me laissant espérer survivre, encore.

Quand il n'y a plus d'espoirs, plus de force pour continuer, elle arrête sa chasse et laisse place à la vie.

Mais peut-être que je pourrais décider de mon sort, cette fois-ci ?

Mes parents sont morts de chagrin. Peu importe le nombre de personnes qui me diront que ma mère a succombé au virus comme toutes les autres femmes, je sais que la vérité est tout autre. Si elle était un peu plus courageuse, si elle avait cru un peu plus au retour de son fils, elle ne serait pas morte aujourd'hui. Elle vivrait encore dans l'optique de le revoir, un jour, passer la porte de la maison en disant « Je suis rentré ».

Mais elle ne le connaissait que trop bien. Elle savait qu'une fois le dos tourné, il ne reviendrait jamais sur ses pas. Est-il raisonnable de s'accrocher à une conception idyllique de la réalité où Blake serait la représentation par excellence du fils parfait, capable de ressentir assez de remord et de l'attachement pour sa famille pour revenir auprès d'eux, comme elle a toujours voulu qu'il soit ?

Je suppose que pour elle, non. C'est bien pour ça qu'elle est morte.

Je m'en veux de ne pas avoir été suffisante. J'espérais pouvoir combler le vide qu'il a laissé dans son cœur, mais rien ne pouvait remplacer l'amour qu'elle éprouvait pour son premier enfant. Et je ne lui reproche pas de ne pas avoir été assez courageuse, ni d'avoir abandonné, et encore moins de m'avoir abandonné. J'aurais dû me battre un peu plus pour qu'elle ne renonce pas. Seule, avec un mari insensible à ses malheurs et une fille impuissante, elle n'avait aucunement la force de continuer.

Il faut croire que c'est mon innocence qui m'a poussée à avancer. Maman, elle, savait déjà ce qu'il y avait en dehors de notre domaine. Elle pensait sûrement qu'il était perdu dans ce vaste univers impitoyable, et qu'elle ne le reverrait jamais. J'ignorais tout de cela. C'est avec l'expérience que mon espoir a commencé à flétrir.

C'est la raison pour laquelle je ne dois compter que sur moi-même pour aller de l'avant. Les facteurs extérieurs ne font que m'enfoncer d'avantage.

Ne suis-je pas entrain de faire le contraire de ce qu'elle a fait ? M'efforcer à penser aux bons moments pour ne rien lâcher ? Utiliser les souvenirs joyeux d'une famille unie pour faire barrière à la réalité hostile ?

« ... pas vrai ? »

Ma tête tourne brusquement vers sa direction.

« Quoi ? »

« D'où te vient cette inspiration ? »

Je fronce les sourcils.

« De quoi tu parles ? »

« Ce que tu as dit à Wilfrid, explique-t-il agacé, est-ce que tu y crois ? »

Je reporte le regard sur la route, laissant un court silence planer entre nous.

« Pas toi ? »

Une voiture roule à toute vitesse en sens inverse, passant rapidement près de nous avant de s'éloigner. Je relève la tête une fois qu'elle a disparu, fatiguée de devoir remettre mon masque constamment.

« Je n'en serais pas là si je n'y croyais pas. »

« Moi non plus. »

Le silence tombe de nouveau. Mais la conversation n'est pas terminée.

« Est-ce que j'ai le choix de faire autre chose ? Je ne peux plus me permettre d'écarts. »

Il est temps que j'arrête d'agir comme le gamin.

« Garde ça en tête. Ton heure n'est pas encore arrivée. »

Je me baisse vers mon sac déposé entre mes deux jambes, l'ouvrant pour en fouiller le contenu. La pochette où sont stockées les seringues est bien plus imposante, truffée de protection pour ne pas en casser une autre. Il me les a de nouveau confiées, puisque mon sac est constamment avec moi. Je déplie la pochette et regarde à l'intérieur. Seulement deux seringues. Je m'en suis injectée une il y a quelques heures, après avoir quitté Wilfrid. Nous ne nous sommes pas arrêté une seule fois, bien trop pressés pour des arrêts futiles. Enfin, ils le sont pour moi, mais Kad a besoin de repos, même si il ne l'avouera jamais.

