K. Le destin de l'Empire - sixième partie

Parcouru de traînées de poussière et de cendres, le ciel de Terranie n'était plus qu'une oeuvre torturée. Des débris brûlants venaient parfois balafrer cette toile, un écho assourdi de la terrible bataille qui s'était livrée à la fois en orbite et au sol.


Adossée à un rocher, Red baissa les yeux vers la colonne de véhicules qui avançait paresseusement dans l'immensité du paysage désertique. Il s'agissait d'engins à chenilles destinés aux mines, rustiques et solides. Les rares navettes disponibles étaient réservées aux nombreux blessés et aux secours en orbite, alors le commandement envoyait ce qu'il pouvait pour rassembler ses unités.


La sous-of évalua mentalement le temps que mettrait encore le convoi à rejoindre le bas de la colline et se leva sans hâte. L'adrénaline du combat avait reflué depuis un moment déjà mais elle n'avait pas encore mal; elle se sentait seulement vidée.


-Détachement Bravo, on descend rejoindre les véhicules! lança-t-elle dans son communicateur. Gardez les yeux ouverts et les flingues prêts à tirer.


Des acquiescement lui répondirent et elle vit ses hommes quittaient leurs positions pour aller à la rencontre du convoi.


Après le vacarme de la bataille, tout semblait étrangement calme. Le vent, une pierre qui roulait parfois et la rumeur lointaine des moteurs... Loin de se calmer, Red sentait au contraire tous ses sens s'aiguiser en cherchant une menace qu'elle s'inquiétait de ne pas trouver.


Les véhicules avançaient plus vite qu'on aurait pu le croire vu l'immensité désertique du paysage. Changeant lourdement de trajectoire le convoi tournait pour faire demi tour et repartir dès que le détachement aurait embarqué.


À une centaine de mètres, Red vit les soutes s'ouvrir et des soldats descendre rapidement de certains véhicules. Elle fronça les sourcils en constatant qu'ils pointaient leurs armes vers l'intérieur de leurs propres transports avant de comprendre.

Certains véhicules transportaient une trentaine de prisonniers pirates. À peu près aussi nombreux les thrawniens aboyaient des ordres, mettant rapidement leurs "passagers" sur une longue ligne, à genoux et mains sur la tête.


Red ralentit, fixant les prisonniers avec mépris. Ils ressemblait à ceux qu'ils avaient affronté au point d'atterrissage et dont elle avait vu les cadavres; la plupart étaient blessés, et leurs tenues ressemblaient moins à des uniformes qu'à des combinaisons auxquelles on avait hâtivement greffé des porte-chargeurs. Sans doute des matelots transformés en soldats après le crash de leurs vaisseaux.

Certains fixaient le sol mais d'autres laissaient différents sentiments passer sur leurs traits, parfois en même temps; colère, découragement, peur.


Un officier s'avança à la rencontre de son unité et Red le salua.


-C'est vous le détachement Bravo? demanda-t-il.

-Oui capitaine.


Il hocha la tête, balayant ses hommes du regard.


-J'ai entendu que vos gars en avaient bavé.

-On en a fait baver encore plus à l'ennemi monsieur. Votre convoi transporte beaucoup de prisonniers, observa-t-elle.


Le capitaine émit un grognement méprisant.


-Ils se sont rendus après le bombardement. Le commandement ne voulait pas qu'on les liquide devant les officiers terraniens, question d'image. Je suppose qu'on est assez loin maintenant; finissons-en et cassons nous de cette planète.


Il s'avança vers les prisonniers.


-Votre attention! lança-t-il d'une voix sonore, détachant chaque mot. Par ordre du grand amiral thrawn, seigneur de l'Empire de Nirauran et protecteur de la Triplice, vous êtes tous condamnés à mort pour piraterie, attaques contre les forces impériale...


Un prisonnier bondit soudain sur ses pieds et piqua un sprint, s'éloignant en courant. Deux soldats thrawniens l'alignèrent aussitôt et l'abattirent avant qu'il ait fait vingt mètres. Son corps s'effondra dans la poussière.


Red avait l'impression de le voir tomber au ralenti. Une autre scène se superposait à celle là dans son esprit; une autre guerre, des années plus tôt sur une planète très loin d'ici. Des corps dérivant au gré des vagues rougies de sang. Tellement de corps...


-... Attaques contre les forces impériales et appartenance à une organisation criminelle, reprit le capitaine. En joue!


Les soldats levèrent leurs armes comme un seul homme. Face à eux les pirates semblaient soudain paralysés. Terrifiés. 

La sergent ne les voyait plus. C'était ses hommes agenouillés agenouillés là sur Dalun VI durant la guerre des Libérateurs, prisonniers des soldats Siths et sur le point d'être abattus. Exactement comme eux. Elle revoyait Hanson s'effondrer, ses yeux fixant le vide.


-Arrêtez! cria-t-elle.


Son corps avait réagit avant le reste de son cerveau. Le capitaine se tourna vers elle; ils portaient tout deux un casque, mais son visage devait autant exprimer de surprise que le sien en découvrant qu'elle braquait son fusil sur lui.


-Qu'est-ce que vous foutez sergent? demanda-t-il d'une voix coupante.


Ses propres hommes étaient aussi stupéfaits qu'elle. Plusieurs soldats du convoi les avaient mis en joue indistinctement, se détournant de leur première cible.


-Vous menacez un officier supérieur, déclara le capitaine d'un ton étrangement calme.


Red s'entendit répondre:


-Je ne vous menace pas, je vous informe que si tuez ces prisonniers je vous explose la tête... Monsieur.


Ce dernier qualificatif respectueux lâché par réflexe avait quelque chose de presque comique si la situation n'avait pas été si mortellement dangereuse.

Une goutte de sueur coula le long du front de la jeune femme. Plus grand monde ne se préoccupait des pirates prisonniers  qui s'étaient heureusement figés, conscients que le moindre geste pouvait précipiter leur mort.


-Déconnez pas sergent, lança la voix de son caporal Jaxen derrière elle. Ils le méritent de toute façon.


Il avait raison. C'était des ennemis. Si les rôles avaient été inversés l'auraient tuée sans hésiter. Elle avait perdu des hommes à cause d'eux. Alors pourquoi elle faisait ça?


-Sergent, baissez immédiatement cette arme, gronda le capitaine.


Elle raffermit sa prise sur son fusil, le cerveau en ébullition. C'était une décision stupide. Tout ce qu'elle avait à faire c'était détourner le regard. Partir de cette foutue planète et oublier. Ouais elle devrait pouvoir faire ça.


Le canon de son arme commença à descendre.


Cette blague. Elle n'oublierait pas, jamais. Trop de carnages... Combien encore avant que son cerveau parte en morceaux? Il déconnait déjà. Mais que pouvait-elle faire pour l'empêcher?


-Le chevalier Atorias a interdit le meurtre des prisonniers de guerre, lâcha-t-elle d'une voix mal assurée, son canon pointé vers le sol.

-L'Empereur a condamné à mort tous les pirates qui nous affronteraient, répondit le capitaine d'un ton sans réplique...


Sentant le vent tourner, un pirate bondit sur un des thrawniens qui braquait son arme vers Red, tombant au sol avec lui. Une rafale partit et siffla près du casque de la jeune femme; elle réagit par réflexe; son arme se leva et trois décharge laser frappèrent le prisonnier qui voulait s'emparer du fusil. Le dernier impact le frappa en pleine tête projetant son cadavre en arrière.


Ses camarades se tournèrent aussitôt vers les pirates qui faisaient mine de se lever, aboyant des ordres; le premier tir entraîna les autres. De longues rafales résonnèrent noyant les cris.


En moins de cinq secondes tout fut terminé. Cinq interminables secondes.


-Désarmez la et mettez la aux arrêts! ordonna le capitaine en désignant Red.


Elle ne l'entendit même pas, fixant les corps criblés d'impacts brûlants là où les décharges des fusils laser avaient pénétré.

Le reste était flou. Une mêlée brève et violente, des coups donnés et reçus avant de finir au sol.


Son casque avait roulé dans le sable.


-Arrêtez ça Sergent, gronda Jaxen qui la maintenait au sol par une clé solide.


Pour toute réponse elle tenta de se dégager en tentant de lui asséner un coup de coude, en vain.


-Lâche moi! cria-t-elle.

-Désobéissance au combat, menace sur un officier... lâcha le capitaine. On va s'épargner une cour martiale. Un dernier mot sergent?


Elle poussa un cri de rage, essayant à nouveau de se dégager.


-Capitaine, c'est pas... Putain arrête de bouger toi! Vous pouvez pas l'exécuter! C'est le stress du combat vous voyez bien qu'elle a pété les plombs!


Jaxen soufflait comme en bœuf, aidé par trois autres soldats. Le souffle coupée et écrasée par le poids de ses adversaires, Red sentait sa vision se troubler. Elle ne pensait plus, se contentant de lutter par réflexe jusqu'à perdre connaissance.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top