« Non, pas encore, je souffle. »

Je ne lui ai pas dit, mais mon état ne s'est pas amélioré. En temps normal, l'effet du sérum est radical. Je me sens plus ou moins en forme pendant de bonnes heures, même si je sens que mon corps en redemande au bout de vingt-quatre heures. Cependant, comme le médecin l'avait dit, l'effet sera de moins en moins efficace. La dernière remonte à pas très longtemps, mais je me sens déjà engourdie et brûlante. Je ne dis rien pour autant. Il va déjà à une allure fulgurante tout en étant épuisé.

J'observe son visage pendant un instant. Il est un peu plus pâle, malgré son teint réchauffé par le soleil constant du désert. Plus le temps passe et plus ses cernes noircissent considérablement. Malgré tout, son expression reste stoïque. Il ne se plaint pas de la fatigue et agit comme si il avait toute son énergie.

« Arrête ça. »

Je détourne les yeux, ignorant son regard noir.

« Tu as mauvaise mine. »

« T'es mal placée pour dire ça, il renchérit. »

En effet, mon visage s'est peu remis de ma mésaventure à Vegas. Seulement deux jours sont passés entre temps. J'ai pourtant l'impression que c'est déjà un lointain souvenir. Les événements se sont enchaînés trop vite pour que je prenne le temps d'y repenser. Et c'est bien mieux ainsi. Alors que le voyage pour la Base s'était étalé sur des jours et des jours qui sont passés rapidement, celui là me semble interminable.

Mais peu importe. Comme Kad l'a dit, mon état n'est pas mieux que le sien. Ma maladie a rendu mon teint fade et sans vie, le peu de couleurs que j'ai pris au désert ne se voient même plus. Mes yeux sont constamment injectés de sang, et les quelques hématomes sur mon visage ne semblent pas vouloir disparaître. Le virus affaiblit mon système immunitaire, ce qui veut dire que je vais rester défigurée jusqu'à avoir le remède. Super. Être couverte n'est pas plus mal.

« Vexée ? »

Je grogne de mécontentement.

« Pas pour si peu. »

« T'es sûre ? Tu m'as prouvé le contraire à multiple reprise, pourtant. »

« Ce que tu considères comme étant vain ne l'est pas forcément pour tout le monde, Kad. »

Je ferme les paupières, sentant une migraine se manifester. Je dois rester éveillée. Il n'a pas l'air de se plaindre de la solitude, mais vu son état, je peux peut-être l'aider à rester éveillé.

« Kad ? »

« Mh ? »

« Comment tu as connu Wilfrid ? »

Cette question plane depuis un moment dans mon esprit. J'ai toujours voulu lui demander, mais je n'ai jamais trouvé le bon moment pour le faire sans attirer ses foudres.

Il se tend légèrement, voulant sûrement éviter cette conversation. Néanmoins, il y répond quand même.

« Tu te souviens quand je t'ai dit que Reese et moi nous sommes des amis d'enfance ? »

Je hoche la tête.

« Wilfrid est son demi-frère. »

Cette information me paralyse momentanément. De toutes les nouvelles, je ne m'attendais pas à celle-ci.

« Tu dois te poser pleins de questions, soupire-t-il, mais c'est assez compliqué. Toutes les relations fraternelles le sont, pas vrai ? »

Je ne peux que confirmer. Hung et Luan, Blake et moi, maintenant Reese et Wilfrid, et même Kad et son mystérieux frère, détail que j'avais oublié.

« Reese et moi étions très proches. On traînait toujours ensemble, malgré la différence d'âge. Mais avec Wilfrid, c'était différent. Quand la mère de Fred s'est marié au père de Reese, ils ont déménagé près de chez moi. Le père de Reese, Andrew, était un homme respectable aux yeux de tous. Serviable, souriant, chaleureux, il était aimé par tout le quartier, et les gens ne cessaient de vanter ses mérites. »

Son regard change, perdu à l'horizon, comme si les scènes du passé se rejouaient devant ses yeux.

« Mais ça n'était qu'une façade, il continue, la voix un peu plus sombre, En réalité, Andrew avait un tempérament colérique, et il se défoulait sur le seul individu assez faible pour ne rien dire. »

« Wilfrid, soufflé-je. »

Il acquiesce par un son puis continue.

« On ignorait tout. On pensait juste que c'était un enfant bizarre et asocial, mais on était juste innocent. Il n'aimait pas se mélanger à nous, ce qui était réciproque, et c'est resté ainsi jusqu'à l'adolescence. »

« Il se faisait maltraiter pendant toutes ces années et n'a jamais rien dit ? »

« Non, sa mère l'a compris, au bout d'un moment. Son beau-père ne cachait même plus sa haine envers lui, le chassant de la maison pendant quelques nuits. C'est les seuls moments où Reese était solidaire en lui ramenant à manger ou de quoi se réchauffer, mais il n'acceptait jamais, remballant son aide et sa pitié. Et puisqu'il n'en voulait pas, Reese a arrêté de faire des efforts. »

« Et qu'est-ce que sa mère a fait ? »

« La même chose que Reese. Sauf qu'elle l'a laissé tombé par pur égoïsme. »

Un frisson court le long de ma peau. La seule personne pouvant le sortir de ce cauchemar l'a abandonné à son triste sort.

« Elle lui a fait clairement comprendre qu'il la gênait dans son bonheur et qu'elle n'allait pas s'embarrasser d'un problème en plus. Voyant que l'aider ne faisait que créer des disputes, elle a laissé Andrew faire de lui ce qu'il voulait. »

« Et son vrai père ? »

« Il ne l'a jamais connu. Il a abandonné sa mère quand il a apprit qu'elle était enceinte. Ce qu'elle lui a d'ailleurs reproché. »

« Pourquoi ça serait de sa faute ? »

Il hausse les épaules.

« Il y a certaines choses qu'on ne peut pas comprendre. »

Wilfrid a vécu une enfance misérable. Il n'étais pas désiré, il se faisait rejeter par sa propre génitrice, et par tous les autres. Il a fini par fuir et s'enfermer sur lui-même.

Et c'est le cas aujourd'hui, encore.

« Au lycée, Fred s'est mis à traîner avec des gens pas fréquentables du tout. Il s'est mis à consommer toute sorte de drogues et à boire énormément. Il passait ses nuits dans des usines désaffectés avec ses nouveaux potes, faisant je ne sais quoi. Et un jour, on l'a récupéré à l'hôpital. Il avait frôlé la mort. Reese en a eu marre et a décidé de prendre les choses en main. »

Un bref sourire réchauffe son visage terne.

« J'étais toujours au collège, étant le plus jeune, mais ça ne les empêchait pas de toujours m'entraîner dans leurs conneries. Depuis ce jour là, Reese et Wilfrid ont renforcé leur lien. Reese le défendait à la maison, dans la rue, l'aidait à s'intégrer et à s'ouvrir aux autres. Même quand il est allé à l'université, il ne l'a jamais lâché, revenant toujours pour nous impliquer dans ses plans de merde. »

Son sourire s'évanouit et le regret prend place.

« Quand je t'ai dit que Reese et moi avions fondé la Base, c'était vrai, mais j'ai omis de préciser que Wilfrid l'a bâti avec nous, je me tourne vers lui, choquée par cette autre nouvelle, Les murs sont fins, là-bas. Son nom doit être éradiqué. »

Le silence retombe. Si je comprends bien, Reese et Wilfrid se sont toujours connus, et ont même été proches pendant des années et des années. Alors... qu'est-ce qu'il s'est passé pour que Reese le haïsse autant aujourd'hui ?

« Tu peux me le demander. »

Je sursaute légèrement, interrompue dans mes pensées. C'est la réelle question que je me pose, mais j'ai peur de déterrer de malheureux souvenirs.

« Pourquoi tout le monde veut le voir mort ? »

Tout le monde sauf toi.

Ses mains serrent le volant, cette question visiblement plus compliquée qu'il n'y paraît. Aucune hypothèse ne serait assez plausible. Avec ce qu'il vient de me raconter, j'ai du mal à savoir ce qui pourrait pousser Reese à le condamner à mort. Et puis, si Wilfrid était vraiment coupable, Kad le haïrait aussi. Sauf que ce n'est pas le cas ! Rien ne concorde. C'est le premier à être révulsé par les traîtres et les menteurs, mais son propre meilleur ami en est un.

Je pourrais lui poser toutes ces questions, mais je l'ai assez forcé à remuer dans son passé pour continuer à le torturer. Je n'ai rien à voir dans cette histoire. Je veux savoir seulement pour apaiser ma curiosité, rien de plus, et me dire ça me pousse encore moins à vouloir demander. De ce que j'ai pu voir, Wilfrid est quelqu'un de très sympathique. Il a été très patient avec moi quand je suis venue déguisée en gamin. Il me fait beaucoup penser à Hung. Aussi conscient et sage que lui. Du moins, c'est le cas maintenant. Mais Je suis sûre que ce que Kad cache ne va pas me faire haïr Wilfrid, ni lui d'ailleurs.

« Tout allait bien. Nous dirigions la Base d'une main de fer. Il n'y avait aucun écart, tout le monde était très sérieux et aucun signe de rébellion ou autre. L'ennemi se manifestait rarement, et quand il le faisait, on s'en débarrassait très rapidement. J'allais quelque fois faire mes tours habituels, toujours accompagné de Fred, et on laissait Reese s'occuper de la Base. On lui a volontairement laissé le titre de chef, car sur ce point, on se ressemblait bien Wilfrid et moi: moins il y a des responsabilités, mieux on se porte. De plus, c'est le plus âgé d'entre nous. »

Il hésite un peu plus, pesant sûrement le pour et le contre.

« Tu n'es pas obligé de me le dire. »

« Non, refuse-t-il immédiatement, Tu as le droit de savoir. »

« L'histoire ne me concerne pas, dis-je confuse. »

Il ne répond pas, serrant le volant un peu plus fort. Un sentiment de gêne me prend, consciente que je suis à l'origine de son état. Je ne voulais pas aller aussi loin. Mon objectif premier était de le tenir éveillé.

« Deux ans après, les choses ont commencé à se corser. Les attaques se multipliaient, et on perdait énormément en effectif. Nos plus fidèles alliés mourraient un à un, et Reese devenait de plus en plus fou à force d'enterrer ses proches. Et puis un jour... »

Il marque une pause, la tension étant de plus en plus forte. Nos regards sont perdus au loin, fixant d'un air absent, une voiture qui arrive dans notre direction.

« On a découvert que l'ennemi avait les plans de la Base. »

« Les plans ? »

« Pendant une bataille, si un des deux camps met les mains sur les plans du camp adverse, celui-ci est condamné à tomber, il explique, Tous les lieux stratégiques comme les coffres forts, les entrées, les sorties, les placements des caméras, les passages secrets, absolument tout était dans ces plans. Et on a perdu énormément en les laissant tomber entre les mains de l'ennemi. »

Connaissant Reese et sa paranoïa, il est difficile d'imaginer quelqu'un réussir à mettre la main sur un tel trésor sans qu'il s'en rende compte pendant des mois. Ou peut-être que c'est ces événements qui l'ont rendu comme ça ?

« Et c'est là que Reese a perdu la tête. Il a juré que si il ne retrouvait pas le coupable, il ferait sauter la base et tous les soldats qui vont avec, lui y compris. Il préférait se suicider plutôt que succomber aux attaques de l'ennemi. En particulier des Pitbulls. »

Petit à petit, les pièces du puzzle se forment, dessinant une image plus concrète de la situation. Automatiquement, la suite me paraît logique.

« Alors, Wilfrid s'est dénoncé, clamant haut et fort qu'il l'a fait par lâcheté. »

Mon souffle reste bloqué dans ma gorge et ma tête se met à tourner dangereusement. C'est pour ça qu'il est méprisé par les siens. Ses actes ont entraîné la mort de centaines et centaines d'hommes. Kad et Reese ont dû enterrer leurs amis à cause d'un acte de lâcheté, causé par leur propre meilleur ami. Mais malgré tout, je n'arrive pas à le haïr, car je sais que Kad a une raison de continuer à croire en lui.

« Alors... pourquoi est-ce que tu continues de l'aider ? je demande avec une voix lourde de doute. »

L'atmosphère devient pesante. Elle glisse autour de ma gorge, lente et hostile, resserrant son emprise au fur et à mesure, en laissant une sensation glaciale me parcourir le corps. Mes yeux craintifs de la vérité pivotent tout doucement vers le pare-brise, fixant un point aléatoire dans le décor extérieur, tombant sur la même voiture qui continue de s'approcher de nous.

Le silence n'a jamais été aussi bruyant.

« Parce que... je sais qui l'a vraiment fait. »

Et soudainement, le monde se met à trembler.

Une myriade d'étincelles orangées fusent dans tous les sens, envoyant des morceaux calcinés à des mètres de nous. La voiture qui arrivait vers nous vient d'exploser en milles morceaux.

Je regarde Kad et vois ses paupières s'écarquiller au ralenti. Il réagit, tournant le volant brusquement, mais tout me semble plus lent. Je me sens vaciller sur le côté, puis dans tous les sens lorsque la voiture descend de la route pour s'enfoncer dans la terre au bord de la forêt. D'un coup, la voiture entre en collision avec un obstacle, m'envoyant vers l'avant. Le pare-brise éclate, envoyant une pluie de verre sur mon visage déjà amoché. J'ai juste le temps de fermer les yeux brièvement, avant de les ouvrir de nouveau lorsque je sens la ceinture m'étrangler. Et tout aussi rapidement, la ceinture me renvoie en arrière, cognant mon crâne contre le siège.

Seulement quelques secondes passent, mais le temps semble être mis en pause.

« Est-ce que tu as peur, Erin ? »

Oui, maman.

« De quoi as-tu peur, Erin ? »

De ce que papa me raconte.

« Dis moi ce que c'est, Erin. »

Des méchants vont venir me chercher.

« Pourquoi ? »

Parce que j'ai été une vilaine fille.

« Pourquoi ? »

Parce que j'ai désobéi à maman et papa.

« ...lle toi. »

« Comment ? »

Je suis partie.

« Tu veux te faire pardonner, Erin ? »

« ...debo... »

Oui.

« Alors... »

« RÉVEILLE TOI. »

Mes paupières s'ouvrent brutalement et mes poumons s'activent de nouveau, me permettant de prendre de grandes bouffées d'oxygène. Mes yeux en trouvent deux autres inquiets et alarmés. Un bref coup d'œil m'informe que nous sommes toujours dans la voiture. Kad est déjà de mon côté du véhicule, la portière grande ouverte.

« Dépêche toi, on doit s'éloigner d'ici ! »

Il me tire du véhicule, prenant mon sac avec lui. Je cligne plusieurs fois des yeux pour me ressaisir et m'agrippe à la main qu'il m'offre pour me mettre à courir. On longe le bord de la route tout en s'éloignant, mais un élément m'attire. Au milieu du chemin goudronné, un morceau de voiture calciné, plus gros que les autres, porte une forme assez singulière. Plus on s'approche et plus la forme devient nette.

Ce n'est pas un morceau de la carrosserie. C'est un être humain.

Sa peau arraché et rougie par les flammes me rappellent de mauvais souvenirs. Ses globules vides de vie semblent me fixer pour l'éternité. Une scène qui est sinistrement familière. 

Je sens mon corps être propulsé vers l'avant et mon visage rencontrer la surface rugueuse de la route. Kad me protège de son corps alors qu'une seconde explosion a lieu. Heureusement, nous sommes assez éloignés pour éviter les plus gros morceaux.

Après quelques minutes, il se relève, s'asseyant à même pour le sol pour constater les dégâts. J'en fais de même, le corps engourdi par tous ces événements. Notre voiture a foncé dans un arbre, et maintenant, il n'en reste qu'une carcasse brûlée. 

Mon accompagnateur se relève, jurant plusieurs fois. 

« Si proche du but, dit-il entre ses dents serrées. »

Je reste assise au sol et m'empare de mon sac. Je trouve rapidement la pochette et l'ouvre avec douceur pour limiter la casse. Mes épaules se détendent quand je constate que les deux seringues sont intactes. Je les roule de nouveau et les cache, puis me relève.

« Pourquoi tu as tourné ? »

Il soupire et tend le doigt plus loin sur la route.

« Le chemin est parsemé de mines. Si l'autre voiture n'était pas passée, on serait tous les deux morts. Regarde. »

Il me fait signe d'observer la surface, mais je ne vois rien d'inhabituel.

« Ces mines sont souterraines, il pointe une crevasse que je n'avais pas remarqué jusque là, formée par l'explosion et positionnée sous la première voiture, Un capteur invisible sur la surface les fait exploser. Je ne sais pas qui les a mis là, mais on va devoir être plus prudents. »

« Et comment on va faire, maintenant ? »

Son regard alterne entre la route et la forêt, avant de se tourner vers cette dernière. Il met son sac sur une épaule et me fait signe de le suivre.

« La ville ne devrait plus être très loin. On va marcher jusque là-bas. »

« En passant par les bois ? je m'exclame, Tu penses pouvoir te retrouver à l'intérieur ? »

« Border la route est une mauvaise idée. Qui sait si quelqu'un a placé d'autres pièges ? Il vaut mieux s'enfoncer à l'intérieur plutôt que de tomber sur des personnes indésirables. De plus, le chemin sera plus court si on coupe directement. »

Peu convaincue, je le suis tout de même, pénétrant dans les lieux sombres de la forêt.

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